LES
SIGNES D'UN PHILADELPHE PARFAIT
TEL QUE LES A DÉCRITS LE BIENHEUREUX
APÔTRE PAUL
I - Un Philadelphe est longanime
On peut dire que la première victoire
d'un héros de la foi philadelphique consiste dans la répression
et la domination des mouvements irascibles de l'
âme, c'est-à-dire
dans l'apaisement de ce
lion rugissant qui arrête les voyageurs qui se dirigent
vers la ville de l'
amour fraternel, comme pour les dévorer. Le courageux
héros, le Christ, est le plus zélé de ses
disciples, ont
été mordus par lui, et ils eurent de la peine à sauver leur
vie. Comme le vrai Philadelphe a cet exemple devant les yeux, il se garde avec
soin de cette bête sauvage et furibonde. Il s'efforce d'imiter la douceur
et la patience divine envers les malfaiteurs. Il s'applique à gagner par
l'
amour ses adversaires, et à vaincre par des services et des présents
comme Jacob avec son
frère Esaü. Il ne souhaite pas que le
feu du
ciel tombe sur eux, mais que les
charbons ardents de l'
amour s'accumulent sur
leur tête. Quant aux hérétiques, à ceux qui ne sont
pas de son opinion, ou qui ne se plaisent point dans sa société,
il ne les méprise ni ne les persécute par l'
épée ou
le bûcher ; mais il laisse croître l'ivraie avec le bon grain jusqu'au
jour de la moisson, où toute uvre sera purifiée par le
feu.
II - Un Philadelphe est aimable
Comme la politesse et l'amabilité sont
des vertus morales, elles seront en lui une grâce chrétienne. Il
ne paraîtra donc ni sévère ni revêche. Sa
religion ne
le rend pas acerbe, ni rude ou bourru envers les autres, mais plutôt bon,
aimable et prêt, dès que la moindre occasion s'en présente,
à rendre un service agréable et gratuit ; et bien que, selon l'exemple
de son Maître, loué soit-Il ! qu'il recherche grandement la solitude
et l'isolement, il ne se fait remarquer, en paraissant au milieu des autres hommes,
par aucune singularité, mais il se comporte sans contrainte, selon leurs
manières d'être autant qu'il peut le faire innocemment. De sorte
que le vrai Philadlphe est l'homme le plus sympathique et le plus serviable du
monde ; non seulement d'un commerce honnête mais encore attrayant, et aussi
aisé dans les plus hautes sociétés que le mondain. Et il
y a autant de différence entre leurs manières qu'entre celles du
chambellan qui reçoit un ambassadeur étranger, et celles de deux
frères tendrement unis. En résumé, personne mieux qu'un Philadelphe
ne comprend les vraies réjouissances de l'état de communauté,
et la joie constante d'une amitié virile, qui s'étend jusqu'aux
facultés extérieures de sa
sphère.
