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La voie de l'occultiste - Tome 2

Annie Besant
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FRAGMENT III : LES SEPT PORTAILS
Chapitre XXVII : Les trois vêtements

      Il est vrai que tu as droit au vêtement Dharmakaya ; mais le Sambhogakaya est plus grand qu'un Nirvani ; plus grand encore est un Nirmanakaya – le Bouddha de Compassion.

      Charles Webster Leadbeater : Nous voici arrivés à la question des trois vêtements. Mme Blavatsky lui consacre une très longue note que je vais commenter en détail. Ces vêtements représentent les genres d'activité laissés au choix de l'Adepte qui a reçu la Cinquième Initiation. Ce qui nous a été dit au sujet des sept sentiers qui s'ouvrent plus loin que l'Adeptat a toujours été fort succinct, mais nous avons résumé dans le passage suivant ce que l'on sait à cet égard (71)

      Lorsque le règne humain a été franchi et que l'homme, l'Esprit libéré, est parvenu au seuil de sa vie surhumaine, sept voies ouvertes devant lui s'offrent à son choix : l'une le conduit dans le ravissement de l'omniscience et de l'omnipotence nirvanique où l'attendent des activités bien au delà de notre compréhension, et la possibilité de devenir en quelque monde futur un Avatara, une incarnation divine ; c'est ce qu'on appelle quelquefois « revêtir la robe Dharmakaya ». Une seconde voie le fait pénétrer dans « la Période spirituelle », expression qui recouvre des significations inconnues, auxquelles appartient sans doute « la prise de la robe Sambhogakaya ». Une troisième voie le fera participer à ce trésor de forces spirituelles où les agents du Logos puisent pour l'accomplissement de leur œuvre, et ce serait « prendre la robe Nirmanakaya ». En s'engageant sur la quatrième, il demeure membre de la Hiérarchie Occulte qui régit et protège le monde au sein duquel il a atteint la perfection. La sixième le conduira à la Chaîne suivante, pour prendre part à l'édification de ses formes ; il entrera dans la splendide évolution des anges ou dévas. En suivant la septième voie, il pourra se vouer au service immédiat du Logos et être employé par Lui dans une portion quelconque du système solaire, Serviteur et Messager qui ne vit que pour exécuter Sa volonté et accomplir Son Œuvre dans l'ensemble du système qu'il dirige. De même qu'un général a son état-major dont il envoie les membres porter des messages en un point quelconque du champ de bataille, ainsi ceux qui suivent cette voie sont l'état-major du Chef qui commande à tous les êtres, « les ministres obéissants de Sa volonté ».

      A une époque plus reculée, dans la chaîne lunaire, ces voies s'ouvraient probablement devant l'Arhat, parce qu'il représentait, pour la chaîne en question, le degré suprême assigné aux progrès de l'humanité. La voie de ceux qui s'attardent sur notre terre sans quitter la Hiérarchie mène à la Sixième Initiation, celle du Chohan, et puis à la Septième, celle du Mahachohan. Celle-ci est la dernière qui soit possible sur les troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième rayons ; mais sur le deuxième rayon, il est possible d'avancer encore d'un pas, celui du Bouddha, et sur le premier rayon d'un pas encore, celui du Seigneur du Monde.

      Dans le présent groupement des sept voies en trois sections, la voie du travail accompli dans la Hiérarchie appartiendrait sans doute aux Adeptes dénommés ici Nirmanakayas ; l'autre voie, celle des Nirmanakayas proprement dits, s'y rattacherait aussi. Nos Maîtres, tout en conservant Leurs corps physiques pour certaines raisons concernant Leur travail, assistent principalement les hommes sur des niveaux plus élevés. Ils agissent en général sur les corps causaux et quelquefois sur les enveloppes bouddhiques et atmiques.

      Le Nirmanakaya garde habituellement son corps causal, c'est-à-dire l'Augoeides, la forme glorifiée, constituée par Lui au cours de Son évolution ; de même, Il garde le plus souvent les atomes permanents des corps mental inférieur, astral et physique, de façon à pouvoir, quand II le veut (et c'est très rare), Se former un véhicule sur chacun de ces plans et S'en montrer revêtu. Il vit en général dans Son corps causal et ne cesse de générer l'énergie spirituelle qui se déverse dans le réservoir, pour être ensuite répartie par les membres de la Hiérarchie et par Leurs élèves. L'une et l'autre de ces classes d'Adeptes, nous dit Mme Blavatsky, préfèrent rester invisiblement (en esprit, pour ainsi dire) dans le monde et contribuent au salut des hommes en les amenant, par Leur influence, à suivre la bonne Loi (72).

