25.
Quelles étaient les menaces que
Dieu faisait
au peuple d'Israël en cas qu'il s'éloignât des préceptes,
et des ordonnances que le Seigneur lui avait donnés par ses envoyés
?
C'est qu'il serait déçu dans toutes ses espérances;
c'est qu'il bâtirait des maisons, et qu'il ne les habiterait point,
c'est qu'il épouserait des femmes, et que des étrangers
les déshonoreraient, c'est qu'il aurait des fils et des filles
et qu'il ne les élèverait point, c'est qu'il planterait
des vignes et sèmerait des champs et qu'il n'en recueillerait
point les récoltes.
Mais quelles sont au contraire les promesses que
Dieu a faites à ce même peuple, s'il a soin de demeurer fidèle
à sa loi ? Les voici (
Deutéronome 6:10) :
Le Seigneur,
votre Dieu vous fera entrer dans la terre qu'il a promise avec serment
à vos pères Abraham, Isaac et Jacob, et il vous donnera
de grandes, et de très bonnes villes que vous n'aurez point fait
bâtir, des maisons pleines de toutes sortes de biens, que vous n'aurez
point fait faire, des citernes que vous n'aurez point creusées,
des vignes, et des plants d'oliviers que vous n'aurez point plantés.
Pourquoi de si grandes promesses sont-elles attachées
à la
fidélité des Juifs à observer sa loi
? C'est que sa loi est le
fruit, et l'
esprit de son nom, et c'est que
son nom est le
fruit, et l'
esprit de son
essence ; or, que pouvons-nous
connaître qui attire plus son action suprême sur nous, que ne le fait
sa propre
essence ? Il nous donne donc la
clef de son
amour quand il
nous dit partout dans les écritures, qu'il se souviendra des
tribus d'Israël à cause de son nom, qu'il ne perdra point de
vue Jérusalem parce que son nom a été invoqué
sur elle ; enfin qu'il ne permettra point que son nom soit méprisé
par les nations, et qu'il déploiera toute sa puissance pour le
venger des insultes qu'il aura reçues.
Mais parmi toutes les
nations en est-il
une qui porte en elle plus
éminemment que l'homme le nom de ce
Dieu suprême ? Et parmi les hommes, en est-il d'autre que le nouvel
homme qui puisse être susceptible de manifester la gloire, et les avantages
attachés à ce puissant privilège ? C'est donc en
lui que nous devons apprendre à en admirer le merveilleux caractère.
En effet, nous ne craindrons point de nous égarer en lisant,
dans ce nouvel homme, la marche que le peuple hébreu a suivie
lui-même sous les yeux de la suprême sagesse qui l'a arraché
des mains de ses
ennemis par des prodiges, et des signes si extraordinaires.
Bien plus, regardons ce nouvel homme comme l'organe
de la parole divine, par lequel elle veut se communiquer aux nations
; regardons-le comme cet
ange qui transmettait à Moïse sur
la
montagne du Sinaï les lois du Seigneur, afin que le peuple fût
instruit des ordonnances divines, et qu'il apprit, en les
observant,
à diriger ses pas vers la sagesse, et à rentrer dans les
voies de sa primitive origine.
Oui, nouvel homme, nous pouvons voir en toi la
montagne du Sinaï tout entière, avec toutes les merveilles
qui s'y sont passées. Nous pouvons voir à ta naissance
miraculeuse, ce lieu sacré se couvrir de nuages célestes
d'où sortent des
feux, et des éclairs ; nous pouvons voir
les
animaux trembler à cet aspect et
le peuple lui-même
n'oser en contempler l'éclat, et te prier, comme les Hébreux
prièrent Moïse, de voiler ta face pour ne pas les éblouir
; nous pouvons te voir demeurer seul pendant quarante
jours sur cette
montagne, pour y recevoir tous les degrés de ton ordination dans
la loi temporelle ; nous pouvons te voir recevant de
Dieu les préceptes
du
Décalogue, et nous les exprimer par ton
essence même encore
plus que par ta parole ; nous pouvons t'entendre nous dire au nom de
ce
Dieu, dont tu as seul approché :
"Je suis le Seigneur votre
Dieu qui vous ai
tirés de l'Egypte, de la maison de servitude,
Vous n'aurez point des
dieux étrangers devant
moi,
Vous ne vous ferez point d'images taillées,
ni aucune figure de ce qui est en haut dans le
ciel, et en bas sur la
terre, ni de tout ce qui est dans les
eaux sous la terre,
Vous ne les adorerez point, et vous ne leur rendrez
point le souverain culte. Car je suis le Seigneur votre
Dieu, le
Dieu
fort et jaloux, qui venge l'
iniquité des pères sur les
enfants jusqu'à la troisième et quatrième
génération
dans tous ceux qui me haïssent,
Et qui fais
miséricorde dans la suite de
mille
générations à ceux qui m'aiment, et qui gardent
mes préceptes,
Vous ne prendrez point en vain le nom du Seigneur
votre
Dieu, car le Seigneur ne tiendra point pour innocent, celui qui
aura pris en vain le nom du Seigneur son
Dieu.
