DERNIERS AVIS DU VIEILLARD DES PYRAMIDES
sa fin et retour de l'auteur en France.
Depuis que nous sommes ensemble, me dit le vieillard, nous ne sommes point encore sortis ; nous allons faire une petite excursion dans la campagne et prendre le costume du pays. Le génie couvrit sa tête d'un turban et s'habilla complètement en turc ; j'en fis autant et nous nous disposâmes à partir, avant de sortir je vis le vieillard prendre un talisman et un anneau ; je le remarquai : il me dit cela peut nous être nécessaire, la précaution est la mère de sûreté. Nous nous mîmes en route ; nous marchions tranquillement depuis quelque temps ; le vieillard nous parlait des changements qui s'opèrent de temps en temps sur le globe, de la révolution des astres, des planètes, il semblait nous annoncer et prévoir celles qui surviendraient encore. Tout-à-coup une horde d'Arabes vient
fondre sur nous le sabre levé ; le vieillard les regarde sans frayeur ; il lève la main, les brigands s'arrêtent. Il prononça les mots prescrits
par le talisman, planche N°10 ; nous devînmes invisibles, et les Arabes
étonnés regardaient de tous les côtés sans nous apercevoir.
Il est impossible de peindre l'étonnement de ces misérables, leur
chef paraissait consterné ; le vieillard souriait, il prononça d'une
voix forte
Natarter, et ils prirent la fuite avec la rapidité de
l'éclair. Soyez tranquille, dit le vieillard, de longtemps ils n'oseront
reparaître dans cette contrée.
Nous marchâmes encore quelque temps, le temps s'écoulait
avec une rapidité extraordinaire, la conversation du vieillard était
si variée, si instructive qu'il était impossible de l'écouter
sans être charmé de tout ce qu'il disait. Retournons vers notre demeure,
et après avoir prononcé
Saluter, il regarda le
soleil et
s'écria :
astre brillant, image de la divinité, toi qui vivifies
la terre et donnes la vie à la nature, reçois mon
hommage, puissai-je
avant de quitter la terre jouir constamment de ta lumière. Qui peut faire
naître ces sombres idées, m'écriai-je aussitôt, pourquoi
songez-vous à quitter la terre. Eh mon fils ! chaque
jour qui s'écoule,
chaque pas que nous faisons nous conduit vers la tombe ; heureux l'homme juste qui peut s'eudormir en paix dans le sein de
Dieu pour jouir ensuite de la récompense promise à la vertu. D'ailleurs, mon fils, croyez vous que je ne m'occupe pas de ma dernière heure ; à mon âge il est permis d'y penser, et j'ai toujours vécu de manière à pouvoir mourir sans crainte. J'ai 270 ans, j'ai vu passer beaucoup de choses et je passerai aussi à mon tour. En voilà assez sur cette matière, je vois que je vous afflige et ce n'est pas mon intention. Parlons d'autre chose.
Le talisman et l'anneau, planche N°20, vous fourniront les moyens de gagner à toutes sortes de
jeux de hasard, je veux encore vous indiquer un calcul infaillible pour obtenir les mêmes avantages ; il est beaucoup plus simple. Vous prendrez un
jeu de cartes dit
grand jeu des 78 tarots égyptiens. Vous les battrez,
couperez et tirerez ensuite neuf cartes à la suite les unes des autres en commençant par celle qui est en dessus : et vous en prendrez le nombre, selon leur numéro d'ordre de 1 à 78 ; vous en ferez le total ; vous y ajouterez les 30 ou 31
jours du mois où vous vous trouvez : votre âge, le
jour de votre naissance, c'est-à-dire, les 1, 2 ou 3 ou tel autre
jour, celui de l'époque où vous aurez éprouvé quelque chose d'heureux ou d'agréable, vous additionnerez tous ces nombres, vous en prendrez le tiers que vous
diviserez par neuf et vous mettrez au
jeu le nombre que cette
division vous donnera ainsi que celui formant le reste indivisible par neuf ; vous pourrez aussi vous servir des unités des produits de la
division, ce qui dans certains cas, pourra vous fournir cinq nombres différents. Vous pourrez être certain que ces numéros sortiront, ce calcul est infaillible ; vous pourrez vous en convaincre ; le nombre 50 est privilégié, et c'est d'après
lui que tout a été calculé dans les
jeux de nombres.
