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Saint-Martin le Philosophe Inconnu

Sa vie et ses écrits - Son maître Martinez et leurs groupes - D'après des documents inédits
Jacques Matter
© France-Spiritualités™






CHAPITRE X

Un programme politique de l'Académie de Berlin. – Saint-Martin publiciste. – Son concurrent Louis Ancillon.
Son entrevue avec Bailly. – Etudes sur le magnétisme. – Son nouveau séjour à Lyon, en 1786. – L'agent de Lyon.


1778-1787

Nous avons vu Saint-Martin faire sa propagande dans le grand monde, mais rechercher en même temps les gens de lettres et les savants les plus illustres. Il savait qu'on ne domine que de haut, et il visait haut. La prétention de marcher soit à la tête des écrivains populaires, soit à la tête des savants ou des penseurs, il ne l'avait pas ; mais sachant bien qu'on n'agit pas sur l'opinion sans eux, tandis qu'on la gouverne réellement par eux, il désirait arriver au public avec eux.

      Un corps illustre entre tous semblait alors marcher à la tête du mouvement philosophique, juge plus équitable que d'autres dans les graves questions du jour, un peu influencé peut-être par ce qu'on appelait alors les libres penseurs d'Angleterre, les philosophes français et les éclaireurs d'Allemagne, mais assez indépendant encore pour conserver un jugement sain et pouvoir décerner un suffrage honorable : c'était l'Académie de Berlin, dont Mendelsohn, Bailly et Kant avaient animé les concours par leurs écrits. Une question très grave avait été proposée par elle, en 1779, sur la demande de Frédéric le Grand lui-même, celle de savoir s'il est utile au peuple d'être trompé. L'Académie avait partagé le prix, avec une rare impartialité, entre deux concurrents qui donnaient deux solutions opposées, dont l'une soutenait hardiment qu'il est utile quelquefois de laisser le peuple dans l'erreur. Le retentissement de ce débat avait été immense.

      Saint-Martin rêvait peut-être à une pareille publicité. Une simple Académie de province en avait donné une plus éclatante encore au brillant mais sérieux discours de J.-J. Rousseau, son type admiré. Aussi son parti fut-il pris sur-le-champ, quand son regard tomba sur cette question posée par l'Académie de Berlin : « Quelle est la meilleure manière de rappeler à la raison les nations, tant sauvages que policées, qui sont livrées aux erreurs et aux superstitions de tout genre ? »

      On critiqua cette question comme on avait critiqué celle de Frédéric II, dont elle fut comme une sorte de corollaire. Elle serait, en effet, très sujette à critique si elle avait été formulée comme la rapporte un récent historien de l'Académie, car il met les nations qui se sont livrées aux erreurs et aux superstitions. Or, il n'est guère de sauvages ou de civilisés qui procèdent à ces tristes aberrations de propos délibéré. On fit contre la question des objections d'un autre genre ; on la trouva trop vaste à la fois et trop locale. Trop locale, en ce qu'on la crut, d'une part, inspirée par cette tendance à tout rationaliser que représentait alors à Berlin un parti puissant, dont le libraire Nicolaï, directeur d'une feuille devenue célèbre, était l'organe le plus ardent ; trop vaste, en ce qu'on pensa qu'il était, sinon impossible de rationaliser même les sauvages, du moins très bizarre d'y songer. Il est facile, quand on veut prendre un peu le change sur le sens ou la portée d'une question, de se donner la satisfaction de juger des juges. Mais, en y regardant de près, Saint-Martin ne prit pas le change. Appréciant la beauté d'une question pareille et sa parfaite convenance, il résolut de la traiter. Une époque où l'esprit général était travaillé par le désir de se débarrasser de toutes sortes d'erreurs, lui semblait très favorable pour attaquer celle de ces erreurs qui, à ses yeux, était la plus grave : la substitution de la raison humaine à la raison divine. Tout ne lui allait pas dans ce programme, mais ce programme se prêtait à sa grande préoccupation.

