CHAPITRE IV LE CHRIST HISTORIQUE
Nous avons déjà montré, dans le chapitre Ier, les points
identiques communs à toutes les religions de ce monde. Nous avons vu que
l'étude de ces croyances, symboles, rites, cérémonies, histoires
et fêtes commémoratives identiques a fait naître une école
moderne qui leur donne une source commune : l'ignorance humaine, et une interprétation naïve de phénomènes naturels. Ces identités ont fourni des armes pour frapper tour à tour chaque religion, et les attaques les plus effectives portées contre le Christianisme et l'existence historique de son Fondateur ont puisé leur force à cette source. Au moment
d'aborder maintenant l'étude de la vie du Christ l'étude du Christianisme, de ses sacrements, de ses doctrines il serait dangereux d'ignorer les faits rassemblés par la Mythologie Comparée ; compris comme ils doivent l'être, ces faits cesseront d'être des adversaires et deviendront des alliés. Comme nous l'avons vu, les Apôtres et leurs successeurs n'hésitaient pas à voir, dans l'Ancien Testament, un sens allégorique et mystique beaucoup plus important que le sens historique sans cependant nier celui-ci et ils ne se faisaient aucun scrupule d'enseigner aux fidèles instruits, que certains de ces récits, historiques en apparence, étaient au fond purement allégoriques. La nécessité de bien comprendre ce fait n'est peut-être jamais plus grande qu'en étudiant l'histoire de Jésus surnommé le Christ car, en négligeant de démêler les fils embrouillés et de chercher où les symboles ont été pris pour des événements et les allégories pour de l'histoire, le récit perd pour nous ce qu'il offre de plus instructif, et sa beauté ce qu'elle a de plus rare. Nous ne saurions trop insister sur ce fait que le Christianisme gagne au lieu de perdre quand, suivant l'exhortation de l'Apôtre, la science vient s'ajouter à la foi et à la vertu (154). Certaines personnes ont peur d'affaiblir le Christianisme en laissant la raison l'étudier et trouvent « dangereux » de reconnaître à des événements, considérés jusqu'ici comme historiques, un sens plus profond mythique ou mystique. Or, ce serait, au contraire, fortifier le Christianisme, et l'étudiant découvre avec joie que la perle de grand prix luit d'un orient plus pur et plus éclatant quand la couche d'ignorance disparaît et en laisse voir les couleurs.
Aujourd'hui deux écoles sont en présence, dont la rivalité acharnée a pour sujet l'
histoire du grand Instructeur Hébreu. Pour la première, il n'y a dans les relations de Sa vie que des
mythes et des
légendes ayant pour objet d'expliquer certains phénomènes naturels, vestiges d'une manière pittoresque de présenter certains faits d'inculquer aux
esprits ignorants certaines grandes classifications d'événements naturels qui, par leur importance propre, se prêtaient à des enseignements moraux. Les partisans de cette manière de voir forment une école bien définie, comptant parmi ses membres beaucoup d'hommes très cultivés et fort intelligents ; une foule de personnes moins instruites leur font cortège et insistent avec une ardeur
immodérée sur leurs
vues les plus subversives. Cette école a pour rivaux ceux dont la foi est le Christianisme orthodoxe ; pour ceux-ci, toute la vie de
Jésus est de l'
histoire, sans mélange d'
éléments légendaires ou
mythiques ; ils affirment qu'il faut y voir uniquement la biographie d'un homme né en
Palestine il y a environ dix-neuf siècles, auquel il est arrivé tout ce que les
Evangiles rapportent ; ces récits ne sont, pour eux, que les
annales d'une vie à la fois divine et humaine. Les deux écoles sont donc irréconciliables l'une affirmant que tout est
légende l'autre maintenant que tout est
histoire. De nombreuses opinions intermédiaires, recevant la dénomination générale de « libre-pensée », regardent le récit des
Evangiles comme un mélange de
légende et d'
histoire, mais n'offrent aucun mode d'interprétation précis et rationnel aucune explication satisfaisante de cet ensemble complexe. Nous trouvons, en outre, dans le sein de l'
Eglise Chrétienne, un nombre considérable et toujours croissant de Chrétiens fidèles, pieux et cultivés, d'hommes et de femmes doués d'une foi sincère et d'aspirations
religieuses, mais qui voient dans les
Evangiles plus que l'
histoire d'un Homme Divin. S'appuyant sur les Ecritures, ils affirment que l'
histoire de
Jésus renferme un sens plus profond et plus important que le sens superficiel et sans nier le caractère historique de
Jésus soutiennent que LE CHRIST est plus que
Jésus homme et qu'Il a un sens
mystique. Ils basent leur opinion sur des paroles comme celles de
saint Paul :
Mes chers enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement jusqu'à ce que Christ soit formé en vous (155).
