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Le Grand Arcane

ou L'Occultisme dévoilé
Eliphas Lévi
© France-Spiritualités™






Colombe


LIVRE SECOND
Le Mystère royal ou l'Art de soumettre les puissances


CHAPITRE V : Les Ténèbres extérieures


      Nous avons dit que le phénomène de la lumière physique s'opère et s'accomplit uniquement dans les yeux qui la voient. C'est-à-dire que la visibilité n'existerait pas pour nous, sans la faculté de vision.

      Il en est de même de la lumière intellectuelle, elle n'existe que pour les intelligences qui sont capables de la voir. C'est la lumière intérieure en dehors de laquelle il n'existe rien que les ténèbres extérieures où, suivant la parole du Christ, il y a et il y aura toujours des pleurs et des grincements de dents.

      Les ennemis du vrai ressemblent à des enfants mutinés qui renverseraient et éteindraient tous les flambeaux pour mieux crier et pleurer dans les ténèbres.

      Le vrai est tellement inséparable du bien que toute mauvaise action librement consentie et accomplie sans que la conscience proteste, éteint la lumière de notre âme et nous jette dans les ténèbres extérieures.

      C'est là ce qui constitue l'essence du péché mortel. Le pécheur est figuré dans la fable antique par Œdipe qui, avant tué son père et outragé sa mère, finit par se crever les yeux.

      Le père de l'intelligence humaine, c'est le savoir et sa mère, c'est la croyance.

      Il y avait deux arbres dans l'Eden, l'arbre de science et l'arbre de vie.

      C'est le savoir qui doit et qui peut féconder la foi ; sans lui, elle s'épuise en avortements monstrueux et ne produit que des fantômes.

      C'est la foi qui doit être la récompense du savoir et le but de tous ses efforts ; sans elle, il finit par douter de lui-même et tombe dans un découragement profond, qui tourne bientôt au désespoir.

      Ainsi d'une part, les croyants qui méprisent la science et qui méconnaissent la nature, et de l'autre, les savants qui outragent, repoussent et veulent anéantir la foi, sont également les ennemis de la lumière et se précipitent à l'envi, les uns les autres, dans les ténèbres extérieures où Proud'hon et Veuillot font entendre tour à tour leur voix plus triste que des pleurs, et passent en grinçant des dents.

      La vraie foi ne saurait être en contradiction avec la vraie science. Aussi, toute explication du dogme dont la science démontrerait la fausseté doit-elle être réprouvée par la foi.

      Nous ne sommes plus au temps où l'on disait : je crois parce que c'est absurde. Nous devons dire maintenant : je crois parce qu'il serait absurde de ne pas croire ; Credo quia absurdum non credere.

      La science et la foi ne sont plus deux machines de guerre prêtes à s'entrechoquer, ce sont les deux colonnes destinées à soutenir le fronton du temple de la paix. Il faut nettoyer l'or du sanctuaire si souvent terni par la crasse sacerdotale.

      Le Christ l'a dit : Les paroles du dogme sont esprit et vie et la matière n'y est pour rien. Il a dit aussi : Ne jugez point si vous craignez d'être jugés, car le jugement que vous aurez arrêté vous sera applicable et vous serez mesurés avec la mesure que vous aurez déterminée. Quel splendide éloge de la sagesse du doute ! Et quelle proclamation de la liberté de conscience ! En effet, une chose est évidente pour quiconque aime à écouter le bon sens, c'est que, s'il existait une loi rigoureuse, applicable à tous et sans l'observation de laquelle il fût impossible d'être sauvé, il faudrait que cette loi fût promulguée de manière à ce que personne ne pût douter de sa promulgation. En pareille matière, un doute possible c'est une négation formelle, et si un seul homme peut ignorer l'existence d'une loi, c'est que cette loi n'est point divine.

      Il n'y a point deux manières d'être honnête homme. La religion serait-elle moins importante que la probité ? Non sans doute, et c'est pour cela qu'il n'y a jamais eu qu'une religion dans le monde. Les dissidences ne sont qu'apparentes. Mais ce qu'il y a toujours eu d'irréligieux et d'horrible, c'est le fanatisme des ignorants, qui se damnent les uns les autres.

      La religion véritable, c'est la religion universelle, et c'est pour cela que celle qui s'appelle catholique porte seule le nom qui indique la vérité. Cette religion, d'ailleurs, possède et conserve l'orthodoxie du dogme, la hiérarchie des pouvoirs, l'efficacité du culte et la magie véritable des cérémonies. C'est donc la religion typique et normale, la religion mère à qui appartiennent de droit les traditions de Moïse et les antiques oracles d'Hermès. En soutenant cela malgré le pape s'il le faut, nous serons au besoin plus catholique que le pape et plus protestant que Luther.

      La vraie religion, c'est surtout la lumière intérieure, et les formes religieuses se multiplient souvent et s'éclairent du phosphore spectral dans les ténèbres extérieures ; mais il faut respecter la forme même chez les âmes qui ne comprennent pas l'esprit. La science ne peut pas et ne doit pas user de représailles envers l'ignorance.