Souvenez-vous de sanctifier le
jour du sabbat.
Vous travaillerez durant six
jours, et vous y ferez
tout ce que vous aurez à faire.
Mais le septième
jour est le
jour du repos
consacré au Seigneur votre
Dieu. Vous ne ferez en ce
jour aucun
ouvrage, ni vous, ni votre fils, ni votre fille, ni votre serviteur,
ni votre servante, ni vos bêtes de service, ni l'étranger qui
sera dans l'enceinte de vos villes.
Car le Seigneur a fait en six
jours le
ciel, la
terre et la mer, et tout ce qui y est enfermé, et il s'est reposé
le septième
jour. C'est pourquoi le Seigneur a béni le
jour du sabbat, et l'a Sanctifié.
Honorez votre père et votre mère,
afin que vous viviez longtemps sur la terre que le Seigneur votre
Dieu
vous donnera.
Vous ne tuerez point.
Vous ne commettrez point de fornication.
Vous ne déroberez point.
Vous ne porterez point
faux témoignage contre
votre prochain.
Vous ne désirerez point la maison de votre
prochain. vous ne désirerez point sa femme, ni son serviteur,
ni sa servante, ni son buf, ni son âne, ni aucune de toutes les
choses qui lui appartiennent."
Telles sont en effet les lois, et les commandements
que le nouvel homme trouve en lui-même, au moment de sa naissance ;
et il les prononce avec tant de
force et tant d'éclat à
toutes les substances de son être, qu'il devient, pour lui-même, l'effroi
de tout ce qui n'est pas conforme à la justice, et le premier
organe de la gloire qui est due au Seigneur, comme étant le principal
ministre, et le plus zélé défenseur de son culte.
Dès ce moment, ce nouvel homme devient chargé
de la conduite de son propre peuple qui est lui-même ; il va être chargé
d'ordonner
les Lévites et les prêtres qui auront l'emploi
d'immoler les victimes, et de couvrir
l'autel des sacrifices.
Il va être chargé de bâtir l'arche d'alliance
conformément au plan qui lui en a été montré
sur la
montagne ; c'est-à-dire, conformément à
ces bases radicales et fondamentales, qu'il a reçues de la main de l'
Esprit
divin, en même temps qu'il a puisé en lui son existence.
Il va être chargé de la direction de toute
l'armée d'Israël, pour la faire tantôt camper autour de l'arche
d'alliance, et tantôt marcher
contre les ennemis du Seigneur.
Il va être chargé de veiller à la
subsistance du peuple aussi bien qu'à sa sûreté et à
sa défense ; et quand il verra son peuple se livrer à
l'incrédulité, il invoquera l'Eternel, et fera en ce nom
puissant couler
l'eau du rocher devant les yeux
des incrédules.
Il va être chargé de livrer une guerre sanglante
à tous les peuples qui s'opposent dans lui à son
avancement, et à ses progrès.
Il va être chargé d'exterminer
l'armée
des Amalécites et des Amorréens, non point avec des
armes fabriquées de la main des hommes, mais avec les armes sacrées
qu'il porte dans son
essence, et en élevant les mains de son
âme vers l'Eternel.
Il va être chargé de punir
le peuple
qui aura écouté la voix de
Balaam, et des
faux prophètes
; il pourra précipiter dans l'abîme, ceux du peuple qui auront
été assez
impies pour oser offrir un encens étranger.
Il va être chargé de recevoir, de dessus
le propitiatoire, les oracles du Seigneur, pour l'administration de
son culte, et pour les
jugements du peuple.