      Plus loin, elle définit le Nirmanakaya comme « cette forme éthérée que l'on prendrait lorsque, abandonnant le corps physique, on apparaîtrait dans son corps astral – mais en possédant en outre tout le savoir de l'Adepte. Le Bodhisattva développe cette forme en lui-même à mesure qu'il avance sur le sentier. Ayant atteint le but et refusé son fruit, il reste sur terre comme Adepte ; et quand il meurt, au lieu de passer en Nirvana, il reste dans ce corps glorieux qu'il a tissé pour lui-même, invisible à l'humanité non initiée, pour la surveiller et la protéger ».

      Le sens donné ici au terme « corps astral » par Blavatsky est très différent de celui qu'elle lui donne en général et que nous lui donnons aujourd'hui, mais elle a fait de même dans son article intitulé Le Mystère de Bouddha, dans le troisième volume de La Doctrine Secrète. D'après les explications qu'elle y donne, Shri Shankaracharya, qui fit son apparition dans l'Inde peu après la mort de Notre Seigneur le Bouddha, était dans un certain sens une réincarnation du Bouddha, attendu qu'il employa les restes « astraux » de Gautanta. Dans de semblables « corps astraux », il faut voir dit-elle, des Puissances ou des Divinités distinctes ou indépendantes, plutôt que des objets matériels. Elle ajoute en terminant : « Aussi, la véritable manière de représenter la vérité consisterait-elle à dire que les divers principes, le Bodhisattva de Gautama Bouddha, qui ne s'étaient pas rendus en Nirvana, s'unirent à nouveau pour constituer le principe moyen de Shankaracharya, l'Entité terrestre ».

      Afin de comprendre ce mystère du Bouddha, il faut d'abord se rendre compte de la constitution des atomes physiques, et puis de la manière dont ils évoluent en servant, dans le corps physique, à la fois d'une façon générale, en constituant ses molécules, et d'une façon particulière comme atomes permanents. En soumettant l'atome physique ultime à la vision éthérique, on constate d'abord qu'il ressemble à une cage grillagée ; ensuite, en regardant de plus près, on s'aperçoit que chaque fil est constitué par l'enroulement d'un fil plus ténu et qu'au total il existe sept séries de spirilles semblables. L'une d'elles acquirt l'activité dans chaque ronde ; par conséquent, comme nous sommes actuellement dans la quatrième ronde de la vie incarnée dans notre chaîne terrestre, il y a seulement quatre spirilles actives jusqu'ici dans la plupart des atomes. A chaque ronde correspondra le développement d'une nouvelle série de spirilles ; ainsi, dans la septième ronde, les spirilles seront actives toutes les sept. Les atomes seront donc plus parfaits dans la septième ronde qu'aujourd'hui, et les hommes qui vivront durant cette ronde auront moins de peine que nos contemporains à répondre aux énergies profondes et à mener la vie supérieure.

      Si ces atomes s'éveillent ou évoluent, c'est qu'ils sont employés dans les corps d'êtres vivants, depuis le règne minéral jusqu'au règne humain. Tout est formé d'atomes, qui flottent autour de nous en nombres inconcevables. Il en est sans doute qui n'ont jamais servi, mais d'autres ont souvent pénétré dans les corps d'êtres vivants pour en être ensuite expulsés. Quelques-uns se sont trouvés constamment associés à l'homme, avant été adoptés comme atomes permanents, destinés à le suivre, de vie en vie, à travers tout le cycle de ses réincarnations. Ainsi, les atomes vivent avec nous et forment nos corps. On dit que les particules du corps physique se trouvent renouvelées tous les sept ans ; certains savants disent qu'elles le sont en trois ans. Les os se modifient probablement moins vite, mais il est raisonnable de supposer que les muscles se renouvellent entièrement à peu près en trois ans. Les particules du sang changent plus vite encore ; nous apprendrions sans surprise qu'elles sont complètement remplacées tous les quelques jours.

      Tous les atomes absorbés par les êtres vivants subissent des changements considérables. Ceux qui font partie de la terre n'évoluent guère, mais ceux qui composent les pierres précieuses sont fort développés. Les végétaux et les animaux offrent aux atomes des occasions encore plus favorables, mais la meilleure évolution possible pour les atomes est l'absorption dans les corps humains. Parmi les hommes, ceux qui mènent la vie occulte offrent de meilleures conditions que les hommes moins avancés, étant donné qu'ils doivent à leur nourriture et à leur boisson (ou plutôt à ce qu'ils ne mangent et ne boivent pas) des corps plus purs. Nous-mêmes, en évoluant, nous attirons à nous de meilleurs atomes et de plus en plus nos corps tendent à rejeter les atomes moins évolués.

