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Les enseignements secrets de Martinès de Pasqually

Franz Baader
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      La Société des Illuminés fut fondée vers 1776 par un certain Weishaupt, professeur à l'Université d'Ingolstadt en Bavière, homme plus illuminé qu'éclairé, mais dont on ne saurait nier le grand zèle pour le bien de l'humanité. Weishaupt profita de sa position de professeur pour réunir « privatissimè » ses auditeurs sous le prétexte d'une répétition. Il leur exposait le résultat de ses recherches philosophiques, les engageait à lire Bayle, Jean-Jacques Rousseau et autres auteurs, et les exerçait à considérer les événements de l'époque avec l'œil de la critique. Ensuite il leur recommandait expressément une grande prudence et une grande discrétion, leur promettait un degré de lumière plus élevé, leur donnait un nom de guerre et les nommait illuminés. Weishaupt, qui avait repris pour son compte l'idée des Supérieurs Inconnus de la Stricte-Observance, communiqua ses projets à quelques confidents dont il fit ses premiers apôtres sous nom d'aréopagites. Il convint avec eux qu'il serait le chef connu seulement des premiers disciples qui ne seraient eux-mêmes connus que de leurs disciples immédiats. Dans la suite, ce club d'étudiants prit de l'extension ; des membres étrangers y furent admis, et Eichstdœt et Munich reçurent des institutions semblables.
  Dans le principe, la Société exista sans aucun rapport avec la confrérie des francs-maçons, dont ni Weishaupt, ni les premiers membres ne faisaient partie. Mais en 1778, un affilié nommé Zwackh (Caton), qui avait été reçu maçon dans une loge d'Augsbourg et qui avait compris tout le parti que les Illuminés pourraient tirer de la multitude des francs-maçons répandus en Europe, proposa à Weishaupt d'entrer dans la confrérie franc-maçonnique. Weishaupt accepta avec empressement : « Que je vous dise une nouvelle, écrivait-il à un de ses affiliés ; je pars pour Münich et vais me faire recevoir maçon afin de cimenter une alliance entre eux et nous. » Mais ce n'était pas une alliance que recherchait Weishaupt. Cette alliance était impossible, parce qu'elle aurait contredit les principes essentiels de la Franc-Maçonnerie. Weishaupt rêvait un accaparement. C'est en vain qu'on lui dit, lors de son initiation, que toute discusion politique était bannie des loges et qu'un véritable franc-maçon ne pouvait être hostile au gouvernement ou à la religion de son pays. Weishaupt savait ce que devenaient ces assurances dans son illuminisme ; il crut aisément qu'il en serait de même chez les francs-maçons. Présenté sous les auspices de Zwackh à la loge Théodore au Bon Conseil de Münich, il y fut reçu, y fit recevoir bon nombre de ses affiliés et y recruta même quelques adhérents.
      La loge Théodore au Bon Conseil avait été instituée à Münich en 1775 par la mère loge Royal York, à l'amitié de Berlin. Elle avait pour vénérable, lors de la réception de Weishaupt, l'illustre professeur Franz von Baader qui était loin de prévoir les projets de Weishaupt et les funestes suites de son initiation.
      Entré dans la Franc-Maçonnerie, Weishaupt commença ses manœuvres occultes et s'efforça d'y recruter dans le plus grand secret de nouveaux illuminés. Profitant des relations que les loges maçonniques ont entre elles, il ne tarda pas à s'affilier un grand nombre de maçons. Sa méthode était celle des Jésuites, dont il avait été l'élève. Elle consistait à chercher le point faible de celui dont il désirait l'affiliation ; à ne point contrarier te futur illuminé dans ses opinions, sous réserve de l'amener lentement aux idées de la secte ou de s'en servir habilement si ses opinions étaient irréductibles : « Ainsi, a écrit
Mounier, ceax des illuminés qui avaient des intentions pures, ou ne connaissaient pas les vraies opinions des fondateurs de cet Ordre, ou étaient comme eux égarés par une fausse doctrine. Ils leurs croyaient une morale austère, et devaient le penser, puisque ces derniers répétaient sans cesse que, pour être digne de contribuer au bonheur des hommes, il fallait avoir soi-même une vie irréprochable, que ce bonheur n'existait pas sans la vertu, et que la meilleure leçon qu'on pouvait en donner était celle de l'exempte. Ils ignoraient ce qu'on a su depuis, que Weishaupt et ses amis intimes se recommandaient d'agir avec dissimulation pour pouvoir mieux observer [Note de l'auteur : Mounier : De l'influence attribuée aux Illuminés sur la Révolution de France, p. 192. Nous nous plaisons à citer ici Mounier, parce que cet auteur est le seul qui se soit efforcé, avec la plus grande impartialité, de défendre les Illuminés.]. »
      C'est ainsi que Weishaupt réussit, sans se démasquer, à grouper dans ses Illuminés les hommes aux idées les plus disparates.
