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Les enseignements secrets de Martinès de Pasqually

Franz Baader
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      Cagliostro était en effet un personnage suffisamment inquiétant pour que des maçons instruits désirassent être fixés à son égard. On aurait tort de croire que les Philalètes et les Elus-Coëns le considéraient comme un simple imposteur dont il serait amusant de démasquer la charlatanerie en quelques séances de convent. L'exacte vérité que nous rèvèle la correspondance du frère Astier avec les élus-coëns d'Avignon, Labory et de la Martinière, c'est que l'on désirait scruter les véritables fondements des opérations de Cagliostro, entreprise que rendaient bien difficiles la mobilité et la souplesse du personnage ; « Ces messieurs (les Philalèthes), écrit le frère Astier, cherchent un expédient, persuadés que notre homme leur échappera si on le laisse entrer et discourir dans l'assemblée. Car dans cette extrémité, on n'en pourra rien tirer hormis les belles assurances qui sont sa monnaie de singe pour les curieux et quand il aura bien canzoné sans qu'aucun puisse placer un mot, vous verrez que tous nos gens seront charmés de son esprit : En saurons-nous davantage ? Votre frère Dessalles, qui, m'a-t-on dit, a connu intimement M. Sarazin [Note de l'auteur : Il est vraisemblable que le Sarazin dont il est question ici est le même que celui qui dirigea la loge de Cagliostro à Bâle. Saint-Costart était vénérable de celle de Lyon, la Sagesse triomphante, dont nous reparlerons plus loin ; il avait effectivement connu Dessales, puisque ce fut par l'intermédiaire de ce dernier que les Philalèthes firent sonder par Saint-Costart les dispositions de Cagliostro.], et qui doit avoir eu quelques rapports avec Saint-Costart, lors de ses voyages à Lyon, serait d'une grande utilité, mais j'ai quelque crainte que ses affaires ne lui permettent pas de s'absenter en cette occasion. Touchez-lui en deux mots à son retour de , s'il veut être l'un des rétiaires de cet insaisissable Protée » .
      On voit que si les organisateurs du convent étudiaient le moyen d'apprécier en toute connaissance de cause les opérations et les intentions de Cagliostro, ils se rendaient parfaitement compte des difficultés que présentait l'examen d'un personnage dont les manières prêtaient à des conjectures si contradictoires que De Gleichen, qui l'avait connu à , écrivait de son côté : « On a dit assez de mal de Cagliostro, je veux en dire du bien. Je pense que cela vaut toujours mieux, tant qu'on le peut. Si son ton, ses gestes et ses manières étaient celles d'un charlatan plein de jactance, de prétention et d'impertinence, ses procédés étaient nobles et charitables, et ses traitements curatifs « jamais malheureux et quelquefois admirables : il n'a jamais pris un sol à ses malades. Je l'ai vu courir, au milieu d'une averse, avec un très bel habit, au secours d'un mourant, sans se donner le temps de prendre un parapluie, et j'ai vérifié trois cures merveilleuses qu'il a faite à , dans les trois genres où l'art des Français excelle. Son bonheur ou sa science en médecine a dû lui attirer la haine et la jalousie des médecins acharnés entre eux autant que les prêtres, quand ils se persécutent. Qu'on joigne à la calomnie de tant d'ennemis positifs la malveillance des hommes, qui aiment en général à croire et à répéter plutôt le mal que le bien, et on verra qu'il est au moins possible qu'un inconnu excitant l'envie plus que la pitié ait été opprimé par la médisance. Ceux qui ont beaucoup vécu avec lui m'en ont toujours dit du bien, et personne du mal avec des preuves convaincantes ».
      L'élu-coën Dessales s'étant rendu à Lyon auprès de Saint-Costart, vénérable de la loge que Cagliostro avait instituée en 1782, en rapporta la promesse que ce dernier se rendrait au convent s'il y était convoqué. Voici le texte de la seconde circulaire qui fut adressée à un grand nombre de maçons français et étrangers et notamment à Saint-Martin :