      Devenu Adepte, l'homme ne peut s'exprimer au moyen des atomes que nous trouvons à notre portée. Il lui faut des atomes spécialement avancés et affinés, car ses différents véhicules doivent être beaucoup plus purs que les nôtres et capables de vibrer à un taux que ceux-ci ne peuvent soutenir. Devenu un Bouddha, il est tout à fait impossible à l'homme de trouver des atomes convenables, excepté les atomes qui, ayant servi d'atomes permanents, ont toujours fait partie du corps humain, sauf dans les intervalles des incarnations. Les atomes permanents sont beaucoup plus évolués que d'autres ; chez les hommes sur le point de devenir Adeptes, ils ont acquis le parfait développement d'atomes de la septième ronde. Leur développement est aussi complet que possible et ils présentent toutes les qualités requises par eux dans les vies précédentes.

      Les atomes permanents de tons les hommes qui, dans notre monde ou même dans cette chaîne de mondes, les ont rejetés en parvenant à l'Adeptat, ont tous été réunis par Notre Seigneur Gautama ou à Son intention. Il a été le premier Bouddha de notre race humaine. Tous les Bouddhas antérieurs vinrent d'une autre évolution et sans doute apportèrent avec eux tous les éléments corporels dont Ils avaient besoin. Mais Notre Seigneur Gautama, le premier Bouddha réellement humain, dut emprunter Ses corps à la matière de notre chaîne ; ils furent donc formés par Lui ou par des Etres supérieurs à Lui. Son corps causal a pour éléments les « restes ou atomes permanents de tous les corps causaux employés par ces Grands Etres ; Son corps mental a été fait des unités mentales recueillies chez Eux ; enfin son corps astral a été fait de leurs atomes permanents astraux. Ceux-ci n'étaient pas tout à fait en nombre suffisant pour former le véhicule entier ; aussi quelques atomes ordinaires, les meilleurs possibles, durent-ils être également employés ; mais ces derniers atomes, galvanisés et rendus actifs par les autres, sont remplacés par des atomes permanents pris chez tout nouvel Adepte qui choisit le vêtement du Sambhogakaya ou du Dharmakaya. Une série de corps absolument unique se trouve ainsi réunie ; il n'en existe pas d'autres en ce monde ; point de matériaux pour en constituer une seconde ; ils furent employés par Gautama Bouddha et, après Lui, conservés.

      Tout cela nous permet de comprendre l'affirmation de Mme Blavatsky, que les principes du Bouddha furent employés comme principes médians de Shri Shankaracharya, mais le Shankaracharya physique était un homme très différent et l'Atma de Shankaracharya n'avait rien de commun avec celui du Bouddha. Ces trois corps intermédiaires servirent à Shankaracharya et servent maintenant à Notre Seigneur Maitreya. Dans son article, Mme Blavatsky a fait usage d'une curieuse nomenclature. Saint Paul distinguait dans l'homme trois parties : l'esprit, l'âme et le corps. Il entendait sans doute par l'esprit ce que nous appelons la Monade ; par l'âme l'ego, et par le corps la personnalité.

      Mme Blavatsky fait allusion à la même triplicité, mais, dit-elle, le Bouddha est un être trop exalté pour que l'on puisse parler de Ses principes constitutifs comme on parlerait de ceux d'un homme ; aussi, en parlant de la Monade du Bouddha, l'appelle-t-elle le Dhyani Bouddha ; elle appelle ensuite ses principes intermédiaires Son Bodhisattva ; troisièmement, elle donne au corps physique du Bouddha le nom de Manoushya Bouddha. Bref, les principes du Bouddha sont représentés comme suit : par Sa Monade appelée (puisqu'il est Un avec elle d'une façon encore inconnue pour nous à l'époque présente) le Dhyani Bouddha ; par le Bodhisattva ; enfin par le Manoushya Bouddha, Sa manifestation sur le plan physique. Les corps astral et mental qui n'ont pas été désintégrés sont compris aussi dans le Bodhisattva.

      Tout d'abord, beaucoup d'entre nous furent très déroutés par la terminologie de Mme Blavatsky, mais, les faits nous devenant mieux connus, nous commençâmes à comprendre ce qu'elle voulait dire en affirmant que le Manoushya meurt et passe, que le Dhyani Bouddha entre en Nirvana, et que le Bodhisattva demeure ici-bas pour continuer la tâche du Bouddha. Elle donne le nom de Bodhisattva aux principes du Bouddha employés par le présent Bodhisattva. Comme ils servent à Notre Seigneur Maitreya, ce n'est pas eux que nous voyons le jour du Wesak, car l'apparition est nommée l'Ombre du Bouddha (73) ; c'est seulement Son image reflétée, comme est aussi reflétée l'image vivante par les corps astral et mental de l'élève (74), mais Il agit par son intermédiaire et l'emploie.

