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Les enseignements secrets de Martinès de Pasqually

Franz Baader
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      Le 16 mars 1769, le P. M. Bacon de la Chevalerie, substitut, répondit en substance qu'il était prêt à contribuer pour sa part à tons les frais du déplacement du Grand-Souverain ; mais que le Tribunal Souverain attendait vainement depuis deux ans la réalisation des promesses de Martinès que les frères de l'orient se plaignaient, non sans raison, d'être négligés, et que quelques-uns d'entre eux avaient même manifesté des doutes peu bienveillants à l'égard du Grand-Souverain ; que dans ces conditions, et bien que lui, de la Chevalerie, se fût porté maintes fois garant de la bonne foi de Martinès, il était prudent de ne pas continuer à mécontenter des frères à qui on ne pouvait reprocher qu'un excès de zèle et dont on attendait quelques sacrifices. De son coté, Willermoz écrivit le 29 avril à Martinès une lettre dans laquelle il exposait le mécontentement de Bacon de la Chevalerie et de De Lusignan pour la trop grande indulgence du Grand-Souverain à l'égard du sieur Bonnichon. Dans ce factum, il traitait assez durement son Grand-Souverain. Emettant des doutes sur sa clairvoyance et sur sa science, il se plaignait surtout de ne pas encore avoir, au bout de deux ans, une preuve des pouvoirs de Martinès ; d'en être réduit à se contenter des. témoignages du P. M. Substitut, et de n'avoir encore pu, faute d'instruction, poser les bases d'un temple à Lyon [Note de l'auteur : Cette lettre du frère Willermoz a été publiée in-extenso par M. Papus dans son ouvrage sur Martinès de Pasqually, p. 42 et suiv.].
      Martinès laissa passer le gros de l'orage et répondit qu'il était tout disposé à communiquer les cérémonies et instructions, tant générales que particulières mais qu'il redoutait qu'on ne les étudiât pas mieux que celles qu'il avait données précédemment, parce qu'il lui semblait que les frères étaient plus désireux d'être avancés dans l'ordre que déterminés à travailler à leur instruction. Cependant il expédia un certain nombre d'instructions.
      Mais ce n'était pas ce que désiraient surtout Bacon de la Chevalerie et Willermoz. Le premier voulait attirer Martinès à Paris, auprès du Tribunal Souverain ; et le second, tout en désirant recevoir personnellement des preuves des pouvoirs du Grand-Souverain, aurait surtout voulu fonder un établissement à Lyon [Note de l'auteur : Nous ferons observer à M. Papus, qui parle d'une loge d'élus-coëns siégeant à Lyou, à partir de 1765, sous la présidence de Willermoz, qu'il n'y avait encore à Lyon, au commencement de 1770, que six élus-coëns, dont Willermoz, à peine initiés.]. Au commencement de 1770, ils firent donc de nouvelles propositions à Martinès qui répondit par une longue lettre [Note de l'auteur : Cette lettre, du 11 juillet 1770, est en réalité un factum de plusieurs pages in-4° et ne pouvait trouver place ici, malgré son importance. On en trouvera une sorte de résumé pp. 180 à 191 de l'ouvrage de M. Papus, déjà cité, où ce résumé est présenté de telle manière qu'on ne peut savoir s'il s'agit d'un brouillon de Martinès ou d'un résumé pris par Willermoz sur le document original. Nous penchons vers cette dernière hypothèse, parce que le document Papus ne mentionne pas un grand nombre de faits importants. Il est probable que Willermoz se sera contenté, dans un voyage à Paris, de relever sur le document des archives du Tribunal Souverain l'ensemble des réponses de Martinès relatives aux propoitions faites par les Rose-Croix.], dans laquelle, tout en se plaignant du trop grand zèle du frère De Grainville, il refusait les offres pécuniaires du Tribunal Souverain. Il annonçait que sa dette était sur le point d'être acquittée et morigénait ses Rose-Croix de leur manque de confiance. Enfin il laissait entendre qu'il avait connaissance de certaines fautes, en se contentant de plaindre ceux qui manquaient aux devoirs de leur charge.
      Ce dernier trait est important, car il nous montre que Bacon de la Chevalerie avait, déjà à cette époque, commis quelques irrégularités dans l'exercice de son ministère.
