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Le Christianisme ésotérique

ou Les Mystères mineurs
Annie Besant
© France-Spiritualités™






CHAPITRE VII – LA RÉDEMPTION (2/2)

Nous avons vu comment l'homme Jésus, le disciple Hébreu, fit joyeusement abandon de Son corps, afin qu'une Vie plus auguste pût descendre ici-bas et s'incarner dans la forme ainsi volontairement sacrifiée par Lui – comment, en vertu de cet acte, Il devint un Christ parfait, pour être le Protecteur du Christianisme et répandre Sa vie dans la grande religion fondée par l'Etre Puissant avec lequel Il S'était identifié par son Sacrifice. Nous avons vu l'Ame-Christ recevoir l'une après l'autre les grandes Initiations – naissant d'abord comme un petit enfant, entrant ensuite dans le fleuve des douleurs terrestres, dont les eaux doivent lui conférer le baptême du ministère actif, transfiguré sur la Montagne, théâtre de son dernier combat et triomphant de la mort. Nous allons voir maintenant dans quel sens c'est une rédemption et comment la Loi du Sacrifice trouve, dans la vie du Christ, son expression parfaite. Le commencement de ce que nous pouvons appeler le ministère du Christ parvenu à la virilité est marqué par cette compassion profonde et inlassable pour les souffrances du monde, que symbolise la descente dans le fleuve. La vie du Christ doit désormais se résumer dans cette phrase : Il allait de lieu en lieu, faisant du bien ; car ceux qui sacrifient leur vie séparée afin de devenir le canal de la Vie Divine ne peuvent avoir en ce monde d'autre intérêt que de servir leurs semblables. Le Christ apprend à s'identifier avec la conscience de ceux qui l'entourent, à sentir comme ils sentent, à penser comme ils pensent, à partager leurs joies et leurs peines ; il fait passer dans sa vie journalière, à l'état de veille, ce sentiment de son unité avec autrui qu'il constate d'une manière effective sur les plans supérieurs. Sa sympathie doit arriver à vibrer dans une harmonie parfaite, avec l'accord multiple de la vie humaine, afin de pouvoir réunir en lui-même les vies humaine et divine et devenir un médiateur entre le ciel et la terre.

      Des pouvoirs se manifestent maintenant en sa personne, car l'Esprit s'est posé sur lui ; les hommes commencent à voir en lui un de ceux qui sont capables d'aider leurs frères plus jeunes dans le chemin de la vie ; ils l'entourent ; ils sentent la force qui émane de lui, la Vie divine travaillant dans le Fils, dans l'Envoyé du Très-Haut. Les âmes affamées vont à lui ; il les rassasie du pain de vie ; les âmes qui souffrent du péché s'approchent de lui ; il les guérit en prononçant la parole de vie qui chasse la maladie et rend à l'âme la santé ; les âmes aveuglées par l'ignorance recherchent sa présence ; il dessille leurs yeux par la lumière de sa sagesse. Ce qui caractérise, avant tout, son ministère c'est que les plus humbles et les plus pauvres, les plus désespérés et les plus dégradés ne sentent, en l'approchant, aucune muraille qui les sépare de lui et n'éprouvent, en se serrant autour de lui, qu'un accueil bienveillant – jamais la répulsion. Car, de sa personne, rayonne un amour qui comprend tout et, par conséquent, ne saurait vouloir repousser personne. Quel que soit le manque de développement d'une âme, jamais elle ne sent l'Ame-Christ au-dessus d'elle ; elle la voit plutôt à ses côtés, foulant d'un pied humain le même sol – et cependant remplie de je ne sais quel pouvoir étrange qui a le don de la relever elle-même et de faire naître, en elle aussi, des élans inconnus et des inspirations nouvelles.

      Ainsi vit et travaille le Christ – véritable Sauveur d'hommes – jusqu'au jour où il lui faut apprendre une autre leçon et perdre momentanément la conscience de cette Vie divine dont la sienne n'a cessé de devenir l'expression de plus en plus fidèle. Et cette leçon est celle-ci : le véritable centre de la Vie Divine est en nous : il n'est pas au-dehors. Le Soi a son centre dans toute âme humaine. Oui « le centre est partout » – car Christ est en tous et Dieu en Christ. Aucune vie incarnée – rien de « ce qui est hors de l'Eternel (232) » ne saurait aider le Christ dans sa détresse. Il lui faut apprendre que la véritable unité du Père et du Fils se trouve au-dedans, et non au-dehors, et cette leçon demande l'isolement absolu dans cette heure où il se sent abandonné par le Dieu qui est extérieur à son âme. L'épreuve approche. Il adjure ceux qui l'entourent de veiller avec lui pendant cette heure obscure, mais toutes les sympathies humaines lui font défaut, toutes les affections humaines le trahissent ; il ne lui reste plus pour refuge que l'Esprit divin. Poussant alors un cri vers son Père, auquel il se sent consciemment uni, il lui adresse cette prière : « S'il est possible, que ce calice passe loin de moi ! »