      Le fanatisme ne sait pas pourquoi la foi a raison, et la raison, tout en reconnaissant que la religion est nécessaire, sait parfaitement en quoi et pourquoi la superstition a tort.

      Toute la religion chrétienne et catholique est basée sur le dogme de la grâce, c'est-à-dire de la gratuité. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement, dit saint Paul. La religion est essentiellement une institution de bienfaisance. L'Eglise est une maison de secours pour les déshérités de la philosophie. On peut se passer d'elle, mais il ne faut pas l'attaquer. Les pauvres qui se dispensent de recourir à l'assistance publique n'ont pas pour cela le droit de la décrier. L'homme qui vit honnêtement sans religion se prive lui-même d'un grand secours, mais il ne fait point de tort à Dieu. Les dons gratuits ne se remplacent point par des châtiments lorsqu'on les refuse, et Dieu n'est point un usurier qui fasse payer aux hommes les intérêts de ce qu'ils n'ont pas emprunté. Les hommes ont besoin de la religion, mais la religion n'a pas besoin des hommes. Ceux qui ne reconnaissent pas la loi, dit saint Paul, seront jugés en dehors de la loi. Or, il ne parle pas ici de la loi naturelle, mais bien de la loi religieuse, ou, pour parler plus exactement, des prescriptions sacerdotales.

      En dehors de ces vérités si douces et si pures, il n'y a que les ténèbres extérieures où pleurent ceux que la religion mal comprise ne saurait consoler, et où les sectaires qui prennent la haine pour l'amour grincent des dents les uns contre les autres.

      Sainte Thérèse eut un jour une vision formidable. Il lui semblait qu'elle était en enfer et qu'elle était murée entre des murailles vivantes qui se resserraient toujours sans pouvoir jamais l'étouffer. Ces murailles étaient faites avec des murailles palpables et nous ont fait songer à cette parole menaçante du Christ : « Les ténèbres extérieures. » Représentons-nous une âme qui, par haine de la lumière, s'est rendue aveugle comme Œdipe ; elle a résisté à tous les attraits de la vie et partout la vie la repousse ainsi que la lumière. La voilà lancée hors de l'attraction des mondes et de la clarté des soleils. Elle est seule dans l'immensité noire à jamais réelle pour elle seule et pour les aveugles volontaires qui lui ressemblent. Elle est immobile dans l'ombre et souffre un étouffement éternel dans la nuit. Il lui semble que tout est anéanti excepté sa souffrance capable de remplir l'infini. Ô douleur ! Avoir pu comprendre et s'être obstiné dans l'idiotisme d'une foi insensée ! Avoir pu aimer et avoir atrophié son cœur ! Oh ! Une heure seulement ou du moins une minute, rien qu'une minute des joies les plus imparfaites et des plus fugitives amours ! Un peu d'air ! Un peu de soleil ! Ou rien qu'un clair de lune et une pelouse pour danser ! Une goutte de vie ou moins qu'une goutte, une larme ! Et l'éternité implacable lui répond : Que parles-tu de larmes, tu ne peux même plus pleurer ! Les pleurs sont la rosée de la vie et le suintement de la sève d'amour ; tu t'es exilée dans l'égoïsme et tu t'es murée dans la mort !

      Ah ! Vous avez voulu être plus saints que Dieu ! Ah ! Vous avez craché au nez de Madame votre mère, la chaste et divine nature ! Ah ! Vous avez maudit la science, l'intelligence et le progrès ! Ah ! Vous avez cru que pour vivre éternellement, il faut ressembler à un cadavre et se dessécher comme une momie ! Vous voilà tels que vous vous êtes faits, jouissez en paix de l'éternité que vous avez choisie ! Mais non, pauvres gens, ceux que vous appeliez pécheurs et maudits iront vous sauver. Nous agrandirons la lumière, nous irons percer votre mur, nous vous arracherons à votre inertie. Un essaim d'amours ou, si vous voulez, une légion d'anges (ils sont faits de la même manière) vous entortillera et vous entraînera avec des guirlandes de fleurs, et vous vous débattrez en vain comme le Méphistophélès du beau drame philosophique de Gœthe. Malgré vous, vos disciplines et vos visages pâles, vous revivrez, vous aimerez, vous saurez, vous verrez et, sur les débris du dernier cloître, vous viendrez danser avec nous la ronde infernale de Faust !

      Heureux, du temps de Jésus, ceux qui pleuraient ! Heureux, maintenant, ceux qui savent rire, pour ce que rire est le propre de l'homme, comme l'a dit le grand prophète Rabelais, le Messie de la Renaissance. Le rire c'est l'indulgence, le rire c'est la philosophie. Le ciel s'apaise quand il rit, et le grand Arcane de la toute puissance divine n'est rien qu'un sourire éternel !




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