      J'ai expliqué, dans Les Maîtres et le Sentier, que l'œuvre du Bouddha n'a pas été, sans qu'il nous soit possible de le comprendre, entièrement réussie. Lui et Notre Seigneur Maitreya devançaient de loin le reste de l'humanité, mais en même temps, à l'époque où il fallut un premier Bouddha humain, ni l'un ni l'autre n'était assez avancé pour remplir cet office sublime. Quand le temps fut venu, Notre Seigneur Gautama, dans son profond amour pour l'humanité, résolut d'acquérir à tout prix les qualités exigées par ces fonctions, et de consentir au grand sacrifice, condition nécessaire de progrès beaucoup plus rapides (75).

      Il tint parole, et pour cette raison, le monde bouddhiste tout entier Lui témoigne une vénération dont seules peuvent se faire une idée les personnes qui ont habité ces pays. Il vécut la vie du Bouddha et accomplit Sa tâche et, quand nous contemplons cette vie, elle nous paraît merveilleuse. Impossible de trouver aucun défaut ni la moindre imperfection dans Sa vie, Sa doctrine et Son œuvre ; cependant, il nous est dit qu'elles présentent certaines parties inachevées. Afin de remplir ces lacunes, deux décisions furent prises. D'abord, Notre Seigneur le Bouddha Lui-même convint de Se manifester une fois par an et d'accorder Sa bénédiction ; en conséquence, il apparaît le jour du Wesak et répand un flot d'énergie spirituelle qui est, pour l'humanité, d'un très grand secours. D'autre part, une incarnation devait succéder immédiatement à sa mort : ce fut la naissance de Shri Shankaracharya.

      C'est par Le Bouddhisme ésotérique de Mr Sinnett que nous apprîmes pour la première fois le rapport occulte entre Notre Seigneur le Bouddha et Shri Shankaracharya. Il y est dit que le Bouddha Se réincarne en Shri Shankaracharya, que Shankaracharya était simplement Gautama dans un corps nouveau. Très vite nous sûmes que cela était inexact ; entre beaucoup de raisons, parce que Shankaracharya appartenait au premier rayon et que Notre Seigneur le Bouddha était le chef du deuxième rayon. Mme Blavatsky cite cette observation de Mr Sinnett en disant que si elle est vraie dans un certain sens occulte, les termes en sont trompeurs. On lui demanda si Shankaracharya était Notre Seigneur Gautama sous une nouvelle forme. Elle répondit que le Gautama astral se trouvait dans l'enveloppe extérieure de Shankaracharya, dont l'Atma était pourtant le prototype divin, le céleste fils de la Lumière, né du mental.

      En disant que Shri Shankaracharya était un Bouddha mais point une incarnation du Bouddha, elle entend par ces mots qu'il est un Pratyeka Bouddha, c'est-à-dire un Bouddha sur le premier rayon. Il vit encore à Shamballah ; Son corps est celui qu'il apporta de Vénus. Les corps des Seigneurs de la Flamme sont tout différents des nôtres ; ils ne changent pas leurs particules, mais ont été comparés à des corps de verre ; ils ressemblent aux nôtres mais sont infiniment plus beaux ; je crois qu'ils les apportèrent tels quels de Vénus, composés de matière physique provenant de cette évolution. Suivant Mme Blavatsky, Shankaracharya était un avatar dans toute l'acception du terme ; en Lui resplendissait la flamme du plus exalté des êtres spirituels manifestés. Comme un avatar est littéralement un être qui « passe de l'autre côté » ou « descend », et qui n'appartient pas à notre humanité, le terme est appliqué avec une précision rigoureuse ; Il est en effet l'un des trois Seigneurs de la Flamme descendus de Vénus, qui demeurent ici-bas comme assistants et élèves du Seigneur du Monde.

