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Saint-Martin le Philosophe Inconnu

Sa vie et ses écrits - Son maître Martinez et leurs groupes - D'après des documents inédits
Jacques Matter
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CHAPITRE PREMIER

L'enfance de Saint-Martin. – Le collège. – Les premières lectures de piété. – L'école de droit. – Les premières lectures de philosophie. – La magistrature à Tours. – Les préventions.

La destinée de l'arbre n'est pas tout entière dans la nature ou dans le sol qu'il occupe ; elle est aussi dans le climat qui l'enveloppe et dans l'atmosphère qu'il respire ; elle est encore, elle est même essentiellement, dans la manière dont il est planté et dans celle dont il est taillé. Il en est ainsi de la destinée de l'homme.

      Celle de Saint-Martin, essentiellement donnée dans sa délicate nature et son frêle organisme, fut modifiée par son éducation première et profondément influencée par ses premières lectures.

      Né le 18 janvier 1743, dans une pieuse famille d'Amboise, Louis-Claude de Saint-Martin fut élevé par son père avec la gravité des mœurs du temps ; par sa belle-mère – car sa mère était morte peu de temps après lui avoir donné le jour – avec des tendresses dont l'impression fut décisive pour toutes ses affections. Elles lui firent aimer Dieu et les hommes d'une façon singulièrement émue, et les souvenirs en demeurèrent chers au philosophe dans toutes les phases de sa vie : toujours une femme saintement aimée y joue un rôle.

      Son cœur ainsi disposé, et comme pétri par l'amour, reçut des premières lectures faites à l'âge de l'intelligence ouverte une impression et des tendances plus décisives encore, plus intérieures et plus mystiques. Le livre d'Abbadie, L'Art de se connaître soi-même, l'initia à cet ensemble d'études de soi et de méditations sur le divin type de toutes les perfections qui devint le grand objet de sa vie.

      Les détails sur l'enfance et les années de collège du futur théosophe nous manquent. Dans les Mémoires ou les Notes autographes sur sa vie qu'il a intitulées Mon Portrait historique et philosophique, il ne nous donne lui-même qu'une sorte de légende sur son développement physique. Il a changé sept fois de peau en nourrice, nous dit-il. Mais ni le fait qu'il désigne ni le nombre sacré qu'il adopte ne doivent être pris à la lettre. La pensée qui a dicté l'un et l'autre se montre en ces mots : « Je ne sais si c'est à ces accidents que je dois d'avoir si peu d'astral. » C'est une organisation très délicate, mais toutefois très privilégiée qu'il veut nous indiquer par ce changement de peau sept fois renouvelé. Et telle était en effet sa constitution ; nous le verrons tout à l'heure, ainsi que le sens du mot astral ou sidérique, mot qu'il affectionne dans son style mystique, mais qui n'est pas de sa création, qu'il emprunte de ses maîtres les plus chéris.

      Du collège il passa à l'école de droit, celle d'Orléans, je suppose, qu'il ne nomme pas. Il est à ce point discret sur les années qu'il y passa et sur les études qu'il y fit que nous ne savons qu'un seul fait à ce sujet, celui « qu'il s'attacha plutôt aux bases naturelles de la justice qu'aux règles de la jurisprudence, dont l'étude lui répugnait. » C'est un de ses biographes, M. Gence, qui le dit, et cela se comprend. C'était de l'époque. Et Saint-Martin, sans le vouloir, nous donne le secret de ces antipathies, qu'il partagea d'ailleurs avec tant d'autres étudiants du temps qui aimèrent mieux rêver sur les bancs de l'école aux futures grandeurs du poète, du guerrier, de l'écrivain, du philosophe ou de l'homme d'Etat, que d'appliquer leur attention à la science sévère. La science sévère n'est, après tout, même sous ses formes les plus rebutantes, s'il en est qui méritent cette épithète, que celle des lois morales du monde, c'est-à-dire des bases naturelles de la justice. Mais l'appareil sous lequel la parole académique la présente quelquefois, peut la faire méconnaître à des jeunes gens un peu gâtés par l'éducation qu'ils ont reçue ou par les lectures qu'ils ont faites. Saint-Martin était de ce nombre. Il nous apprend lui-même que, dès l'âge de dix-huit ans, il avait lu les philosophes à la mode. Cela étant, on conçoit fort bien ses antipathies d'étudiant. Vers 1760, les écrivains en vogue se nommaient Montesquieu, Voltaire et Rousseau. Or, quand on avait pris l'habitude d'entendre sur les lois et les mœurs de tels maîtres, il était tout simple qu'on écoutât avec un peu de froideur de simples professeurs de jurisprudence. De la part de Saint-Martin cela s'explique d'autant mieux qu'il avait pris, dès le collège, le goût des lectures philosophiques. Car il est évident qu'un homme qui a lu, à dix-huit ans, les philosophes à la mode, en a commencé la lecture fort jeune. Saint-Martin, en les abordant, était non seulement très jeune, mais trop jeune assurément. Il nous le prouvera par ce qu'il en dira plus tard : un penseur aussi profond et aussi lucide que lui ne médit des philosophes qu'autant qu'ils les a lus avec son imagination plutôt qu'avec sa raison.