      L'Académie de Berlin, en vertu de son institution même, devait suivre tout le mouvement de la pensée, appeler l'attention sur le plus grand problème de tous les temps, et s'occuper en particulier de l'œuvre des missions chrétiennes. Elle avait par diplôme le droit de mêler à la philosophie les plus grandes questions de la religion, et son programme, tout en se tenant dans les limites de son domaine légitime, rentrait parfaitement dans celui de Saint-Martin. Ce n'est pas, sans doute, l'objet essentiel du christianisme d'appeler les peuples à la raison, mais c'est, ce semble, l'effet certain, complet et universel de son triomphe. Or, rien ne répondait mieux que cette vérité à la pensée la plus chère au cœur de Saint-Martin.

      S'attachant à cette belle question posée par une illustre compagnie, Saint-Martin la traita dans toute la profondeur et toute l'importance que lui donnait son point de vue d'illuminé. Il n'abdiqua dans ses pages aucune de ses idées religieuses, de ses vues fondamentales en matière de philosophie ; il les exposa, au contraire, très ouvertement et les proclama bien haut. La considération qu'on ne pourrait peut-être pas le couronner ne l'arrêta pas un instant. Ce n'étaient pas des prix qu'il voulait, c'étaient des juges, de la publicité, c'est-à-dire des partisans et des collaborateurs de son œuvre. Cela était si bien dans ses vœux, qu'aussitôt qu'on eut fondé en France une institution plus propre encore que l'Académie de Berlin à servir sa propagande, j'entends la classe des sciences morales et politiques de l'Institut national, il y rattacha autant que possible les grandes tendances de son âme, ses travaux et ses espérances. Car si l'on peut dire que le « philosophe inconnu » fuyait le monde, et s'il le disait volontiers lui-même, ce n'était qu'en ce sens qu'il ne s'y donnait et ne s'y engloutissait pas. Le fait est qu'il suivait avec la plus fine attention ce qui s'y passait, mais qu'il n'y transigeait qu'autant qu'il le pouvait, fidèle à ses principes. Son ouvrage Des Erreurs et de la Vérité était à ses yeux un programme auquel il ne devait pas déroger, et, bien qu'il connût parfaitement la pensée de l'Académie de Berlin, non seulement il était bien décidé à ne pas voiler la sienne, mais encore à abonder dans son sens. Tout son dessein était, non pas de se faire couronner, mais d'introduire dans le monde, sous un illustre pavillon, la grande doctrine qui le préoccupait, la doctrine de la profonde rupture qui tenait l'humanité éloignée de ses rapports primitifs avec son auteur.

      Le mémoire qu'il envoya au concours s'attachait d'a bord à donner une bonne définition de la raison, à montrer que pour y soumettre les hommes il faut les ramener à la condition et à la science primitive de l'espèce humaine. Cette science fut longtemps secrètement transmise de sanctuaire en sanctuaire et d'école en école, et elle établissait fortement cette spiritualité qui distingue l'homme de la bête, et qu'a si bien proclamée « Rousseau de Genève. » Puis l'auteur cherchait à dire « ce qui manque à l'homme lorsqu'il arrive sur la terre pour y remplir la loi commune à son espèce. » C'est, suivant lui, la connaissance « d'un lien secourable qui unisse l'homme et sa source par des rapports évidents et positifs. » Il cite encore le « philosophe de Genève » à l'appui de cette thèse, et conclut « que des lumières certaines sur nos relations primitives sont les seules connaissances qui aient sur nous des droits assurés. » Or, c'est en nous-mêmes que nous trouvons la clef de cette science, ce sont les rayons de la lumière divine qui éclairent notre intérieur. Faites reconnaître ce divin rayonnement, ce rapport primitif de l'homme avec Dieu, et vous aurez résolu le problème, vous aurez banni du sein de l'humanité les erreurs qui lui voilent le vrai, et ramené à la raison les peuples qui se sont livrés aux superstitions. Mais pour cela il faut que ceux qui doivent les guider s'éclairent les premiers. « Tant que vous regarderez, s'écrie-t-il, la nature et l'homme comme des êtres isolés, en faisant abstraction du seul principe qui les vivifie tous les deux, vous ne ferez que les défigurer de plus en plus, et tromper ceux à qui vous entre prendrez de les peindre. » Encore, quand le point de vue de Saint-Martin aura été adopté, ne faut-il pas s'imaginer qu'un homme ait le pouvoir de faire beaucoup pour le bien d'un autre. « De même qu'un arbre n'a pas besoin d'un autre arbre pour croître et porter ses fruits, mais qu'il porte en lui tout ce qu'il faut pour cela, de même chaque homme porte en lui de quoi remplir sa loi sans rien emprunter d'un autre homme. »

