19.
Faites place à l'
esprit. Ne voyez-vous pas
comme il se presse de fendre la foule ; c'est qu'il a à faire
une uvre si importante, et il a tant de zèle qu'il craint
de perdre un instant. Il a d'ailleurs un si grand espace à parcourir,
qu'il craint de ne pas arriver jusqu'au terme, avant que le temps qui
lui est donné pour cet objet ne soit expiré. Il faut qu'il
se rende du lieu de sa demeure jusque dans les dernières profondeurs
de l'homme ; faites place à l'
esprit, et laissez-le arriver jusque
dans les profondeurs de l'homme. Il n'y vient que pour y placer la parole
de la sainteté, d'où l'homme verra croître en lui à
la fois les sept
vertus, qui seront les sept colonnes de cet
édifice fondé sur le roc vif, et qui doit être l'éternelle
église de notre
Dieu.
Comment cette
église serait-elle renversée
? Ses sept colonnes reposent sur la sainteté, et elles s'élèvent
jusque dans la demeure du très-haut ; là elles puisent
continuellement la sève divine, et la rapportent jusqu'aux saints
fondements du temple. Comment cette
église serait-elle renversée
? Ses sept colonnes sont intimement liées à sa base et
à son sommet tout à la fois. La base, les colonnes, le
sommet de l'édifice tout n'est qu'un ; il est impossible qu'il
ne se meuve pas tout ensemble, et qu'aucune
force ne puisse jamais séparer
la moindre partie.
Base de l'édifice, contemple-toi donc avec
transport et avec délices ; occupe-toi sans relâche à
te pénétrer de l'
huile de joie que les sept colonnes ne
cessent de faire parvenir jusqu'à toi ; tous les
fruits que tu
produiras répandront la vie, la
force, la sainteté. Il
faut que tu produises tous ces fruits-là sans relâche, puisque
les sept colonnes t'apportent sans relâche la sève de reproduction,
et que sans relâche le suprême auteur des êtres distribue cette sève
toujours nouvelle, à ces sept colonnes chargées de te
la transmettre. Ce n'est pas même ici comme pour la culture terrestre
où le cercle des temps doit tourner un grand nombre de fois sur
les semences de la terre, avant qu'elle puisse récompenser les
soins du laboureur ; il faut que ce cercle des temps devienne pour toi
comme imperceptible, et qu'à tous les moments tu montres ta fertilité,
parce qu'à tout moment ta région est menacée de
la disette.
Faites place à l'
esprit ; il vient apporter
à la base du temple tous les moyens d'élever à
demeure son édifice, et de le faire subsister intact malgré
la jalousie des
Samaritains, et il fera que ce temple s'attirera le
respect et l'admiration de tous les peuples. Comment cette admiration
pourrait-elle avoir lieu, comment cet édifice pourrait-il être
si majestueux, si l'éternel architecte n'en avait lui-même fourni
les plans, et tracé les diverses distributions, et s'il ne l'engendrait
continuellement de sa propre source ? C'est pour cela que son
esprit
vient apporter jusqu'à notre centre le plus intérieur,
les paroles vivantes qui se réactionnent mutuellement par leurs
diverses puissances et propriétés, et font sortir d'elles-mêmes
cette lumière, et cette vie qui assure une éternelle durée
à ce temple qu'elles ont bâti de leurs propres mains.
Oui, le cur de l'homme est un foyer où
toutes les paroles divines se pressent et s'accumulent, et où
elles sont en une continuelle
fermentation. C'est cette
fermentation
des paroles divines dans l'homme qui, par leur mutuelle réaction,
produit le mouvement spirituel de notre
âme, et la préserve de
l'état de mort et de stagnation ; quiconque n'a pas senti physiquement
cette
fermentation intérieure, ne peut point encore avoir la
moindre idée de l'origine de l'homme, ni par conséquent
de sa renaissance, ou du nouvel homme. Car cette
fermentation est le
principe exclusif, et nécessaire pour nous faire reprendre la
forme que nous avons perdue, et si nous n'avons pas le sentiment vif
et physique de ce principe, comment aurons-nous le sentiment des effets
qui en doivent résulter, et des uvres que nous aurons à
produire, c'est-à-dire, comment pourrons-nous remplir notre destination
?