Saint Paul ne parle évidemment pas ici d'un
Jésus historique mais bien d'une manifestation de l'
âme humaine, où il voit la formation de Christ. Ailleurs le même Instructeur déclare que, même s'il a connu Christ selon la chair, il ne le connaît plus de cette manière
(156) ; il nous donne forcément à conclure que, tout en reconnaissant le Christ selon la chair
Jésus il s'est élevé à une
conception supérieure qui éclipse celle du Christ historique. Beaucoup de nos contemporains penchent vers cette manière de voir et, en présence des faits réunis par la
Religion Comparée, déroutés par les contradictions des
Evangiles, se heurtent à des problèmes qu'ils ne pourront résoudre tant qu'ils resteront liés au sens superficiel des Ecritures, ils s'écrient, désespérés, que la lettre tue, mais que l'
esprit vivifie et cherchent à découvrir un sens vaste et profond dans un récit aussi ancien que les
religions de la terre et qui toujours a été le centre et l'
âme de chacune des
religions où il a reparu. Ces penseurs qui cherchent leur voie trop isolés les uns des autres et trop indécis encore pour qu'on puisse les regarder comme une école semblent, d'une part, tendre la main à ceux qui voient partout des
légendes, en leur demandant d'accepter une base historique ; de l'autre, ils mettent leurs
frères Chrétiens en garde contre un danger sans cesse grandissant celui de perdre entièrement le sens spirituel, en voulant se cramponner au sens littéral et unique que les progrès de la science contemporaine ne permettent plus de défendre. Oui nous risquons de perdre « l'
histoire du Christ » avec cette
conception du Christ qui a soutenu et inspiré des millions de belles
âmes, en Orient et en Occident. Peu importe que le Christ reçoive des noms différents ou qu'il soit adoré sous d'autres formes ; nous risquons de laisser échapper la perle de grand prix et d'être appauvris à jamais.
Ce qui est nécessaire, pour détourner ce danger, c'est de démêler les différents fils de l'
histoire du Christ et de les ranger côte à côte le fil historique, le fil
légendaire, le fil
mystique. Ces fils ont été réunis en un seul, et c'est un
grand malheur pour les
esprits sérieux ; en les démêlant, nous découvrirons que le savoir, loin de le déprécier, rend plus précieux le récit
évangélique et que, pour ce récit comme pour tout ce qui est basé sur la vérité, plus la lumière est vive, plus elle révèle de beautés.
Nous étudierons d'abord le Christ historique, puis le Christ
mythique, en troisième lieu le Christ
mystique et nous constaterons que la
fusion d'
éléments tirés de ces trois aspects nous donne le Jésus-Christ des
Eglises. Tous trois contribuent à constituer la Figure grandiose et pathétique qui règne souverainement sur les émotions et sur la pensée des Chrétiens l'Homme de Douleur, le Sauveur, Celui qui aime les hommes, leur Seigneur.