      L'auteur termine par cette apostrophe à ses juges : « Si l'homme ne remonte pas lui-même jusqu'à cette clef universelle (qui a été indiquée), personne sur la terre ne viendra la déposer dans votre main, et je croirai vous avoir assez répondu si je vous ai persuadé que l'homme ne peut pas vous répondre. »

      En un mot, il était impossible de faire une réponse plus originale, mais plus éloignée de la question.

      Ce mémoire, Saint-Martin le sentit bien, fut donc tout autre chose qu'une solution, et il dit haut qu'il eût été au-dessous de lui d'en fournir une dans le sens du rationalisme dominant. Ce qu'il offrait, c'était un manifeste. Ce fut celui d'un spiritualisme bien antique, bien tombé, mais aspirant à l'empire sous des formes régénérées. Ce fut donc une déclaration de profonde dissidence avec l'Académie. On pense bien qu'elle ne voulut pas donner le prix à un travail qui lui faisait la leçon plutôt que de solliciter des sympathies, et qui déclarait, avec le ton du plus chevaleresque défi, que, si éloquente que pût être l'œuvre de l'auteur, et si supérieure à celle de ses concurrents, l'Académie ne devrait pas le récompenser « dès qu'il ne lui aurait pas apporté le secret le plus important, celui de joindre à la science du précepte la science de l'application ; secret difficile à communiquer, vu l'impossibilité où se trouve, l'homme d'être utile à l'humanité quand il est réduit à lui même. »

      Je ne connais pas, de cette époque, de pages plus étranges, plus originales, plus piquantes que celles-là. elles surprirent singulièrement l'Académie, qui remit cette question au concours et couronna, un an après, un mémoire de Louis Ancillon. C'était le père, je crois, de notre illustre contemporain qui ouvrit aussi sa brillante carrière de publiciste et d'homme d'Etat par des discours et des traités de morale. Louis Ancillon ne conquit par les siens qu'une place à l'Académie. Son fils Frédéric, qui mourut, en 1837, président du Conseil et ministre des affaires étrangères, était comme un second type plus marqué de cette rare union d'une science élevée et d'une haute piété qui avait distingué le père.

      Simple pasteur de la paroisse française de Berlin, mais philosophe érudit, celui-ci avait puisé aux sources les meilleures, et surtout dans Platon, des solutions aussi acceptables du monde politique que du monde savant. Et si remarquable que fût le travail de son concurrent, soit par la sévérité ingénieuse de ses vues, soit par la loyauté austère de son langage, on doit convenir que la question fut traitée par lui avec plus de méthode qu'elle ne l'avait été par son spirituel concurrent. Toutefois, Saint-Martin, qui aime à répéter qu'il estime peu les livres et la science qu'on y puise, nous dit à ce sujet qu'il estime mal des succès dus à l'érudition. Et il a raison au nom de ses tendances et de ses habitudes. Mais en disant d'Ancillon : « Il a pris ses principes et ses solutions dans les livres, » fallait-il ajouter : « Je suis peu jaloux de son triomphe ? » Plus ces sortes de choses se disent, moins elles persuadent, lors même qu'elles sont vraies, comme c'était le cas ici.

