Vous êtes ici : Autres traditions & spiritualités | THEOSOPHIE | Livres, Textes & Documents | Le Christianisme ésotérique | Chapitre II - Le côté caché des Ecritures (2/2)

Le Christianisme ésotérique

ou Les Mystères mineurs
Annie Besant
© France-Spiritualités™






CHAPITRE II – LE CÔTÉ CACHÉ DES ÉCRITURES (2/2)

Ainsi prévenus, nous arrivons à comprendre bien des passages obscurs et d'un caractère sévère. Et quelqu'un dit : Seigneur, n'y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? Et il leur dit : Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite ; car je vous dis que plusieurs chercheront à y entrer et qu'ils ne le pourront (46). Appliquez ces mots au salut, comme les Protestants le font d'ordinaire, et la déclaration de Jésus devient impossible à croire et choquante. Que beaucoup chercheront à éviter l'enfer et à entrer dans le ciel, mais qu'ils n'y parviendront pas, voilà une assertion qu'on ne saurait prêter à un sauveur du monde. Appliquez-la, au contraire, à la porte étroite de l'Initiation et à la fin des renaissances, et elle deviendra parfaitement vraie et naturelle. Entrez par la porte étroite, lisons-nous ailleurs, car la porte large et le chemin spacieux mènent à la perdition, et il y en a beaucoup qui y entrent ; mais la porte étroite et le chemin étroit mènent à la vie, et il y en a peu qui le trouvent (47). L'avertissement qui suit immédiatement ce passage, concernant les faux prophètes et ceux qui enseignent les Mystères « noirs », est très à sa place. Il est impossible pour l'étudiant de ne pas reconnaître ces expressions ; elles lui sont familières, car il les a vues employées ailleurs dans le même sens. Le « chemin ancien et étroit » est connu de tous ; le sentier « difficile à suivre comme le tranchant affilé d'un rasoir (48) » a été cité plus haut. Puis « la mort succédant à la mort » pour ceux qui suivent le sentier fleuri des désirs et ignorent Dieu, ceux-là seuls devenant immortels et échappant au gouffre béant de la mort et à une destruction sans cesse renouvelée qui ont abandonné tout désir (49). Cette allusion à la mort s'applique naturellement aux naissances répétées de l'âme dans une vie matérielle grossière, toujours regardée comme « la mort », par rapport à « la vie » des mondes plus élevés et plus subtils.

      La « Porte étroite » était la porte de l'Initiation ; le candidat la franchissant pour entrer dans le « Royaume ». Il a toujours été, il sera toujours vrai qu'un petit nombre seulement peut entrer par cette porte, bien que des myriades, une grande multitude que personne ne pouvait compter (50), et non la minorité, entrent dans la félicité d'un monde céleste. Près de trois mille ans auparavant, un autre grand Instructeur disait de même : « Sur des milliers d'hommes, un seul à peine lutte pour arriver à la perfection ; parmi ceux qui réussissent, c'est à peine s'il en existe un qui me connaisse comme je suis (51). » Car les Initiés sont rares dans chaque génération ; ils sont la fleur de l'humanité. Pourtant, le passage qui précède n'implique, pour la grande majorité de la race humaine, aucune affreuse condamnation à des peines éternelles. Les hommes sauvés, suivant Proclus (52), sont ceux qui échappent au cercle des générations qui enserre l'humanité.

      Nous pouvons, à ce sujet, rappeler l'histoire du jeune homme qui vint à Jésus et, l'appelant Bon Maître, lui demanda comment il pourrait arriver à la vie éternelle, à la libération des renaissances par la connaissance de Dieu, libération dont la possibilité était reconnue (53). La première réponse de Jésus est le précepte exotérique ordinaire : Garde les commandements. Mais le jeune homme ayant répondu lui-même. : J'ai observé toutes ces choses-là dès ma jeunesse, cette conscience qui se savait pure de toute transgression reçut la réponse du véritable Maître : Si tu veux être parfait, vends ce que tu as et le donne aux pauvres ; et tu auras un trésor au ciel ; après cela viens et suis-moi. Si tu veux être parfait et devenir un sujet du royaume, il faut épouser la pauvreté et l'obéissance. Jésus explique ensuite à ses propres disciples qu'un riche peut difficilement entrer dans le royaume des Cieux, plus difficilement qu'un chameau ne passe par le trou d'une aiguille.

