Un des principaux enseignements de Pasqualis est celui-ci
: «
L'homme a à remplir, dans la région spirituelle, la
même fonction corporisatrice produisant la troisième dimension que
la terre dans la région matérielle, et en ceci on peut trouver la
clé du secret de son mélange, de sa complexité et de l'union
indissoluble qui en résulte avec la Terre principe. » J'ai exposé
ces données dans mes
Principes des Enseignements
fondamentaux de la Vie, et, dernièrement encore, j'ai démontré aux
initiés la corrélation du vieil adage chimique :
Vis ejus integra, si conversus fuerit in terram et du dogme christiano-théologique :
Vis ejus integra, si conversus fuerit in hominem. Pasqualis fait précéder la fonction médiatrice terrestre de l'homme de deux autres actions élémento-spirituelles, celle du
Feu et celle de l'
Eau, et il base là-dessus, comme nous le verrons dans la suite, sa théorie et sa pratique
théurgiques [Note de l'auteur : Si la philosophie moderne ignore maintes sciences et maints pouvoirs, qui semblaient imporants à la philosophie antenne, on peut aussi considérer, avec Hégel, cette privation comme une preuve de ce qu'a perdu l'esprit
humain. Sans doute, cette propagande, comme celle de ses congénères
politiques de notre époque, ne se fit-elle si facilement que parce que
les unes et les autres ne reposent réellement que sur l'ignorance et le
manque de savoir. Ainsi, par exemple, le mépris grossier et révolutionnaire
qu'un peuple ou un homme ressent à l'égard d'une institution politique
quelconque qu'il ne comprend plus, est-il tout à fait facile, et, pour
cet homme ou ce peuple, il advient parfois qu'il prend son interne vacuité
d'idée et cette absolue impuissance de s'élever de nouveau jusqu'à
elle cette alacrity dans la chute, comme dit Falstaff pour
l'affranchissement qui l'élève au-dessus d'elle. Je dis idée,
car ce qu'on nomme esprit de corporation, dans un bon sens, par exemple l'esprit
de corps dans la carrière militaire, n'est pourtant que l'idée
unique génératrice de substance, dont « le mutisme et l'inefficacité
récents », par la faute des hommes, d'abord en haut, puis en bas,
amènent partout le désordre inhérent à la décadence
asthénique de notre époque. Mais, de même que la religion
nous reporte à l'idée de toutes les idées, de même
l'Eglise, en tant que corporation de toutes les corporations, doit leur servir
de base et les consolider toutes. C'est aussi pourquoi, depuis sa décadence,
toutes ces corporations voient venir leur décomposition, contre laquelle
ne pourraient rien toutes les artifices des momies et des régimes. La science
financière elle-même a, de nos jours, fait cette expérience
que, seule la richesse de la corporation assure la fortune individuelle, et que,
sans celle-là, il n'y en a point de fixe ni de durable. Par conséquent
le principe atomique, de la destruction et du morcellement, expression omineuse
des opérations financières modernes, mène ici aussi à
la mort.], mais où il faut encore remarquer que, de même
que son
disciple Saint-Martin, il attribue à l'élément
Air
une fonction relativement supérieure dans toutes les régions, n'
entrant
jamais comme élément constitutif dans la formation ; et ainsi nous
verrons dans la suite comment Pasqualis ramène ce ternaire du
Feu, de l'
Eau
et de la
Terre, le premier étant le principe et la fin de l'élément,
le second le principe de la matière ou corporisation, et le troisième
celui de la forme ou corporisation achevée, au ternaire du nombre ou action
primordiale, de la
mesure ou réaction, et du
poids de l'énergie
accomplissant et achevant l'action
[Note de l'auteur : Cette
doctrine se retrouve également dans la doctrine des manifestations. Saint-Martin,
par exemple, dit que, de même que la nature nous montre ses substances en
germe, en végétation et en production et de même que les hommes
correspondent par lettres quand ils sont séparés, se parlent quand
ils peuvent s'entendre, gesticulent quand ils se voient, de même les manifestations
des êtres supérieurs parcourent des degrés analogues : «
Tout est tableau dans les uvres de la pensée. Elle ne se présente
jamais à nous que sous une forme sensible, parce que tout est complet dans
la source qui la produit. Cette forme sensible est son écriture. Mais on
ne s'écrit que quand on est séparé ce sont là les
substances en germe. Ne pouvons-nous pas entendre la voix des hommes au milieu
des ténèbres et sans les voir ? Ce sont là les substances
en végétation. Mais il y a un troisième degré : nous
voyons agir les hommes quand ils sont près de nous et que la lumière
les éclaire ! Voilà les substances en production... » C'est-ce
qui explique en outre comment et pourquoi personne n'a jamais vu Dieu, et c'est
la raison pour laquelle le Verbe seul nous le fait connaître, bien que,
ces paroles : Vous l'avez entendu, mais vous ne l'avez pas vu, aient eu
une signification sur l'Horeb, et une autre sur le Thabor. En d'autres termes,
Dieu n'est visible et reconnaissable pour la créature qu'en tant que cohabitant
en elle, et non en tant que la perhabitant ou l'inhabitant, et, si la crainte
de Dieu est le commencement de la science et de la sagesse, l'amour en est la
fin. Par conséquent la science sans l'amour est fausse et imparfaite.].