Les nombres qui ont trois pour racines, sont les plus heureux
; l'impair est tout :
Dieu après avoir créé le monde
et s'en être occupé pendant six
jours pour établir l'ordre
admirable qui existe, se reposa le septième, qui est impair. Prenons
Dieu
pour exemple et pour modèle dans tout ce que nous faisons, et nous réussirons
dans ce que nous pourrons entreprendre. Vous avez dûremarquer, mon fils,
que l'impair est la base de toutes les opérations mystérieuses auxquelles
je vous ai
initié. Nous continuions notre route et nous arrivâmes
à la pyramide ; il en ouvrit la porte, et nous descendîmes. Arrivés
dans la salle nous nous assîmes sur le sopha qui était en face de
la table sur laquelle se trouvait la cassette des talismans ; le vieillard y renferma
celui dont il s'était servi pour nous débarrasser des Arabes et
nous restâmes quelque temps dans le silence.
Le vieillard paraissait fatigué, il se pencha sur
le sopha, et bientôt il s'endormit. Je jetai les yeux sur sa figure
vénérable,
j'admirais sa sérénité, le calme répandu sur tous
ses traits ; je le fis remarquer au génie, qui me dit : c'est l'image de
son
âme ; il y a plus d'un siècle que je lui obéis, vous ne
pouvez vous faire une idée de sa vertu, de sa sagesse, de sa bonté,
ses
jours nombreux sont tous marqués par quelque bienfait, que de malheureux
il a secourus sans qu'ils aient jamais su quel être secourable venait à
leur secours; si l'étre éternel qui a tout créé prenait
la figure d'un mortel, c'est la sienne qu'il emprunterait ; l'homme juste n'est-il
pas, en effet, l'image de
Dieu sur la terre ? beaucoup s'emparent de ce titre,
mais combien l'ont usurpé et le méritent peu. Après avoir
prononcé ces paroles, le génie se leva, mit un genou en terre près
du vieillard, en levant les mains et les yeux vers le
ciel, il dit avec un ton
solennel, qui m'en imposa : être éternel, qui m'entends et qui lis
dans mon
coeur, prolonge l'existence de cet homme vertueux.
Fais qu'il embellisse encore longtemps par sa présence
la terre que tu enrichis de tes dons, à moins que tu ne lui réserves
près de toi une récompense digne de lui. L'expression du sentiment
avec lequel il prononçait ces paroles m'avait vivement ému, de douces
larmes mouillèrent mes paupières et je tombai à genoux comme
lui. Le vieillard se réveilla dans ce moment, et jetant les yeux sur nous,
il nous dit en souriant, que faites-vous donc, mes
enfants ? je répondis,
nous
prions le Grand Etre de nous conserver notre père ; mes bons amis,
reprit le vieillard, notre vie a un terme marqué par la providence que
nous ne pouvons outrepasser, tout commence, tout doit finir,
Dieu seul est éternel
; ce qui seul peut nous survivre, c'est le souvenir de nos vertus, et les bons
exemples que nous aurons donnés, tandis que semblables à des voyageurs
nous parcourions la carrière de notre destinée, et que nous avons
rendue bonne ou mauvaise, suivant que nous avons été plus ou moins
les esclaves de nos passions. Heureux celui qui a su commander à lui-même,
et distinguer de bonne heure ce qui est louable d'avec ce qui ne l'est pas ; pour
moi j'ai été assez heureux, j'en ai fait la différence dès
le printemps de ma vie, et dans mon
hiver j'en goûte les douceurs. Je vais
bientôt retourner dans le sein de celui qui m'a créé ; un
songe vient de me l'annoncer dans mon sommeil et dans quelques heures mon
âme
va quitter sa
dépouille mortelle et s'élever vers les régions
célestes. Ô
ciel ! mon père, M'écriai-je, que nous
annoncez-vous ? Ce à quoi vous devez vous attendre comme moi, mon cher
fils, mais je bénis mon sort puisque j'ai en mourant la consolation de
laisser mon héritage à un homme qui en est digne, qui aime la vertu,
qui la pratique et qui ne s'en écartera jamais. Je vais vous faire connaître
mes dernières volontés, et vous les exécuterez ponctuellement,
si vous m'aimez et si vous êtes reconnaissant. Ô mon père!
m'écriai-je, pouvez-vous en douter : non, mon cher fils, je n'en doute
point : écoutez-moi donc. Tous ces trésors, ces bijoux renfermés
dans ce souterrain vous appartiennent, ainsi que les talismans, les anneaux, les
esclaves et les
oiseaux que vous avez vus : pour vous
Odous, dit-il au
génie, je ne puis mieux vous prouver toute ma tendresse qu'en vous attachant
à celui que j'ai trouvé digne de me succéder. Aimez-le, servez-le
comme un autre moi-même, et de la
sphère céleste où
je vais bientôt monter, je veillerai sur vous. Il frappa dans ses mains,
tous les esclaves parurent : voici votre maître, leur dit-il, soyez-lui
soumis, je vous l'ordonne, ils vinrent tous se prosterner à mes pieds :
étendez la main sur eux en signe de domination, me dit le vieillard ; j'obéis.