      Ayant supporté les angoisses dans la solitude, sans autre appui que ce secours Divin, le Christ est digne d'affronter la dernière épreuve. Le Dieu du dehors disparaît ; seul le Dieu intérieur lui reste. – Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ! – tel est le cri amer de son amour inquiet et de sa frayeur. L'isolement suprême descend sur lui, et il se sent abandonné et seul. Jamais cependant le Père n'est plus près du Fils que dans cette heure d'abandon ; car, tandis que le Christ touche le fond de cet abîme douloureux, l'aube triomphale commence à poindre. Il comprend qu'il doit devenir le Dieu qu'il implore et – en éprouvant la dernière douleur de la séparation – il découvre l'unité éternelle, il sent jaillir en lui-même la source de la vie, il se sait éternel.

      Nul ne peut devenir un véritable Sauveur d'hommes ni partager, avec une sympathie parfaite, toutes les souffrances humaines, sans avoir affronté et vaincu la douleur, la crainte et la mort, avec la seule aide du Dieu intérieur. Que dis-je ! La souffrance n'existe pas, tant que cette conscience persiste intégralement, car la lumière d'en haut rend ici-bas les ténèbres impossibles, et la douleur n'est pas la douleur quand elle est supportée sous le sourire de Dieu ! Il existe une autre souffrance qui attend l'homme – qui attend tout Sauveur de l'humanité : c'est l'obscurité qui voile la conscience humaine et lui dérobe jusqu'au plus faible rayon de lumière. Il faut connaître le désespoir affreux éprouvé par l'âme humaine quand les ténèbres l'entourent et que la conscience, cherchant à tâtons, ne trouve aucune main qu'elle puisse serrer. Ces ténèbres – tout Fils de l'Homme doit y descendre avant que puisse sonner l'heure de son ascension triomphante. L'amertume indicible de cette expérience, tout Christ doit la goûter avant de pouvoir sauver parfaitement (233) ceux qui, par lui, cherchent le Divin.

      Un être comme celui-là est, en vérité, devenu Divin – un Sauveur d'hommes, et il se consacre désormais dans le monde à la tâche que toutes ces épreuves avaient pour but de préparer. Sur lui doivent fondre toutes les forces hostiles à l'humanité, afin qu'en lui elles soient transformées en forces secourables ; il devient ainsi, sur la terre, un de ces centres de Paix qui transmuent les forces agressives dont l'homme ne soutiendrait pas l'assaut. Oui – les Christs de ce monde sont les centres de Paix dans lesquels se déversent toutes les forces tumultueuses ; elles s'y transforment et ne sont plus, quand elles se répandent ensuite au-dehors, que des forces concourant à produire l'harmonie.

      Les souffrances du Christ qui n'est pas encore parfait sont causées, en partie, par cette mise d'accord, dans le monde, des forces discordantes. Bien qu'il soit un Fils, il doit être formé par la souffrance et ainsi arriver à la perfection (234). L'humanité serait déchirée par infiniment plus de luttes, et de dissensions, sans les disciples – Christs futurs – qui vivent au milieu d'elle et transforment beaucoup de forces dangereuses en forces de paix.