      Le jugement du travail de Saint-Martin n'était pas encore porté par l'Académie de Berlin, quand l'Académie des sciences de Paris fut saisie d'une question qui. présentait au monde civilisé un intérêt de polémique beaucoup plus vif, la question du magnétisme animal. Les amis de Mesmer, la reine Marie-Antoinette à leur tête, avaient enfin obtenu que l'Académie examinât les faits et donnât un avis dans le débat. Mesmer était docteur de la Faculté de Vienne, et il avait obtenu, soit à ce titre, soit à d'autres, la protection d'une princesse qui aimait à s'affranchir, au besoin, de toutes sortes d'entraves vieillies. Bailly était de la commission chargée du rapport, et Saint-Martin, sinon enthousiaste, du moins partisan de la découverte de Mesmer, continuée et passée du domaine pathologique dans le domaine pneumatologique, portait un grand intérêt au succès des expériences tentées. Il regardait l'ensemble des phénomènes magnétiques et somnambuliques comme appartenant à un ordre de choses inférieur, mais encore digne d'études suivies ; et il vit Bailly, pour combattre les préventions qu'il lui supposait. Bailly, qui avait été homme de lettres avant d'être homme de science, lui fit part de l'objection principale des adversaires. Il insistait sur la complicité possible du sujet magnétisé avec le magnétiseur, et sur l'extrême difficulté de faire le départ exact entre les faits qui tiennent à l'un ou à l'autre. Saint-Martin, pour faire tomber ses doutes, cita des résultats obtenus sur des chevaux traités par le magnétisme, et qu'on ne pouvait guère soupçonner de compérage. Surpris du fait, Bailly lui répondit, peut-être avec plus de pétulance que de gravité : « Eh ! que savez-vous, monsieur, si les chevaux ne pensent pas ? » – Et, là-dessus, Saint-Martin ne put s'empêcher de s'écrier à son tour : « Monsieur, vous êtes bien avancé pour votre âge ! »

      Cette réplique, non pas inconsidérée, mais impossible, mit naturellement fin à la négociation. Saint Martin ajoute à sa faute celle de la rapporter lui-même, non sans quelque complaisance, car il la qualifie d'étourderie, et celle d'appeler misérable le compte rendu par l'Académie. (Portrait, 122.)

      Il faut apprécier avec équité ces deux jugements, et se rappeler que Bailly n'était alors ni l'homme illustré par les nominations cumulées de trois Académies qui voulurent se l'associer, ni le personnage devenu si éminent depuis, soit au sein de nos assemblées politiques, soit à la tête de la commune de Paris. Loin de là, c'était encore le bonhomme Bailly, « aux traits tirés et anguleux, à la chevelure longue et touffue, qui, d'après une note contemporaine, surchargeait plutôt qu'elle n'ornait sa tête ; l'homme qui écoutait avec docilité, parlait peu, et proposait modestement ses doutes. »

      Cela explique la possibilité du mot impossible que lui dit Saint-Martin, mais cela ne le justifie pas.

      Peu après ces deux échecs, subis l'un à Berlin, l'autre à Paris, et qui ne demeurèrent toutefois stériles ni l'un ni l'autre, Saint-Martin reprit son œuvre de haute spiritualité à Lyon, une de ses résidences habituelles pendant cette période de sa vie. Etait-il occupé d'études philosophiques ou religieuses, d'expériences magnétiques ou d'opérations théurgiques ? On ne l'apprend pas bien nettement ; mais, dans tous les cas, ses travaux étaient essentiellement mystiques. Il nous apprend bien qu'il fut à Lyon en 1785, mais c'est en passant et à propos de choses qu'il ne fait qu'effleurer, s'exprimant de façon à voiler plutôt qu'à révéler ses études.

      « J'ay été très chaste dans mon enfance, dit-il (Portrait, 346), et l'agent de Lyon m'a désigné tel lorsqu'il m'a vu dans ma racine en 1785. »

      Mais qu'est-ce que voir un homme dans sa racine ? Qu'est-ce que l'agent de Lyon ?

      Le mot d'agent, dans les lettres de Saint-Martin, désigne souvent une intelligence supérieure, bonne ou mauvaise. Si l'agent de Lyon en était une, était-il du premier ordre ? Etait-ce un esprit amené par la théurgie ? en ce cas on le faisait donc parler par cette science !

