Aussi, lorsqu'en 1760
Martinès de Pasqually
se présenta aux
Loges-de-St-Jean-Réunies de
Toulouse, sans
autres références qu'une charte hiéroglyphique et quelques
lettres
[Note de l'auteur : A ce sujet, nous croyons devoir
dire que lorsque M. Papus affirme que Martinès de Pasqually a reçu
l'initiation de Swedenborg au cours d'un voyage à Londres, et que le système
propagé par lui sous le nom de rite Elus-Coëns n'est qu'un
Swedenborgisme adapté, cet auteur s'abuse ou cherche à abuser
ses lecteurs dans l'intérêt d'une thèse très personnelle.
Pour se livrer à de semblables affirmations il ne suffit pas, en effet,
d'avoir lu dans Ragon qui, lui-même, l'avait lu dans Reghelini, que Martinès
a emprunté le rite des Elus-Coëns au suédois Swedenborg.
M. Papus aurait pu s'abstenir de reproduire, en l'amplifiant, une appréciation
qui ne repose sur rien de sérieux. Il aurait pu rechercher les sources
de son document et s'assurer qu'il n'y a que fort peu de rapports entre la doctrine
et le rite de Swedenborg, et la doctrine et le rite des Elus-Coëns. Plusieurs
auteurs se sont demandés et nous nous demandons nous-mêmes où
Reghelini a pris ce qu'il écrit, page 434 de son 2ème volume. Nous
supposons qu'il a confondu, sous le nom d'Illuminés d'Avignon, la
mère loge du rite de Swedenborg d'Avignon et les Elus-Coëns
séant dans la même ville. Quant au prétendu voyage à
Londres, il n'a eu lieu que dans l'imagination de M. Papus.], son titre
d'Ecuyer
[Note de l'auteur : Le grade d'Ecuyer, un
de ceux attribués à Ramsay, était immédiatement suivi
de celui de Chevalierdu temple, dit aussi Chevalier lévite de l'intérieur
ou Chevalier de la tour.] et ses fonctions d'Inspecteur général
[Note de l'auteur : Comme l'a si bien fait remarquer Jouaust,
les titres d'Inspecteur général, de Souverain inspecteur
et de Grand souverain, après avoir été fonctions à
l'origine, sont devenus grades par une suite naturelle et presque forcée
des prérogatives qui y étaient attachées, et de la délégation
que l'on en pouvait faire. Mais en 1760, ce n'étaient encore que des fonctions.]
de la
Loge des Stuwards excitèrent quelque soupçon. Une si
haute fonction dans l'Art Royal et les marques d'estime et de reconnaissance que
le prétendant Stuart semblait témoigner à Martinès
parurent probablement peu en rapport avec la simplicité d'aspect de ce
dernier. D'ailleurs depuis 1747, époque à laquelle les
Fidèles
Ecossais de
Toulouse avaient reçu leur constitution de sir Samuel Lockart,
lieutenant de Charles Stuart, ces loges avaient eu à souffrir des man8uvres
de plusieurs aventuriers qui, successivement, s'étaient présentés
comme envoyés du grand chapitre de
Clermont, chargés de compléter
l'instruction des
frères de
Toulouse, alors qu'ils ne visaient qu'à
un trafic lucratif de chartes et de titres falsifiés.
Martinès fut donc accueilli avec une méfiance
bien justifiée par les tromperies dont presque toutes les loges avaient
déjà été plus ou moins victimes. Mais si, dans le
but évident de prouver sa bonne foi, il crut devoir négliger les
formes ordinaires pour exposer ouvertement sa mission et ses moyens devant un
atelier symbolique, les résultats vinrent malheureusement prouver qu'il
commit en cette circonstance une faute irréparable. C'est que, comme nous
l'avons déja écrit ailleurs, Martinès méconnut trop
souvent le rôle des loges
symboliques dites loges bleues. Il le regretta
plus tard et, convaincu des grands embarras que son caractère ouvert joint
à ce qu'il appelait sa « trop grande facitité » avaient
suscités à son uvre, il résolut alors de s'en remettre
à son
Tribunal Souverain de
Paris pour les demandes d'admission
ou de constitution qui lui étaient adressées. Donc, Martinès
n'eut pas la prudence d'attendre l'occasion de réaliser ses pouvoirs, et,
sans étudier préalablement l'organisation d'un chapître, il
s'ouvrit directement en loge bleue de ses divers projets. Il en résulta
ce qui résultera toujours de semblables propositions. Les
frères
devant qui Martinès résuma, un peu à la manière de
Ramsay, une sorte de plan-parfait de la
Franc-Maçonnerie, dans lequel il
parlait successivement de la mystérieuse construction de l'ancien et du
nouveau temple, des Chevaliers
lévites, des Cohenim-Leviym et des Elus-Coëns,
ces
frères, disons-nous, écoutèrent avec déférence
les explications théoriques du Grand Inspecteur mais lorsqu'il fut question
de certaines démonstrations moins théoriques, tous désirèrent
vivement recevoir ces nouvelles instructions. Martinès, de son côté,
trop avancé pour reculer, était aussi trop désireux de prouver
sa bonne foi pour ne pas se rendre aux sollicitations de l'assemblée ;
mais, ne pouvant contenter tous les assistants, il proposa d'exécuter quelques
travaux avec te concours de trois maîtres que le sort désignerait.
Le résultat de tout ceci fut déplorable. Martinès
en deux épreuves fut couvert de confusion, et les trois maîtres devant
qui il avait opéré déposèrent en loge un rapport tel,
que, sur la proposition du
frère Raymond, et, malgré les hésitations
de quelques membres, l'expulsion immédiate de Martinès fut décidée.