Il va être chargé de faire parcourir la
terre promise par des envoyés qu'il prendra parmi le peuple et
de lui raconter, par l'organe de ces envoyés, toutes les merveilles
qu'elle renferme.
Il va être chargé de renouveler l'alliance
que l'Eternel a faite autrefois avec le peuple, et de lui rappeler les
malédictions qui le menacent, s'il n'est pas fidèle à
la loi du Seigneur, de même que les bénédictions qui l'attendent,
s'il prend confiance dans les préceptes de l'Eternel.
Mais il ne sera point chargé d'introduire
le peuple dans la terre promise; l'ordination qu'il a reçue ne lui permet
que de l'accompagner dans les déserts, et pendant ses quarante-deux
campements ; son uvre particulière se terminera donc en-deçà
du
fleuve où se trouve en figure la borne de notre loi temporelle
; et là, il rentre dans l'ordre du peuple pour être introduit
avec ce même peuple, par une autre main, dans le règne figuratif
de la loi spirituelle, qu'il va trouver également en lui, en
attendant qu'il y découvre le règne figuratif de sa loi
divine.
26.
Homme de paix, homme de désir, combien de
fois ne t'es-tu pas oublié dans des occupations frivoles et
illusoires,
qui prenaient à tes yeux tellement l'apparence de la réalité,
qu'elles effaçaient pour toi jusqu'à la
passivité
du temps ! Pourquoi ne pourrais-tu espérer la même jouissance,
et la même victoire sur le temps, en t'abandonnant à la culture
d'un objet réel, et dont les traces peuvent survivre à
la puissance corrosive de tous les siècles ? La différence
que tu y trouverais, c'est que ces objets
illusoires te laissaient encore
dans un plus grand vide, et dans les plus grandes ténèbres
après que leur charme était passé ; au lieu que
les objets réels prolongent leurs douces
influences, longtemps
après que leur action s'est approchée de toi.
En voici la raison. Tu es toi-même un être réel,
et qui tient, sans aucun doute le rang le plus distingué parmi
les réalités émanées ; lors donc que tu
uses des droits de ton être, et que tu essaies d'en développer
les privilèges, tu te lies par là à d'autres réalités
supérieures à toi pour un temps, plus libres que toi parce
qu'elles n'ont point été coupables et ne subissent point
d'
expiation, enfin plus élevées que toi au-dessus de ce
temps qui fait ton supplice, et qui te sert de prison. En te liant à
elles, tu te lies en même temps à leur
liberté selon tes
forces, selon tes degrés de régénération,
et selon les mesures de
miséricorde qui te sont accordées.
Ainsi donc en te liant à elles, elles te saisissent, et te font
planer avec elles dans ces cercles spacieux, où tu trouves les
voies si douces, puisqu'il ne s'y rencontre aucun obstacle, et que tout
y est plein de lumière.
C'est ainsi qu'
Ezéchiel, uni à une
de ces réalités, se transporte de Babylone à Jérusalem
pour y voir les abominations que les
prêtres commettaient dans le temple,
et les effrayer ensuite par les terribles menaces de la justice du Seigneur;
c'est ainsi qu'
Habacuc, uni à l'une de ces réalités,
se transporte à Babylone pour porter de la nourriture au prophète
Daniel ; c'est ainsi que Philippe, uni à l'une de ces réalités,
est transporté sur le chemin de l'
eunuque de la reine d'Ethiopie,
pour lui dessiller les yeux de l'
esprit des écritures saintes.
C'est ainsi que
saint Paul, uni à l'une de ces réalités,
est transporté au troisième
ciel où il entend des
choses
ineffables ; enfin c'est ainsi que
Job, David, et tous les prophètes
du Seigneur, unis à ces réalités, passaient leurs
jours et leurs nuits dans les contemplations des merveilles de
Dieu,
dans la jubilation du sentiment de la grandeur de l'homme et même dans
les nourrissantes douleurs de la
charité quoiqu'elles soient
mille fois plus aiguës que les douleurs qu'enfante le monde, font cependant
l'ambition de l'homme de
Dieu, parce qu'il sait qu'il y doit trouver
la consolation et la vie.
C'est donc par ton union à de semblables
réalités que tu établis insensiblement en toi ce
règne spirituel qui suspend pour toi le poids du règne
temporel et te met à couvert de l'
air épaissi qu'on y
respire.