      Quant aux hommes, cela est impossible, mais quant à Dieu toutes choses sont possibles (54). Le Dieu qui est dans l'homme peut seul franchir cette barrière.

      Ce texte a reçu différentes interprétations, car on ne saurait évidemment accepter son sens littéral – l'impossibilité pour un riche d'être heureux après sa mort. Cet état de béatitude, le riche peut y parvenir comme le pauvre ; du reste, les Chrétiens de tous pays montrent bien qu'ils ne craignent pas un seul instant de voir leurs richesses compromettre leur bonheur posthume. Mais si nous interprétons le texte dans son vrai sens, s'appliquant au Royaume des Cieux, nous y trouvons l'expression d'un fait naturel et réel. Nul ne peut atteindre la connaissance de Dieu, qui est la Vie Eternelle (55), avant d'avoir fait l'abandon de tout ce qui est terrestre, ni l'acquérir avant d'avoir tout sacrifié. Non seulement l'homme doit renoncer aux richesses de ce monde qui, désormais, ne feront que passer par ses mains comme par celles d'un intendant, mais il doit encore abandonner ses richesses intérieures, celles qu'il détient pour lui-même contre le reste du monde. Sans s'être dépouillé entièrement, il ne saurait franchir la porte étroite. Telle a toujours été la condition de l'Initiation ; toujours le candidat a dû faire vœu « de pauvreté, d'obéissance et de chasteté ».

      La « nouvelle naissance » est un autre terme bien connu, synonyme d'Initiation. De nos jours, aux Indes, les hommes appartenant aux castes supérieures sont appelés « les deux fois nés », et la cérémonie qui leur donne cette nouvelle naissance est une cérémonie d'Initiation, aujourd'hui pure formalité extérieure, mais représentant les choses qui sont dans le ciel (56). Dans son entretien avec Nicodème, Jésus déclare que si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Cette naissance, est-il dit, est d'eau et d'Esprit (57) ; c'est la première Initiation ; plus tard vient celle du Saint-Esprit et du feu (58), baptême de l'Initié parvenu à l'âge d'homme, comme la première est le baptême donné à la naissance, qui accueille l'Initié comme un Petit enfant à son entrée dans le Royaume (59). La surprise exprimée par Jésus, quand Nicodème se montre incapable de saisir Sa phraséologie, montre à quel point ces images étaient familières aux Juifs mystiques : Tu es un docteur en Israël et tu ne sais pas ces choses (60).

      Un autre précepte de Jésus, qui demeure pour ses fidèles une « parole obscure », est le suivant : Soyez donc parfaits comme votre Père qui est dans les cieux est parfait (61). Le Chrétien ordinaire se sait incapable d'observer ce commandement : avec toute la fragilité, toute la faiblesse propre à l'âme humaine, comment pourrait-il devenir parfait comme l'est Dieu Lui-même ? Jugeant impossible la tâche qui lui est soumise, il n'en tient pas compte et cesse de s'en préoccuper. En la considérant, au contraire, comme l'effort suprême, fruit de nombreuses existences toujours en progrès, comme le triomphe du Dieu qui est en nous sur la nature inférieure, le précepte de Jésus s'offre à nous dans ses véritables proportions et nous nous rappelons que, suivant Porphyre, l'homme atteignant « les vertus paradigmatiques est le Père des Dieux (62) », et que ces vertus s'acquéraient dans les Mystères.

      Saint Paul suit les pas de son Maître, dont il reproduit exactement les idées, mais, comme son œuvre organisatrice dans le sein de l'Eglise le donnerait à supposer, d'une manière plus explicite et plus nette. Que l'étudiant lise attentivement les chapitres II et III et le verset 1 du chapitre IV de la Première Epître aux Corinthiens, en se rappelant pendant sa lecture que ces paroles s'adressent aux membres de l'Eglise baptisés et admis à la Sainte Cène, membres effectifs, au point de vue moderne, mais que l'apôtre traite d'enfants et d'êtres charnels. Ce n'étaient pas des catéchumènes ou des néophytes, mais des hommes et des femmes en pleine possession de tous les privilèges et de toutes les responsabilités attachés à la qualité de membres de l'Eglise, considérés par l'Apôtre comme séparés du monde et moralement obligés à ne pas vivre comme des hommes appartenant au monde. Ils avaient reçu, en somme, tout ce que l'Eglise moderne accorde à ses membres. Résumons les paroles de l'Apôtre.