LE CHRIST HISTORIQUE OU JÉSUS GUÉRISSEUR ET INSTRUCTEUR
Le fil de la biographie de
Jésus
peut être séparé sans difficulté des deux autres auxquels
il s'enlace ; nous en faciliterons l'étude en nous reportant à ces
annales du passé que les personnes compétentes peuvent vérifier
par elles-mêmes et dont certains détails concernant le Maître
Hébreu ont été donnés au monde par H. P. Blavatsky
et d'autres personnes encore, compétentes en matière d'investigations
occultes. Beaucoup de lecteurs seront sans doute tentés de critiquer l'emploi
du mot « compétent », quand il s'agit d'occultisme. Et pourtant
cette expression signifie simplement une personne arrivée, par des études
et un entraînement spéciaux, à acquérir des connaissances
spéciales et à développer en elle-même des facultés
lui permettant d'exprimer une opinion basée sur une connaissance personnelle
et directe de l'objet dont elle s'occupe. Nous disons que Huxley est compétent
en biologie qu'un
Senior Wrangler (157) est
compétent en mathématiques ou que Lyell est compétent en
géologie. Nous pouvons, de même, appeler compétent en occultisme
un homme arrivé d'abord à approfondir intellectuellement
certaines théories fondamentales concernant la constitution de l'homme
et de l'univers ensuite à développer en lui-même les
facultés susceptibles de développement quand on se consacre à
des études appropriées et qui permettent d'étudier sur soi-même
la nature, dans ses opérations les plus obscures. Un homme peut naître
avec des
dispositions pour les mathématiques et, en cultivant ces
dispositions
pendant des années, développer considérablement ses facultés
de mathématicien. Un homme peut, de même, naître avec certaines
facultés qui sont le propre de l'
Ame et les développer par un entraînement
et une discipline déterminés. Cet homme consacre-t-il ces facultés
développées à l'étude des mondes invisibles, il devient
compétent en matière de Science
Occulte et peut vérifier,
à volonté, les
annales dont j'ai parlé plus haut. Ces vérifications
sont inaccessibles aux personnes ordinaires, tout comme un ouvrage de mathématiques
écrit en
symboles de mathématiques pures est un livre
fermé
pour les personnes
ignorant cette science. Ces connaissances ne sont pas plus
inaccessibles que d'autres. L'homme né avec une certaine
disposition et
qui la développe, arrive à acquérir les notions correspondantes
; celui qui naît sans
dispositions spéciales ou qui, les possédant,
ne les cultive pas, doit se résigner à rester
ignorant. Telles sont
les conditions partout imposées à qui veut s'instruire ; elles s'appliquent
à l'Occultisme comme à toute autre science.
Les
annales occultes confirment sur certains points le récit des
Evangiles et le contredisent sur d'autres ; elles nous montrent la vie de
Jésus et nous permettent, par là, de la dégager des
mythes qui l'entourent.
L'
enfant dont le nom Hébreu a été changé en celui de
Jésus naquit en
Palestine, l'an 105 avant Jésus-Christ, sous le consulat de Publius Rutilus Rufus et de Cnæus Mallius Maximus. Ses parents étaient pauvres, mais de bonne famille ; il fut instruit dans la connaissance des Ecritures Hébraïques ; sa ferveur
religieuse et une gravité naturelle précoce décidèrent ses parents à le consacrer à la vie
religieuse et
ascétique. Peu après un séjour à Jérusalem où le jeune homme montra son extraordinaire intelligence et son ardeur à s'instruire en se rendant dans le
Temple auprès des docteurs il fut envoyé dans le désert de la Judée méridionale, pour y être l'élève d'une communauté Essénienne. A l'âge de dix-neuf ans il entra dans le
monastère Essénien qui se trouvait près du mont Serbal
monastère très fréquenté
par les savants allant de Perse et des Indes en Egypte ; une magnifique bibliothèque d'ouvrages
occultes dont plusieurs originaires de l'Inde Trans-Himâlayenne y avait été formée. De cet asile de l'érudition
mystique,
Jésus se rendit plus tard en Egypte. La doctrine secrète, qui était l'
âme de la secte Essénienne, lui ayant été entièrement communiquée, il reçut, en Egypte, l'
initiation et devint
disciple de la Loge unique et sublime à laquelle toute grande
religion doit son Fondateur. L'Egypte était restée, pour le monde,
un des centres où l'on gardait les vrais Mystères, dont tous les
Mystères semi-publics ne sont qu'un pâle et lointain reflet. Les
Mystères
historiquement connus comme Egyptiens étaient l'ombre de
la réalité « sur la
Montagne (158) », et c'est en Egypte que le jeune Hébreu reçut la consécration solennelle le préparant à la
Prêtrise Royale qu'il devait atteindre plus tard. Sa pureté surhumaine, sa dévotion débordante étaient telles que, dans sa virilité pleine de grâce, il s'élevait d'une manière extraordinaire au-dessus des
ascètes farouches parmi lesquels il avait été formé, répandant sur les Juifs sévères qui l'entouraient le parfum d'une sagesse accompagnée de tendresse et de suavité comme un rosier, transporté dans un désert, y répandrait ses effluves embaumés sur la plaine stérile. Le charme dominateur de sa pureté immaculée entourait son front comme d'un radieux halo, et ses paroles, bien que rares, respiraient
toujours la douceur et l'
amour, éveillaient, même chez les plus rudes
natures, une douceur momentanée, chez les plus inflexibles une sensibilité
passagère.