Ouvrons donc notre
âme à cette accumulation
des paroles divines en nous, n'apportons aucun obstacle à leur
fermentation mutuelle en les empêchant de s'approcher, et de se réactionner
physiquement en nous, si nous voulons que nos paroles acquerrent à
leur tour quelques propriétés physiques. Recueillons précieusement
les moindres résultats de cette
fermentation des paroles divines
en nous, puisque c'est ainsi qu'elles ont formé le monde, puisque
c'est ainsi qu'elles l'entretiennent, et opèrent continuellement
l'existence de l'uvre qu'elles ont produite, et puisque c'est
ainsi qu'elles ont formé notre
âme, et qu'elles veulent de nouveau
la former aujourd'hui, car les voies de la sagesse ne sont d'une constance,
et d'une uniformité si sublime, que pour que l'homme ait plus
de facilité à les retrouver lorsque pour qu'il s'en est
écarté, et pour que, du sein de ses ténèbres
mêmes, i1 puisse recouvrer des aperçus certains, et positifs sur des
lois qu'il n'aurait jamais dû oublier.
Nous avons vu ci-dessus avec quelle lenteur les
différents
sédiments se rassemblaient dans la terre pour
y former le roc vif, et les masses de pierre ; mais nous voyons aussi
de quelle immense utilité sont pour nous ces substances solides
que nous extrayons du sein des rochers. Laissons, laissons donc aussi
accumuler en nous avec un respectueux et prudent désir les
influences
vivantes, et les
sédiments spirituels que la vérité
dépose journellement dans notre sein. Non seulement nous pourrons
un
jour en extraire
des pierres vives pour servir de base à
nos édifices de tout genre, non seulement nous en ferons
des
remparts pour nos
forteresses, non seulement nous
pourrons en former des
palais et des
temples, mais nous
pourrons en former aussi de
longs aqueducs qui amèneront
l'
eau des endroits les plus éloignés dans
les places
et les lieux stériles, afin d'y rétablir
la vie
et la végétation ; enfin nous pourrons en former de
solides et vastes
ponts qui nous aideront à traverser
en sûreté les
fleuves et les torrents ; car le
Dieu des
êtres ne cherche autre chose que de réaliser dans nous toutes
les lois vives dont la nature et le temps ne cessent de nous présenter
des images passagères et matérielles.
Le Réparateur lui-même ne laissa-t-il pas
accumuler en lui dans sa patience et dans sa paix toutes ces substances
pures et salutaires que l'éternelle sagesse faisait successivement
déposer dans son sein, et par lesquelles il devait un
jour trouver
en lui, lorsque les mesures seraient remplies, tout ce qui serait nécessaire
pour l'avantage de la postérité humaine, pour la défendre
de ses
ennemis, pour
fermer le puits de l'abîme, pour former la
clef
de la voûte du temple, pour nous élever à tous une forteresse
impénétrable, et un temple que les temps n'altéreront
plus ? Et ce sont les
jours de l'obscurité du réparateur
qui furent employés à ces utiles préparations,
dont les résultats devaient se propager au-delà des siècles.
Ce sont ces temps silencieux et gouvernés
par la prudence et la retraite, qui disposent l'homme à remplir
un
jour sa mission avec succès, pour la gloire de son maître,
pour l'avantage de ses propres
frères, et pour l'avancement du
règne du Seigneur, en se remplissant ainsi chaque
jour des
forces
nécessaires pour aller attaquer
les ennemis de la vérité,
et les plonger dans leurs ténébreux précipices.
Ainsi saint
Luc nous apprend-il que le réparateur, en attendant
l'heure de la consommation, passait ses
jours dans la prière
et dans les déserts ; aussi Moïse, que l'on doit regarder comme
un des précurseurs de ce Divin réparateur, passait-il
ses
jours dans les déserts de Madian, jusqu'au moment où
il reçut ordre du Seigneur d'aller délivrer ses
frères,
et de commander à Pharaon de laisser aller le peu le de
Dieu
en
liberté, afin qu'il pût offrir ses sacrifices à l'Etemel.
20.
Si toutes les puissances divines se transformaient
en autant de verbes brûlants, et en autant d'instruments
aigus et pénétrants
qui, tous à la fois rompissent les divers liens qui retiennent
notre être pensant, et le rendissent à sa
liberté, et
à toute sa sensibilité Divine, quelle langue pourrait
alors exprimer notre situation ravissante ? Voilà cependant ce
que nous pourrons attendre de notre renaissance, si nous sommes assez
persévérants pour la poursuivre avec une constante activité,
car au moment où nous nous y attendrons le moins, notre heure
spirituelle arrivera, et nous fera connaître, comme à l'improviste,
ce délicieux état du nouvel homme.