      « Je suis venu à vous, apportant le témoignage de Dieu ; je ne vous ai pas séduits par une sagesse humaine, mais par la puissance de l'Esprit. Nous parlons bien de sagesse entre les parfaits, mais ce n'est pas de sagesse humaine. Nous prêchons la sagesse mystérieuse de Dieu, les plans cachés que Dieu, de toute éternité, avait arrêtés pour notre gloire et que nul des princes de ce monde n'a connue. Ces choses sont trop hautes pour l'entendement humain, mais Dieu nous les a révélées par l'esprit, car l'Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu (63). Ces choses spirituelles, l'homme spirituel en qui est la pensée du Christ peut seul les discerner. Moi-même, mes frères, je n'ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais j'ai dû vous parler comme à des hommes charnels, comme à de petits enfants, en Christ... Vous n'étiez pas assez forts ; et vous ne l'êtes pas même à présent, car vous êtes encore charnels... J'ai posé le fondement, comme un sage architecte (64)... Vous êtes le temple de Dieu et l'esprit de Dieu habite en vous... Qu'ainsi l'on nous tienne pour des ministres de Christ et des dispensateurs des Mystères de Dieu.

      Comment lire ce passage – et je n'ai fait, dans ce résumé, que mettre en relief les points importants – sans admettre que l'Apôtre possédait une sagesse divine donnée dans les Mystères, sagesse que ses sectateurs Corinthiens ne pouvaient recevoir encore. Remarquez le retour constant des termes techniques : la sagesse, la sagesse mystérieuse de Dieu, la sagesse cachée connue seulement de l'homme spirituel, dont on ne parle que parmi les parfaits, sagesse dont sont exclus les non-spirituels, les enfants en Christ, les charnels, sagesse connue du sage architecte dispensateur des Mystères de Dieu.

      Saint Paul ne cesse de mentionner ces Mystères. Comme il l'écrit aux chrétiens d'Ephèse : C'est par une révélation, par un dévoilement que j'ai été initié au Mystère. D'où l'intelligence que j'ai du Mystère de Christ ; tous les hommes pourront connaître l'économie du Mystère (65). Aux Colossiens, il répète qu'il est devenu ministre de ce Mystère, savoir le Mystère de toute éternité et avant tous les âges, mais révélé aujourd'hui aux saints (pas au monde, ni même aux chrétiens, mais seulement aux saints). Devant eux a été dévoilé ce glorieux Mystère. Or, qu'était cette gloire ? – Christ EN VOUS – expression significative se rapportant, comme nous le verrons plus loin, tout à l'heure, à la vie de l'Initié. C'est ainsi que tous les hommes doivent finir par apprendre la sagesse et devenir parfaits en Jésus-Christ (66). Saint Paul exhorte les Colossiens à prier, afin que Dieu nous ouvre une porte pour parler, en sorte que j'annonce le mystère du Christ (67), passage où, suivant saint Clément, l'apôtre indique clairement que la connaissance » n'appartient pas à tous (68). Saint Paul écrit de même à son disciple aimé Timothée, lui recommandant de choisir ses diacres parmi ceux qui conservent le mystère de la foi avec une conscience pure, ce grand mystère de la piété qu'il avait appris (69), et dont la connaissance était nécessaire aux instructeurs de l'Eglise.