Jésus vécut ainsi pendant vingt-neuf années
de son existence mortelle, croissant en grâce.
Cette pureté surhumaine et cette ferveur
religieuse rendaient
Jésus homme et
disciple digne de servir de temple et d'habitation à une Puissance plus auguste, à une Présence immense. L'heure avait sonné où allait se produire l'une de ces manifestations Divines qui, périodiquement, viennent aider l'humanité quand une impulsion nouvelle est nécessaire pour hâter l'évolution spirituelle des hommes, quand paraît à l'
horizon une civilisation nouvelle.
Les siècles allaient donner naissance au monde Occidental, et la sous-race
Teutonique (159) allait relever le sceptre impérial que laissait échapper la main défaillante de Rome. Avant son avènement, un Sauveur du Monde devait apparaître et bénir l'Hercule-enfant, encore au berceau.
Un puissant « Fils de
Dieu » allait s'incarner sur la terre un Instructeur suprême plein de
grâce et de vérité (160), un être dans lequel habiterait au plus haut point de la Sagesse Divine, véritablement « le Verbe » fait chair, un torrent de Lumière et de Vie surabondantes, une
Fontaine d'où jaillirait à flots la vie. Le Seigneur de toute
Compassion et de toute sagesse tel est
Son nom quittant le séjour des Régions Secrètes, apparut dans le monde des hommes.
Il lui fallait un tabernacle humain, une forme humaine, le
corps d'un homme ; or, où trouver un homme plus digne d'abandonner son
corps pour un acte de renoncement joyeux et volontaire, à un Etre devant
lequel les
Anges et les hommes s'inclinent avec la vénération la
plus profonde que cet Hébreu d'entre les Hébreux le plus
pur le plus noble des « Parfaits », dont le
corps sans souillure
et le caractère immaculé étaient comme la
fleur même
de l'humanité ? L'homme
Jésus se présenta volontairement
au sacrifice, « s'offrit sans tache » au Seigneur d'
amour qui prit
cette jeune enveloppe pour tabernacle et l'habita pendant trois années
de vie mortelle.
Cette époque est marquée,
dans les traditions réunies dans les
Evangiles, par le
Baptême de
Jésus, quand le
Saint-Esprit se montre
descendant du ciel comme une
colombe et demeurant sur Lui (161), et qu'une voix
céleste s'écrie : «
C'est ici mon fils bien aimé
; écoutez-Le ».
Jésus, véritablement «
le
Fils bien-aimé en qui le père met toute son affection (162) »,
Jésus «
se mit dès lors à prêcher (163) » et fut ce mystère merveilleux : «
Dieu manifesté en chair (164) ».
Jésus est
Dieu, mais Il n'est pas le seul, car : «
N'est-il pas écrit dans votre loi : J'ai dit : vous êtes des dieux ? Si la loi a appelé « dieux » ceux à qui la parole de Dieu a été adressée, et si l'Ecriture ne peut être rejetée, comment pouvez-vous dire à celui que le Père a consacré et qu'il a envoyé dans le monde « tu blasphèmes » parce que j'ai dit : « Je suis le Fils de Dieu (165) ? » Les
hommes sont véritablement tous
Dieux par l'
Esprit qui habite en eux, mais le
Dieu suprême ne se manifeste pas chez tous, comme chez ce Fils bien-aimé du Très-Haut.