      Ces hommes n'avaient pas hésité à compter parmi les Illuminés quand on leur avait dit qu'il s'agissait « d'intéresser l'humanité au perfectionnement de son intelligence, de répandre les sentiments humains et sociaux, d'arrêter et d'empêcher les mauvais desseins dans le monde, etc., etc. » ; mais ils eussent été fort surpris de se trouver ensemble. C'est pourquoi nous trouvons parmi les Illuminés : l'évêque Häfelin (Philon), le professeur Franz von Baader (Celse), le fameux « éclaireur » Nicolaï (Lucien), le baron ministre Waldenfels (Chabras), les princes Louis, Ernest et Auguste de Saxe-Gotha et Charles Auguste de Saxe-Weimar (Timoléon, Walther et Eschyle), Théodore de Dalberg, prince évêque de Constance (Bacon), et même le duc Ferdinand de Brünswick (Aron), grand-maître de la Stricte-Observance Templière, Zimmernann, Dietrich, de Mirabeau, etc., etc. Une telle société, qui aurait pu vivre sous un régime franc-maçonnique, ne pouvait subsister comme secte. Si l'on ajoute à cet élément de destruction le germe plus dangereux qu'apportait une foule d'amtiés incapables et indignes, qui fondaient sur la Société des Illuminés toutes sortes d'espérances égoïstes ou exagérées et la couvraient d'opprobre, tristes adeptes dont quelques uns, comme l'indiquent les actes d'informations, avaient des tendances positivement mauvaises, parce qu'ils n'entendaient sous le nom de lumière rien autre chose que l'acquisition des moyens de saper l'ordre établi et de répandre de vagues doctrines, et dont d'autres faisaient écrire à Weishaupt : « Je suis privé de tout concours. Socrate [Note de l'auteur : Le juriste Bauer.], qui serait un homme précieux, est constamment ivre ; Auguste a la plus mauvaise réputation ; Alcibiade [Note de l'auteur : Hoheneicher de Freising.] reste toute la journée installé aux côtés de l'hôtesse pour laquelle il soupire, etc. », on comprendra sans peine qu'avec de tels S. I., la société de Weishaupt devait fatalement s'écrouler dès que les ténèbres dont s'entouraient les fondateurs commenceraient à se dissiper. Weishaupt le sentait bien, et, dans une autre lettre où il parle de Merz (Tibère), qui avait tenté un crime de viol : « Que dirait notre Marc-Aurèle (M. Feder), dit-il, s'il savait à quelle race de débauchés et de menteurs il s'est associé ? N'aurait-il pas honte d'appartenir à une Société dont les chefs promettent de si grandes choses et exécutent si mal le plus beau plan ? » Nous verrons plus loin comment l'écroulement se produisit. Mais à l'époque où nous sommes, en 1778-1779, les ténèbres n'étaient pas encore dissipées, et Weishaupt était parvenu à réunir plus de six cents affiliés, tant dans le monde profane que dans les divers systèmes maçonniques de l'Allemagne, en particulier dans la Stricte-Observance, qu'il désirait vivement gagner à ses sujets pour pénétrer ensuite en France.
      Mais revenons aux Elus-Coëns, à Willermoz et à Saint-Martin, que toutes ces digressions sur la politique des Philalèthes et des Directoires de la Stricte-Observance au sein du Grand-Orient, ainsi que sur la formation de la Société des Illuminés, nous ont forcés de négliger quelque peu.
