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Les enseignements secrets de Martinès de Pasqually

Franz Baader
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      Vous me demandez, honoré ami, de vous communiquer quelque chose touchant les enseignements secrets de Martinèz Pasqualis, auxquels vous vous êtes intéressé à travers les écrits de deux de ses disciples, feu Saint-Martin et l'abbé Fournié [Note de l'auteur : Il a publié à Londres, en 1801, la première partie d'un ouvrage intitulé : Ce que nous avons été, ce que nous sommes, et ce que nous deviendrons, dont nous pouvons nous attendre à avoir prochainement la suite, d'après ce que l'auteur m'a dit l'année dernière. Cf. l'excellente revue : Der Lichtbote, vol. I, p. 478.] qui vit encore à Londres ; je vais donc, selon mes forces et autant qu'il m'est permis, accéder à votre désir.

      Si, en tout temps, il y eut et il y aura des hommes qui, en tant que représentateurs du futur, tels les prophètes, nous ont montré que le futur est déjà là, il doit également y en avoir eu en tout temps d'autres qui, en tant que représentateurs du passé, nous montrent, par le souvenir, que le passé est encore[Note de l'auteur : C'est dans ce sens, honoré ami, que vous appelez l'historien un prophète regardant en arrière, et vous rejetez ainsi de l'étude de l'histoire tous ceux auxquels ce don de vision n'a pas été accordé. Du reste, comme ce n'est que le point central de vision, qui a été une fois obtenu ou atteint, qui permet de contempler l'ensemble, on conçoit comment ce regard du voyant en arrière ou en avant, cette pré ou post-résonnante dans l'histoire est surtout indivisible, bien que ce même don se manifeste davantage dans un sens chez tel individu, et davantage dans un autre sens chez tel autre individu. C'est ce que j'ai pu constater moi-même chez des sujets magnétiques.], et un tel représentateur du passé (du Judaïsme) est assurément Pasqualis qui, à la fois juif et chrétien, – il confessait la religion catholique romaine, – a fait revivre pour nous l'ancienne Alliance, non seulement dans ses formes, mais encore avec ses pouvoirs magiques. Et si l'on peut avec raison considérer cette nouvelle époque, à laquelle vivait Pasqualis, comme le commencement d'une éclipse générale, d'un affaiblissement de la lumière du Christianisme, on ne doit pas s'étonner de voir, durant cet obscurcissement de l'unique soleil, survenu par notre faute, réapparaître certains astres qui, pour parler le langage de Saint-Martin, se montrent comme des revenants, simplement parce qu'ils sont non allant. Si donc le Christianisme, dans la force de sa prime manifestastion, a rendu muette la magie du Paganisme et du Judaïsme, la réapparition de cette magie, même si elle ne s'est fait que peu remarquer, ne peut être attribuée qu'à l'affaiblissement du Christianisme, et être considérée comme le réactif nécessaire à une nouvelle et plus puissante manifestation.
      En effet, le Judaïsme est au Christianisme ce que ce dernier est à un troisième terme supérieur, dans lequel chacun des deux doit être transfiguré. Si l'on interprète la parole de saint Paul : « Par, avec et en Dieu, » dans son véritable sens, alors, comme il est vrai que la parfaite habitation de l'Esprit divin dans l'homme-esprit est le but et le sabbath, il devient évident que ce troisième moment a dans les deux antécédents, per-habitation et co-habitation, à la fois ses prédécesseurs et ses coopérateurs, dont la présence dans le temps, ainsi que la disparition, sont purement phénoménales [Note de l'auteur : Ainsi, dans la Transfiguration, Elie et Moïse n'agissent que comme coopérateurs.].
       Dans cette première ère, régime du Père ou premier degré d'Apprenti de l'homme-esprit, l'Absolu se tient encore comme Seigneur absolu, supérieur seulement à l'Unique, habitant seulement par celui-ci, – « il déplace les montagnes et ils ne savent pas » [Note de l'auteur : Merveilleuse est l'échelle que Pasqualis nous présente sur les différentes manières d'être d'un agent supérieur auprès d'un inférieur et de celui-ci envers celui-là dans son action et sa condnite, en nous disant « L'esprit agit dans, avec, par, sans et contre l'homme. » En effet, je ne connais pas de gradation plus complète pour désigner ma manière d'être ou celle de tout chrétien envers Dieu. Par là, l'homme peut chaque fois se rendre compte s'il agit en, avec, par, sans ou contre Dieu.], tandis que, dans la seconde ère, régime du Fils ou degré de Compagnon, !e Premier, S'unifiant en lui et Se dépouillant de l'Unité de Sa Gloire dans la figure de ce Serviteur [Note de l'auteur : On peut consulter le Judas Iscariot de Daub sur ce libre renoncemement ou suspension de l'universel jusqu'à l'unité le Fils de Marie et l'opposé de cette concentration, qui a pour but l'expansion universelle en amour, est cette compression tout à fait forcée du Mauvais esprit, qui a pour but l'explosion universelle dans la haine accompagnée des tourments de Tantale. Saint-Martin, un disciple de Pasqualis, s'exprime ainsi : « Qui atteindra la sublimité de l'œuvre de la renaissance de l'homme ? Ne lui comarons pas la création de