III - Un Philadelphe n'est ni jaloux ni envieux
Après qu'il a vaincu les
lions et les
ours, il lui reste à écraser la tête du
serpent rusé
de la jalousie, qui a su se glisser jusque dans le Paradis. Et il est plus facile
de dompter et de ramener à une douce
harmonie la colère furieuse
et les qualités rudes d'une
âme non ordonnée que de déraciner
cette perversité plus
occulte et toujours aux aguets, qui a subsisté
en plusieurs fidèles éminents dont elle épuise les
esprits
vitaux et les
forces religieuses. Mais le vrai Philadelphe est celui qui est parfaitement
satisfait de l'état où il se trouve par la sagesse, la justice et
la bonté de
Dieu. Il ne pense pas aux avantages et aux immunités
dont un autre peut jouir ; mais il s'en réjouit volontiers, et lui souhaite
un accroissement de grâce et de bénédictions. Car il est assuré
que le seigneur dont il est le fidèle ne manquera pas de le récompenser,
s'il le sert ; c'est pourquoi il ne s'inquiète pas des grandeurs, des honneurs
et des richesses que le monde peut donner, et il n'
envie pas ceux qui les possèdent
; il se soucie encore moins des grâces que son Seigneur envoie à
d'autres
frères. Il n'aura pas l'outrecuidance de vouloir obliger la Haute
Majesté divine à agir de telle façon ou telle façon,
à n'accorder ses faveurs qu'aux fidèles de tel ou tel cercle dont
les opinions lui seront agréables. Non, il ne pense pas agir ainsi : il
préfère les autres à lui-même, et se considère
personnellement comme indigne des moindres dons que le
Saint-Esprit lui envoie,
car
IV - Un Philadelphe n'est
pas vaniteux Il n'acceptera
aucun honneur pour lui-même ; mais il les rapportera tous à la Haute
Majesté qu'il sert, à cette unique Source de gloire, origine de
tout ce qui est honorable. Il est net de toute gloriole et toute enflure : et
parce qu'il est peu estimable à ses propres yeux, il n'est pas irréfléchi
ou précipité dans ses projets, mais il a coutume d'attendre en tout
l'appel et l'ordre de son Maître, de peur de l'offenser au lieu de l'honorer.
Et cela lui apprend aussi à peser toutes ses paroles dans la balance sacro-saint,
et à ne pas parler de
Dieu inconsidérément.
V
- Un Philadelphe ne s'enorgueillit pas
Car, puisqu'il fuit toute vanité et toute inconvenance, cela est
un signe certain qu'il y a
quelque chose en lui, et qu'il n'est pas comme
une outre gonflée de vent. Les louanges ne l'élèvent pas,
non plus que la contradiction et le mépris ne l'affligent. Il est tout
concentré et non pas, comme un ebulle de savon, gonflé des splendeurs
et des vanités du monde ou même de quelques dons spirituels. Mais
plus il en reçoit de naturels et de surnaturels, plus il se fait paisible,
humble, patient, détaché et abandonné à la volonté
divine.
VI - Un Philadelphe ne
fait rien d'inconvenant Il prend
garde de ne rien faire qui puisse lui rapporter du mal ; mais il observe
scrupuleusement
l'éternelle loi de l'ordre. Cette loi est la règle de toutes les
vertus : il ne s'occupe donc pas beaucoup des petitesses cérémonielles,
quoique ce précepte soit écrit dans son cur, à savoir
que toutes ses uvres doivent être régulières, ordonnées
et convenables. On remarquera donc dans toutes ses actions une certaine
convenance,
qui ne réside pas dans l'apparence extérieure, mais qui est essentielle,
qui n'est pas artificielle et forcée, mais naturelle ; qui n'est pas changeante,
mais continue ; car elle vient d'une racine qui ne passe point. C'est une beauté
inexprimable lorsqu'elle se manifeste aux
enfants des hommes et aux
enfants de
Dieu ; et la beauté suprême et infinie transparaît en elle
d'une façon incompréhensible. Et il appelle cela la réflexion
de la splendide lumière de
Dieu sur son
âme.
VII - Un Philadelphe ne recherche pas son Moi
Il n'y a rien de plus contraire à la
belle loi de l'Ordre qu'un
esprit borné, qui ne cherche que soi-même,
et non ce qui se rapporte à l'universalité. C'est pourquoi le vrai
Philadelphe est l'homme le plus dévoué au bien-être général
que l'on puisse décrire. Il ne recherche pas son intérêt personnel,
mais le foule aux pieds avec le plus grand mépris. Et à cette fin,
il saisit toutes les occasions d'exercer, pour le bien général,
les facultés bonnes et bienfaisantes, à l'exemple de son divin Seigneur
et Maître qui s'efforçait à faire le bien de toutes manières.
VIII - Un Philadelphe ne s'irrite
pas facilement Un homme, dont
l'
esprit est tendu vers le bien public, qui s'applique à être bienfaisant
et qui s'efforce de servir les intérêts de son grand maître,
doit s'attendre à essuyer beaucoup de railleries et d'outrages, beaucoup
de méprises et de provocations de la part des hommes ingrats et irréfléchis.
