CHAPITRE II
L'Ecole de Magnétisme et de Théurgie de Lyon Enseignements du Maître Philippe
Il existait à
Paris, depuis 1893, une Ecole pratique de
magnétisme et de massage, fondée par le célèbre magnétiseur
Hector Durville, avec comme principaux collaborateurs, le Dr Gérard Encausse (Papus) et M.
Fabius de Champville.
Cette Ecole formait des élèves masseurs et magnétiseurs auxquels elle délivrait eu fin d'année, après examen, un diplôme de magnétiseur-masseur praticien.
En novembre 1895, sur la proposition du Dr. Encausse, directeur adjoint de l'Ecole de
Paris, une Ecole secondaire fut établie à
Lyon. Cette Ecole était soumise aux règlements statutaires de l'Ecole-mère, et les élèves des deux Ecoles jouissaient des mêmes droits et prérogatives. A la fin de chaque année scolaire, les examens des élèves qui désiraient obtenir le diplôme de magnétiseur-masseur praticien étaient faits en séance publique.
Le
corps enseignant de l'Ecole secondaire de
Lyon était
composé d'un professeur titulaire et de maîtres de conférences chargés de cours.
Le maître Philippe fut sollicité de prendre la direction de l'Ecole pratique de
magnétisme de
Lyon. Ayant accepté, il fut nommé professeur titulaire de la chaire de
Clinique magnétique, et, sur sa proposition, M. Jean Chapas fut nommé maître de conférences chargé du
Cours d'Histoire du Magnétisme.
On comprend qu'ainsi dirigée, l'Ecole secondaire de
Lyon devait obtenir un gros et légitime succès. Les cours en furent très suivis.
Bientôt, l'enseignement du Maître Philippe dépassa le cadre du
magnétisme traditionnel. En plus des séances théoriques et pratiques de guérison, le maître réunit autour de lui un petit groupe d'élèves auxquels il enseignait et démontrait les lois et les hauts phénomènes du
magnétisme occulte, et c'est avec raison qu'on a parlé d'
Ecole de Théurgie.
J'en citerai quelques exemples extraits des notes prises pendant les leçons.
A la séance du 5 décembre 1895, un
élève ayant demandé pourquoi
Dieu tolérait les révolutions et les
guerres où tant de malheureux succombaient, le maître répondit :
«
Souvenez-vous du jour où
je vous ai expliqué que la mort n'était effrayante que pour ceux qui
entouraient le sujet devant disparaître du nombre des mortels. -- Ne
m'avez-vous pas demandé la preuve de ce que je vous disais ? Ne vous
ai-je pas dit qu'un cliché se présentait à vous, et vous, comme une
machine automatique, vous exécutiez les décrets de Dieu ? Je vous
expliquerai ce que devient ce cliché après le temps déterminé.
Ne m'avez-vous pas demandé ce qu'était
un cliché ? Je vous l'ai dit.
Ne m'avez-vous pas demandé encore si
vous pourriez entendre des voix et de la musique partant d'un cliché ?
Ne vous souvenez-vous pas de celui de la bataille de Waterloo, comme si
cette journée mémorable se fût passée en votre présence et sous vos
yeux ? N'en est-il pas parmi vous qui ont vu,
et n'avez-vous pas tous parfaitement entendu
? Vous vous rappelez les cris, les grincements de dents des malheureux
blessés ; n'avez-vous pas senti la poudre brûlée et vu sa fumée ?
N'avez-vous pas entendu le roulement des tambours, les coups de canon
et la fusillade ?
Vous me demandez si les blessés
souffrent encore depuis ce temps -- je ne dois pas aller si loin ;
sachez qu'ici-bas comme dans les autres mondes ou autres terres, tout a
une vie et que la mort n'est qu'apparente et n'est en réalité qu'une
métamorphose. Le cliché de Waterloo n'est pas mort ; il a été fait au
commencement et durera toujours en se modifiant, il est vrai, mais il
est vivant et n'a pas été créé seulement pour nous, mais aussi pour
d'autres peuples et d'autres mondes.
