CHAPITRE VI LE CHRIST MYSTIQUE (2/2)
La vie de tout initié aux véritables Mystères aux Mystères célestes est retracée, dans ses grandes lignes, par la biographie des Evangiles. Voilà pourquoi saint Paul parle, comme nous l'avons constaté (210), de la naissance, de l'évolution et de la pleine maturité du Christ dans le disciple. Tout homme est potentiellement un Christ et le développement, en lui, de la vie du Christ, suit, d'une manière générale, le récit des Evangiles dans ses incidents marquants ; ceux-ci, comme nous l'avons vu, ont un caractère universel et non particulier.
Cinq grandes
Initiations se succèdent dans la vie d'un Christ ; chacune marque un degré atteint, dans son développement, par la Vie de l'
Amour. Ces
Initiations sont accordées aujourd'hui comme dans le passé ;
la dernière indique le triomphe final de l'Homme qui, arrivé à
la Divinité, a dépassé le niveau de l'humanité, en
devenant un Sauveur du monde.
Suivons l'
histoire de cette carrière qui, sans cesse, se répète dans le domaine des expériences spirituelles et voyons l'
Initié reproduisant dans sa propre vie l'existence du Christ.
A la première grande
Initiation,
le Christ naît dans le
disciple, qui réalise alors pour la première
fois en lui-même l'
effusion de l'
Amour divin et éprouve cette transformation
étrangement merveilleuse par laquelle il se sent un avec tout ce qui vit. C'est la « Seconde Naissance », accueillie avec allégresse par les êtres célestes car le
disciple est né dans « le Royaume de
Dieu », comme un de ces « petits », comme un « petit
enfant ». Tels sont les noms toujours donnés aux nouveaux
Initiés. Ainsi l'entendait
Jésus, quand il disait : Si vous ne devenez comme les petits
enfants, vous n'entrerez point dans le Royaume des
Cieux (211). Certains auteurs Chrétiens du commencement de notre ère disent en termes significatifs que
Jésus « naquit dans une caverne » « l'étable » des
Evangiles. Or, la « Caverne de l'
Initiation » est un terme ancien bien connu ; c'est toujours là que naît l'
Initié. Au-dessus de la caverne où est le petit
enfant brille « l'Etoile de l'
Initiation » cette Etoile qui resplendit toujours dans l'Orient quand naît un Christ-Enfant. Chacun de ces
Enfants est entouré de dangers et de menaces de périls étranges auxquels ne sont pas exposés les autres
enfants, car il est oint du chrême de la nouvelle naissance et les Puissances Ténébreuses du monde invisible cherchent sans cesse sa perte. Malgré toutes ces épreuves, il atteint l'âge viril
car le Christ étant né, ne peut jamais mourir le Christ dont le développement a commencé ne peut faiblir dans son évolution. Sa vie s'épanouit en beauté et en
force, grandissant sans cesse en sagesse et en spiritualité, jusqu'au moment de la deuxième grande
Initiation le
Baptême du Christ par l'
Eau et par l'
Esprit qui lui confère les pouvoirs nécessaires à un Instructeur destiné à parcourir le monde et à accomplir la tâche du « Fils bien-aimé ».
Alors l'
Esprit divin descend, à flots, sur lui, et la gloire du Père invisible l'éclaire de sa pure lumière. Mais, quittant ce lieu de bénédiction, il est conduit par l'
Esprit dans le désert, et, de nouveau, exposé à l'épreuve de tentations terribles. Car maintenant les pouvoirs de l'
Esprit se développent
en lui, et les Etres Obscurs s'efforcent de lui faire abandonner sa route ; ils
emploient pour cela ces pouvoirs eux-mêmes et l'invitent à les faire
servir à son propre salut, au lieu de se reposer sur son Père avec
une patiente confiance. Dans les transitions brusques et soudaines qui mettent
à l'épreuve sa
force et sa foi, le chuchotement du Tentateur incarné
succède à la voix du Père et les sables du désert
brûlent ses pieds que lavaient naguère les ondes fraîches de
la rivière sainte. Vainqueur de ces tentations, il se rend parmi les hommes
afin de consacrer à leur service les pouvoirs qu'il n'avait pas voulu mettre
en
jeu pour son propre usage et lui, qui avait refusé de changer
une pierre en pain pour apaiser sa propre faim, nourrit avec quelques pains
cinq
mille hommes, sans compter des femmes et des enfants.
