LETTRE XI
Jacques Lefebvre d'Etaples (120) à Henri Cornélis Agrippa, salut.
Très honorable maître et docteur, le Révérend Père Claude
Dieudonné (121) m'a remis votre lettre. Je l'ai lue avec le plus grand plaisir. Quel est l'homme, en effet, qui ne lirait pas avec délices ce qui part de la sincérité d'
âme et d'une bienveillance dont il ne peut douter ? Je vous en supplie, ne vous alarmez pas de ce que plusieurs personnes se sont déclarées les adversaires de mes écrits tant au sujet d'Anne que de
Madeleine. J'espère qu'un
jour se fera la vérité sur ces matières. Du reste, je ne fais que discuter et n'avance rien de hasardé en conclusions. Je vous en supplie donc, qu'à ce sujet personne ne perde votre bienveillance. La fausseté se découvrira et succombera d'elle-même, bien que personne ne l'attaque. Je vous envoie la défense de mon argumentation, défense élaborée par un docteur en
Théologie de notre Sorbonne. Elle n'est pas sans mérite. Je vous envoie encore l'apologie de
Sainte Anne qu'on m'a envoyée d'Allemagne
ex dono auctoris. J'en ai lu une autre du Vice-Général des
frères de
Saint-François, mais il la conserve chez lui. Il donne un seul mari à Anne, mais trois filles. Après l'avoir examinée, j'ai jugé qu'elle ne
concorde pas avec notre manière de voir, quelle ne vise pas notre dissertation ; cependant, si vous tenez beaucoup à la connaître, j'espère pouvoir l'obtenir. A votre première lettre, édifiez-moi là-dessus. J'ai préparé mon second travail sur
Madeleine. Attendez-le par le plus prochain courrier allant de votre côté.
Adieu.
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(120) Faber Stapulensis (1455-1536). Sa dissertation, publiée en 1517, pour prouver, contrairement à l'opinion des docteurs de l'époque, que Marie-Madeleine,
Marie, sur de Lazare et la
Madeleine pécheresse étaient 3 personnes distinctes, dissertation condamnée par la Sorbonne, fut défendue énergiquement par Agrippa. Le Père
Dieudonné leur servit de messager, comme cette lettre et d'autres en donnent le témoignage. Il en est de même pour la question de
sainte Anne.
(121) Dieudonné était
religieux célestin à
Paris en 1519, puis à
Metz, où il se rencontra avec Agrippa dans une conférence
théologique au
couvent des Célestins de cette ville, et eut d'amicales relations avec lui. II en fut réprimandé par les supérieurs de son ordre et envoyé au
couvent d'
Annecy.