S'il vous a été donné de voir et d'entendre
et que votre curiosité soit satisfaite, vous devez payer, mais payer
plus que vous pourrez. Je veux dire que tous vous faites ce que vous
pouvez pour bien faire à l'égard de l'amour que vous devez à votre
frère, afin de rendre le bien pour le mal ; mais si vous réfléchissez
bien, vous reconnaîtrez que vous auriez encore pu mieux faire : c'est
pourquoi je vous dis qu'il faut payer plus que vous ne le pouvez.
»
Le Maître ajouta : «
Ne
répétez point ceci au dehors, car on ne comprendrait pas ce que vous
comprenez en ce moment, et vous perdriez votre temps ; ce n'est pas
ainsi qu'il faut semer le bon grain. »
Le 26 décembre 1895, à la séance du
soir, le Maître pria les élèves de passer dans un petit salon voisin
pendant qu'un docteur examinerait un malade et établirait le diagnostic
de son mal. Après lecture du diagnostic aux assistants, le Maître fit
entrer un des élèves qui s'était retiré dans le salon et lui dit, en
montrant le malade : «
Il faut maintenant nous expliquer de
quelle maladie cet homme est atteint et nous dire où il sent son mal.
»
Sur les réponses embarrassées de
l'élève, le Maître ajouta : «
Ne vous souvenez-vous donc pas
d'avoir reçu le pouvoir de vous rendre compte de la maladie d'un sujet
à son approche ? »
Immédiatement, la souvenance revint à
l'élève, et celui-ci répéta (ainsi que les autres élèves appelés l'un
après l'autre), ce qui venait d'être indiqué par le docteur.
*
* *
A une autre séance, un malade âgé
d'une cinquantaine d'années se présente. Il déclare avoir reçu
plusieurs coups de pied de
cheval au tibia, au point qu'une amputation
de la jambe fut jugée nécessaire ; mais il s'était opposé à cette
opération ; de ce fait, le tibia n'avait pu être soudé et le malade ne
pouvait bouger le pied ni étendre la jambe.
Le Maître fit d'abord magnétiser, par
un élève, la jambe du malade pendant trois minutes environ. Après cette
opération, le sujet affirma ne plus ressentir aucune douleur ni raideur
dans sa jambe, et, pour le prouver, il posa son pied à terre, ce qui
lui eût été de toute impossibilité auparavant.
«
Ce n'est pas tout, nous
dit le Maître, il reste maintenant à faire la suture du tibia.
»
Nous remarquâmes alors plusieurs
rugosités assez volumineuses sur le tibia.
«
Nous allons opérer par un
massage peu ordinaire. »
Pour exécuter ce massage peu
ordinaire, le Maître prit une béquille du malade et la porta à l'autre
extrémité de la salle ; puis il demanda à un élève de vouloir bien
faire des légères frictions sur cette béquille.
Le malade déclara ressentir sur le
champ l'effet de ce massage, depuis l'os de la cuisse jusqu'au pied.
Nous vîmes alors avec surprise que les rugosités avaient sensiblement
diminué de volume ; de son côté, le malade manifestait son étonnement
de ressentir une très grande amélioration et beaucoup plus de
force
dans sa jambe.
Le
Magnétisme à distance, à l'aide
d'opérations magiques, était chose habituelle pour le Maître.
Je me souviens avoir entendu un homme
le prier de vouloir bien agir sur sa fille Françoise, âgée de dix-sept
ans.
Sur les ordres du Maître, un élève fut
prié de
fermer les oreilles à un autre élève de l'Ecole, ce qui fut
fait tout de suite.
Lecture fut donnée du diagnostic posé
par le docteur de la famille, puis on fit retirer les mains placées sur
les oreilles de l'élève. Ce dernier affirma aussitôt être Mlle
Françoise, âgée de dix-sept ans.
Après un traitement actif, le Maître
demanda au père de la jeune fille s'il habitait le quartier, et, sur sa
réponse affirmative, il pria plusieurs élèves d'accompagner le père
chez lui et de venir rapporter ce qui se passait chez la malade.
Vingt minutes après, les personnes
envoyées revinrent et déclarèrent que la jeune malade ne se sentait
plus la même ; elle disait qu'il y avait quelque chose de changé dans
son organisme ; elle avait plus de
forces et la fièvre avait disparu ;
et elle voudrait, disait-elle, rester toujours dans cet état.