      Or, saint Timothée est une personnalité importante, représentant la génération suivante d'instructeurs chrétiens ; élève de saint Paul, il avait été désigné par lui pour guider et gouverner une partie de l'Eglise. Nous savons qu'il fut, par saint Paul lui-même, initié aux Mystères. Le fait est mentionné, comme nous le montreront, ici encore, les expressions techniques. – Ce que je te recommande, Timothée, mon enfant, c'est que, suivant les prédictions faites autrefois à ton sujet... (70), c'est-à-dire la bénédiction solennelle de l'Initiateur, reçue par le candidat. Mais l'Initiateur n'était pas seul présent : Ne néglige point le don qui est en toi, qui t'a été conféré par des paroles prophétiques lorsque le collège des anciens t'a imposé les mains (71). Saint Paul rappelle ensuite à saint Timothée d'avoir à saisir la vie éternelle à laquelle tu as été appelé, et pour laquelle tu as fait ta belle profession en présence d'un grand nombre de témoins (72). Cette profession, ce sont les vœux du nouvel Initié, reçus en présence des Frères plus anciens et de l'assemblée des Initiés. Les connaissances alors communiquées sont le dépôt sacré auquel saint Paul fait allusion, quand il s'écrie avec tant d'énergie : Ô Timothée, conserve le dépôt qui t'a été confié ! non pas les connaissances familières à tous les Chrétiens – elles ne lient pas spécialement saint Timothée – mais le dépôt sacré qui lui a été confié, en sa qualité d'Initié et qui est essentiel à la prospérité de l'Eglise. Plus loin, saint Paul revient sur ce point ; il insiste sur son importance suprême d'une manière qui serait exagérée si ces connaissances avaient été la propriété commune de tous les Chrétiens. Conserve... le modèle des saines leçons que tu tiens de moi... Garde ce précieux dépôt par l'Esprit Saint qui habite en nous (73)... La parole humaine ne saurait formuler une adjuration plus solennelle. L'Initié devait encore assurer la transmission de ce dépôt sacré, afin que l'avenir en héritât et que l'Eglise ne fût jamais laissée sans instructeurs. Les enseignements que tu as reçus de moi, en présence d'un grand nombre de témoins, l'enseignement sacré oralement communiqué au sein de l'assemblée des Initiés, garants de l'exactitude de la transmission, confie-les à des hommes sûrs qui soient capables à leur tour d'en instruire d'autres (74).

      La certitude ou, si l'on aime mieux, l'hypothèse que l'Eglise possédait ces enseignements réservés, jette un flot de lumière sur ce que saint Paul dit, çà et là, de lui-même. Rapprochez ces passages ; ils vous donneront les grandes lignes de l'évolution d'un Initié. Saint Paul déclare qu'il est déjà du nombre des parfaits, des Initiés, car il dit : Nous tous qui sommes parfaits, ayons ce même sentiment, mais qu'il n'est cependant encore ni arrivé ni entièrement parfait ; il n'a pas encore atteint le point auquel Dieu m'a appelé d'en haut, en Jésus-Christ, la puissance de sa résurrection et la communion de ses souffrances en reproduisant sa mort en ma personne... ; il s'efforce encore de parvenir à la résurrection des morts (75).

      Cette Initiation, en effet, libérait l'Initié, le transformait en Maître Parfait, en Christ ressuscité, le faisant échapper définitivement d'entre les « morts » – de l'humanité emprisonnée dans le cercle des générations – des liens qui enchaînaient son âme à la matière grossière. Ici encore se présentent beaucoup d'expressions techniques. Le lecteur superficiel, lui-même, doit comprendre que la résurrection des morts dont il est ici parlé ne peut être la résurrection ordinaire, telle que l'entend le chrétien à notre époque, résurrection supposée inévitable pour chacun et, par suite, ne réclamant de personne, pour être obtenue, le moindre effort spécial. Le mot même d'arriver ne serait pas à sa place s'il ne se rapportait qu'à une expérience humaine universelle et inévitable. Cette résurrection-là, saint Paul ne pouvait l'éviter, suivant les idées chrétiennes modernes. Qu'était donc cette résurrection qu'il recherchait avec tant d'efforts ? Une fois de plus, la seule réponse possible nous vient des Mystères. L'Initié, au moment d'atteindre l'Initiation qui libérait du cercle des renaissances, du cercle des générations, était appelé « le Christ dans la souffrance » ; il partageait les souffrances du Sauveur du monde, subissait la crucifixion mystique, reproduisait sa mort en sa personne, atteignait ensuite la résurrection, l'union, avec le Christ glorifié, après quoi la mort n'avait plus de prise sur lui (76). Tel était le prix vers lequel courait le grand Apôtre, et il exhortait tous ceux qui sont parfaits (et non les croyants ordinaires) à faire de même, à ne pas se contenter de ce qu'ils ont obtenu, mais à persévérer toujours.

      Cette ressemblance entre l'Initié et le Christ est, à vrai dire, la base même des Grands Mystères ; nous le constaterons, avec plus de détails, en étudiant « le Christ Mystique ». L'Initié devait cesser d'envisager le Christ comme extérieur à lui-même : Si nous avons connu Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus (77).