C'est dans cette classe que sont choisis ceux qui
sont destinés à
administrer les sanctifications du Seigneur.
C'est d'en haut que descendent physiquement sur eux les
influences purifiantes
et fortifiantes qui deviennent dans leur main comme un ferme bâton,
plus puissant que la massue des héros de la
fable, plus élevé
que le plus haut cèdre du Liban, et avec lequel ils peuvent franchir
sans danger toute l'immensité
des mers.
Les
influences de la région inférieure
sont bien loin d'avoir une semblable propriété ; ce n'est
que l'
influence corrompue qui s'élève ainsi de la région
inférieure ; elle s'en élève par notre défaut
de surveillance, encore plus que par un ordre d'en haut, qui quelquefois
cependant l'envoie pour épreuve ; elle ne s'offre à nous
que sous des formes irrégulières, et sous des
couleurs
hideuses ; les formes mêmes qu'elle prend ne se soutiennent pas, et
ne font que se déformer continuellement, parce qu'elle n'a pas
le principe des formes régulières ; elle se montre comme
à l'improviste, et comme ayant profité de quelque issue
que nous aurons laissée ouverte ; elle se montre plus dans la
prière que dans d'autres circonstances, parce que là nous
ouvrons plus de portes qu'à l'ordinaire, et que cependant nous
n'avons pas souvent là plus qu'à l'ordinaire l'attention,
et la
force de poser des sentinelles à toutes les portes que
nous ouvrons.
Mais au moment où elle se montre ainsi à
l'improviste, elle est un moment
immobile, et semble étonnée
comme un voleur qui est entré dans une maison qu'il a trouvée
ouverte, et qui d'abord est troublé, et inquiet si personne ne
l'observe, qui cherche à démêler quelle est la distribution
de la maison, et est comme ébloui des divers objets qu'il y aperçoit,
et qui tentent d'autant plus sa cupidité qu'il n'est pas accoutumé
à se trouver en de semblables lieux, ni à jouir de semblables
richesses. Si l'on n'a pas soin de repousser cette
influence vivement
dès qu'on l'aperçoit, elle poursuit ses desseins criminels et
peut parvenir enfin jusqu'à s'emparer de la maison, et à
en chasser le propriétaire.
Mais si l'on se met aussitôt en devoir de la déconcerter
dans ses projets, elle fuit sur le champ dans ses abîmes, ou bien sa
forme s'altère, varie, et se décompose, le tout plus ou
moins promptement, et avec plus ou moins de différences, selon
que nous mettons plus ou moins de
forces, de promptitude, et de vivacité
à nous opposer à ses entreprises.
L'
influence qui vient d'en haut est au contraire
le plus souvent sans forme ; elle précipite en bas tout ce qui
est irrégulier et ténébreux ; elle presse tous
nos principes d'activité, et les fait passer de
force au travers
de nos substances composées et corrompues pour les
dissoudre,
et faire paraître la lumière là où il n'y avait
que ténèbres; voilà pourquoi cette
influence supérieure
nous donne tant de divers moyens de monter au dessus de notre état
ordinaire ; pourquoi elle développe en nous tant de facultés
dont notre matière ne peut avoir ni la jouissance, ni la connaissance,
et pourquoi ces diverses propriétés dont nous sommes susceptibles
se manifestent par des rayons
aigus et acérés comme ceux
de la lumière et du
feu.
C'est aussi pour cela que l'écriture compare
continuellement la parole à des
flèches acérées,
et à une
épée à deux tranchants ; non pas
seulement parce que cette parole a sans cesse des
ennemis à combattre
et à renverser, mais encore parce qu'elle prend sans cesse la
naissance au milieu des entraves qui la resserrent, qui la forcent à
s'affiler et à s'aiguiser en quelque sorte pour se faire
jour
au travers de toutes ces substance étrangères dont elle
est encombrée.
Telle est donc la pénible destinée
de cette parole chérie que la sagesse fait naître dans le nouvel
homme, et qui ne s'y peut engendrer qu'en rompant toutes les barrières
qui la retiennent dans l'esclavage, et dans la contrainte ; c'est la
pression de l'
influence supérieure qui
force cette parole à
traverser ainsi péniblement ses entraves, et à se manifester
sous des traits
aigus dont notre langue corporelle est l'image, et dont
nous trouverions des figures encore plus frappantes dans la manifestation
qui arriva aux apôtres à Jérusalem, si notre plan ne nous
défendait pas d'anticiper sur l'ordre des objets que nous aurons
à exposer dans cet écrit.