Ils se relevèrent, et le vieillard ayant fait un signe, ils disparurent.
Il ajouta, prenez une urne d'or qui se trouve dans ce cabinet à droite
; je remplis ses intentions. Mettez-la sur cette table.
Lorsque je n'existerai plus, vous placerez mon
corps dans
le milieu de cette salle, vous prendrez les
bois odorants qui se trouvent auprès
des coffres remplis d'or, vous m'entourerez avec ce
bois, et après avoir
versé dessus cette liqueur renfermée dans ce vase suspendu à
la voûte, vous vous servirez du talisman avec lequel j'ai formé l'oeuf
duquel est éclose la chouette noire, et après avoir prononcé
les paroles mystérieuses vous verrez le bûcher s'enflammer, et consumer
ma
dépouille mortelle : vous prendrez les cendres et vous les renfermerez
dans cette urne, conservez-les ; hommes, chérissez ma mémoire, je
meurs content. J'aurais voulu vous indiquer la manière d'instruire notre
petite chouette noire, mais le
ciel qui sait nos projets ne l'a pas voulu ainsi
:
Odous vous l'apprendra, il connaît aussi ce secret. Je sens mon
âme prête à s'envoler, venez, mon cher fils, séchez
vos larmes, que je vous presse sur mon
coeur, et rappelez-vous que la mort n'est
à redouter que pour le coupable et l'homme injuste. Je m'approchai de lui,
il me donna un dernier baiser ; adieu mon cher fils, me dit-il, écoutez
mes dernières volontés, et se penchant ensuite sur le sopha, il
expira. Je ne pus m'empêcher de reconnaître que la mort du juste est
douce et digne d'
envie. Je tombais presque sans connaissance aux pieds de mon
bienfaiteur :
Odous me fit revenir à moi, en me faisant observer
qu'il fallait obéir à notre père ; nous fîmes ponctuellement
ce qu'il nous avait ordonné, et bientôt il ne nous resta plus que
les cendres du plus juste et du plus vertueux des hommes. Je dis à
Odous,
nous allons quitter ce séjour et faire toutes les dispositions nécessaires
pour retourner dans ma patrie. Je suis à vous répondit le génie,
vos volontés sont des lois pour moi, commandez et j'obéis. Je fis
venir tous les esclaves, et leur fit prendre le costume français : il me
suffit d'avoir recours aux talismans. Je fis transporter tous les trésors
et les effets qui se trouvaient dans le souterrain sur les bords du Nil, et muni
de l'urne précieuse, je m'y rendis moi-même, une barque s'y trouva
par les soins d'
Odous, nous descendîmes le
fleuve, et bientôt
nous entrâmes dans la rade du Levant, où un bâtiment allait
mettre à la voile pour
; j'y montai avec tout mon monde et bientôt
nous voguâmes en pleine mer. Le capitaine du bâtiment et les matelots
nous examinaient avec une extrême curiosité ; comme je parlai à
volonté toutes les largues, ils étaient toujours plus surpris. La
nuit vint, le vent s'éleva, le capitaine me dit, je crains une tempête
; je lui répondis, votre vaisseau est bon, il y résistera. Ce qu'il
avait annoncé arriva ; la mer devint furieuse, la crainte et le désespoir
étaient sur tous les visages, le pilote ne pouvait plus gouverner ; moi
seul, calme et tranquille, je semblais impassible, muni du talisman et de l'anneau,
planche N° 9, et prononçant les paroles mystérieuses, je saisis
la barre du gouvernail, et le vaisseau qui, l'instant auparavant, était
le jouet des vents et des flots courroucés sillonna légèrement
sur le vaste sein des mers. Tout l'équipage me regardait comme un
Dieu, m'en donnait le nom ; je ne suis qu'un homme, leur dis-je, mes amis, je ne m'effraye pas facilement, je connais l'art de la navigation, et vous voyez, il ne faut que du sang-froid pour faire tête à l'orage.