      Pour revenir au sujet des Nirmanakayas en général. La note de Mme Blavatsky nous dit encore : « Il est d'usage dans le Bouddhisme exotérique du nord d'honorer tous ces grands personnages comme des saints et de leur offrir même des prières, comme font les Grecs et les Catholiques à leurs saints et patrons ; d'autre part, les doctrines ésotériques n'encouragent rien de pareil ». Par « Grecs », elle entend les membres de l'église grecque ; les Grecs anciens n'offraient pas de prières, surtout à des saints. La phrase « les doctrines ésotériques n'encouragent rien de pareil » signifie qu'aucun étudiant en ésotérisme n'implorerait l'assistance d'un Nirmanakaya, sachant que ces Grands Etres ne S'occupent aucunement des individus, mais que de tout Leur pouvoir Ils prodiguent pour l'accomplissement de Leur tâche spéciale leurs énergies magnifiques.

      Néanmoins, le culte des Grands Etres, les Bouddhas de Compassion, est, dit-on, plus populaire que le culte de ceux qui ont choisi d'autres voies. Comme le fait observer aussi Mme Blavatsky : « Le même respect populaire appelle "Bouddhas de compassion" les Bodhisattvas qui, ayant atteint le rang d'Arhats (c'est-à-dire ayant complété le quatrième ou le septième Sentier), refusent de passer dans l'état nirvanique ou « de prendre la robe Dharmakaya et de passer sur l'autre rive », sans quoi il leur deviendrait impossible d'aider les hommes, si peu même que le karma le permette ».

      Les idées principales sont parfaitement claires ; la terminologie l'est beaucoup moins. Tout Adepte a passé sur l'autre rive ; ainsi prend fin la voie qu'il a commencé à suivre en entrant dans le courant. Suivant l'expression de notre texte, « le fleuve est traversé » avant que l'Adepte ne choisisse entre ces trois vêtements, et c'est bien Lui et non l'Arhat, dans le sens ordinaire du mot, qui est appelé à choisir. Celui qui prend le vêtement Dharmakaya passe sur l'autre rive, mais dans un sens plus complet.

      Le Sambhogakaya, continue Mme Blavatsky, « est la même, chose, mais avec le lustre additionnel des trois perfections, dont l'une est l'oblitération entière de tout rapport terrestre ». Il S'engage dans une évolution spirituelle et prend plus tard le nirvana ; Il conserve l'atome nirvanique, le corps nirvanique, mais, je crois, aucun des atomes inférieurs. A ce niveau, Il Se manifeste en général comme le triple esprit. Est sans doute compris dans cette classe l'ordre des hommes devenus parfaits qui ont passé dans l'état-major du Logos ; ils n'ont plus d'attaches spéciales avec notre terre, mais sont au service du Logos et peuvent être envoyés par Lui dans toute région faisant partie de Son système.

      Vient ensuite la robe Dharmakaya qui est « le corps d'un Bouddha complet, c'est-à-dire pas de corps du tout, mais un souffle idéal ; la conscience immergée dans la Conscience universelle, ou l'âme dépourvue de tout attribut ». Ceci veut dire que l'homme, en choisissant le vêtement Dharmakaya., se retire dans la Monade. Il abandonne tout à fait ses atomes permanents et travaille exclusivement sur des plans élevés, dont le plus bas est pour lui le plan nirvanique. Ayant en quelque sorte brûlé ses vaisseaux, il débute dans l'existence cosmique ; pourtant, s'il le veut, il peut encore, je crois, se manifester comme le triple esprit, mais sans garder même l'atome nirvanique.

      D'un bout à l'autre de notre évolution, nous conservons le même corps causal, jusqu'au moment où nous devenons capables d'élever notre conscience au plan bouddhique ; alors le seul fait d'établir notre centre dans le corps bouddhique détermine la disparition du véhicule causal. Cependant, dès que l'on ramène la conscience au plan mental supérieur, le corps causal reparaît ; il n'est plus le même qu'auparavant, ses particules s'étant dispersées, mais en apparence c'est exactement le même corps. Un processus analogue a lieu s'il s'agit du vêtement Dharmakaya. L'homme a rejeté l'atome nirvanique, sa manifestation sur le plan nirvanique, mais je crois que s'il redescend un instant jusque-là, il attire en même temps à soi un atome absolument semblable, un vêtement nirvanique qui lui permet de se manifester comme le triple esprit.