Cela n'empêche pas qu'en attendant nous ne voyions
dans l'exemple de la naissance de la parole en nous comment tout est
révélation, puisque tout est parole, et puisque toutes
les paroles sont comme ensevelies dans des abîmes, dont on ne peut les
tirer qu'avec violence ; et cependant les hommes ne veulent pas croire
à une révélation tant on s'y est mal pris pour
les en convaincre, tandis qu'en les ramenant à eux-mêmes on leur
eût prouvé tellement la révélation universelle
et de tous les moments, qu'ils auraient été naturellement
disposés par là à ne voir ne reconnaître l'uvre
du réparateur que comme une plus grande révélation,
que celle qui se passait en eux ; et comme elle est du même genre, quoiqu'elle
embrasse un plan plus vaste, elle pourrait leur paraître plus admirable,
comme étant plus sublime, mais non pas plus extraordinaire. Ils
auraient même appris, par l'examen des diverses époques du genre
humain, à reconnaître les immenses services que cette révélation du Réparateur leur avait rendus, en
observant ces diverses époques sur l'homme particulier.
Car si l'homme a le bonheur de voir naître en lui
le fils de l'
esprit ou le nouvel homme, il aperçoit bientôt la différence
de ce nouvel état pour lui à son état antérieur
; et cette différence consiste en ce que, dans ce nouvel état,
il est sûr, par ses efforts et la persévérance dans sa
prière, d'obtenir les
fruits de ses désirs purs, soit
des lumières et des développements, soit des consolations,
soit des dons de l'
esprit pour la manifestation de la gloire de son
maître, toutes choses que nous pouvons maintenant regarder comme autant
de révélations. Mais dans son état antérieur,
il n'avait pas la même certitude, et malgré toutes les entreprises
les plus courageuses, il ne pouvait se flatter du même succès,
et les espèces de révélations dont il était
susceptible alors, lui parvenaient d'une manière plus voilée,
plus figurative, et qui le laissaient souvent comme dans l'attente des
biens qu'on ne faisait que lui montrer.
L'homme ne devrait donc plus s'étonner de
voir ce qui est dit dans la révélation du réparateur.
Matt. 11, 12, 13.
Or, depuis le temps de Jean-Baptiste jusqu'à
présent, le royaume des cieux se prend par violence, et les violents
l'emportent. Car jusqu'à Jean tous les prophètes aussi
bien que la loi ont prophétisé. Il sentirait en même
temps tout le prix de cette révélation du Réparateur,
c'est-à-dire, de l'uvre qu'il est venu opérer pour
la délivrance de notre parole, puisque ce n'est que par cette
révélation du Réparateur, et par les
vertus
de son uvre, que nous pouvons espérer chacun de parvenir
à notre révélation particulière, ou à
la naissance de notre nouvel homme, lequel, seul, peut nous mettre à
même de prendre désormais le
ciel par violence, au lieu qu'auparavant
nous devions attendre qu'il se donnât, à moins que nous ne fussions
de la classe des êtres privilégiés.
En effet, de même que sous la révélation
du Réparateur, il est des êtres au-devant de qui le royaume du
ciel est venu, sans attendre qu'ils le prissent par violence, de même
nous avons vu sous la loi et sous les prophètes, plusieurs élus
à qui la gloire de cette révélation a été
montrée d'avance, ce qui les a remplis de joie, tandis que les
autres hommes de leur temps, restaient ensevelis sous le voile de la
loi, et sous les diverses figures des prophéties.
C'était donc par cette étude de l'homme,
par des encouragements réitérés à faire
naître en lui un nouvel homme, et par la comparaison de ses divers états
que l'on aurait dû travailler à ouvrir les yeux des hommes de
désir sur la nature des révélations en général,
sur la nature de nos révélations particulières,
et sur la nature de la seule révélation, d'où puissent
ressortir toutes les autres révélations quelconques, parce
que cette révélation unique, ayant produit dans l'origine
tout ce qui a été englouti par le crime, était
aussi la seule qui pût arracher au tombeau et aux ténèbres,
tout ce que le crime y tenait renfermé, et voilà pourquoi
cette révélation du Réparateur a été,
est et sera à jamais la révélation universelle.