Tu n'as pas oublié que ta parole, en imitation
de la parole de l'Eternel, ne doit point rétrograder devant tes
ennemis, et que, quand tu leur as une fois prononcé la ferme
résolution où tu es de les subjuguer, tu ne dois plus
leur permettre de résistance, jusqu'à ce que ton arrêt
sur eux soit accompli. Eh bien, porte la même résolution dans
le dessein d'unir ton être à l'une de ces unités supérieures
qui ne s'aperçoivent pas du temps ; oublie-toi dans la recherche de
ce trésor inestimable, ces unités feront que tu ne t'apercevras
pas du temps plus qu'elles et elles te feront jouir, par anticipation,
de cette paix sainte qui habite avec elles dans leur céleste
atmosphère, mais qui ici-bas, n'est connue que pour y servir
de victime continuelle au temps.
Mais ne te livre point à l'impatience, comme
les Hébreux dans le désert, si tes succès ne sont
pas aussi rapides que tes désirs seront ardents ; souviens-toi
"de tout le chemin par où le Seigneur, leur
Dieu, les a
conduits pendant quarante ans, pour les punir et pour les éprouver,
afin que ce qui était caché dans leur cur, fût découvert,
et que l'on connût s'ils seraient fidèles ou infidèles
à observer ses commandements ; souviens-toi qu'il les a affligés
de la faim, et qu'il leur a donné pour nourriture la manne qui
était inconnue à leurs pères, pour leur faire voir
que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort
de la bouche de
Dieu ; souviens-toi enfin que le Seigneur, leur
Dieu,
s'est appliqué à les instruire et à les régler,
comme un homme s'applique à instruire et à corriger son
fils."
D'ailleurs, homme mon
frère et mon ami,
par cette douce vertu, ne retraçons-nous pas une vive image de notre
principe ? Que fait-il autre chose du haut de son trône, que de manifester
une inaltérable longanimité par laquelle il se montre
patient envers tous les obstacles, et envers toutes les résistances
? Formons-nous donc, comme lui, une sainte retraite au milieu des atmosphères
corrompues dont nous sommes environnés. Soyons-y
comme le
passereau solitaire sur le toit, et que nos lamentations mêmes soient
perpétuellement tempérées par l'espérance
et par une sécurité inébranlable. Si nous sommes
les
enfants de notre
Dieu, il ne nous perd pas de
vue. Les suspensions
et les langueurs doivent entrer aussi bien que les jouissances, dans
les plans qu'il a formés sur nous, et nous devons être sûrs qu'il
s'occupe assez soigneusement de nous, pour que nous le regardions toujours
comme notre père, lors même que nous nous trouvons loin de lui.
Oui, nous pouvons, comme lui, par la patience,
montrer notre unité, notre supériorité sur le temps,
c'est-à-dire, notre spiritualité,
notre Divinité.
Lors donc que nous avons ainsi vaincu le temps par la patience, voici
ce que la main bienfaisante de ce principe souverain nous prépare
:
La matière se précipite au-dessous
de l'
esprit, l'
esprit s'élève au-dessus de notre
corps
ténébreux ; il se fait en nous un partage du pur et de
l'impur, et une unité supérieure nous découvre
un vaste champ. Sans son divin secours, l'homme rampe comme dans la
fange. A peine, du fond de son antique demeure, peut-il découvrir
au loin quelques rayons de la céleste
clarté, et son oreille
épaisse et dure ne soupçonne pas même l'harmonieux concert que
les
enfants de la lumière forment devant le trône de l'Eternel.
Mais, dès que cette vie suprême a laissé tomber sur l'homme
sa rosée vivifiante, quelles paroles peindraient les douceurs
et les consolations qui l'attendent ? Quelles paroles pourraient faire
comprendre l'état de la pensée du nouvel homme, lorsqu'il
se trouve livré à la contemplation des uvres de
la sagesse, et à la jouissance des
ineffables ravissements qui
saisissent son
âme, pour peu qu'elle approche de l'atmosphère
de l'éternité !