      Si nous comparons les trois vêtements, nous pouvons dire que le Dharmakaya ne conserve rien d'inférieur à la Monade ; nous ignorons, il est vrai, ce que peut être l'enveloppe de la Monade sur son propre plan. Le Sambhogakaya garde sa manifestation comme triple esprit, et peut, je crois, descendre encore et se montrer revêtu d'un Augoeides temporaire. Le Nirmanakaya semble conserver son Augoeides et garde tous ses atomes permanents ; aussi a-t-il la faculté de se manifester à un niveau quelconque. Les trois vêtements représentent quand même un développement égal. Une seule différence : celui qui rejette les atomes permanents devient incapable de se rendre visible sur les niveaux inférieurs et il s'en débarrasse parce qu'il n'en a plus besoin pour son œuvre particulière. L'homme qui les retient a le pouvoir de descendre jusqu'à ces niveaux et d'y être actif, mais on ne saurait dire que d'autres en choisissant une tâche différente jouent un rôle moins important, soient moins estimés ou honorés. Nous pourrions être tentés d'attribuer une importance plus grande à celui qui, à un niveau plus élevé, s'occupe de grandes énergies solaires, mais nous ferions erreur car le système solaire tout entier est une manifestation du Logos.

      En appelant tous ces kayas des corps bouddhiques, Mme Blavatsky emploie le mot « bouddhique » comme adjectif de bouddhi, et ce dernier mot comme équivalent de notre terme « Adepte Asekha », celui qui a reçu la Cinquième Initiation. Nous réservons ce terme à ceux qui ont reçu l'Initiation de Bouddha. Nos Maîtres sont placés à deux degrés au-dessous de celui-là, mais au Thibet on les nomme des « Bouddhas vivants ».

      La note se termine ainsi : « L'école ésotérique enseigne que Gautama Bouddha, avec plusieurs de ses Arhats, est un Nirmanakaya de ce genre et qu'au-dessus de lui, à cause de son grand renoncement et de son sacrifice au genre humain, il n'y en a pas de connu ». Gardons-nous de conclure que Gautama Bouddha et plusieurs de Ses arhats constituent un seul et même Nirmanakaya ; non, Il est, Lui, un Etre semblable, et plusieurs de Ses fidèles ont suivi la même voie. L'humanité, lisons-nous ensuite, n'en connaît pas de plus exalté. Ceci est parfaitement exact s'il faut comprendre que, dans notre humanité, nul n'est encore parvenu aussi haut que Notre Seigneur Gautama.

      Même le Bodhisattva, Notre Seigneur Maitreya, qui jadis fut Son égal comme je l'ai expliqué dans Les Maîtres et le Sentier, n'a point encore fait le pas qui Lui permettrait de devenir un Bouddha. Autrement, Il ne pourrait remplir actuellement en ce monde l'office d'Instructeur suprême. Les Bouddhistes l'appellent souvent Maitreya Bouddha, mais c'est là un titre honorifique.

      Reste un dernier grade dans la Hiérarchie, supérieur même à celui du Bouddha, c'est celui du grand Roi qui est l'Unique Initiateur, mais comme Il est du nombre des Seigneurs de la Flamme descendus de Vénus, on peut encore dire avec vérité que Gautama Bouddha est la fleur suprême de notre humanité.


      Maintenant, baisse la tête et écoute bien, ô Bodhisattva. La compassion parle et dit : « Peut-il y avoir de la béatitude quand tout ce qui vit doit souffrir ? Seras-tu sauvé pour entendre gémir le monde entier ? »
      Maintenant, tu as entendu ce qui a été dit.
      Tu ne feras le septième pas, et tu ne franchiras la porte de la connaissance finale que pour épouser la douleur, si tu veux être Tathagata, suivre les pas de tes prédécesseurs, rester sans égoïsme jusqu'à la fin sans fin.
      Tu es éclairé, choisis ta route.


      Une fois de plus, Aryasanga exprime l'idée principale de sa doctrine : il exhorte ses fidèles à choisir le sentier de la compassion. On ne peut, dit-il, abandonner les frères qui souffrent. Ayant déjà étudié d'une façon très complète la question de la souffrance, nous savons que si l'Arhat travaille encore dans un monde où règne la douleur, sa conscience connaît sur les plans supérieurs la gloire dont ce monde est le voile ; elle connaît la béatitude suprême que tous doivent infailliblement atteindre ; aussi lui est-il impossible de souffrir comme les gens ordinaires qui perçoivent si peu le côté glorieux de l'existence. L'Arhat – appelé ici Bodhisattva – se joint à juste titre au chant de triomphe de Notre Seigneur le Bouddha, si bien rendu dans La Lumière d'Asie :

      Vous n'êtes pas attachés ! L'Ame des choses est douce, le cœur de l'Etre est une paix céleste, la volonté est plus forte que la douleur ; ce qui était bon devient meilleur, puis excellent. Moi, Bouddha, qui ai pleuré toutes les larmes de mes frères, dont le cœur a été brisé par la douleur du monde entier, je ris et je suis heureux, car voici la Liberté ! (76)

      En exhortant ses fidèles à « rester sans égoïsme jusqu'à la fin sans fin », Aryasanga emploie une expression curieusement semblable à la formule traduite par les Chrétiens, « le monde sans fin », et qlui, en latin, est in sæcula sæcularum, dans les âges des âges – autrement dit : jusqu'à la fin de notre série de mondes, ou peut-être : jusqu'à la fin de notre chaîne présente. L'auteur nous donne à entendre que nous devons rester en liaison avec l'humanité jusqu'à ce que l'œuvre du cycle humain actuel soit achevée, que l'humanité ait atteint son but.