l'univers. Ne lui comparons pas même l'émanation de tous les êtres pensants » – émanation que Pasqualis distingue toujours de l'émanation suivante ou création. – Pour opérer tout es ces merveilles, il a suffi que la sagesse développât ses puissances, et ce développement est la véritable loi qui lui est propre. Pour régénérer l'homme, il a fallu qu'elle se concentrât, qu'elle s'anéantît et qu'elle se suspendit, pour ainsi dire, elle-même. D'ailleurs les trois moments dont il est question dans le texte peuvent nous donner une théorie suffisante de ces différents états, dont nous parlent plusieurs mystiques, par exemple, Mme Guyon ; car le triple nom du Seigneur Jésus, Christ et Fils de Marie indique déjà une triple manifestation dans l'homme extérieur (Etre naturel) dans l'homme-esprit intérieur (Etre spirituel); et dans l'homme central (Centre divin).], descend vers le particulier, – l'Aigle qui, auprès du Prophète, volète pendant un temps sur la terre devant ses petits, – se rendant pareil à lui, c'est-à-dire demeurant auprès de lui ou avec lui, jusqu'à ce que et pour qu'enfin, à la dernière ère, régime de l'esprit ou degré de Maître, l'Universel, soulevant [Note de l'auteur : Ici nous yoyons une nouvelle signification du mot soulever, dont Hegel, le premier, a déja fait remarquer le grand nombre de sens. Le Médiateur, dont le soulèvement ou l'intercession a pour but le mouvement de l'esprit, peut lui-même être ce qui soulève ou ce qui est soulevé, et, ainsi, l'intercession ou le soulèvement peut se faire de trois façons. Je ne dois me laisser relever que par ce qui est plus élevé que moi, c'est-à-dire soulever, dresser, enlever, ou rendre vrai, de même que je dois relever et redresser ce qui est au-dessous de moi. Mais si une chose inférieure cherche à me soulever, c'est-à-dire veut m'entraîner, alors on conçoit aisément que mon action médiatrice s'y oppose et prenne un autre caractère. Mais ici aussi, en conflit avec le mal et le mauvais, cette action se manifeste d'une façon quand elle doit être dirigée contre le mal, qui inhabité et cohabite déjà en moi, et d'une autre manière contre le mal qui seulement perhabite en moi, ou qui m'emplit ou qui est déjà hors de moi ; c'est-à-dire que, de même que je puis encore faire le mal, quoique mon cœur et ma tête n'y participent pas, de même je puis et je dois faire le bien, quoique mon cœur et ma tête n'y acquiescent point. Et, de même que, pour parler de l'inhabitation de la puissance soulevante, chaque action bonne occasionne et fixe la disposition, le caractère, la nature, etc., de même chaque action destructive ne produit que la négation de soi-même, détruit, soulève de nouveau, et ce soulèvement de soi-même – tuer, – la volupté est à la factio continui ce que la douleur est à la solutio continui – cette sui-nocence consiste précisément dans ce processus de soulèvement sans lequel aucune opération du malin et aucune occasion de bonne disposition ou de bonne nature ne sont possibles. Car, dans le bien comme dans le mal, l'action de l'esprit commence par un acte immédiat et s'y termine, et le pouvoir du bien comme du mal doit nécessairement me posséder avant que je puisse en être maître. Si, du reste, on considère la nature comme l'universel non-médiat, on ne peut se dispenser d'établir une distinction entre ce non-médiat (la nature) qui se trouve d'une part supérieur, et le non-médiat inférieur à l'homme-esprit, ce qui justifie le ternaire de Pasqualis relatif aux modes de l'être : le divin, le spirituel dans un sens plus restreint, et le naturel également dans un sens plus restreint. Le premier mode pense seulement et n'est pas compris, veut seulement et n'est pas incité, agit seulement et ne reçoit aucune impulsion ; le deuxième mode pense et est compris, veut et est incité, agit et reçoit des impulsions et le troisième n'est que conçu, ne pense jamais, qu'incité et ne veut jamais, et reçoit des impulsions sans jamais agir. Ce ternaire rappelle dans une certaine mesure la « natura creans et non creata, natura quæ creatur et creat, et natura quæ creatur et non creat » de Scot Erigène, natures auxquelles il ajoute une quatrième, « natura. neque creans nec creata », ou plutôt à laquelle it subordonne les trois autres.] l'Unique en soi, habite en même temps par lui, auprès de Lui et en Lui. Mais à l'orgueil des émigrants de l'homme-esprit, ce discours semble dur, et ils se tournent alors plus volontiers vers ceux qui leur offrent ce grade de Maître à meilleur compte, c'est-à-dire sans qu'ils aient besoin de passer par le travail de l'Apprenti et l'école du Compagnon, et qui leur promettent par conséquent, non seulement de les faire parvenir à la compréhension du Christianisme sans avoir besoin de comprendre le Judaïsme, mais qui se font forts de les rendre complets (sapients, illuminés), par une voie plus facile qu'en passant par le Judaïsme et le Christianisme. Or, à de tels Sages ignorants on pourrait dire avec raison :

            Si tu déifies seulement l'intelligence et la science,
            Pouvoirs suprêmes du moi hautain,
            Tu t'es déjà donné au diable,
            Et avec lui tu périras.