Sois bénie, source immortelle de tout ce
qui est ! En toi seule est l'être et la vie ; en toi seule est le sentiment
de toute existence ; en toi seule est l'expansion de la joie et du bonheur
de toute créature. Hors de toi, rien ne peut être, car où
tu ne serais pas, il n'y aurait plus de sentiment d'existence, il n'y
aurait plus de bénédiction, et ce sont là les
éléments
éternels de ta vie.
Nouvel homme, ô toi
enfant chéri de l'
esprit,
lorsqu'il t'arrivera "de mettre le pied dans cette terre promise,
après que
Dieu t'aura rendu maître de ce peuple d'une taille
haute et surprenante, de ces
enfants d'Enac que tu auras vus toi-même,
que tu auras entendus, et à qui nul homme ne peut résister
; tu sauras que c'est le Seigneur lui-même qui passera devant toi comme
un
feu dévorant et consumant, qui les réduira en poudre,
qui les perdra, qui les exterminera en peu de temps devant ta face,
selon qu'il te l'a promis. Après que le Seigneur ton
Dieu les
aura détruits, devant tes yeux, ne dis pas dans ton cur
: c'est à cause de ma justice que le Seigneur m'a fait entrer
dans cette terre, et qu'il m'en a mis en possession, puisque ces nations
ont été détruites à cause de leurs
impiétés,
car ce n'est ni par ta justice, ni la droiture de ton cur qui
sera cause que tu entreras dans leur pays pour le posséder, mais
elles seront détruites à ton entrée, parce qu'elles
ont agi d'une manière
impie, et que le Seigneur voulait accomplir
ce qu'il a promis, avec serment, à tes pères Abraham,
Isaac et Jacob".
Oui, nouvel homme, ce sera par cette justice et
cet
hommage rendu au souverain principe que tu te maintiendras dans
ce séjour du repos et de la lumière. Ce sera par là
que tes
forces s'accroîtront et se soutiendront, ce sera par là
que quoiqu'au milieu du temps, tu t'oublieras au-dessus du temps dans
les saintes contemplations des merveilles qui se découvriront
à ton être, et qui te surprendraient autant que ta propre naissance,
si tu n'étais pas préparé à ces prodiges
par le sentiment de ton existence divine.
Enfin, c'est par cette justice et cet
hommage rendu
au souverain principe que tu pourras développer, de plus en plus,
tes rapports avec ces unités supérieures qui seules peuvent
effacer pour toi toutes les traces du temps, en te faisant continuellement
parcourir avec elles les régions que le temps ne saurait embrasser
dans son cercle, puisqu'il est mixte, et qu'elles sont simples, puisqu'il
ne leur offre qu'une fragile barrière que leur action simple
pénètre toujours, tandis que son action combinée
et obtuse ne saurait jamais les pénétrer.
27.
Nouvel homme, "Lorsque tu seras entré
dans la terre promise, souviens-toi de n'y sacrifier à ton
Dieu
que dans le lieu qu'il aura choisi pour que tu lui rendes le culte qui
lui est dû. Non seulement tu n'imiteras point ces nations
impies qui
ont dressé les autels sur tous les hauts lieux, sous des
arbres
touffus, et qui là offrent leurs sacrifices au
Soleil, à
la
Lune, et à toute la milice du
ciel, mais tu renverseras tous
ces hauts lieux, tous ces autels et toutes ces
idoles qui y sont honorées
; tu ne laisseras pas subsister la moindre trace de ce culte
impie,
selon que le Seigneur ton
Dieu te l'a ordonné, et tu viendras
dans le lieu que le Seigneur t'aura indiqué pour lui
immoler
tes victimes."
Ce lieu, tu l'as déjà connu, tu l'as
déjà vu, dès que tu as reçu la naissance ; car
ce lieu est ce même fils chéri, conçu de l'
esprit en similitude
de celui qui est le fils unique du Seigneur son éternelle
génération.
Tu éviteras donc, avec grand soin, d'aller
sacrifier au Seigneur dans d'autres lieux de ton être, que dans ce
Saint
des
Saints qui est le seul asile sacré qu'il ait pu se réserver
dans les du temple de l'homme.
Tu éviteras, avec grand soin, d'aller dresser
un
autel à tes pensées, ni aux tableaux si variables des
spéculations de ton
esprit.
Tu éviteras, avec grand soin, d'aller dresser
un
autel aux conjectures et aux ténébreux aperçus de ton
intelligence.