      Notre propre façon de nous donner n'est pas tout à fait la même. Nous nous sommes placés entièrement à la disposition des Maîtres, sans Leur demander de nous confier tel ou tel travail ; acceptant absolument leur décision, nous disons : « Me voici, envoyez-moi ». Aryasanga souhaitait que ses élèves prissent le chemin que lui-même avait choisi. Peut-être avait-il le sentiment que, dans cet ordre d'idées, la nécessité de travailleurs beaucoup plus nombreux était urgente. Il parlait dans une période de l'histoire de l'Inde – le règne du roi Harsha – où la religion semble avoir été en décadence, où les hommes pensaient aux formes extérieures plus qu'à la vie réelle et profonde, où tout s'étant spécialisé, tout avait pris un caractère artificiel. Dans ces conditions, peut-être Aryasanga jugea-t-il qu'il fallait beaucoup plus d'instructeurs pour amener le réveil de la vie religieuse et de l'idéal du service.

        Il exhorte enfin ses élèves à devenir Tathagata, à suivre les pas de Notre Seigneur le Bouddha. Il leur dit qu'étant maintenant éclairés, ils doivent choisir leur voie. Puis, des points de suspension nous font comprendre que le lecteur se décide.

      Après quoi, c'est l'admirable péroraison :


      Regarde ta tendre lumière qui inonde le ciel d'Orient. En signe de louange, le ciel et la terre s'unissent. Et des quadruples pouvoirs manifestés s'élève un chant d'amour, du feu flamboyant et de l'eau fluide, ainsi que de la terre odorante et du vent tumultueux.
      Ecoute !... du profond et insondable tourbillon de cette lumière d'or où se baigne le Vainqueur, la voix sans paroles de la nature entière élève ses mille accents pour proclamer :
      Réjouissez-vous, ô hommes de Myalba. Un pèlerin est revenu de l'autre rive. Un nouvel Arhan est né.


      J'ai déjà mentionné la joie éveillée dans la nature entière par la naissance d'un nouvel Initié. Dans cette joie, nous est-il dit ici, le ciel et la terre s'unissent. L'esprit de la terre éprouve un sentiment accru de bien-être. Cet esprit est une grande entité, qui n'a rien de commun avec notre évolution humaine, et qui a pour corps physique l'ensemble de notre planète. Il est difficile de concevoir la nature d'un être pareil. Si nous ne voyons dans notre terre qu'un globe immense, tourbillonnant dans l'espace, dépourvu d'organes spécialisés, on peut s'étonner qu'il serve de corps à un être quelconque. Mais, si tous les êtres qui peuplent ce globe font partie de la conscience de l'esprit de la terre, leurs yeux lui suffisent. Il vit de leur vie et ainsi acquiert l'expérience. D'ailleurs la terre, dans son mouvement, fait partie d'un immense chœur de planètes, dont chacune ajoute sa propre note à la musique des sphères et possède en soi tout ce qui est assigné à nos efforts.

      Dans la vie de cette entité, tout est à une échelle inconnue dans la nôtre. Il se trouve que nos corps ont certaines proportions et qu'ils vivent un certain temps ; voilà pour nous la normale. Si un être minuscule et éphémère nous paraît méprisable, nous en respectons un grand qui vit longtemps. Mais ni le volume du corps, ni la durée de l'existence ne constituent des signes de développement ou de progrès. Certains animaux antédiluviens étaient infiniment plus grands que l'éléphant, mais beaucoup moins intelligents. De nos jours encore, le rhinocéros et l'hippopotame sont mentalement inférieurs au chien. Il ne faut donc pas supposer que, l'esprit de la terre ayant pour corps un globe dont le diamètre est de 12.756 kilomètres, et l'une de ses incarnations ayant la même durée qu'une période mondiale tout entière, il soit plus intelligent que nous. En chacun de nous la conscience est un point ; celle de l'esprit de la terre revêt un caractère d'une étrange multiplicité ; il est immense et paraît cependant moins avancé que bien des grands Dévas qui se meuvent dans son corps.