Si d'ailleurs Pasqualis, aussi bien dans la théorie
que dans la pratique, s'attache fortement à ce principe, savoir : «
Aucune opération physique ne se produit sans une action spirituelle
correspondante », on aurait pourtant tort de penser que sa physique
se réduit aux spectres et aux
esprits. Mais, par contre, il se montre tout
à fait exempt de cette superstition ou croyance moderne en l'abstrait intelligible
et en ce misérable « spectre » d'une nature absolument dépourvue
d'
esprit, de cette croyance en la matière, intelligence limitée,
dont on voudrait couvrir la pauvreté de cur avec une feuille de figuier.
Il est du reste utile de remarquer combien l'étude approfondie et la culture
plus soigneuse de la matière en elle-même a affaibli à notre
époque la superstition ou croyance en cette même matière.
Ainsi, par exemple, Kant a déjà rouvert la porte à ces anciens
esprits de la nature, connus des alchimistes, en introduisant de nouveau dans
la physique l'idée de la pénétration dynamique, idée
qui parait irrationnelle, il est vrai, dans cette physique mécanique, à
ce que disent les mathématiciens ; et même nos matérialistes,
qui craignent les
esprits, ne font-ils pas une distinction assez tranchante entre
les
corps spécialement pondérables, isolables et saisissables, et
les substances impondérables, non isolables et insaisissables qui, par
conséquent et suivant l'opinion générale, sont des
agents
immatériels. L'affadissement et l'affaiblissement continu des soi-disant
jouissances des sens, comme aussi la spiritualisation continue de nos maladies
corporelles, prouvent que le culte même de la matière la dématérialise
de plus en plus. Mais si déjà nul fait physique n'est explicable
par la communication réciproque des
corps individuels accomplis, c'est-à-dire
atomiques, on peut s'attendre à ce qu'il en soit de même pour chaque
fait psychique et que le contact mutuel des personnes ou des
esprits individualisés
ou paraissant tels, ou le contact avec des inférieurs est insuffisant.
Il en résulte qu'ici aussi les « fluides », c'est-à-dire
les
agents qui ne se manifestent pas d'une manière individuelle
[Note
de l'auteur : Tout agent supérieur se manifeste, il est vrai, en règle
générale, dans la région immédiatement inférieure,
seulement centrale et individuelle ; mais il ne s'ensuit pas qu'en s'élevant
vers son centre, il ne soit pas lié à là manifestion individuelle.
Si, d'ailleurs, la physique moderne reprenait l'idée de pénétration,
où perhabitation, elle aurait à rechercher les deux moments suivants,
cohabitation et inhabitation de l'être supérieur ou universel dans
l'être inférieur et particulier. Le minéral, le végétal
et l'animal nous montrent la continuité de ces trois moments, et nous rappellent
que l'homme-esprit, dans ses rapports avec sa nature supérieure, est successivement
minéral, végétal et animal.], sont nécessaires
; et cette idée de pénétration trouve ici aussi son emploi.