Le reste de notre traversée fut très heureuse,
nous arrivâmes à
, nous fîmes quarantaine avant de
débarquer, je payai mon passage et celui de mes gens avec une générosité qui étonna le capitaine, je fis un cadeau à chaque homme de l'équipage, et je partis comblé de leurs bénédictions. Je séjournai quelque temps à
. Ayant écrit dans le lieu de ma naissance, j'appris que mes parents n'existaient plus, ils étaient morts pendant mon absence. J'étais leur unique héritier direct ; mais comme je n'avais pas besoin de ce qu'ils avaient laissé en mourant, j'abandonnai le tout à mes collatéraux qui s'en réjouirent. J'achetai une jolie propriété dans les environs de
, le beau
ciel de la
Provence me plaisait. J'y fis transporter par mes esclaves ma précieuse cassette avec mes talismans, mes anneaux et mes
oiseaux merveilleux.
Je fis construire un pavillon élégant en marbre
de Crémone, et j'y plaçai l'urne qui contenait les cendres du vieillard
sur un piédestal de marbre noir, avec des plaques en
argent, qui exprimaient
ma reconnaissance et mes regrets. Je fis planter autour, des cyprès, des
saules pleureurs, et, chaque
jour, au lever du
soleil, je vais, suivi d'
Odous,
visiter ce pavillon, et y passer une heure en m'entretenant de notre père,
en me rappelant les leçons et les exemples de vertu qu'il m'a donnés. J'ai embelli mon habitation et j'en ai fait un séjour enchanté ; les richesses que je possède, celles que je puis me procurer à volonté, si j'en ai le désir, me mettent à même de me satisfaire ; j'ai quelques amis auxquels je donne des conseils, qui les suivent et qui sont tous étonnés de leur prospérité ; ils ignorent quelle en est la source. Je ne ferai connaître pendant ma vie, mes secrets à personne ; mais l'
envie m'a pris d'écrire ce petit ouvrage ; si ceux qui se le procureront après ma mort savent en profiter, et sont dignes de pénétrer les mystères et les secrets qu'il contient, ils jouiront du bonheur réservé à la vertu et à la sagesse. Il ne faut pas qu'ils se rebutent :
Labor improbus onmia vincit, un travail constant et opiniâtre surmonte tout, dit un proverbe ancien ; qu'ils travaillent donc, et si le succès ne
couronne pas leurs efforts, qu'ils ne s'en prennent qu'à eux ; c'est qu'ils ne sont pas purs et vertueux. Les incrédules, les
ignorants, et beaucoup d'autres gens qu'il est inutile de désigner, me traiteront de fou, de visionnaire, d'absurde, peu m'importe, la vérité est là je ne crains pas leurs injures, encore moins la censure.
J'oubliais de dire que le vieillard n'avait pu m'indiquer la manière d'instruire la petite chouette noire qu'il avait fait éclore et dont j'ai parlé ci-devant pages 90 et suivantes ; mais avant que d'expirer, il m'avait annoncé qu'
Odous me ferait connaître ce secret important ; lorsque nous fûmes installés dans ma demeure près de
, je lui rappelai la promesse du vieillard. La chouette était d'une grosseur ordinaire, et il s'empressa de me satisfaire. Elle était devenue si familière qu'elle ne me quittait presque jamais ; j'en avais eu un soin tout particulier pendant la traversée, et si je n'ai point parlé de ce fait, c'est que je l'ai jugé de peu d'importance. Nous nous occupâmes donc de l'éducation de notre
oiseau ; on plaça une pièce d'or dans le panier où elle avait l'habitude de se coucher, on lui couvrit les yeux, avec le chaperon dont j'ai déjà parlé ; et deux ou trois
jours après cette opération préliminaire, chaque matin, lorsque je lui portais à manger, elle grattait dans son panier, et prenant la pièce d'or dans son bec, elle la gardait ainsi jusqu'à ce que je l'eusse prise. On voit que l'instinct de cet
oiseau était aussi extraordinaire que merveilleux :
Odous me dit, je n'en ai point encore vu d'aussi intelligent ; mais aussi, il faut avouer que notre bon et respectable père avait employé pour le faire naître un moyen qui n'était connu que de lui seul, et qu'il n'avait jamais mis en oeuvre devant moi : quelle preuve de tendresse et d'amitié il vous a donnée là ! Il
faudra dès demain cacher une pièce d'or dans le
jardin ; nous porterons
notre chouette à quelque distance, et nous verrons si elle la découvrira.