                        Très chers frères,

      Nous regrettons vivement que des circonstances de force majeure nous contraignent d'avancer d'une année notre assemblée fraternelle. L'importance de cette raison, le choix et le nombre des projets que nous croyons devoir vous soumettre, nous mériteront votre indulgence. Si, cependant, le Grand Architecte bénit notre travail et dirige nos premières réunions, plusieurs objets que nous vous exposons ici deviendront peut-être superflus. On pourrait, dans ce cas, les remplacer par d'autres de nature à agir plus puissamment et plus immédiatement en faveur du but auguste de l'Ordre.
      Cette seconde circulaire, que nous vous avions annoncée dans notre première, doit surtout vous proposer les questions principales, dont les réponses nous paraissent indispensables. Nous prions tous ceux qui la recevront de nous communiquer leurs réponses par écrit. Nous vous faisons en même temps connaître les cérémonies que nous avons déterminées et les résolutions que nous avons arrêtées pour la tenue de notre assemblée. Nous pourrons vous informer ultérieurement lorsque nos frères invités nous aurons exprimé leurs opinions. Nous ne saurions trop répéter que nous ne réclamons aucun titre particulier à ce congrès, si ce n'est celui de promoteurs et de convocateurs. Loin de craindre de rencontrer des maîtres dans cette science, nous souhaitons sincèrement et vivement que les véritables maîtres de la science soient présents et se fassent connaître. Vous trouverez en nous des élèves ardents et reconnaissants autant que de vrais Philalèthes.
      Nous ne croyons pas, nous n'espérons même pas, que les articles spécifiés dans ce projet soient l'objet unique et exclusif des travaux du futur congrès. Il y en a d'autres plus importants que la prudence nous défend de confier au papier et encore moins à l'impression. Nous doutons même qu'il soit possible de les traiter avantageusement en plein convent. Peut-être serait-il plus facile et plus avantageux au bien général de les développer en secret et pièces en main dans des comités spéciaux, composés des délégués que leurs opinions, leurs travaux et leurs grades recommandent particulièrement. Ces comités informeraient l'assemblée générale du résultat de leurs travaux et des fruits de leurs investigations, autant qu'ils le pourraient sans s'exposer à être parjures.
      II est probable que la discussion des articles proposés fera surgir de nouvelles questions, qu'il est impossible de préciser ici. Tous les hommes instruits peuvent les prévoir et doivent s'y préparer. N'oublions pas que le but essentiel de ce convent étant, d'une part, la destruction des erreurs, et de l'autre la découverte de vérités maçonniques ou intimement liées avec la Maçonnerie, notre premier devoir à tous doit être de nous munir de tout ce qui paraît devoir contribuer à l'un ou l'autre de ces objets. Nous prions et nous conjurons encore une fois tous les frères empêchés, de s'unir à nos travaux et de traiter longuement les questions proposées. Le concours de toutes les lumières et le choc des opinions est de la dernière importance. Nous pouvons vous garantir au nom du futur congrès que le même secret sera gardé sur l'abstention des frères invités et absents qui n'auraient pas répondu clairement, franchement et cordialement à la seconde circulaire. Tels sont, très chers frères, les souhaits et les vœux de vos frères dévoués, chargés de vous faire ces propositions par la société des Philatèthes supérieurs de la constitution de la Loge des Amis réunis à l'Orient de Paris » [Note de l'auteur : Le ton réservé de cette circulaire a autorisé quelques polémistes à déclarer que les Phitatèthes nourrissaient les plus noirs desseins à l'égard de l'ordre social.].
      On joignit à cette circulaire un certain nombre des questions dont devait s'occuper le convent : « Quelle est la nature essentielle de la science maçonnique ? Quelle origine peut-on lui attribuer ? Quelles sociétés et quels individus l'ont anciennement possédée et l'ont perpétuée jusqu'à nous ? Quels corps ou quels individus en sont actuellement les vrais dépositaires ? Avec quelles sciences secrètes la Franc-Maçonnerie a-t-elle des rapports ? Quels sont ces rapports ? etc., etc. Ainsi, les organisateurs du convent s'efforcèrent de détruire tout malentendu dans l'esprit de ceux qui n'avaient pas cru devoir accepter leur première invitation. Ils firent mieux : tandis que de Gleichen écrivait au duc de Brünswick et que de Beyerlé s'abouchait avec Saint-Costart [Note de l'auteur : De Beyerlé fut chargé de toute la correspondance que le comité organisateur et le convent échangèrent avec la loge de Cagliostro. C'est ce qui a fait croire à un auteur maçonnique que de Beyerlé avait été secrétaire du convnt en l'absence du marquis de Chefdebien.], l'élu-coën de Pontcarré adressait à Saint-Martin une lettre le priant d'assister à l'examen de Cagliostro. Mais Saint-Martin ne se souciait pas de prendre part aux travaux d'une assemblée où l'on traiterait des sciences qu'il jugeait peu nécessaires, sinon dangereuses, pour le salut de l'humanité et soit qu'il éprouvât quelque ennui de se rencontrer avec ses anciens frères, soit qu'il ne voulût pas affronter Cagliostro, il jugea prudent de ne faire aucune réponse. Saint-Martin était d'ailleurs très inquiet au sujet de Cagliostro, qu'il jugeait redoutable. Ce qu'il avait appris des travaux de la loge de ce dernier l'avait jeté dans une si grande perplexité que l'on peut croire que ce ne fut pas sans l'éloigner encore de l'école de Martinès de Pasqually. Le récit de quelques-uns de ces travaux, rapproché de la triste opinion que Saint-Martin avait de la moralité de Cagliostro et de ce que nous savons déjà sur les théories du théosophe, nous aidera à comprendre cet état d'âme :