Cette Présence ainsi manifestée, nous pouvons à juste titre lui donner le nom de « Christ » ; c'est Lui qui vient sous la forme de
Jésus homme, parcourant les
montagnes et les plaines de la
Palestine, enseignant et guérissant, entouré de
disciples choisis parmi les
âmes les plus avancées. Le charme rare de
Son amour souverain, qui répandait autour de Lui comme les rayons d'un
soleil, attirait à Lui les hommes souffrants, fatigués, accablés ; la magie subtilement tendre de Sa Sagesse pleine de bonté rendait plus pures, plus nobles et plus belles les vies qui entraient en contact avec la Sienne. Par des paraboles et un langage lumineusement imagé, Il instruisit les foules
ignorantes qui se pressaient autour de Lui et, mettant en
jeu les
forces de l'
Esprit pur, guérit de nombreux malades par la parole ou le
toucher, renforçant les énergies magnétiques de
Son corps immaculé par la
force irrésistible de Sa vie intérieure. Rejeté par Ses
frères Esséniens parmi lesquels il avait d'abord poursuivi Sa tâche (et dont les arguments hostiles à sa résolution de vivre une vie aimante et laborieuse sont résumés dans le récit de la tentation), parce qu'Il apportait au peuple la sagesse spirituelle regardée par eux comme leur plus précieux et plus secret trésor et parce que son
amour sans limites accueillait les déclassés et les dégradés et s'adressait, dans les plus humbles comme dans les plus élevés, au Roi Divin, Il ne vit que trop tôt s'amasser autour de Lui les sombres nuages de la haine et du soupçon. Les docteurs et les magistrats de
Son peuple en vinrent bientôt à Le regarder avec jalousie et colère ; Sa spiritualité était pour leur matérialisme un reproche continuel ; Sa puissance, la démonstration tacite mais permanente de leur faiblesse. Trois années à peine après
Son baptême, l'orage qui Le menaçait éclata, et le
corps humain de
Jésus expia le crime d'avoir servi de
sanctuaire à la Présence glorieuse d'un Instructeur plus qu'humain.
La petite troupe de
disciples choisis auxquels
Jésus avait confié le dépôt de Ses instructions fut ainsi privée de la présence physique de son Maître avant d'avoir assimilé Sa doctrine mais c'étaient des
âmes déjà hautes et développées, prêtes à recevoir la Sagesse et capables de la transmettre à des hommes moins avancés. Le plus impressionnable était « le
disciple que
Jésus aimait » ; jeune, zélé, fervent, profondément dévoué à son Maître, il partageait
Son esprit d'inépuisable
amour.
Saint Jean représenta, pendant le siècle qui suivit le départ physique du Christ, l'
esprit de dévotion
mystique qui aspire à l'extase, à la vision du Divin, à l'union avec Lui.
Saint Paul, au contraire, le grand Apôtre qui vint plus tard, représente dans les Mystères le côté de la Sagesse.
Le Maître n'oublia pas Sa promesse de venir à
eux quand le monde ne Le verrait plus
(166) et, pendant plus de cinquante années,
les visita, revêtu de
Son corps spirituel subtil, continuant les leçons
commencées quand Il était avec eux et les formant dans la connaissance
des vérités
occultes. La plupart des
disciples habitaient en commun,
dans un lieu retiré situé sur les confins de la Judée ; n'attirant
pas l'attention parmi les nombreuses communautés semblables en apparence
à la leur, ils étudiaient les vérités profondes que
le Maître leur avait enseignées et développaient en leur
âme
« les dons de l'
Esprit ».
Ces leçons, commencées quand Il vivait Physiquement auprès
d'eux et qu'Il poursuivit après avoir quitté
Son corps, formèrent
la base des « Mystères de
Jésus » que nous avons vus gardés
par l'
Eglise Primitive et servirent de vie intérieure de noyau
aux
éléments hétérogènes d'où sortit
plus tard le Christianisme ecclésiastique.
Nous possédons, dans un fragment remarquable intitulé
Pistis Sophia, un document du plus haut
intérêt, traitant de la doctrine secrète et écrit par
le fameux Valentin. Il est dit dans cet ouvrage que, pendant les onze années
qui suivirent Sa mort,
Jésus instruisit Ses
disciples jusqu'à «
la région des premiers statuts seulement et jusqu'à la région
du premier mystère, du mystère qui est derrière le voile
(167) ». Ils n'avaient pas encore appris la répartition des ordres
angéliques, dont quelques-uns sont mentionnés par Ignace
(168). Puis
Jésus, étant « sur la
Montagne » avec Ses
disciples,
après avoir reçu
Son vêtement
mystique, la connaissance de
toutes les régions et les Paroles de Pouvoir qui en sont la
clef, poursuivit
l'instruction de Ses
disciples et leur fit cette promesse : « Je vous rendrai
parfaits en toute perfection, depuis les mystères de l'intérieur
jusqu'aux mystères de l'extérieur. Je vous remplirai de l'
Esprit,
et ainsi vous serez appelés spirituels, parfaits en toute perfection
(169).