Tu éviteras, avec grand soin, d'aller dresser
un
autel à tous les mouvements
faux du cur de l'homme,
qui ne tendent qu'à établir en lui un culte
sacrilège,
puisqu'il se rend lui-même par là l'
idole du temple, et qu'il
en chasse la véritable divinité.
Tu éviteras, avec grand soin, de dresser
un
autel à toute la région des astres, "si tu ne
veux pas qu'un
jour à venir tes os restent exposés sur
la terre, à toutes les étoiles du
firmament, comme le
furent les os du roi Jéroboam".
Mais, c'est dans ce fils chéri et conçu
de l'
esprit, c'est sur cette pierre fondamentale que tu dresseras ton
autel au seul vrai
Dieu, parce que c'est là seulement où
il puisse être honoré, puisque ce n'est que là où
il peut trouver un être qui soit réellement son image et sa ressemblance,
et qui ait les facultés nécessaires pour entendre sa langue
divine, et comprendre les oracles de sa sagesse éternelle : aussi
ce n'est que là où tu pourras entendre sa voix sacrée,
recevoir des réponses qui remplissent ton intelligence, et satisfassent
à tous les désirs de ton cur et à tous les
besoins de ton
esprit.
Compare les doctrines des autres
dieux avec celle
que tu pourras apprendre du
Dieu unique, dans le
sanctuaire unique,
qu'il s'est choisi dans le cur de l'homme. Ces autres
dieux t'enseigneront
des merveilles sujettes au temps, des merveilles qui, si elles s'accomplissent
quelquefois, seront encore plus souvent le jouet des vicissitudes de
la région mixte à laquelle ces
dieux sont servilement
attachés, des merveilles qui malgré leur accomplissement
même s'effaceront de ta mémoire après que l'événement
sera passé, et ne te laisseront pas plus de traces que les faits
qui t'ont occupé dans ton enfance.
Ils te donneront aveuglément ce qui leur
est donné, sans qu'ils en puissent prévoir les conséquences,
et sans qu'ils sachent si ce sera pour ton avantage ou pour ta ruine
; parce qu'ils sont aveugles eux-mêmes, qu'ils ne devraient être que
les organes de la lumière, et que si tu ne prends pas les plus
grandes précautions pour préserver ces organes mêmes de
tous les mélanges qui les menacent, ils pourront se transformer
en principes à tes yeux, et prendre devant toi le titre et les
caractères du maître, tandis qu'ils n'ont été envoyés
que pour être les serviteurs ; heureux encore si ce ne sont pas leurs
ennemis mêmes qui viennent siéger sur leur trône, et t'entraîner
ainsi de la méprise à la superstition, de la superstition
à l'
idolâtrie, de l'
idolâtrie à l'
iniquité et à
l'abomination !
Avec le
Dieu unique qui a choisi son
sanctuaire
unique dans le cur de l'homme, et dans ce fils chéri de
l'
esprit que nous devons tous faire naître en nous, tu n'as point les
mêmes dangers à craindre, et tu n'auras que des
fruits salutaires
à recueillir, parce qu'il est l'être simple, l'être vrai, le
seul être qui soit impassible à toute
influence qui ne serait
pas celle de la vérité ; aussi s'est-il réservé
à lui seul le pouvoir de la faire connaître, et de la manifester
dans toute sa pureté !
C'est là ce qu'il faisait enseigner au peuple
hébreu sous des figures par son serviteur Moïse.
La terre
dont vous allez entrer en possession n'est pas comme la terre d'Egypte
d'où vous êtes sortis, où après qu'on a jeté
la semence, on fait venir l'eau par des canaux pour l'arroser, comme
on fait dans les jardins (image des ces soins pénibles que
demande le culte des
dieux artificiels, et dont les faveurs dépendent
des lois physiques de la nature qui peuvent suspendre le cours
du
Nil et plonger la terre dans la stérilité et la disette),
mais c'est une terre de montagnes et de plaines, qui attend les pluies
du ciel, que le Seigneur votre Dieu a toujours visitée et sur
laquelle il jette des regards favorables depuis le commencement de l'année
jusqu'à la fin. Si donc vous obéissez aux commandements
que je vous fais aujourd'hui d'aimer le Seigneur votre Dieu, et de le
servir de tout votre cur, et de toute votre âme, il donnera à
votre terre Les premières et les dernières pluies afin
que vous recueilliez de vos champs le froment, le vin et l'huile.