      Un des principes de Pasqualis est que chaque homme est né prophète et, par conséquent, obligé de cultiver en lui ce don de vision, culture à laquelle devait précisément servir l'école de ce maître. Dans ce même sens et dans un sens encore plus hardi, son disciple appelait chaque homme un Christ-né, c'est-à dire Christ et non Chrétien. A notre époque, ce « réchauffé de notions vieux-testament » doit paraître à beaucoup de gens dépourvu de saveur. L'auteur [Note de l'auteur : Il est notoire que ce penseur, dont la dialectique, aussi coupante qu'une lame à deux tranchants, blesse souvent à la fois l'adversaire et celui qui la manie, fut le premier qui, d'une main audacieuse, alluma le processus de l'auto-incinération de la philosophie moderne – son auto-da-fé – et que c'est à lui que nous devons l'intelligence claire de cette angoisse dialectique de l'esprit, dont Kant, à la vérité, a méconnu d'une part l'indestructibilité, mais qu'il a d'autre part reconnue comme un désir curieux de la raison, contre lequel il n'y a d'autre remède que de s'en tenir opiniâtrement à la réalité sensible et de se lancer hardiment, un peu comme ceux qui fuient devant la dialectique qui les poursuit de la mort terrestre, et qui prennent leur crainte de la vie pour la crainte de leur véritable mort. Si cependant il existe une dialectique immanente, au sens le plus strict, c'est-à-dire se dirigeant vers l'intérieur on vers le supérieur, il y a aussi une dialectique, une action spirituelle, non moins intrinsèque, qui mène vers le bas. C'est aussi la raison pour laquelle les anciens nous représentaient le diable comme un subtil dialecticien.] de la Phénoménologie de l'Esprit n'appelle-t-il pas même ironiquement « le don de prophétie » le « don d'exprimer les choses saintes et éternelles d'une manière inintelligible ». Bon mot, il est vrai, mais qui réfute aussi peu la véritable interprétation des choses sacrées de cette façon, qu'il ne donne une explication sensée de ce phénomène. Semblablement nous voyons nombre de nos magnétiseurs considérer leurs voyants comme des ventriloques stupides, quand ils racontent avec le ventre, comme ils se l'imaginent, des choses trop hautes et trop subtiles pour leur intellect de magnétiseurs [Note de l'auteur : Il est fâcheux, pourrait-on crier à ces prophètes qui se sont eux-mêmes rendus muets, que les prophètes ventriloques soient obligés, comme l'ânesse de Balaam, de témoigner contre vous. Néanmoins le magnétisme animal se maintient toujours malgré tous ses adversaires, c'est-à-dire malgré les risées, la condamnation et les mépris, qui sont certes plus faciles que la compréhension.]. A mon avis, il est également mauvais de faire l'apothéose de ces manifestations spirites, de décider dans le trouble, de suivre tout ignis fatuus, comme une clarté éternelle, et de ne prendre aucune lumière pour la lumière qui n'est point froide, qui ne laisse pas de froid et qui ne donne pas froid. Est-il donc si difficile de discerner, à travers la lueur phosphorescente de cette trouble manifestation spirituelle, les ténèbres radicales intérieures, comme aussi, à travers cette ardeur passionnée
extérieure, l'interne froid de la mort, impression hivernale de Méphistophélès dans le rayonnement d'un soleil d'été ? On ne doit pas, dit Claudius, cesser de respecter le vrai roi sous prétexte qu'il y a aussi les rois de pique et de cœur ; et tu n'es même pas capable d'ôter le pouvoir de te pénétrer à ce Dieu qui inhabite ou cohabite en toi, non parce que tu l'as fait descendre vers toi, ni parce que tu t'es haussé ou enflé jusqu'à Lui, mais parce qu'il est librement. descendu vers toi [Note de l'auteur : De même que l'action mauvaise ne peut pénétrer dans l'élément actif – le feu, l'homme – qu'en passant par l'élément passif – l'eau, la femme – de même l'action bonne ne pouvait prendre que le même chemin. C'est pourquoi la. femme, en tant que médium inconscient, ne fait que propager, pour ainsi dire, la bonne et la mauvaise action. Et tous les philosophes modernes confondent l'agent et le médium, lorsqu'ils étendent l'infériorité du médium ou instrument, à l'action bonne ou mauvaise qui l'emploie. De cette manière, l'action divine elle-même semblerait en quelque sorte subordonnée à l'action humaine ; tandis que c'est, au contraire, l'instrument ou véhicule de cette action divine qui lui est soumise. Du reste, d'après ce qu'on vient de dire, on peut indiquer le véritable point de vue, d'aprés lequel la femme, comme le corps, doivent être aussi respectés que redoutés dans nos relations actuelles avec eux. Ne la gâte pas (la femme), car il y a en elle une bénédiction, mais crains la toutefois, car il y a sur elle une malédiction !].




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