      Le croyant ordinaire avait revêtu Christ. Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ (78). C'étaient les enfants en Christ dont nous avons parlé plus haut ; Christ était le Sauveur dont ils attendaient le secours, le connaissant selon la chair. Mais, après avoir dompté la nature inférieure et perdu leur caractère charnel, ils devaient aborder un sentier plus élevé et devenir eux-mêmes le Christ. Ce que l'Apôtre avait obtenu pour lui-même, il le souhaite ardemment pour ceux qui le suivent : Mes chers enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que Christ soit formé en vous (79). Déjà il était leur père spirituel, les ayant engendrés par l'Evangile (80). Mais maintenant il leur donne de nouveau la vie, comme une mère, et les amène à leur seconde naissance. Le Christ Enfant, le Saint Enfant, était né dans l'âme, l'être caché du cœur (81) ; l'Initié devenait ainsi ce Petit Enfant ; il devait dorénavant vivre, en lui-même, de la vie du Christ, jusqu'au moment de devenir homme fait et d'atteindre la hauteur de la perfection du Christ (82). Alors l'Initié, comme saint Paul, achève en sa chair ce qui manque aux souffrances du Christ pour son corps (83) et porte sans cesse dans son corps la mort de Jésus (84). Il peut donc dire avec vérité : j'ai été crucifié avec Christ et je vis... mais ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi (85). Voilà ce que souffrait l'Apôtre, voilà ce qu'il disait de lui-même. Et quand la lutte a pris fin, quel contraste entre le calme triomphant qui se dégage de ses paroles et la tension pénible des premières années ! Pour moi je vais être immolé, et le moment de mon départ est imminent. J'ai combattu le bon combat ; j'ai achevé la course ; j'ai gardé la foi. Il ne me reste plus qu'à recevoir la couronne de justice qui m'est réservée (86). Cette couronne était celle que recevait le vainqueur, celui dont disait le Christ dans la gloire : Je ferai de lui une colonne dans le temple de mon Dieu et il n'en sortira plus (87). Car, après la Résurrection, l'Initié devenait l'Homme parfait, le Maître ; il ne sortait plus du Temple, mais, de là, servait et guidait les mondes.

      Il est peut-être bon de faire remarquer, avant de terminer ce chapitre, que saint Paul lui-même sanctionne la pratique de l'enseignement mystique théorique, dans sa manière d'expliquer les événements historiques rapportés dans les Ecritures. Il ne regarde pas l'histoire selon la Bible comme une simple relation de faits qui se seraient produits sur le plan physique ; en vrai mystique, il voyait dans les événements physiques les ombres des vérités universelles qui se développent sans cesse dans les mondes plus exaltés et plus profonds ; il savait que les événements choisis pour être enregistrés dans les ouvrages occultes étaient les plus typiques, ceux dont l'interprétation était de nature à servir l'instruction des hommes. Saint Paul, citant, par exemple, l'histoire d'Abraham, Sara, Agar, Ismaël et Isaac, dit que tout cela a un sens allégorique et en donne ensuite l'interprétation mystique (88). A propos de la fuite des Israélites hors du pays d'Egypte, il parle de la mer Rouge comme d'un baptême, de la manne et de l'eau comme d'une viande et d'un breuvage spirituels, du rocher d'où jaillissait la source comme de Christ (89). Il voit dans le mariage humain le grand mystère de l'union entre Christ et Son Eglise ; il parle des Chrétiens comme étant la chair et les os du corps de Christ (90). L'auteur de l'Epître aux Hébreux donne un caractère allégorique à l'ensemble du culte Hébraïque. Dans le Temple il voit un modèle du Temple céleste ; dans le Souverain Sacrificateur il voit le Christ ; dans les sacrifices, l'offrande du Fils immaculé ; les sacrificateurs ne sont qu'une image et une ombre du sanctuaire céleste, des prêtres célestes ministres du véritable tabernacle. L'allégorie, poussée au dernier point, remplit ainsi les chapitres III à X, l'auteur déclarant que, par le Saint-Esprit, il faut entendre le sens profond. Tout cela était une figure symbolique relative aux temps présents (91). Dans cette interprétation des Saintes Ecritures, il n'est pas dit que les événements relatés n'aient pas eu lieu, mais seulement que leur réalisation physique a eu peu d'importance. Une semblable explication constitue l'enlèvement du voile cachant les Mystères Mineurs ou enseignements mystiques qu'il est permis de divulguer ; elle n'est pas comme on le croit souvent, un simple jeu de l'imagination, mais bien le résultat d'une intuition véritable, voyant les modèles dans le ciel et ne se bornant pas à regarder les ombres jetées par eux sur l'écran du temps terrestre.