» Alors
Jésus leur parla de la Sophia ou Sagesse, de sa tentative
de s'élever jusqu'au Très-Haut suivie par sa chute au sein de la
matière, de ses appels à la Lumière en qui elle avait eu
foi ; Il leur dit que
Jésus fut envoyé pour l'arracher du
chaos,
la couronner de Sa lumière et faire cesser son esclavage. Il leur parla
encore du Mystère suprême,
ineffable, le plus simple et le plus clair
de tous, bien qu'il soit le plus élevé, Mystère qu'un renoncement
absolu au monde permet seul de connaître
(170). Cette connaissance transforme
les hommes en Christs, car de tels « hommes sont Moi-Même et Je suis
ces hommes », et Christ est Le Mystère suprême
(171). Sachant
cela, les hommes sont transformés en lumière pure et sont amenés
au sein de la lumière
(172) ». Et
Jésus accomplit pour Ses
disciples
la grande cérémonie de l'
Initiation, le
baptême « qui
conduit au séjour de la vérité et au séjour de la
lumière », et leur prescrivit de la célébrer à
leur tour pour d'autres, qui en seraient dignes : « Cachez pourtant ce mystère,
ne le communiquez pas à tous, mais à celui-là (seul) qui
observera toutes les choses que Je vous ai dites dans mes commandements
(173). »
Après quoi, leur instruction étant complète, les apôtres
retournèrent dans le monde, pour y prêcher, toujours aidés
par leur Maître.
Or, ces mêmes
disciples et leurs premiers
collègues
notèrent de mémoire toutes les paroles et toutes les paraboles qu'il
avaient entendu prononcer en public par le Maître et réunirent avec
un grand zèle tous les récits qu'il leur fut possible de trouver,
les rédigeant également, et faisaient circuler ces recueils parmi
tous ceux qui, peu à peu, s'attachaient à leur petite communauté.
Les recueils ainsi formés diffèrent entre eux, chaque membre de
la communauté rédigeant ce qu'il se rappelait personnellement, en
y ajoutant un choix fait parmi les récits des autres. Les enseignements
intérieurs donnés par le Christ à Ses
disciples d'élite
ne furent pas notés par écrit, mais communiqués oralement
aux personnes jugées dignes de les recevoir à des étudiants
réunis en communautés peu nombreuses, afin de mener une vie retirée,
tout en restant en relation avec le groupe central.
Le Christ historique est donc un Etre glorieux appartenant
à la grande hiérarchie spirituelle qui dirige l'évolution
spirituelle de l'humanité ; Il employa, pendant environ trois années,
le
corps humain du
disciple Jésus et consacra la dernière de ces
trois années à enseigner en public, parcourant la
Samarie et la
Judée ; Il guérit les maladies et accomplit d'autres actes
occultes
remarquables ; Il S'entoura d'une petite troupe de
disciples qu'Il forma dans
la connaissance des vérités intimes de la vie spirituelle ; Il attira
les hommes à Lui par
Son amour et Sa douceur extraordinaires et la haute
sagesse que respirait Sa personne ; enfin, Il fut mis à mort pour blasphème,
ayant enseigné que la Divinité habitait en lui comme en tous les
hommes. Il vint donner à la vie spirituelle de ce monde une impulsion nouvelle,
communiquer de nouveau la doctrine intéressant la vie spirituelle, montrer
une fois encore à l'humanité le chemin étroit qui existait
de tout temps, proclamer l'existence du « Royaume des
Cieux », de
l'
Initiation conduisant à cette connaissance de
Dieu qui est la vie éternelle,
faire entrer enfin dans ce Royaume quelques élus capables de transmettre
leur savoir à d'autres. Autour de cette Glorieuse Figure s'amassèrent
les
mythes qui L'unissent à la longue suite de Ses prédécesseurs
; ces
mythes donnent sous une forme
allégorique l'
histoire de toutes les
carrières semblables, car ils symbolisent l'action du Logos dans l'Univers
et l'évolution supérieure de l'
âme humaine individuelle.