      Nous avons vu comment, dès la mort de Martinès de Pasqually en 1774, plusieurs scissions s'étaient produites dans l'ordre des Elus-Coëns. Parmi ces derniers, les uns s'étaient ralliés, avec Willermoz, à l'ordre de la Stricte-Observance templière, tandis que d'autres continuaient leurs travaux sous la direction du Tribunal Souverain de Caignet de Lestère, successeur de Martinès de Pasqually [Note de l'auteur : Il est remarquable que M. Papus, qui connaissait cependant l'existence d'un successeur légitime de Martinès de Pasqually, ait gardé à son égard un silence prudent. Par contre, le même auteur s'est efforcé de faire de Willermoz l'unique successeur (?) de Martinès : Is fecit qui prodest.], et que Saint-Martin cherchait de son côté à se libérer des compromissions de Willermoz, au bénéfice d'un mouvement qui n'apparaît pas encore très nettement mais qui va se préciser dans la suite.
      Ces diverses scissions devaient s'accentuer de plus en plus. C'est que le Grand-Souverain des Elus-Coëns, Caignet de Lestère, étant mort le 19 décembre 1778 [Note de l'auteur : Quand la nouvelle de cette mort parvint en France, beaucoup de personnes crurent qu'il s'agissait de Martinès de Pasqually ; c'est pourquoi la date 1778 est donnée par plusieurs auteurs comme celle de la mort de Martinès.], après avoir transmis ses pouvoirs au T.P.M. François Sébastien de Las Casas [Note de l'auteur : M. Papus, qui s'est abstenu de parler de Caignet de Lestère, dont il orthographie le nom « de Lester » n'a pas même soupconné l'existence de Sébastien de Las Casas.], ce dernier ne jugea pas à propos de renouer les relations rompues par les événements des quatre dernières années. Quant à Saint-Martin, après être resté quelque temps avec l'Ordre des Elus-Coëns, il devait s'en détacher définitivement à la suite des événements que nous allons raconter.
      On a prétendu que Saint-Martin, ayant à porter son action au loin (?), « avait été obligé de faire certaines réformes » dans l'Ordre des Elus-Coëns [Note de l'auteur : Voyez Papus, Martinisme et Franc-Maçonnerie, Paris, Chamuel, 1899, p. 20.]. Le mot est joli; mais, outre que l'on ne voit pas en vertu de quelle autorité Saint-Martin prétendait réformer un Ordre dont, pas plus que Willermoz, il n'avait la direction, nous montrerons, puisque l'on nous y contraint, le piteux résultat de ces tentatives de réforme.
      En effet, à partir de 1778, Saint-Martin ne dissimule plus ses véritables intentions. Elles transparaissent clairement de quelques lignes de son Portrait a écrites au sujet des Elus-Coëns de Normandie : Dumainiel, Wuherick, De Varlette, Felix, Duval, Frémicourt, etc.
      « Frémicourt, écrit-il, est un de ceux qui a été (sic) le plus loin dans l'ordre opératif. Mais il s'en est retiré par le pouvoir d'une action bienfaisante qui l'a éclairé. Je n'étais pas assez avancé dans ce genre ni dans aucun autre genre actif, pour faire un grand rôle dans cette excellente société, mais on y est si bon qu'on m'y a accablé d'amitiés. »
      Cette action bienfaisante ne serait-elle pas celle de Saint-Martin ? Cela ne paraîtra pas impossible quand on aura confronté ces lignes avec celles écrites par Saint-Martin au sujet d'une visite aux Elus-Coëns de Versailles :
      « Pendant le peu de séjour que j'ai fait dans cette ville de Versailles, j'y ai connu MM. Roger, Boisroger, Mallet, Jance, Mouet. Mais la plupart de ces hommes avaient été initiés par les formes. Aussi mes intelligences étaient-elles un peu loin d'eux. Mouet est un de ceux qui étaient les plus propres à les saisir. »
      La confrontation des deux passages précédents nous montre déjà clairement l'opposition faite par Saint-Martin de ses intelligences à l'ordre opératif, au genre actif et à l'initiation par les formes des Elus-Coëns.
      M. Matter, qui avait constaté, dans des fragments de procès-verbaux des Elus-Coëns de Versailles, « une sorte de terminologie analogue à celle des loges maçonniques », avait interprété l'expression « initiés par les formes » par : « initiés par des cérémonies extérieures, cérémonies peut-être trop analogues à celles des loges qui lui donnaient si peu de satisfaction [Note de l'auteur : Voyez Matter, Saint-Martin, Paris, Didier, 1862, p. 94]. » On voit que la véritable interprétation est : initiés par les manifestations sensibles obtenues au moyen de cérémonies.




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