________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________
(46)  St Luc, XIII, 23, 24.

(47)  St Matthieu, VII, 13, 14.

(48)  Kathopanishad, II, IV, 10, II.

(49)  Brihadâranyakopanishad, V, IV, 7.

(50)  Apoc., VII, 9.

(51)  Bhagavad Gîta, VII, 3.

(52)  Ante p. 26.

(53)  Il ne faut pas oublier que les Juifs croyaient au retour sur la terre de toutes les âmes imparfaites.

(54)  St Matthieu, XIX, 16-26.

(55)  St Jean, XVII, 3.

(56)  Héb., XI 23.

(57)  St Jean, III, 3, 5.

(58)  St Matthieu, III, 11.

(59)  St Matthieu, 11.

(60)  St Jean, III, 10.

(61)  St Matthieu, V, 48.

(62)  Ante, p. 32.

(63)  Notez comme ces mots s'accordent avec la promesse de Jésus dans St Jean, XVI, 12-14 : J'ai encore plusieurs choses à vous dire, mais elles sont présentement au-dessus de votre portée. Quand l'Esprit de vérité sera venu, il vous guidera dans toute la vérité... et il vous annoncera ce qui doit arriver... Il recevra de moi ce qu'il vous annoncera.

(64)  Autre expression technique, employée dans les Mystères.

(65)  Eph., III, 3, 4, 9.

(66)  Coloss., I, 23, 25, 28. Mais saint Clément d'Alexandrie, dans ses Stromata, traduit « tous les hommes » par « l'homme tout entier ». Voyez livre V, chap. X.

(67)  Coloss., IV, 3.

(68)  Ante-Micene Library, vol. XII. Clément d'Alexandrie, Stromata, livre V, chap. X. Le lecteur trouvera plusieurs autres paroles prononcées par les apôtres, parmi les citations de Clément, montrant le sens attaché à ces paroles par les hommes qui, succédant aux apôtres, vivaient dans la même atmosphère intellectuelle.

(69)  1 Tim., III, 9, 16.

(70)  Ibid., 1, 18.

(71)  Tim., IV, 14.

(72)  Ibid., VI, 12.

(73)  2 Tim., I, 13, 14.

(74)  2 Tim., II, 2.

(75)  Phil., III, 8, 10, 12, 14, 15.

(76)  Apoc., I, 13. – Je suis le vivant ; j'ai été mort, et voici, je suis vivant aux siècles des siècles.

(77)  2 Cor., V, 16.

(78)  Gal., III, 27.

(79)  Gal., IV, 19.

(80)  1 Cor., IV, 15.

(81)  St Pierre, III, 4.

(82)  Eph., IV, 13.

(83)  Coloss., I, 24.

(84)  1 Cor., IV, 10.

(85)  Gal., II, 2.

(86)  2 Tim., IV, 6, 8.

(87)  Apoc., III, 12.

(88)  Gal., IV, 22-31.

(89)  1 Cor. X, l-4.

(90)  Eph., V, 23-32.

(91)  Héb., IX, 9.




Site et boutique déposés auprès de Copyrightfrance.com - Toute reproduction interdite
© 2000-2024  LB
Tous droits réservés - Reproduction intégrale ou partielle interdite

Taille des
caractères

Interlignes

Cambria


Mot de passe oublié
Créer un compte ALCHIMIE & SPAGYRIE MARTINISME, MARTINEZISME & MYSTICISME OCCULTISME & MAGIE MAGNETISME, RADIESTHESIE & ONDES DE FORMES THEOSOPHIE ASTROLOGIE & ASTRONOMIE ROSE-CROIX & ROSICRUCIANISME SPIRITISME & TRANSCOMMUNICATION PRIÈRE & TEXTES INSPIRANTS