Mais un vrai Philadelphe ne se laissera pas le moins du monde émouvoir
et aigrir pour cela. Car celui qui mène une vie si au-dessus de la critique
du monde n'a besoin que de l'approbation de
Dieu, de ses saints
Anges, et des
hommes grands et bons qui ont vécu sur la terre et qui ont été
les bienfaiteurs des hommes. Et parce qu'il tient ses regards constamment levés
vers eux, il estime peu les médisances du temps actuel, mais demeure fermement
résolu à tout surmonter pour les servir, eux et leur postérité.
Il ne se laissera pas ébranler dans ses bonnes et nobles intentions, quelque
clameur qui s'élève contre lui ; il laissera même mille fois
plus volontiers salir son nom et son bonheur temporel en cette vie plutôt
que d'abandonner ce qu'il sait et reconnaît être agréable à
Dieu et utile à son prochain. Bref, il est, par la grâce du Christ,
tellement maître de lui que, tous les hommes l'attaqueraient-ils, ils ne
pourraient arriver à lui faire éprouver quelque aigreur.
IX - Un Philadelphe n'a pas de répit
La sincérité est le caractère
le plus distinctif d'un Philadelphe, par quoi il peut être reconnu clairement
au milieu des partis, des sectes et des diverses
religions externes. Il prend
toujours et en tout le bon côté ; et lorsque deux opinions contraires
peuvent être données sur un objet quelconque, il se rappelle le bon
conseil de cet homme sage qui recommandait à son
disciple de ne pas prendre
l'amphore par l'anse de droite. Ainsi, quand le Philadelphe véritable considère
comment toutes choses ont deux aspects, et comment chaque personne peut être
un héros ou un monstre, il s'abstiendra de donner son suffrage avant d'avoir
acquis une pleine certitude ; et il penchera toujours préférablement
vers l'avis le plus bénin. Car
X
- Un Philadelphe ne se réjouit pas de l'injustice
Il ne se pose comme
juge des fautes d'autrui, encore moi
cherche-t-il à censurer les faiblesses et les erreurs de quelqu'un pour faire
preuve de grande sagesse. C'est un vice général dans le monde que de s'amuser
à discourir sur la folie et la friponnerie des autres (ce qui fait d'ordinaire
le sujet de neuf sur dix des conversations) ; et les censurer est la méthode la
plus facile pour se faire une réputation d'homme raisonnable et honnête. Le vrai
esprit philadelphique agit tout autrement. Il ne s'occupe pas du bourdonnement
importun et inintelligent d'une mouche, encore moins des grimaces risibles d'un
singe ; il ne s'amuse pas au récit des manuvres politiques d'un renard madré,
des hypocrisies d'un
crocodile, des voracités et des cruautés d'un
loup ; il n'examine
pas avec intérêt une ordure puante. L'
esprit phidadelphique est beaucoup trop
noble pour de telles occupations ; et, comme il vit au-dessus de ce monde, il
converse plutôt avec les bienheureux habitants des régions supérieures, qui ne
connaissent pas l'
envie, que l'injustice n'intéresse pas, non plus que les fautes
et les péchés de quelques-uns de leurs
compagnons ; mais ils se réjouissent de
la vérité et de la conformité des choses d'en bas avec celle d'en haut, leurs
modèles célestes. Comme donc, il est instruit par eux ;
XI - Un vrai Philadelphe se réjouit de la vérité
La calomnie est la nature même du Diable, qui
ne se réjouit jamais tant que lorsqu'il a trouvé des échos à ses accusations ;
et la vertu opposée à ceci est un rayon de la Nature divine qui est répandu sur
les saints
anges et les
âmes bienheureuses. Par là, le vrai Philadelphe est rapproché
de la Divinité, et il ne se réjouit que dans la vérité, ou dans la réflexion de
sa lumière immaculée. C'est pourquoi le Philadelphe ne se réjouit pas seul, mais
avec la plus haute société, avec la sainte majesté de
Dieu, avec toute la cour
céleste, avec tous les hommes pieux de la terre, et particulièrement avec l'innocence
opprimée et calomniée, qui sera sauvée par la vérité.