Le lendemain au matin, nous fîmes ce qui était convenu, et je découvris la tête de mon
oiseau ; il resta quelque temps sur mes genoux en regardant de différents côtés, enfin, il sauta légèrement à terre, et courant au pied d'un gros
arbre qui était vis-à-vis de nous, il se mit à gratter avec vivacité.
Odous me dit : je suis sûr qu'il y a quelque trésor caché au pied de cet
arbre ; laissons faire la chouette. Elle grattait toujours, pour abréger l'opération, je pris une bêche que le jardinier avait laissée dans cet endroit, et après avoir creusé environ deux pieds, je découvris une cassette de quatre pieds
carrés, entourée de cercles de fer. Comme nous n'avions pas la
clé, j'envoyai
Odous chercher le talisman, planche, N° 12. Il revint promptement ; à peine eus-je arraché la serrure avec l'anneau, qu'elle s'ouvrit et que nous découvrîmes plusieurs sacs remplis d'or et etd'
argent, de la vaisselle plate, des
diamants, des bijoux, et autres objets précieux qui pouvaient être évalués à 1.500.000 francs. Il paraît que ces richesses avaient été enfouies dans cet endroit, à l'époque des troubles civils, et que, les propriétaires étant morts sans révéler leur secret, personne n'avait eu connaissance de ce dépôt. J'avais acheté cette propriété d'héritiers éloignés. Je ne pus m'empêcher, ainsi qu'
Odous, d'admirer l'instinct de notre chouette noire ; mais il fallait qu'elle trouvât également l'autre pièce d'or cachée. Nous avançâmes quelques pas ; elle nous suivait : bientôt elle nous devança ; et s'arrêtant à l'endroit où la pièce d'or était cachée, elle l'eut bientôt trouvée, et la prenant dans son bec, elle vint la
déposer à mes pieds.
Charmant oiseau, m'écriai-je ! combien tu m'es précieux ! tu me tiens lieu du meilleur des hommes, du plus tendre et du plus respectable des pères.
Odous me dit, voyons si elle entendra les paroles sacrées qui doivent être prononcées chaque
jour aux chouettes noires, pour leur indiquer qu'elles doivent chercher, et il articula trois mots :
Nozos, Taraim, Ostus ? La chouette parut y faire attention et les comprendre, car elle se mit à gratter près de nous, et trouva un
rubis enchâssé dans un anneau d'or. Je vais, dit
Odous, prononcer trois autres mots qui doivent lui indiquer qu'il faut qu'elle se repose près de son maître ; et il dit :
Seras, Coristan, Abattuzas : la chouette vint se placer à mes pied. Odous ajouta : toutes les chouettes que vous possédez connaissent ces mots ; mais on a été plus longtemps à les leur apprendre ; on les tient avec un ruban : en prononçant les premiers mots, on les fait marcher ; en prononçant les seconds, on les arrête, et comme ces
oiseaux sont doués d'un instinct particulier, ils font ce que l'on désire.
Quelque libraire famélique, qui n'a d'autre mérite
que de s'emparer de ce que font les autres, se hâtera peut-être de
faire une édition subreptice de cet ouvrage ; c'est le seul que du haut
des régions élevées où je me trouverai placé
lorsque mon livre paraîtra, je punirai avec un talisman que je me suis réservé et un anneau plus curieux encore ; j'ornerai son chef de deux oreilles plus longues d'un demi-pied que celles dont le bon roi
Midas fut pourvu autrefois. C'est un avis que je donne en passant à certain Editeur de la capitale dont le nom commence par un C... On voit que je ne pousserai pas la vengeance très loin.
Et vous pour qui j'ai écrit cet ouvrage, vous qui cherchez à vous éclairer, à pénétrer, à connaître les mystères et les secrets de la nature, travaillez avec constance, persévérez, purifiez-vous pour obtenir le succès, objet de vos voeux et de vos désirs. Songez que la moindre tache dont votre
coeur et votre
âme seraient souillés, serait un obstacle invincible pour réussir ; vous verriez le port sans pouvoir y entrer, et feriez naufrage au moment où vous vous croirez sauvés.
Veillez, priez, espérez.
Adieu mes chers et bien aimés Lecteurs, puissiez-vous jouir de toute la félicité qui est devenue mon partage. Amen.
FIN