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Le Grand Arcane

ou L'Occultisme dévoilé
Eliphas Lévi
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Colombe


LIVRE TROISIÈME
Le Mystère sacerdotal ou l'Art de se faire servir par les esprits


CHAPITRE XII : La Toute-Puissance créatrice


      La page sublime qui commence la Genèse n'est pas l'histoire d'un fait accompli une fois, c'est la révélation des lois créatrices et des éclosions successives de l'être.

      Les six jours de Moïse sont six lumières dont le septenaire est la splendeur. C'est la généalogie des idées qui deviennent des formes dans l'ordre des nombres symboliques éternels.

      Au premier jour se manifeste l'unité de la substance première qui est lumière et vie et qui sort des ombres de l'inconnu.

      Au second jour se révèlent les deux forces qui sont le firmament ou l'affermissement des astres.

      Au troisième, la distinction et l'union des éléments contraires produisent la fécondité sur la terre.

      Au quatrième, Moïse rattache le quaternaire tracé dans le ciel par les quatre points cardinaux dans le mouvement circulaire de la terre et des astres.

      Au cinquième apparaît ce qui doit commander aux éléments, c'est-à-dire l'âme vivante.

      Le sixième jour voit naître l'homme avec les animaux ses auxiliaires.

      Au septième jour tout fonctionne ; l'homme agit et Dieu semble se reposer.

      Les prétendus jours de Moïse sont les lumières successives jetées par les nombres Kabbalistiques sur les grandes lois de la Nature, le nombre de jours étant seulement celui des révélations. C'est la genèse de la science plus encore que celle du monde. Elle doit se répéter dans l'esprit de tout homme qui cherche et qui pense ; elle commence par l'affirmation de l'être visible et après les consultations successives de la science, elle finit par le repos de l'esprit qui est la foi. Supposons un homme qui est dans le néant du scepticisme ou même qui s'établit systématiquement dans le doute de Descartes. Je pense, donc je suis, lui fait dire Descartes. N'allons pas si vite et demandons-lui : Sentez-vous que vous existez ?

      – Je crois exister, répondra le sceptique, et ainsi sa première parole est une parole de foi.

      – Je crois exister, car il me semble que je pense.

      Si vous croyez quelque chose et qu'il vous semble quelque chose, c'est que vous existez. Il existe donc quelque chose, l'être existe, mais pour vous tout est chaos, rien ne s'est encore manifesté dans l'harmonie et votre esprit flotte dans le doute comme sur les eaux.

      Il vous semble que vous pensez. Osez l'affirmer d'une manière nette et hardie. Vous l'oserez si vous le voulez, la pensée est la lumière des âmes, ne luttez pas contre le phénomène divin qui s'accomplit en vous, ouvrez vos yeux intérieurs, dites que la lumière soit et elle sera pour vous. La pensée est impossible dans le doute absolu et si vous admettez la pensée, vous admettez la vérité. Vous êtes bien forcé d'ailleurs de l'admettre puisque vous ne pouvez nier l'être. La vérité c'est l'affirmation de ce qui est, et malgré vous il faudra bien la distinguer de l'affirmation de ce qui n'est pas, ou de la négation de ce qui est, les deux formules de l'erreur.

      Silence maintenant et recueillons-nous dans les ténèbres qui nous restent. Votre création intellectuelle vient d'accomplir son premier jour ! Levons-nous maintenant ! Voici une nouvelle aurore. L'être existe et l'être pense. La vérité existe, la réalité s'affirme, le jugement se nécessite, la raison se forme et la justice est nécessaire.