Après avoir rendu au sujet sa
liberté,
le Maître, afin de nous faire comprendre l'action magique, nous dit : «
Je
vais prendre une quantité considérable de fluide magnétique dans un
pays que vous ne connaissez pas ; je vais le rendre tangible,
c'est-à-dire solide, et vous le verrez comme moi et le sentirez aussi
comme moi, ce qui est fait à l'instant même. »
Tous les assistants déclarèrent
distinguer parfaitement le fluide sur la main du Maître.
«
Je vais jeter ce fluide
sur la glace qui est en face de vous, voyez et entendez. »
Au même instant, une sorte de terreur
s'empara de quelques assistants ; un homme reçut le fluide en pleine
poitrine, ce qui lui occasionna une suffocation et une perte de
respiration pendant quelques minutes ; les élèves craignaient une
asphyxie complète. Le Maître nous dit alors : «
Vous ne
pourrez faire ces choses que plus tard, mais je veux vous apprendre les
opérations de magie, afin que vous puissiez fabriquer des fluides
magnétiques avec des substances végétales. On peut en faire avec des
substances animales, mais je vous le défends. »
*
* *
Parlant de l'origine des maladies, le
Maître disait qu'elles étaient de trois sortes : les maladies d'origine
physique, celles de source
astrale,
et les maladies de l'
esprit.
Les maladies d'origine physique qui
n'affectent que le
corps physique et ont leur origine dans le plan du
même nom sont les plus faciles à guérir. Elles peuvent être soignées
par les méthodes allopathiques et homéopathiques, ainsi que par le
magnétisme.
Le Maître enseignait une théorie qui
petit, à première
vue, paraître très étrange à ceux qui ne connaissent
pas la Magie. C'est celle de la
vie consciente, et,
partant, de la
responsabilité des cellules de nos
différents organes. Cette idée est familière aux occultistes praticiens
qui ont pu se rendre compte que la vie
consciente
est répandue partout.
Ainsi, un de nos organes peut souffrir
et être malade par suite d'une mauvaise action voulue par notre
conscience et accomplie à l'aide de cet organe. Naturellement, la plus
grande part de responsabilité revient à notre volonté consciente, mais
l'organe qui l'aura servi sera frappé également. Toutefois, il aura
moins à souffrir et sera plus facilement guéri en raison du degré de
conscience moindre des cellules qui le composent. Plus les cellules
sont évoluées et constituent un organisme subtil, plus leur degré de
conscience est élevé, plus elles ont de responsabilité particulière et,
partant, plus leur degré de souffrance est grand.
Cette loi de la responsabilité
particulière des cellules constituant nos organes trouve surtout son
application chez les infirmes dont le
corps physique actuel est
généralement incomplet ou déformé dans les parties correspondantes à
celles qui ont été jadis atteintes ou déformées par un suicide ou une
cause volontaire quelconque.
Il faut savoir que chacun de nos actes
appelle une conséquence, dans le plan même où cet acte a été accompli.
Nos maladies physiques proviennent de
notre imprévoyance, de notre
ignorance, de nos passions et de nos
faiblesses. Elles sont les conséquences strictes de nos actes sur le
plan physique et n'ont d'autres causes que nous-mêmes.
Les maladies astrales ont une autre
origine ; elles proviennent des pouvoirs de notre
corps astral, de
notre double, pouvoirs qui sont beaucoup plus étendus que ceux du
corps
physique, dont les possibilités sont très limitées. Pour le mal comme
pour le bien, les pouvoirs du
corps astral sont plus grands que ceux du
corps physique, et chaque faute commise par nous sur le plan astral a
une portée beaucoup plus grande que si elle avait été commise sur le
plan physique. Il s'ensuit que les conséquences de nos colères, de nos
haines, de nos fautes sont beaucoup plus graves. C'est là une des
principales raisons de la ténacité des maladies astrales, dont il est
généralement difficile de venir à bout. Ces maladies sont, dans la
plupart des cas, causées par la volonté humaine, et se traduisent par
la neurasthénie, la névrose, la déperdition de
forces sans causes
apparentes, les phénomènes d'envoûtement, d'autosuggestion, devant
lesquels la médecine reste impuissante. Seuls les procédés magiques et
le
magnétisme sont efficaces.