      Bacon de la Chevalerie, dont Willermoz devait quelques années plus tard reprendre les projets, était, en effet, tout récemment entré en relations avec plusieurs émissaires de la Stricte-Observance templière d'Allemagne. Ils projetaient de réaliser en France, dans un but politique assez nébuleux, une sorte de concentration maçonnique analogue à celle qui était tentée en Allemagne, depuis une dizaine d'années, par les templiers du baron de Hund dont nous avons déjà parlé. Bacon de la Chevalerie, maçon actif mais ambitieux, espérait que, les premières difficultés aplanies, Martinès ratifierait les traités de son substitut et favoriserait un mouvement que ce dernier avait été amené à considérer comme très important par les envoyés templiers Stelter et Draeseke. It estimait surtout que les Elus-Coëns trouveraient dans la Stricte-Observance, dont on lui vantait les ressources et le crédit et qui comprenait effectivement beaucoup de personnages titrés et influents, un vaste champ de recrutement et un puissant levier.
      Il n'y avait qu'un léger nuage sur toutes ces belles conceptions du substitut, nuage que Bacon de la Chevalerie ne connut pas ou auquel il n'attacha aucune importance c'était que l'énorme système de la Stricte-Observance ne reposait que sur le vide et les ténèbres, et ne se soutenait que de promesses et de tromperies, tout en étant étroitement gouverné par ses Supérieurs lnconnus [Note de l'auteur : C'est la première fois que l'on voit apparaître dans la Franc-Maçonnerie ces Superiores Incogniti ou S. I. qui depuis ont été attribués, par un auteur fantaisiste, au théosophe Saint-Martin, peut-être parce que ce dernier signait ses ouvrages : un Philosophe Inconnu, nom d'un grade des Philalèthes. Il est vrai que le même fantaisiste a attribué les Philalèthes à Saint-Martin ; qu'il a également attribué le livre des Erreurs et de la vérité, du Philosophe Inconnu, à un Agent Inconnu, et qu'il s'intitule lui-même S. I. Quand on prend de l'inconnu, on n'en saurait trop prendre.].
      Mais Martinès de Pasqually savait à quoi s'en tenir sur le régime des templiers allemands et sur ces fameux S. I. que l'on devait connaître quelques années plus tard, lorsque, après avoir vainement tenté de s'emparer du Grand Orient de France, ils furent successivement démasqués par leurs propres partisans.
      Le Grand Souverain et son substitut ne pouvaient donc s'entendre. Peut-être y avait-il entre eux d'autres sujets de brouille, car il semble que le frère Bacon de la Chevalerie ne remplissait pas toujours les conditions exigées dans les travaux des Elus-Coëns : « Un jour, a-t-il raconté, que je n'étais pas parfaitement pur, je combattais tout seul dans mon petit cercle, et je sentais que la force supérieure d'un de mes adversaires m'accablait, et que j'allais être terrassé. Un froid glacial, qui montait de mes pieds vers le cœur, m'étouffait, et prêt à être anéanti, je m'élançai dans le grand cercle poussé par une détermination obscure et irrésistible. Il me sembla en y entrant que je me plongeais dans un bain tiède délicieux, qui remit mes esprits et répara mes forces dans l'instant. J'en sortis victorieux, et, par une lettre de Pasqually, j'appris qu'il m'avait vu dans ma défaillance et que c'était lui qui m'avait inspiré la pensée de me jeter dans le grand cercle de la Puissance Suprême ».
      Quoi qu'il en soit, Martinès de Pasqually et Bacon de la Chevalerie se séparèrent assez mécontents l'un de l'autre. Bacon de la Chevalerie cessa de faire des prosélytes à des doctrines qui, disait-il, l'avaient rendu fort malheureux, et il se confina désormais dans la pratique des degrés symboliques et philosophiques.
      Mais, en 1771, les relations entre Martinès et son substitut n'étaient pas encore aussi tendues qu'elles le furent un an plus tard, lorsque Martinès, convaincu des intrigues fusionnistes de Bacon de la Chevalerie, résolut de le suspendre de ses fonctions et de le remplacer par T. P. M. Deserre. Aussi, au mois d'août 1771, se rendit-il, accompagné du frère De la Borie, auprès du Tribunal Souverain de Paris. Il compléta l'instruction des anciens et des nouveaux Rose-Croix de cet orient, installa définitivement le temple de Versailles et repartit pour Bordeaux au mois d'octobre. Là, bien que toujours tourmenté par ses affaires temporelles, il continua ses divers travaux maçonniques. Notamment, le 17 avril 1772, il ordonna Rose-Croix, le frère Deserre et le frère De Saint-Martin dont nous reparlerons longuement dans la suite de cette Notice [Note de l'auteur : Louis-Claude de Saint-Martin, né à Amboise le 13 janvier 1743, et qui devait devenir un des plus grands mystiques français, avait été successivement avocat au siège présidial de Tours et lieutenant au régiment de Foix dont les officiers, membres de la loge de Josué, lui firent connaître Martinès de Pasqually.].
      Martinès de Pasqually devait quitter définitivement Bordeaux le 5 mai 1772 pour aller recueillir une succession à Port-au-Prince.




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