      Maintenant, admettez que dans l'être est la vie. Pour cela, vous n'avez pas besoin de preuves. Obéissez à votre sens intime et commandez à vos sophismes, dites : Je veux que cela soit pour moi et cela sera pour vous, car déjà indépendamment de vous, cela doit être et cela est. Or, la vie se prouve par le mouvement, le mouvement s'opère et se conserve par l'équilibre ; l'équilibre dans le mouvement, c'est le partage et l'égalité relative dans les impulsions alternées et contraires de la force ; il y a donc partage et direction contraire et alternée dans la force, la substance est comme vous l'a montré le premier jour, la force est double comme vous le révèle la seconde lumière et cette force double dans ses impulsions réciproques et alternées constitue le firmament ou l'affermissement universel de tout ce qui se meut suivant les lois de l'équilibre universel. Ces deux forces, vous les voyez fonctionner dans toute la Nature. Elles lancent et elles attirent, elles agrègent et elles dispersent. Vous les sentez en vous car vous éprouvez le besoin d'attirer et de rayonner, de conserver et de répandre. En vous, les instincts aveugles sont balancés par les prévisions de l'intelligence ; vous ne pouvez nier que cela soit, osez donc affirmer que cela est, dites : Je veux que l'équilibre se fasse en moi et l'équilibre se fera, et voici votre second jour, c'est la révélation du binaire.

      Distinguez maintenant ces puissances pour mieux les unir afin que réciproquement elles se fécondent ; arrosez les terres arides de la science avec les eaux vives de l'amour ; la terre, c'est la science qu'on travaille et qui se mesure, la foi est immense comme la mer. Opposez des digues à ses débordements mais ne l'empêchez pas de soulever ses nuages et de répandre la pluie sur la terre. La terre alors sera fécondée, la science aride verdira et fleurira. Malheur à ceux qui craignent l'eau du ciel et qui voudraient cacher la terre sous un voile d'airain. Laissez germer les espérances éternelles, laissez fleurir les croyances naïves, laissez les grands arbres monter. Les symboles grandissent comme des cèdres, ils se fortifient comme des chênes et ils portent en eux-mêmes la semence qui les reproduit. L'amour s'est révélé dans la nature par l'harmonie, le triangle sacré fait briller sa lumière, le nombre trois complète la divinité soit dans ton idéal soit dans la connaissance transcendante de toi-même. Ton intelligence est devenue mère parce qu'elle a été fécondée par le génie de la foi. Arrêtons-nous ici, car ce miracle de la lumière suffit à la gloire du troisième jour.

      Lève maintenant les yeux et contemple le ciel. Vois la splendeur et la régularité des astres. Prends le compas et le télescope de l'astronome et monte de prodige en prodige, calcule le retour des comètes et la distance des soleils ; tout cela se meut suivant les lois d'une hiérarchie admirable. Toute cette immensité pleine de mondes absorbe et surpasse tous les efforts de l'intelligence humaine. Est-elle donc inintelligente ? Il est vrai que les soleils ne vont pas où ils veulent et que les planètes ne sortent pas de leur orbite. Le ciel est une machine immense qui peut être ne pense pas, mais qui certainement révèle et reproduit la pensée. Les quatre points cardinaux du ciel, les équinoxes et les solstices, l'orient et l'occident, le Zénith et le Nadir sont à leur poste comme des sentinelles et nous proposent une énigme à deviner ; les lettres du nom de Jehovah ou les quatre formes élémentaires et symboliques du vieux sphinx de Thèbes. Avant que tu apprennes à lire, ose croire et déclarer qu'il y a un sens caché dans ces écritures du ciel. Que l'ordre te révèle une volonté sage, et si la nature n'est encore à tes yeux qu'une machine impuissante à marcher d'elle-même, si tu doutes du moteur indépendant, ferme les yeux et repose-toi des fatigues de ton quatrième jour. Demain, nous te manifesterons les merveilles de l'autonomie.