Il ne faudrait pas supposer que le Christ cessa d'agir pour Ses
disciples après avoir institué les Mystères ou qu'Il se borna désormais à y faire de rares apparitions. Cet Etre Puissant qui avait pris pour véhicule le
corps de
Jésus et dont la protection veille sans cesse sur l'évolution spirituelle de la cinquième Race, remit l'
Eglise naissante entre les fortes mains du saint
disciple qui Lui avait sacrifié son
corps. Atteignant la perfection de l'évolution humaine,
Jésus devint un des Maîtres de la Sagesse et se chargea spécialement du Christianisme, qu'Il chercha toujours à guider dans la bonne voie, à protéger, à garder et à fortifier. C'était Lui l'
Hiérophante des Mystères Chrétiens, le Maître direct des
Initiés ; c'était la Sienne, l'inspiration qui alimentait, dans l'
Eglise, la
flamme de la
Gnose, jusqu'au
jour où la masse envahissante de l'
ignorance devint si grande que
Son souffle même ne put empêcher la
flamme de s'éteindre. C'était
Son travail patient qui donnait à tant d'
âmes la
force de supporter les ténèbres et de conserver précieusement l'étincelle de l'aspiration
mystique, la soif d'atteindre le
Dieu Caché. C'était Lui qui versait à flots la vérité dans les intelligences aptes à la recevoir si bien que les mains, se rencontrant à travers les siècles, se passèrent la torche de la connaissance, sans qu'elle s'éteignît jamais. C'était la Sienne, la Figure qui se tenait près de la roue du supplice et dans la
flamme des bûchers, encourageant Ses
confesseurs et Ses
martyrs et remplissant leur cur de Sa paix. C'était Lui qui soulevait l'éloquence tonnante de Savonarole guidait la sagesse d'Erasme inspirait l'éthique profonde de Spinoza, dans sa divine ivresse. C'était
Son énergie qui poussait
Roger Bacon, Galilée,
Paracelse, à sonder la nature. C'était Sa beauté qui attirait Fra Angelico, Raphaël et Léonard de Vinci qui inspirait le génie de Michel-Ange qui brillait pour Murillo qui permit d'élever ces merveilles du monde : le
Dôme de Milan,
Saint-Marc de
Venise et la
cathédrale de Florence. C'étaient Ses harmonies qui chantèrent dans les messes de Mozart, les sonates de Beethoven, les
oratorios de Hændel, les fugues de
Bach, l'austère splendeur de Brahms. C'était Sa Présence qui soutenait les
mystiques solitaires, les occultistes persécutés, les chercheurs patients, dans leur poursuite de la vérité. Par la persuasion et par la menace par l'éloquence d'un saint
François et les sarcasmes d'un Voltaire par la douce soumission d'un Thomas A. Kempis et la rudesse virile d'un Luther, Il s'efforça d'instruire et de réveiller, d'attirer à la sainteté ou l'éloignement du mal par la souffrance. Depuis tant de siècles Il a lutté, il a combattu et jamais bien qu'Il eût à porter le pesant fardeau des
Eglises jamais Il ne laissa sans réponse ou sans consolation un seul cur humain dont l'appel montait vers Lui. Il S'efforce aujourd'hui de détourner pour le Christianisme une partie du grand
fleuve de Sagesse qui descend sur l'humanité altérée ; Il cherche au sein des
Eglises des hommes capables d'entendre la Sagesse et de répondre, quand il demandera des messagers pour la transmettre à son troupeau : « Me voici, envoie moi. »
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(154) II St Pierre, 1, 5.
(155) II Gal., IV, 19.
(156) II Cor., V, 16.
(157) Universitaire (N. d. T.).
(158) Origène contre Celse, 1. IV, chap. XVI (N. d. T.).
(159) La sous-race
Teutonique est, dans la classification
théosophique, la cinquième de la quatrième race : elle comprend la plupart des populations du centre et de l'occident de l'
Europe, notamment la majorité des Anglais, Allemands, Français (N. d. T.).
(160) St Jean, 1, 14.
(161) St Jean, I, 32.
(162) St Matthieu, III, 17.
(163) Ibid., IV, 17.
(164) 1 Tim., III, 16.
(165) St Jean, X, 34-36.
(166) St Jean, XIV, 18, 19.
(167) Valentin, trad. de G. R. S. Mead,
Pistis Sophia, 1. I, 1.
(168) Ante, p. 77.
(169) Ibid., p. 60.
(170) Ante, 1. II, 218.
(171) Ibid., 230.
(172) Ibid., 357.
(173) Ibid., 377.