XII - Un Philadelphe tient toutes choses secrètes
Comme son grand soin est de ne rien faire contre
la vérité, il se trouve obligé (parce que le monde ne souffre guère ceci) de se
réjouir en lui-même avec cette secrète compagnie des bienheureux. C'est pourquoi
un vrai Philadelphe porte et conserve dans son cur tout ce qui ne peut être
confié qu'aux sages ; selon le commandement exprès du Christ et sa propre expérience,
d'après sa sainte Mère, les Apôtres, les Prophètes, les Nabis. Ce don de secret
et de sainte discrétion lui sera fort nécessaire, s'il se trouve dans de grands
travaux pour la gloire de
Dieu. Car, si les secrets des rois et des princes doivent
être gardés, le vrai Philadelphe estime beaucoup plus sacrés et plus
occultes
les secrets de celui par qui les rois sont gouvernés. Et ses secrets sont en ceux
qui le craignent
(11). Mais cette taciturnité ne doit pas
l'empêcher de répandre et de publier, avec le courage du
lion, tout ce qui lui
a été ordonné de faire connaître : afin d'être le pilier qui soutient et porte
tout l'édifice.
XIII
- Un Philadelphe croit tout
Il croit que
Dieu accomplit fidèlement et véritablement toutes ses promesses jusqu'à
la plus petite ; qu'Il est tout prêt actuellement à assister et à secourir ceux
qui croient en Lui, comme Il a aidé les anciens combattants et les grands héros
de la foi qui ont été comme une nuée de témoins
(12) et
sur les traces desquels nous devons marcher. Du côté des hommes, un vrai Philadelphe
croira également tout ce qui présentera quelque fondement, soit apologie, soit
réquisitoire.
XIV - Un Philadelphe
espère tout Dans l'ordre
divin, il espère une manifestation ordinaire et extraordinaire du Très-Haut. Les
fondements de cette espérance jetés sur un roc ; et la gloire de cette apparition
ne s'accroît pas sans que l'espérance s'y adapte immédiatement. Mais dans l'ordre
humain, lorsque le mal est trop évident pour que le Philadelphe puisse croire
la chose bonne malgré cela, il n'en doute pas absolument, mais il espère car le
pécheur le plus endurci et le plus satanique peut à la fin changer et devenir
un saint magnifique, parce qu'il est beaucoup pardonné à celui qui aime beaucoup.
XV - Un Philadelphe souffre et supporte
tout Cette foi et cette espérance
héroïques vouent le Philadelphe entièrement à la cause de son Seigneur et Maître,
et lui font tout supporter. Car, puisqu'il attend sa venue
imminente, il ne faiblit
point, mais garde la parole de la patience et se rappelle de tenir toujours fermement
ce qu'il a, pour que sa
couronne ne lui échappe point.
XVI - Un vrai Philadelphe ne tombe et ne s'arrête
jamais Mais, quand tout les
autres nous seront brûlés, celui-ci restera. Le nom d'un Philadelphe demeure éternellement
; il durera autant que le
Soleil, et toutes les nations l'appelleront le béni
du Seigneur.
Tels sont les signes qui furent donnés
à un certain
pèlerin de la ville céleste de Philadelphie, par un
ange puissant
qui en descendait ; cet
ange lui ôta son
cœur, et il mit à la place un
charbon
enflammé qui, depuis, se consume d'ardent désir pour le bien de tous ses
frères,
les hommes.
Jeanne LEADE__________________________________________________________________________________________________
(11) Psaumes XXV,
v. 14.
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Hébr., XII, v. 1
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