      La mouche qui bourdonne, voltige et se pose où il lui plaît, le ver qui rampe à son gré le long des rivages humides ont quelque chose de plus surprenant que les soleils, car ils sont autonomes et ne se meuvent pas comme les rouages d'un mécanisme fatal. Le poisson est libre et se réjouit dans l'onde, il monte chercher sa pâture à la surface. Un bruit l'effraie, il frémit et fuit dans la vase en repoussant l'eau qui bouillonne, l'oiseau fend les airs en se dirigeant à son gré ; il choisit l'arbre ou le mur où il fera son nid ; puis il se pose et chante, il va ensuite cherchant des fanes et des herbes, il presse la naissance de ses petits. Est-ce lui qui pense ou quelqu'un qui pense pour lui ? Tu doutais de l'intelligence des mondes, douterais-tu de celle des oiseaux ? Si les oiseaux sont libres sous un ciel esclave, à qui donc obéit le ciel si ce n'est à celui qui donne la liberté aux oiseaux, mais le ciel n'est pas esclave, il est soumis à des lois admirables que tu peux comprendre et à qui les soleils obéissent sans avoir besoin de les connaître. Tu as l'intelligence du ciel, et à ce titre, tu es plus immense que le ciel même. Es-tu le créateur et le régulateur des mondes ? Non : ce créateur, c'est un autre sans doute, mais tu en es le confident et en quelque sorte le coadjuteur. Ne nie pas ton maître, ce serait te nier toi-même, enfant de Copernic et de Galilée. Tu peux créer avec eux le ciel de la science ; enfant du créateur inconnu, regarde ces milliers d'univers qui vivent dans l'immensité et incline-toi devant la souveraine intelligence de ton Père.

      L'étoile de l'intelligence maîtresse des forces, l'étoile à cinq pointes, le pentagramme des Kabbalistes et le microcosme des Pythagoriciens apparaît au cinquième jour. Tu sais maintenant que la matière ne saurait se mouvoir sans que l'esprit la dirige et tu veux l'ordre dans le mouvement ; tu vas comprendre l'homme et tu vas concourir à le créer.

      Voici apparaître des formes pour toutes les forces de la nature qui sont poussées par l'autonomie suprême à devenir elles-mêmes autonomes et vivantes. Toutes ces forces te seront soumises et toutes conformes sont des figures de ta pensée. Ecoute rugir le lion et tu entendras l'écho de ta colère ; le mastodonte et l'éléphant tournent en dérision l'enflure de ton orgueil ; veux-tu leur ressembler, toi, leur maître ? Non, il faut les dompter et les faire servir à tes usages, mais pour leur imposer ta puissance, il faut d'abord dompter en toi-même les vices dont plusieurs d'entre eux sont l'usage.

      Si tu es glouton comme le pourceau, lascif comme le bouc, féroce comme le loup ou larron comme le renard, tu n'es qu'un animal masqué d'une figure humaine. Roi des animaux, lève-toi dans ta dignité et de ta dignité faisons l'homme ; dis : Je veux être un homme, et tu seras ce que tu voudras être car Dieu veut que tu sois un homme, mais il attend ton consentement parce qu'il t'a créé libre ; et pourquoi ? C'est que tout monarque doit être acclamé et proclamé par ses pairs, c'est que la liberté seule peut comprendre et honorer le pouvoir divin ; c'est qu'il faut à Dieu cette grande dignité de l'homme pour que l'homme puisse légitimement adorer Dieu.

      L'occultisme de Dieu est nécessaire comme celui de la science ; si Dieu se révélait à tous les hommes d'une manière éclatante et irréfragable, le dogme de l'enfer éternel régnerait dans toute son horreur. Les crimes humains n'auraient plus de circonstances atténuantes.

      Les hommes seraient forcés à bien faire ou à se perdre pour jamais, ce que Dieu ne saurait vouloir et ne veut pas ; il faut que le dogme reste entier et que la miséricorde garde sa liberté immense.

      Dieu (si l'on veut nous permettre à l'exemple des grands Kabbalistes et des auteurs inspirés de la Bible de lui prêter ici la forme humaine), Dieu a deux mains : une pour châtier, l'autre pour relever et bénir.

      La première est enchaînée par l'ignorance et la faiblesse de l'homme. L'autre veut être toujours libre et c'est pour cela que Dieu, en ne contraignant jamais notre foi, respecte notre liberté.