En effet, on a vu récemment des psychologues faire une juste distinction
entre des
esprits ou personnalités non individuelles, et d'autres entièrement
individualisées, par conséquent entre l'idée de personnalité
et celle d'individualité ; mais ils firent cependant la faute de déclarer
possible une séparation absolue, partant, une extinction, comme si l'
esprit
pouvait jamais se détacher de la nature ou celle-ci de l'
esprit, et, comme
si ce qui nous paraît une telle séparation n'était pas simplement
un changement d'individualité conservant la même personnalité
distincte
[Note de l'auteur : Autenrieth, faisant une distinction
entre la personnalité et l'individualité, et considérant
celle-ci comme l'organe de celle là, remarque très justement que,
comme la première n'est pourtant pas elle-même dans l'espace, sa
manifestation dans l'espace, sans nuire à son unité, peut s'effectuer
dans un organe séparé dans l'espace, de même cet organe
peut se dédoubler dans un seul et même organisme, dans lequel
se produit un dédoublement de l'individuabilité sensible dans la
personnalité spirituelle permanente, comme on le constate chez nombre de
malades et chez les voyants magnétiques. (Voy. les Tübinger Blätter
für Naturwissenschaft, tome II, 3ème partie. Cas d'un enfant
qui vit encore avec une lésion au cerveau. Ce que dit Schubert
dans les Blätter für höhere Wahrheit, p. 2, est très
remarquable : « On peut comparer l'illusion sur laquelle repose la prétendue
union de l'âme et du corps, actuel à celle que l'on observe très
souvent dans certains états morbides et dans les rêves, où
l'homme se prend pour une tout autre personne, et agit, pense, aime, hait, souffre
et jouit selon les sens de cette individuabilité étrangère.
»]. Dans la mort naturelle, par exemple, et dans tous les états
analogues, auxquels appartient l'extase magnétique, ce n'est plus seulement
l'individu particulier extrait de l'individualité de la nature universelle,
c'est-à-dire agissant proprement et réellement, mais cette même
individualité de la nature universelle qui est le fondement de la personnalité
et la personnalité séparée, pour parler le langage de Pasqualis,
entre immédiatement en rapport avec la Terre-principe. Or, cette suspension
de l'individualité de la nature dans l'universel n'est pas un état
stable, mais sert à la transformation dont parle
saint Paul et il serait
aussi
faux de ne pas croire au retour particulier de l'individu hors de la nature
universelle, c'est-à-dire à la
résurrection du
corps, qu'il
serait
faux de croire à une simple répétition du premier
état de cette sortie. Exprimons-nous avec plus de précision on peut
se figurer, dans cette seconde sortie, la personnalité distincte indépendante
de la nature, mais non sans nature, indépendante du temps et de l'espace,
mais non dépourvue de temps et d'espace et celui qui veut nous donner une
théorie complète du temps et de l'espace, devra démontrer
le rapport de la personnalité avec la nature, ainsi qu'avec le temps et
l'espace,avant /a~ et après sa réintégration dans cette nature
universelle, de même que son dernier rapport dans l'état de
béatitude
ou de
damnation. On peut raisonnablement considérer une théorie
du temps et de l'espace comme le problème dont la solution est demandée
à la philosophie allemande, et qu'elle doit résoudre
[Note
de l'auteur : Qu'on compare les théories de Hégel sur le temps et
l'espace, dans l'Encyclopédie des Sciences philosophiques, et celles
de Daub dans Judas Iscarioth, ainsi que mon écrit sur « la
Notion du Temps ». Qu'il me soit permis de faire remarquer encore ici
quelques conséquences des idées présentées dans le
texte. On conçoit tout d'abord qu'en règle générale,
tous les morts terrestres ne sont en rapport avec ceux qui vivent sur notre globe
que par l'intermédiaire de l'individu universel, élément
non individualisé, et que l'apparition sensible d'une telle personnalité
morte n'est qu'une exception à la règle générale,
et ne peut être qu'incomplète, ce que signifie le mot même
d'apparition. D'autre part, on peut considérer qu'ainsi que dans
la société civile, où la propriété individuelle
n'exclut pas la communauté, ainsi dans la possession organique, sans laquelle
il serait impossible d'imaginer un sentiment commun, et où par conséquent
l'identité de l'organe n'exclut pas la pluralité des personnalités
qui s'en servent, comme, par exemple, dans le cas de ce monstre les deux jeunes
hongroises collées par le ventre où il se manifestait une communauté
de sentiments dans la partie commune du corps, et par suite aussi un mouvement
commun dans l'organe commun de la locomotion, malgré les personnalités
distinctes, comme, en outre, dans notre société civile actuelle
la propriété privée et la communauté se maintiennent
encore distinctes, quoiqu'on exige une communio honorum, dans laquelle
les deux espèces de propriétés passent l'une dans l'autre
et se prêtent un mutuel appui, de même on peut aussi, dans le monde
physiologique, s'attendre à une semblable communauté de biens. Par
contre, les luttes révolutionnaires de la propriété commune
et de la propriété privée nous donnent un modèle de
la vie commune des damnés.]