      Cette circonstance suffirait pour expliquer un peu d'éloignement pour l'étude de la jurisprudence à l'époque même où L'Esprit des lois d'un grand écrivain faisait négliger la lettre du Code et les traditions de la Coutume, et dans un temps où l'on aimait mieux prendre le vol sur de hautes questions de politique que de suivre modestement une solution de droit. Une autre raison venait se joindre à celles-là dans la vie de Saint-Martin : c'était le peu de goût d'un enfant de souche militaire pour la robe du magistrat qu'on lui destinait.

      En effet, son père désirait vivement son entrée dans la magistrature, carrière qui ne souriait nullement au jeune étudiant. Cependant, fils respectueux, Saint-Martin acheva ses études et se fit recevoir avocat du roi au siège présidial de Tours. Sa réception, telle qu'il nous la raconte, ne fut pas très brillante. Il y versa des larmes plein son chapeau, dit-il ; ce qui nous donne une idée générale de sa tournure d'esprit et de son style trop riche en figures très hasardées. La manière dont il remplit ses fonctions pendant six mois répondit malheureusement à ce début. Le tout l'humilia au point qu'il sollicita avec vivacité la permission de sortir d'une carrière qui aurait pu mener à des postes élevés un protégé du duc de Choiseul très propre à recueillir, en se dépêchant un peu, la succession d'un oncle conseiller d'Etat. Son insistance était légitime. « Je n'ai jamais pu savoir, pendant l'espace de six mois, nous dit-il, qui, dans une cause jugée, avait gagné ou perdu son procès, et cela après plaidoiries, délibérations et prononcé du président entendus. »

      C'est là évidemment de la poésie en place d'histoire, mais cela même atteste que Saint-Martin n'avait pas l'ambition du métier, que son goût était ailleurs.

      Où était son goût ?

      Il entra dans la carrière des armes ; mais ce ne fut pas pour s'y faire une position un peu avantageuse ou pour s'y distinguer d'une manière éclatante. Il détestait la guerre au nom de tous ses principes et de toutes ses affections. Il se laissa faire officier pour continuer ses études favorites, celles de la religion et de la philosophie. Ces deux hautes sciences, il ne les connaissait encore que bien imparfaitement l'une et l'autre. Leurs grands textes, qu'il n'a jamais bien approfondis ; leur histoire, où il devait figurer un jour d'une façon très honorable sans bien la savoir, il les ignorait malgré ses lectures. Mais il en mesurait la portée et en subissait l'attrait. Il aspirait bien à leurs austères beautés, mais par les élans de sa piété plus que par ceux de son génie ; du moins il joue dans leurs annales un rôle plus considérable par ; la hardiesse de ses solutions que par l'éclat de ses découvertes. Toutefois nul ne conteste ni la puissance de sa raison, ni la pureté de ses tendances. Un certain mélange de force et de faiblesse, j'allais dire d'audace et d'insuffisance, fait à la fois l'imperfection de sa doctrine et la gloire de sa vie. Car nul n'a jamais, avec des études moins fortes et moins étendues, abordé les problèmes avec plus d'énergie et offert des solutions avec plus de bonne foi ; j'ajouterai même d'autorité, puisque la bonne foi en donne une si grande.

      Son point de départ en philosophie doit être bien marqué. Rien de plus instructif. Il se défie de la philosophie. On dirait une impression d'enfant plutôt que de jeune homme. Il avait sept ans quand Palissot fit représenter sa comédie des Philosophes, et l'on se demande si la pensée de cette triste et violente incrimination, pensée très goûtée alors dans un certain monde, ne serait point parvenue à dominer la sienne par une influence quelconque. Il parle des grands hommes auxquels nous songeons toujours quand il s'agit de son temps avec une admiration très sincère, et il désirait vivement connaître Voltaire, Rousseau surtout ; mais, en général, les doctrines des écrivains que le dix-huitième siècle qualifiait de philosophes l'irritent ou lui inspirent le dédain. Il estimait même fort peu ces sciences si positives, et d'ordinaire si exactes en vertu de leurs méthodes, que les esprits les plus sévères pour la philosophie spéculative exceptent de leurs censures. C'était l'effet d'un spiritualisme outré. Il ne comprend pas, dit-il, que les hommes qui connaissent les douceurs de la raison et de l'esprit puissent s'occuper un instant de la matière.

      On le voit, ce qui alarme son âme tendre et pieuse, ce n'est pas l'étude sérieuse, c'est le grossier culte de la matière, ce sont les doctrines matérialistes du temps. Elles le remplissent d'indignation ; elles le passionnent pour le spiritualisme sous toutes les formes. Et cette passion généreuse, jointe aux saintes impressions de sa jeunesse, décide de sa véritable carrière, de celle qu'il suit avec une sorte d'ardeur au sein de celle des armes.

      Nous le verrons d'abord profiter des loisirs que celle-ci lui donne pour faire les plus constantes études sur toutes les questions qui l'intéressent, puis se consacrer tout entier à ce que bientôt il appellera ses objets.




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