Unissons-nous, hommes de paix, hommes de désirs
; unissons-nous pour contempler dans un saint tremblement l'étendue
des
miséricordes de notre
Dieu, et disons-lui en commun que toutes
les pensées des hommes, tous leurs désirs les plus purs,
toutes leurs actions les plus régulières, ne pourraient
ensemble approcher du moindre acte de son
amour. Comment pourrions-nous
donc exprimer cet
amour, lorsqu'il ne se borne point à des actes
particuliers et d'un moment, mais qu'il développe à la
fois tous ses trésors, et cela d'une manière constante,
universelle et imperturbable. Oui,
Dieu de vérité et de
charité inépuisable, voilà comment tu en agis journellement
avec l'homme ! Qui suis-je ? Un vil amas de dégoûtantes
ordures qui ne répandent en moi et autour de moi que l'infection.
Eh bien ! c'est au milieu de cette infection que ta main infatigable
se plonge sans cesse, pour trier le peu qui reste encore en moi de ces
éléments précieux et sacrés dont tu formas
ton existence. Telle que cette femme soigneuse qui dans l'
Evangile consume
sa lumière, pour retrouver la drachme qu'elle a perdue, tu ne
cesses de tenir tes lampes allumées, et tu te courbes continuellement
jusqu'à terre, espérant toujours que tu vas retrouver
dans la poussière cet or pur qui s'est échappé
de tes mains.
Hommes de paix, comment ne contemplerions-nous pas dans
un saint tremblement l'étendue des miséri-cordes de notre
Dieu ? Nous sommes mille fois plus coupables envers lui, que ces malfaiteurs,
selon la justice humaine, qui sont conduits au travers des villes et
dans les places publiques, couverts de tous les signes de l'
infamie,
et que l'on
force de confesser hautement leurs crimes aux pieds des
temples et de toutes les puissances qu'ils ont méprisées.
Nous devrions comme eux, et avec mille fois plus de justice qu'eux,
être traînés
ignominieusement au pied de toutes les
puissances de la nature et de l'
esprit ; nous devrions être amenés
comme des criminels devant toutes les régions de l'univers, tant
visibles qu'invisibles, et recevoir en leur présence, les terribles
et honteux châtiments que méritent avec justice nos effroyables
prévarications ; mais au lieu d'y trouver des
juges redoutables,
armés de la vengeance, qu'y rencontrons-nous ? Un roi
vénérable
dont les yeux annoncent la clémence, et dont la bouche ne cesse
de prononcer le pardon pour tous ceux qui seulement veulent bien ne
point s'aveugler au point de ne se pas croire innocents. Loin de vouloir
que nous portions plus longtemps les vêtements de l'
opprobre,
il ordonne à ses serviteurs de nous rendre notre première
robe, de nous mettre un anneau au doigt et des souliers à nos
pieds, et, pour le déterminer à nous combler de pareilles
faveurs, il suffit que, comme de nouveaux
enfants prodigues, nous reconnaissions
ne pas pouvoir trouver dans la maison des étrangers le même
bonheur que dans la maison de notre père.
Hommes de paix, comment
ne contemplerions-nous pas dans un saint tremblement l'étendue
de l'
amour et des
miséricordes de notre
Dieu ! Et comment ne
formerions-nous pas une sainte résolution de rester à
jamais fidèles à ses lois et aux bienfaisants conseils
de sa sagesse ? Non, je ne peux aimer que toi,
Dieu incompréhensible
dans ton
indulgence et dans ton
amour ; je ne veux plus aimer que toi,
puisque tu m'as tant pardonné ; je ne veux plus trouver d'autre
lieu de repos que le sein et le cur de mon
Dieu. Il embrasse tout
par sa puissane, et quelque mouvement que je fasse, je trouve partout
un appui, un secours et des consolations, parce que sa source divine
verse partout à la fois tous ces biens. Il s'élance lui-même
dans le cur de l'homme, il ne s'y élance pas une seule
fois, mais constamment et par des actes réitérés.
C'est par là qu'il engendre et multiplie en nous sa propre vie,
parce qu'à chacun de ces actes divins, il établit en nous
des rayons purs et extraits de sa propre
essence, sur lesquels il aime
à se reposer, et qui deviennent en nous les organes de ses
générations
éternelles. De ce foyer sacré, il envoie dans toutes les
facultés de notre être de semblables émanations
qui, à leur tour, répétant sans cesse leur action
dans tout ce qui nous compose, multiplient ainsi continuellement notre
activité spirituelle, nos vertus et nos lumières. Voilà
pourquoi il est si utile de lui élever un temple dans notre cur.
Ô hommes de paix, ô hommes de désirs, unissons-nous
pour contempler dans un saint tremblement l'étendue de l'
amour,
des
miséricordes et des puissances de notre
Dieu.