21.
Comme images de l'unité universelle, nous
devons établir universellement des unités en nous, si
nous voulons faire des progrès dans l'éducation du nouvel
homme. Car dans notre uvre générale comme dans toutes
nos uvres particulières, nous n'obtiendrons rien de permanent,
nous ne produirons rien de parfait, nous ne jouirons d'aucune paix,
ni d'aucune lumière réelle, si tout ce que nous obtenons,
tout ce que nous produisons, tout ce dont nous jouissons, n'est pas
le
fruit et le résultat d'une unité. C'est peut-être ici
l'avis le plus salutaire que nous puissions recevoir dans ce bas monde.
La principale unité que nous devions chercher
à établir en nous, c'est l'unité du désir,
par laquelle l'ardeur de notre régénération devienne
pour nous une passion si dominante, qu'elle absorbe toutes nos affections,
et nous entraîne comme malgré nous, de manière que toutes
nos pensées, tous nos actes, tous nos mouvements soient constamment
subordonnés à cette dominante passion ; de cette unité
fondamentale, nous verrons découler une multitude d'autres unités
qui doivent nous gouverner avec le même empire, chacune selon sa classe
; ou pour mieux dire toutes ces diverses unités sont tellement
liées les unes aux autres, qu'elles se succèdent et se
soutiennent mutuellement, sans qu'elles soient jamais étrangères
entr'elles.
Ainsi, unité dans l'
amour, unité
dans l'uvre de la pénitence, unité dans l'humilité,
unité dans le courage, unité dans la
charité, unité
dans le dépouillement de l'
esprit de la terre, unité dans
la résignation, unité dans la patience, unité dans
la soumission à la volonté suprême, unité dans
le soin de nous revêtir de l'
esprit de vérité, unité
dans l'espérance de recouvrer les biens que nous avons perdus,
unité dans la foi que notre volonté purifiée et
unie à celle de
Dieu doit avoir son accomplissement dès
ce monde, unité dans la détermination à dissiper
les ténèbres de l'
ignorance dont notre séjour nous
enveloppe, unité dans la vigilance, unité dans la constance
à la prière, unité dans la continuelle culture
des écritures saintes, enfin unité dans tout ce que nous
sentons être propre à nous purifier, à nous alléger
de ce bas monde, et à nous avancer dans notre royaume qui est
le royaume de l'
esprit, et le royaume de
Dieu ; voilà la loi
que nous devons nous imposer.
Quoique ces différentes unités soient
intimement liées ensemble, et appartiennent à la même
racine, ce n'est point à dire pour cela qu'elles doivent toutes
agir à la fois ; il n'y a que
Dieu dans qui toutes les unités
paisibles, et douces, soient dans une perpétuelle, et commune
activité, parce qu'il n'y a que lui qui soit la vraie, et radicale
unité.
Mais nous devons nous attacher avec une activité
entière à celle de nos unités qui se présente
à nous pour le moment, si nous voulons en retirer les avantages
qu'elle désire de nous procurer ; nous ne devons point lâcher
prise que nous ne sentions que cette unité a réellement
pris en nous son essentiel caractère, et qu'elle a transformé
en une unité effective celle de nos facultés sur laquelle
elle est venue
frapper.
Nous ne pouvons guère nous tromper là-dessus,
ni nous en imposer à nous-mêmes, parce que soit dans les uvres,
soit dans l'acquisition des lumières, et la pratique des vertus,
nous avons une unité intérieure à laquelle toutes
nos unités diverses doivent correspondre et qui, comme un
juge
intègre, nous donne l'assentiment de nos bons et mauvais succès.
Ajoutons par anticipation que cette unité intérieure qui
est en nous, nous donne l'assentiment de nos bons et mauvais succès
dans la marche de nos unités diverses, par la raison qu'elle
est liée elle-même à l'unité suprême et universelle.
C'est donc notre unité intérieure qui devient l'arbitre
de nos unités partielles, et qui nous fait sentir si elles ont
atteint leur complément.