Oui, nouvel homme, voilà ce vrai temple
où seulement tu pourras adorer le vrai
Dieu de la manière
dont il veut l'être, puisque tous les temples représentatifs
et figuratifs qu'il a permis à sa sagesse de t'accorder pendant
ton passage dans les régions visibles ne sont que les avenues
de ce temple invisible, auquel il désirerait voir arriver en
foule toutes les nations de l'univers. Le cur de l'homme est le
seul port où le vaisseau lancé par le grand souverain
sur la mer de ce monde, pour transporter les voyageurs dans leur patrie,
peut trouver un asile sûr contre l'agitation des flots, et un ancrage
solide contre l'impétuosité des vents.
Ne lui en interdisons pas l'entrée, si nous
ne voulons pas de sa part les reproches de l'ingratitude et de l'inhumanité
; au contraire, ayons un soin continuel de tenir
ce port en état,
et d'ôter sans cesse les sables qui peuvent s'accumuler devant lui,
et que la mer y apporte à tous les moments ; ayons grand soin
d'en ôter les vases et les
sédiments qui s'y
déposent
journellement, et qui couvrant le fond solide empêcheraient que l'ancre
du vaisseau ne pût y mordre et s'y attacher ; ayons surtout grand soin
de préparer tous les secours qui seront en notre pouvoir pour
soulager les malheureux navigateurs que la mer aura fatigués,
et faisons en sorte qu'ils y trouvent toutes les consolations qu'ils
pourront désirer, afin que
ce port soit chaque
jour plus
fréquenté, et devienne ainsi utile et cher
à
toutes les nations de l'univers ; par là nous rétablirons
entre nous, et nos frères de tous les pays, une liaison
salutaire qui nous fera jouir d'avance des bienfaits de cette communion
universelle pour laquelle nous avons reçu l'existence, et qui est le
premier objet de l'ambition du nouvel homme.
Il est inutile de lui dire à ce nouvel homme,
que ce vaisseau lancé par le grand souverain des êtres est le
nom du Seigneur, puisque c'est par ce nom puissant que ce nouvel homme
a reçu la naissance. Il est inutile de lui dire que ce nom puissant
doit s'ancrer en lui pour pouvoir laisser passer la tempête, et continuer
ensuite sa route jusqu'à ce qu'il ait pu rendre à leur
destination
les voyageurs dont il est chargé. Ce nouvel
homme connaît toutes ces grandes vérités, puisqu'il sait
qu'il n'est né, qu'il n'existe et ne doit exister que pour la
conservation de la loi du Seigneur, et pour coopérer de tout
son pouvoir aux desseins bienfaisants que la Sagesse divine enfante
sans cesse pour le bonheur de la postérité humaine.
Mais nous ne pouvons nous dispenser de retracer
encore ici quels sont les merveilleux effets que ce nom puissant opère
dans nous, quand il daigne descendre jusqu'à notre misère,
et distribuer ses
influences bienfaisantes sur tous nos membres et sur
toutes nos facultés. Ils m'entendront ceux qui seront instruits,
quand je leur dirai que ce nom fait arriver en nous comme à l'improviste
une affection, pour ne pas dire une sensation si neuve, si douce et
si consolante qu'il semble que notre première existence soit
abolie et effacée, et qu'on lui en substitue une d'un genre que
nous n'aurions pu concevoir, par aucun récit qu'on aurait essayé
de nous en faire, si ce nom lui-même ne nous apportait pas son
influence.
Homme, qui que tu sois, si par ta persévérance
et par ta prière, tu peux obtenir que la main bienfaisante qui
veille sur nous te fasse jamais sentir ainsi ta double existence, enferme
précieusement ces joies dans ton cur, et prosterne-toi.
Peut-être après ces douces faveurs, seras-tu livré de
nouveau à des langueurs et à des suspensions. Mais ces
orages se passeront comme au-dessus de ta tête ; le grain sera semé,
il sera enfermé dans la terre ; là, il continuera dans
sa paisible obscurité son heureuse croissance, malgré
les vents, les neiges, les glaces et les frimas dont la surface
de la terre pourra être couverte ; et il ne manquera pas de montrer
ses
fruits et sa fertile abondance lorsque les temps de la production
et de la récolte seront arrivés.