Reste enfin les maladies spirituelles,
les maladies de l'
esprit. Sur celles-ci, nous ne savons que peu de
choses et ne connaissons guère leurs causes. Il faudrait pour cela
pénétrer sur le plan spirituel, et très peu d'hommes en sont
aujourd'hui capables. Le maître Philippe prétendait que les causes de
la folie, de l'épilepsie ont leur origine sur le plan spirituel ; et
seules la prière et les opérations
théurgiques peuvent les guérir.
Les pouvoirs
théurgiques se
développent individuellement
chez ceux qui sont déjà doués,
mais ne s'enseignent pas comme un art ordinaire.
*
* *
Ce que j'ai dit jusqu'à présent du
Maître Philippe suffit, je pense, à montrer combien ces pouvoirs lui
étaient familiers. Cependant, je crois devoir encore emprunter au Dr.
Papus les lignes suivantes, extraites de son
Traité
élémentaire de Science Occulte :
«
Celui-ci (le Maître
spirituel) sait tout, mais il enseigne à descendre et à acquérir la
certitude que l'homme qui sait qu'il ne sait rien, commence seulement à
comprendre la science ; que celui qui ne possède rien qu'un grabat et
qui prête son grabat à qui n'en possède pas est plus riche que tous les
riches. Le Maître spirituel, quand il veut enseigner, peut soit parler,
ce qui est rare, soit faire voir, ce qui est plus commun pour lui.
Possesseur de biens physiques qui lui permettraient de vivre en oisif,
le Maître consacre toute sa vie à la guérison des pauvres et des
affligés. Et ces guérisons mêmes indiquent au plus aveugle de quel plan
descend l'Esprit qui commande à la maladie et à la mort elle-même.
Dans les rues de la ville qu'il
habite, on le voit passer humble entre les humbles ; aussi les pauvres
seuls le bénissent et le connaissent. Cet ouvrier qui le salue avec
respect lui doit sa jambe qu'on allait couper et qui fut guérie en une
heure ; cette femme du peuple qui accourt à son passage vint le trouver
alors que son enfant râlait, et le Maître dit : "Femme, vous êtes plus
riche, par votre dévouement incessant et votre courage devant les
épreuves que les riches de la terre ; allez, votre enfant est guéri."
Et rentrée chez elle, la mère constate le miracle qui déconcerte et
irrite les médecins. Cette famille d'artisans courut à lui alors que
depuis dix-huit heures, leur fille unique était morte ; il vint, et
devant dix témoins, la morte sourit et ouvrit de nouveau les yeux à la
lumière.
Demandez à tous ces gens le nom de cet
homme, ils vous diront : "C'est le Père des Pauvres".
Interrogez cet homme ; demandez-lui qui il est, d'où il
tient ces pouvoirs étranges et terribles, il vous répondra : "Je suis
moins qu'une pierre. Il y a tant d'êtres sur cette terre qui sont
quelque chose que je suis heureux de n'être rien. J'ai un ami qui est,
lui, quelque chose. Soyez bon, patient dans les épreuves, soumis aux
lois sociales et religieuses de votre patrie, partagez et donnez ce que
vous avez, si vous trouvez des frères qui ont besoin, et mon ami vous
aimera. Quant à moi, pauvre envoyé, j'écris sur le Livre Evident de mon
mieux, et je prie le Père comme jadis le fit Notre Sauveur le Christ,
qui rayonne en gloire sur la terre et dans les Cieux et au cur duquel
on parvient par la grâce de la Vierge de Lumière : Mariah, dont le nom
soit béni.
Je ne terminerai pas ces pages, que ma
reconnaissance rend si douces, par le rappel des injures et des
sarcasmes dont les savants, les satisfaits, les critiques accablent le
Maître. II les ignore, leur pardonne et prie pour eux. Cela suffit.
»
(1)
________________________________________________________________________________________________
(1) Pap,
Traité Elémentaire de
Science Occulte, 8° édition,
Paris, Ollendorff,
1903, pp. 464-466.
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