Sa vie de service incessant traverse alors de nouveau une courte période
de gloire quand il gravit une haute
montagne, à part la
Montagne
sacrée de l'
Initiation. Là il est transfiguré et rencontre
quelques-uns de ses grands Prédécesseurs Etres Puissants
qui jadis avaient suivi le même chemin. Il reçoit ainsi la troisième
grande
Initiation puis l'ombre de sa Passion prochaine s'étend sur
lui et il tourne résolument son visage vers Jérusalem, repoussant
les paroles tentatrices de ses
disciples Jérusalem, où l'attend
le
baptême du
Saint-Esprit et du
Feu. Après la Nativité
la persécution d'Hérode ; après le
baptême la
tentation dans le désert ; après la
transfiguration l'entrée
dans la dernière étape du
Chemin de la
Croix. C'est ainsi que toujours
l'épreuve succède au triomphe, jusqu'à ce que le but soit
atteint.
La vie de l'
amour ne cesse de grandir toujours plus
riche et plus parfaite la présence lumineuse du Fils de
Dieu se
montrant dans le Fils de l'Homme, jusqu'à l'heure
imminente de la bataille
finale ; la quatrième grande
Initiation le fait alors entrer triomphalement
à Jérusalem en
vue de Gethsémané et du
Calvaire. Il est maintenant le Christ prêt à s'offrir prêt à se sacrifier sur la
croix. Le moment est venu, pour lui, d'affronter la cruelle agonie du
Jardin là s'endorment ceux mêmes qu'il a choisis, pendant qu'il se débat contre sa mortelle angoisse. Il demande, un instant, que la coupe passe loin de lui mais sa volonté puissante triomphe ; il étend la main pour saisir la coupe et boire ; dans sa solitude, un
ange vient à lui pour le fortifier comme les
anges ont coutume de le faire quand ils voient un fils de l'Homme fléchissant sous le faix de son agonie. Il boit la coupe amère de la trahison, de l'abandon, du reniement et, seul au milieu de ses
ennemis qui le raillent il s'avance vers sa suprême et terrible épreuve. Torturé par la douleur physique, transpercé par les cruelles épines du soupçon, dépouillé, aux yeux du monde, de son vêtement immaculé, laissé entre les mains de ses
ennemis, abandonné en apparence par
Dieu et par les hommes, il supporte tout avec patience et, dans sa détresse extrême, attend tristement le secours. Il lui reste à souffrir sur la
croix, à mourir à la vie de la forme, à renoncer entièrement à la vie du monde inférieur ; environné d'
ennemis triomphants et moqueurs, l'horreur de la grande obscurité l'enveloppe et, dans ces ténèbres, il subit l'assaut de toutes les
forces du mal ; sa vision intérieure se voile ; il se trouve seul complètement seul ; enfin, son cur héroïque, s'affaissant dans le désespoir, pousse un cri vers le Père, qui semble l'avoir abandonné. L'
âme humaine affronte, dans une solitude absolue, l'intolérable torture d'une apparente défaite. Mais, faisant appel à toute la
force d'un «
esprit indomptable », faisant le sacrifice de la vie inférieure, acceptant sa mort de plein gré, abandonnant le
corps du désir, l'
Initié descend aux enfers car toutes les régions de l'Univers qu'il va secourir doivent lui être connues ; tous les déshérités doivent être atteints par son
amour infini. S'élançant alors du sein des ténèbres, il revoit la lumière, se sent de nouveau le Fils, inséparable du Père, auquel il appartient, s'élève vers la vie qui n'a point de fin, rayonnant de joie, dans la certitude d'avoir bravé et vaincu la mort, assez fort désormais pour prêter à tout
enfant des hommes un secours
infini, capable de répandre sa vie dans toute
âme qui lutte. Il demeure encore, pour un temps, parmi ses
disciples, les instruit, leur dévoile les mystères des mondes spirituels, les prépare à suivre le sentier qu'il a lui-même parcouru puis, sa vie terrestre étant terminée, il monte vers le Père et, par la cinquième grande
Initiation, devient le Maître triomphant le trait d'union entre
Dieu et l'homme.
Telle était l'
histoire vécue, dans les
véritables Mystères d'autrefois, comme dans ceux d'aujourd'hui
représentée sous une forme dramatique et
symbolique dans les Mystères du plan physique, qui ne lèvent le voile qu'à demi. Tel est le Christ des Mystères sous son double aspect Logos et homme cosmique et individuel. Comment s'étonner que cette
histoire, vaguement comprise
par les
mystiques, sans même qu'ils la connussent, soit indissolublement unie au cur humain et que toute noble vie trouve en elle son inspiration ? Le Christ du cur humain est, presque toujours,
Jésus envisagé comme le Christ humain
mystique, qui lutte, souffre, meurt, et finalement triomphe l'Homme en qui l'humanité a été
vue sacrifiée et ressuscitée dont la victoire promet la victoire à tous ceux qui, semblables à Lui, sont fidèles jusqu'à la mort et au-delà le Christ qui jamais ne sera oublié tant que le monde aura besoin de Sauveurs et que des Sauveurs se sacrifieront pour l'humanité.
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(210) Ante, p. 129, et
Gal., VI, 10.
(211) St Matthieu, XVIII, 2.