      En tout cas, la clairvoyance de l'agent et la croyance de Saint-Martin auraient été très grandes toutes deux, puisque la première aurait vu le théosophe jusque dans sa racine, et que la seconde aurait si nettement accepté l'intuition.

      Mais voilons plutôt ces mots énigmatiques avec l'auteur, qui se plaît, d'ailleurs, à voiler le tout, même sa jeunesse, puisqu'il l'appelle son enfance, et quittons ces faits d'une pneumatologie très hasardée, pour nous attacher aux révélations éthiques très positives qui les suivent, révélations qui jettent un bien beau jour sur l'œuvre morale, sur le débat intime qui s'accomplit dans l'âme du grand spiritualiste. En effet, s'il semble se dépenser tout entier dans son œuvre extérieure, mettre dans ses ouvrages, dans sa correspondance, dans sa propagande toute l'ardeur de son zèle et toutes les forces de son âme : mais au fond cela est peu de chose, et la véritable importance de sa vie n'est pas là. Ses théories, auxquelles il attache un si haut prix pourtant, ne sont pour lui que les moyens, les guides de ses aspirations réelles, et la grande affaire de son âme est dans sa pratique, dans l'application de ses principes à soi-même, en un mot, dans son perfectionnement moral. Voilà le point de vue sous lequel il faut envisager définitivement Saint-Martin, et à ce point de vue, c'est un grand type. Ecoutons-le dès cette époque, à l'âge de quarante-deux ans.

      « J'ay été très chaste dans mon enfance, et l'agent de Lyon m'a désigné tel lorsqu'il m'a vu dans ma racine en 1785. Si ceux qui devoient veiller sur moi m'eussent conduit comme j'aurois désiré de l'être et comme ils l'auroient dû, cette vertu ne m'auroit jamais abandonné, et Dieu sait quels fruits il en fût résulté pour l'œuvre auquel j'étois appelé ! Mes foiblesses en ce genre m'ont été préjudiciables, au point que j'en gémis souvent et que j'en gémirois encore davantage, si je ne sentois qu'avec du courage et de la constance nous pouvons obtenir que Dieu répare tout en nous... » (Portrait, 346.)

      C'est une tradition reçue parmi les martinistes les plus instruits, et ils sont nombreux, que Saint-Martin est demeuré toute sa vie étranger aux fautes qu'il nous fait trop connaître par les souvenirs dont elles l'accablent. Mais si cette belle illusion doit tomber, du moins la leçon de moralité qui ressort de la chute n'en est que plus éloquente. Nous ne jetterons pas, dans une vie si belle sous mille rapports, marquée de tant de luttes généreuses et des plus nobles immolations, l'audacieux cri de joie, felix culpa, on ne peut être que très douloureusement affecté de l'aveu que livrent ces lignes ; mais, certes, il est beau à l'homme de se relever ainsi de ces sortes de chutes. S'en relever comme a fait Saint-Martin, c'est s'en dégager comme il faut, en bonne compagnie et dans un noble but, par Dieu et pour Dieu, comme le veut la morale haute et sainte, comme le veut l'Evangile. Et, on le comprend, appréciées et réparées avec de tels sentiments, les défaillances mêmes servent de motifs aux plus ardentes aspirations vers la vraie grandeur.

      Dans une vie pareille, les chutes mènent à l'amendement. Au mauvais fruit de l'arbre sauvage succède le bon fruit de la greffe incisive, et les amertumes qui ont châtié la voie coupable affermissent les pas enfin transportés dans la bonne. Si l'homme éprouvé est l'homme fort, le moraliste éprouvé n'est-il pas à son tour le moraliste vaillant, le moraliste par excellence ? Au moins est-il certain que sa vie est la plus instructive. Qu'apprendre avec celui qui n'aspire vers rien, ne s'applique à rien, ne se reproche rien, et ne se corrige de rien ? Qu'apprendre avec celui qui ne manie que ses théories, et jamais ne perfectionne son âme ?


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Note de l'auteur sur le chapitre :  L'entrevue avec Bailly eut lieu chez mesdames d'Arquelay, dont Saint-Martin parle assez fréquemment.




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