      Si, debout sur une colline, nous regardons le pays, nous le trouvons dans une certaine mesure saturé de vie – celle de l'esprit de la terre. Cette vie semble présenter des parties, temporaires ou permanentes. Une belle perspective, admirée par beaucoup de personnes, est animée par une vague individualité qui dépend de cet esprit. L'admiration éprouvée, soit par des êtres humains soit par des Dévas, semble dans cette région particulière exciter la vie et celle-ci répond à nos sentiments de plaisir. Admirons-nous un beau paysage, il agit sur nous, mais à notre tour nous agissons sur lui. Cette réponse s'ajoute à ce qu'éprouve la vie dans les règnes minéral, végétal et animal.

      Lorsqu'un homme reçoit l'initiation, l'influence avec laquelle il s'est accordé sur les plans supérieurs fait irruption dans toutes les régions de son être. Peu d'effet dans les solides, les liquides et les gaz du plan physique, mais le double éthérique et les corps astral et mental rayonnent fortement et ce rayonnement est perçu, comme nous l'avons déjà vu, par les règnes de la nature et par les hommes capables d'y répondre.

      Les quadruples puissances manifestées sont celles de la terre, de l'eau, du feu et de l'air – les quatre Dévarajas ou Maharajas qui sont pour nous ici-bas les administrateurs du Karma, les serviteurs subalternes, pour ainsi dire, des Lipika, les Grands Seigneurs du Karma. Les Hindous les nomment, paraît-il, Dhritarashtra, Viroudhaka, Viroupaksha et Vaishravana ; chacun d'eux préside à une ligne de développement spéciale. Dhritarashtra passe pour être le chef des Gandharvas, esprits aériens, les Grands Dévas qui s'expriment en musique ; l'orient leur est toujours assigné ; leur couleur symbolique est toujours le blanc ; on les représente comme des cavaliers vêtus de blanc montant des chevaux blancs et portant des targes couvertes de perles. Sous Viroudhaka se placent les Koumbandhas, les Anges du Sud, esprits de l'eau parce que l'hémisphère austral présente beaucoup plus de mers que de terres. On leur assigne la couleur bleue, celle de l'eau ; ils portent des boucliers de saphirs. Sous Viroupaksha se rangent les Nagas, Anges de l'Occident ; leur couleur est rouge ; leurs boucliers sont de corail. Ezékiel les a décrits commee des êtres ignés remplis d'yeux, et aussi comme des roues ailées. Viennent enfin les Yakshas, gouvernés par Vaishravana ; le nord leur est consacré ; ce sont les Dévas ou Anges de notre terre ; leur couleur est toujours celle de l'or – de l'or caché dans la terre (77).

      Pour Mme Blavatsky, Myalba est « notre terre, fort justement appelée un enfer et le plus grand de tous les enfers pour l'école ésotérique. La doctrine ésotérique ne connaît pas d'autres enfers ou lieux de punition que les planètes ou terres portant des hommes. Avitchi est un état et non une localité. Bien qu'après leur mort certaines personnes souffrent sur le plan astral, il est difficile d'y voir un châtiment. Elles souffrent de leurs propres imaginations déréglées ou de leurs désirs abjects. Parfois sur ce plan les conditions sont fâcheuses, mais les pires n'ont pas le caractère vil et sordide de ce que l'on peut subir ici-bas. Impossible d'avoir acquis l'expérience des plans supérieurs sans reconnaître avec Mme Blavatsky que l'on ne peut rien rencontrer, nulle part, de pire que l'existence physique.

      « Un pèlerin est revenu de l'autre rive » signifie évidemment que quelqu'un est parvenu au degré supérieur mais préfère demeurer ici-bas et travailler parmi les hommes. En général, l'autre rive c'est, pour nous, la Cinquième lnitiation et non la Quatrième, mais ici cette expression a un sens plus restreint.

      Aryasanga termine par la salutation :

PAIX À TOUS LES ÊTRES.

      Tout ouvrage religieux bouddhiste ou hindou se termine par la même salutation. Les dernières lignes du livre d'Aryasanga sont un chant d'allégresse. Il a quelquefois parlé du sentier de la douleur, mais son péan final respire une joie merveilleuse et une paix sublime.


FIN



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(71)  L'homme, d'où il vient, où il va, p. 11.

(72)  La Doctrine Secrète, vol. VI, p. 75.

(73)  Voyez Les Maîtres et le Sentier, chap. XIV.

(74)  Ibid., chap. V.

(75)  Voyez Les Maîtres et le Sentier, chap. XIV.

(76)  Op. cit., livre VIII.

(77)  Voyez La Lumière d'Asie, livre I.




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