Nous verrons ailleurs comment en effet ces unités
partielles doivent opérer de semblables résultats en nous,
pour remplir l'objet de notre existence, et de leur loi, puisqu'il n'y
a pas un être dans la nature qui ne doive produire également
une unité selon sa classe, et même une unité qui présente
sensiblement le tableau de tout ce qui existe. Ainsi, à plus
forte raison, notre être pensant doit-il jouir d'un semblable privilège,
puisqu'il est chargé spécialement de représenter
l'être saint, éternel et divin, au lieu que les substances de
la nature ne manifestent que les puissances de cet auteur universel
des
anges, des
esprits et de tout l'univers.
Quel est maintenant le sublime avantage que nous
devons espérer d'obtenir si nous établissons en nous-mêmes,
par des soins soutenus, ces diverses unités particulières,
virtuelles, et vertueuses, dont notre unité intérieure
est la base, et le foyer ?
Cet avantage est de multiplier tellement nos rapports
avec l'unité suprême, que quand nous avons atteint le nombre
nécessaire de ces rapports, pour que notre ressemblance avec
elle soit au moins ébauchée, cette unité suprême,
elle-même, ne craint point de se rendre à l'attrait divin qu'elle
éprouve éternellement pour sa créature, et pour
son image, elle ne craint point se substituer son action, paisible et
vivifiante, à nos actions pénibles et laborieuses, de
s'emparer tellement soit de nos unités partielles, soit de notre
unité intérieure, que notre marche spirituelle nous devienne
aussi naturelle que si nous n'avions pas quitté le séjour
de la sainteté ; enfin de faire en sorte que nous n'ayons plus
de répugnance à éprouver dans nos uvres plus
d'obscurité dans nos connaissances, plus de fatigue dans l'exercice
de nos vertus. Délicieuse perspective dont nous sommes malheureusement
ici-bas si éloignés, qu'il faut être déjà
avancé dans la carrière pour qu'elle ne nous paraisse
pas absolument
illusoire, et chimérique.
Dieu suprême, comment nous flatter en effet que
dans l'état d'
opprobre et d'
iniquité où nous languissons,
nous puissions habiter en toi, et que tu daignes habiter en nous ! Comment
ton unité universelle s'unirait-elle à des unités
aussi incomplètes que celles qui se manifestent journellement
dans l'homme ? Bien plus, comment s'unirait-elle à des nombres
dont l'irrégularité est si manifeste ?
Ne craignons point de le dire : c'est une faveur
de cette sagesse infinie qu'elle suspende ainsi sa jonction avec nous,
et qu'elle diffère de lever le voile du temple jusqu'à
ce que nous soyons plus forts pour soutenir l'éclat de sa lumière
; car non seulement elle nous éblouirait, mais cela pourrait
aller jusqu'à nous faire perdre la
vue.
Lorsque nous avons peint antérieurement
quels seraient les délices que nous éprouverions, si toutes
les puissances divines se transformaient pour nous en autant de verbes
brûlants, nous avons supposé que l'
esprit de l'homme aurait déjà
fait tous ces travaux préliminaires, toutes ces collections d'unités
partielles dont son unité intérieure lui donne la règle
et la mesure, et le met en rapport, et en correspondance avec l'unité
suprême, et universelle ; sans cela, malheur à lui, si cette
unité suprême faisait un mouvement si marqué, et si important
! Malheur à lui si elle lui découvrait toute sa gloire
!
Car, ne trouvant point en lui de justes analogies
avec son unité qui doit toujours triompher, (et cela par sa puissance
et sa
force, quand elle ne trouve pas à triompher par son
amour
et par ses bienfaits), elle le ferait périr de honte par son
énorme disproportion, et en lui faisant connaître combien il
est défiguré ; elle dissoudrait toutes les puissances
fausses qui seraient en activité en lui ; elle le laisserait
dans le néant spirituel absolu, où il ne pourrait éprouver
que le désespoir d'atteindre à un terme si éloigné
; et au lieu de l'
animer de l'unité de la vie qu'elle porte en
elle-même, elle le réduirait à une unité de mort
par l'impossibilité de former aucun rapport de vérité,
ni aucune correspondance spirituelle divine avec lui.
Nous pouvons en donner une raison bien simple,
c'est que les unités partielles que nous devons sans cesse établir
en nous sont les
intermèdes indispensables pour que l'action
divine se tempère avant de pénétrer jusqu'à
notre centre ; et de même que la divinité ne se communique que
par ses manifestations, et par ses puissances ; de même aussi nous ne
pouvons lui ressembler que par les manifestations de nos facultés,
et de nos vertus qui sont les organes, et les puissances de notre
âme.