      La marche de l'esprit humain détaché de Dieu est rapide. Les cultes sans autorité tombent dans la philosophie qui s'abîme elle-même dans le matérialisme. La seule religion solide, celle qui sait dire non possumus peut et pourra toujours quelque chose car elle possède la chaîne de l'enseignement, l'efficacité réelle des sacrements, la magie des cultes, la légitimité hiérarchique et la puissance miraculeuse du verbe. Qu'elle laisse donc sans se troubler l'athéisme et le matérialisme se produire. Ce sont deux cerbères déchaînés pour garder sa porte et ils dévoreront tous ses ennemis.

      Je sais qu'un grand nombre de mes lecteurs m'accusent de contradiction ; on ne conçoit pas que je soutienne d'une main les autels de la catholicité et que de l'autre je frappe sans pitié sur toutes les erreurs et sur tous les abus qui se sont produits et se produisent encore sous le nom et à l'ombre du catholicisme. Les catholiques aveugles s'effraient de mes interprétations hardies et les prétendus libres-penseurs s'indignent de ce qu'ils nomment mes faiblesses pour une religion qu'ils croient tombée dans le mépris parce qu'ils l'ont abandonnée. Je déplais également aux chrétiens de Veuillot et aux philosophes de Proud'hon. Cela ne doit pas m'étonner, je m'y étais attendu, je ne m'en afflige pas et je ne dirai pas même que je m'en fais gloire. J'aimerais mieux plaire à tout le monde parce que j'aime sincèrement tous les hommes, mais tant qu'il faudra choisir entre la vérité et l'estime de qui que ce soit, même de mes amis les plus chers, je choisirai toujours la vérité.

      L'Eglise Romaine, dit-on, n'est plus qu'une ombre, c'est un spectre qui regarde vers le passé et qui ne sait marcher qu'en arrière. Et tous les jours, pourtant, on se plaint de ses envahissements. Elle s'empare des enfants et des femmes, absorbe les propriétés, gêne les rois, entrave le mouvement des peuples et force, même, à la servir, l'or des banquiers israélites et le sang voltairien de la France.

      Cette malade, condamnée par tant de médecins, se moque des pilules de Sganarelle et s'obstine à ne pas mourir. C'est qu'en dépit des grands penseurs et des beaux diseurs, elle a les clefs de la vie éternelle. On sent que si elle s'éteint, Dieu se dérobe pour jamais à nous, et l'immortalité de l'âme s'en va.

      Il y a une chose profondément vraie et qui, pourtant, paraîtra paradoxale : c'est que tous les cultes chrétiens dissidents ne vivent que des sublimes obstinations du catholicisme radical. Je vous demande un peu contre qui protesteraient Luther et Calvin si le Pape fléchissait et donnait prise aux luthériens ou aux calvinistes. Si le pape admet en principe la liberté de conscience, il déclare que sa vérité, à lui, est douteuse. Or, la vérité, à lui, ce n'est pas celle d'un système, ce n'est pas celle d'une secte, ce n'est pas celle d'une fantaisie religieuse, c'est celle de l'humanité croyante, c'est celle d'Hermès et de Moïse, c'est celle de Jésus-Christ, c'est celle de saint Paul, de saint Augustin, de Fénelon et de Bossuet, tous plus grands penseurs et plus grands hommes que Proud'hon, le docteur Garnier, le sceptique Girardin et les nihilistes Tartempion ou Jean Bonhomme, entendez-vous ?... Entendez-vous ?

      Non, le Pape ne doit pas dire qu'en matière de religion, nous sommes libres de penser ce que bon nous semble. C'est une étrange manière de comprendre la liberté que de vouloir forcer le chef suprême d'une Eglise absolue à être tolérant quand il est évident que la tolérance serait le suicide de son autorité spirituelle. C'est l'indulgence et non la tolérance que doit aux hommes et à leurs erreurs le représentant de Jésus-Christ. L'Eglise, c'est la charité : tout ce qui est contre la charité est contre elle. Elle ne se soutient et ne se perpétue que par la charité. C'est par le miracle permanent de ses bonnes œuvres qu'elle doit prouver sa divinité an monde.

      Pour assurer son règne sur la terre, elle ne doit pas enrôler des zouaves, mais elle peut créer des saints. A-t-elle jamais pu oublier cette grande parole du maœtre : cherchez d'abord le règne de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît.




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