Martinès quitta précipitamment
Toulouse, en
laissant d'ailleurs quelques dettes qui achevèrent de le perdre dans l'
esprit
des francs-maçons de cette ville.
Cette aventure un peu ridicule ne découragea pas Martinès,
mais elle eut pour heureux résultat de lui faire apporter plus de prudence
dans ses relations avec les loges relevant de son obédience. D'ailleurs,
il n'eut pas toujours semblable déconvenue. La loge de
Josué,
à l'orient de
Foix, le reçut avec honneur et, après la fondation
de son temple, prit le titre de
Temple des Elus-Ecossais
[Note
de l'auteur : Archives de la collection de feu M. Astier, vénérable
de la loge Rose du parfait silence, président du Chapitre des Amis
de la Sagesse et membre du Suprême Conseil du Rite Ecossais.].
Ce fut par les membres de ce temple que Martinès commença
à se faire connaître aux maçons de
Bordeaux, ville dans laquelle
il avait projeté d'établir le centre de ses opérations.
Bordeaux
était déjà en 1761 un centre très actif de
Franc-Maçonnerie
; on y comptait trois ou quatre loges dont deux particulièrement importantes,
l'Anglaise et
la Française.
L'Anglaise, qui était
la plus ancienne, était en discussions continuelles avec la
Grande Loge
de France, dont elle s'arrogeait les droits en dépit de la décision
prise par lord Harnouester. C'est ainsi qu'elle créa un grand nombre de
loges bâtardes, tant à
Bordeaux que dans les pays environnants, qui
ne furent définitivement réintégrées que vers 1775.
Aussi, ce ne fut pas à elle que Martinès s'affilia, mais à
la
Française. Cette dernière loge, placée sous l'administration
de la
Grande Loge de France, se recommandait particulièrement par
le choix de ses membres, dont plusieurs étaient des personnages éminents
du Parlement de
Bordeaux.
Martinès présenta donc, sous les auspices du
comte Maillal d'
Abzac, du
marquis de Lescourt et de deux commissaires de la marine,
la demande d'affiliation suivante :
Le soussigné,
Supplie très humblement la très
respectable Loge de vouloir bien lui faire l'honneur
de l'affilier, et il fera en reconnaissance
des vux au Grand Architecte de l'Univers pour
la prospérité des maçons
répandus sur la surface de la terre et de cette respectable Loge. »
Signé : MARTINÈS, Ecuyer.
Sa demande fut acceptée, et Martinès s'efforça
dès lors de sélecter selon les formes ordinaires les membres de
ses divers degrés d'instruction.
Tout allait pour le mieux et Martinès avait déjà
instruit un certain nombre de
frères, entre autres
les deux frères
d'
Aubenton, Morin, de Case, Bobie, Lexcombart, de Jull Tafar, de Lescourt et d'
Abzac
[Note de l'auteur : La plupart de ces frères devaient
faire partie en 1768, du Tribunal Souverain de Paris, sur le tableau duquel ils
figurent déjà en 1767 à titre consultatif.], lorsque
le 26 août 1762, la
Française reçut une lettre des
Loges-de-St-Jean-Réunies. Par cette lettre, les francs-maçons
de
Toulouse informaient la
Française des infructueux essais de Martinès
dans leur ville, et lui conseillaient de ne rien entreprendre et de n'édifier
aucun temple sans un minutieux contrôle des titres de ce
frère. Ils
laissaient entendre que les titres du grand Inspecteur devaient être de
son invention, parce que lui-même n'était qu'un simple ouvrier en
voitures et que, si sa condition rendait déjà suspecte la possession
de semblables titres, son échec démontrait d'ailleurs clairement
que lui, Martinès, n'avait aucun des pouvoirs attachés à
ces titres ; parce qu'enfin la loge avait eu connaissance de plusieurs créances
oubliées par Martinès lors de son départ de
Toulouse, et
que cela suffisait pour le signaler à l'attention de tous les membres de
la confrérie.
Ce fut par les membres de ce temple que Martinès commença
à se faire connaître aux maçons de
Bordeaux, ville dans laquelle
il avait projeté d'établir le centre de ses opérations.
Bordeaux
était déjà en 1761 un centre très actif de
Franc-Maçonnerie
; on y comptait trois ou quatre loges dont deux particulièrement importantes,
l'Anglaise et
la Française.
L'Anglaise, qui était
la plus ancienne, était en discussions continuelles avec la
Grande Loge
de France, dont elle s'arrogeait les droits en dépit de la décision
prise par lord Harnouester. C'est ainsi qu'elle créa un grand nombre de
loges bâtardes, tant à
Bordeaux que dans les pays environnants, qui
ne furent définitivement réintégrées que vers 1775.
Aussi, ce ne fut pas à elle que Martinès s'affilia, mais à
la
Française. Cette dernière loge, placée sous l'administration
de la
Grande Loge de France, se recommandait particulièrement par
le choix de ses membres, dont plusieurs étaient des personnages éminents
du Parlement de
Bordeaux.
Martinès présenta donc, sous les auspices du
comte Maillal d'
Abzac, du
marquis de Lescourt et de deux commissaires de la marine,
la demande d'affiliation suivante :
Le soussigné,
Supplie très humblement la très
respectable Loge de vouloir bien lui faire l'honneur
de l'affilier, et il fera en reconnaissance
des vux au Grand Architecte de l'Univers pour
la prospérité des maçons
répandus sur la surface de la terre et de cette respectable Loge. »
Signé : MARTINÈS, Ecuyer.
Sa demande fut acceptée, et Martinès s'efforça
dès lors de sélecter selon les formes ordinaires les membres de
ses divers degrés d'instruction.