      « ...Mais une remarque essentielle, et qui chez moi reste prépondérante jusqu'à ce que vous m'ayez convaincu du contraire, c'est que les manifestations qui se communiquaient à votre école [Note de l'auteur : La loge des Elus-Coëns de Bordeaux, que Saint-Martin fréquenta de 1768 à 1773.] étaient vraisemblablement des formes d'emprunt. Voici sur quoi je me fonde dès que ces communications tombent sous le sens externe de la vue, je crois qu'elles peuvent prendre des contours si supérieurement dessinés, des formes si imposantes et des signes si augustes, qu'il n'est guère possible de ne pas les admettre comme véritables, quand même elles ne seraient qu'empruntées. Un exemple marquant dans ce genre, et que j'ai appris, il y a une couple d'années, est celui qui arriva à la consécration de la loge de maçonnerie égyptienne à Lyon, le 27 juillet 5556, suivant leur calcul, qui me paraîit erroné.
      Les travaux durèrent trois jours, et les prières cinquante-quatre heures ; il y avait vingt-sept membres assemblés. Dans le temps que les membres prièrent l'Eternel de manifester son appprobation par un signe visible, et que le maître était au milieu de ses cérémonies, le Réparateur parut, et bénissait les membres de l'assemblée. Il était descendu devant un nuage bleu qui servait de véhicule à cette apparition ; peu peu il s'éleva encore sur ce nuage qui, du moment de son abaissement du ciel sur la terre, avait acquis une splendeur si éblouissante, qu'une jeune fille C., présente ne put en soutenir l'éclat. Les deux grands prophètes et le législateur d'Israël leur donnèrent aussi des signes d'approbation et de bonté. Qui pourrait avec quelque vraisemblance mettre la ferveur et la piété de ces vingt-sept membres en doute ? Cagliostro ! Ce seul mot suffit pour faire voir que l'erreur et les formes empruntées peuvent être la suite de la bonne foi et des intentions religieuses de vingt-sept membres assemblés. »
      Nous tenions à citer ce passage d'une lettre datée de 1793, parce que son auteur, le baron de Liebisdorf, qui avait tout aussi mauvaise opinion de Cagliostro que Saint-Martin, y reproduit très probablement les soupçons que dut avoir Saint-Martin lui-même en 1784. La réponse de Saint-Martin est d'ailleurs assez ambiguë : « Je savais par écrit, dit-il, toutes les aventures de Lyon dont vous me parlez. Je n'hésite pas de les ranger dans la classe des choses les plus suspectes. Quant aux manifestations qui ont eu lieu dans mon école, je les crois beaucoup moins tarées que toutes celles-là ; ou, si elles l'étaient, il y avait en nous tous un feu de vie et de désir qui nous préservait, et même qui nous faisait cheminer assez gracieusement ; mais nous connaissions peu le centre alors. »
      Le convent des Philalèthes fut ouvert le 19 février 1785. Les premières séances furent consacrées à l'organisation des discussions et à la constitution des différents comités chargés de sauvegarder les intérêts de tous les rites représentés au convent, comités qui, tout en prenant part aux discussions de l'assemblée, devraient poursuivre leurs travaux respectifs en particulier. Les comités furent constitués au nombre de quatre, nombre qui parut le plus généralement adoptable aux degrés des divers rites, et composés des délégués suivants : De Boulainvilliers, De Jumilly, Lenoir ; De Saisseval, Jablanowski, Narboud ; Disch, Hirschberg, De Vorontsof ; Dubarry, De Calvimont et Von Reichel ; auxquels on adjoignit, plus tard, les frères de Beyerlé, Dessalles et d'Epréménil [Note de l'auteur : Dans cette liste, on remarque les noms de quatre Elus-Coëns, de cinq Philosophes Ecossais, d'un membre de l'Association éclectique, d'un membre de la Grande-Loge de Pologne, d'un Rose-Croix Philadelphe, d'un Rose-Croix prussien (Grande-Loge aux Trois-globes-terrestres), d'un Rose-Croix bavarois (loge de Carl-à-la-lumière) et d'un Philalèthe.].
      L'assemblée ayant décidé d'entendre Cagliostro, on lui écrivit officiellement pour le prier de se rendre au convent. Mais, en dépit des promesses de Saint-Costart, Cagliostro ne vint pas. Il se contenta d'envoyer un emphatique manifeste dont le ton fit assez mauvaise impression. Ce manifeste était ainsi conçu :

      Le Grand-Maître inconnu de la maçonnerie véritable a jeté les yeux sur les Philalèthes. Touché de leur piété, ému par l'aveu sincère de leurs besoins (sic), il daigne étendre la main sur eux, et consent à porter un rayon de lumière dans les ténèbres de leur temple.
      Ce sera par des actes et des faits, ce sera par le témoignage des sens, qu'ils connaîtront Dieu, l'homme et les intermédiaires spirituels créés entre l'un et l'autre, connaissance dont la vraie maçonnerie offre les symboles et indique la route. Que les Philalèthes donc embrassent les dogmes de cette maçonnerie véritable, qu'ils se soumettent au régime de son chef suprême, qu'ils en adoptent les constitutions. Mais avant tout le sanctuaire doit être puriflé ; les Philalèthes doivent apprendre que la lumière peut descendre dans le temple de la foi, et non dans celui de l'incertitude. Qu'ils vouent aux flammes ce vain amas de leurs archives ! Ce n'est que sur les ruines de la tour de confusion que s'élèvera le temple de la vérité. »




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