      Le Christ, est-il dit, souffre « pour les hommes ». – Sa force remplace leur faiblesse, Sa pureté, leur péché, Sa sagesse, leur ignorance. Rien n'est plus vrai, car le Christ S'est tellement identifié avec les hommes qu'ils partagent avec Lui et Lui avec eux. Il ne se substitue pas à eux, mais prend leurs vies dans la Sienne et répand Sa vie dans la leur. Ayant atteint le plan de l'unité, Il peut faire partager à autrui tout ce qu'Il y gagne, donner tout ce qu'Il y acquiert. Il domine le plan où la séparativité règne, et, jetant les yeux sur les âmes séparées les unes des autres, Il peut atteindre chacune, tandis qu'elles-mêmes ne peuvent communiquer. L'eau venant de niveaux supérieurs peut se répandre dans de nombreuses conduites s'ouvrant toutes au courant qui les alimente, sans cesser d'être étanches les unes pour les autres. Le Christ peut, de même, déverser en toute âme Sa vie. La seule condition pour qu'Il puisse faire partager Sa force à un frère plus jeune, c'est que, dans la vie séparée, la conscience humaine ait la volonté de s'ouvrir au principe divin, se montre capable de recevoir la vie mise à sa portée et prenne possession de ce don généreusement offert. Car tel est le respect de Dieu pour cet Esprit, qui est Lui-même incarné dans l'homme, qu'Il ne verse dans l'âme humaine des flots de force et de vie que si elle consent à les recevoir. L'effusion d'en haut doit trouver en bas une porte ouverte. A la nature supérieure qui veut donner, la nature inférieure doit répondre en se montrant susceptible de recevoir. C'est là le trait d'union entre le Christ et l'homme – ce que les Eglises ont appelé l'effusion de la « grâce ». Voilà ce qu'il faut entendre par « la foi » nécessaire pour que la grâce puisse agir. Suivant l'expression de Giordano Bruno, l'âme humaine a des fenêtres qu'elle peut fermer hermétiquement. Au-dehors, le soleil brille, la lumière est constante. Que les fenêtres s'ouvrent, et le soleil entrera. La lumière de Dieu vient frapper les fenêtres de toute âme humaine et, quand les fenêtres la laissent entrer, l'âme est illuminée. Dieu ne saurait changer – mais l'homme change, et sa volonté doit rester libre : autrement la Vie divine qui est en lui serait entravée dans son évolution régulière.

      C'est ainsi que, dans tout Christ qui S'élève, toute l'humanité s'élève d'un degré et que, par Sa sagesse, l'ignorance du monde entier devient moins profonde. Chaque homme est moins faible, grâce à Sa force qui descend sur l'humanité entière et pénètre dans les âmes séparées. De cette doctrine, interprétée d'une manière étroite et, par conséquent, mal comprise, est sortie l'idée de la Rédemption par substitution, envisagée comme une transaction, pour ainsi dire juridique, entre Dieu et l'homme – transaction en vertu de laquelle Jésus S'est mis à la place du pécheur. Les Eglises n'ont pas su comprendre qu'un Etre parvenu aussi haut ne fait véritablement qu'un avec Ses frères. L'identité de nature a été prise pour une substitution personnelle ; aussi la vérité spirituelle a-t-elle disparu dans la doctrine cruelle d'un marché juridique.

      « Il comprend dès lors sa place ici-bas et l'œuvre qu'Il doit accomplir dans la nature : être un Sauveur – expier les péchés des hommes ; Il Se tient dans le cœur central du monde, le Saint des Saints, comme Grand Prêtre de l'Humanité ; Il est un avec tous Ses frères – non par substitution, mais par l'identité d'une vie commune. Les hommes pèchent-ils – le Christ Se fait pécheur avec eux, afin que Sa pureté puisse effacer leurs souillures ; sont-ils dans la tristesse – Il est, en eux, l'Homme de douleur ; tout cœur brisé brise le Sien. Des âmes sont-elles dans la joie – Il est joyeux avec elles, en elles il répand le bonheur. Des âmes sont-elles dans le besoin – Il en souffre avec elles, afin de pouvoir les combler de Ses richesses surabondantes ; Il possède tout – elles peuvent donc tout posséder avec Lui. Il est Parfait – elles deviennent parfaites avec Lui. Il est fort – qui donc pourrait, à Ses côtés, se sentir faible ? Il S'est élevé afin de répandre le flot de Ses grâces sur tous ceux qui sont au-dessous de Lui, et Il vit afin que tous puissent partager Sa vie. Son élévation est, pour le monde entier, une cause de relèvement, et le chemin est, pour tous les hommes, plus facile à suivre, parce qu'Il les a précédés.

      « Tout fils de l'homme peut ainsi devenir un Fils de Dieu manifesté, un Sauveur du monde ; chacun de ces Fils est Dieu manifesté en chair (235) – le rédempteur qui aide l'humanité entière – la puissance vivante qui renouvelle toutes choses. Une seule condition est nécessaire pour permettre à cette puissance de se manifester dans l'âme individuelle : il faut que l'âme ouvre la porte et laisse entrer le Christ, qui pénétrant tout, ne saurait pourtant entrer de force et contre la volonté de Son frère. La volonté humaine a la faculté de faire opposition à Dieu comme à l'homme ; or, il faut qu'elle s'associe à l'action divine de plein gré, sans aucune contrainte extérieure. Ainsi l'exige la loi évolutive. Que la volonté ouvre la porte et la vie inondera l'âme. Tant que la porte reste close, la vie ne pourra qu'exhaler son ineffable parfum, afin que cet arôme exquis réussisse à franchir la barrière que la force ne peut renverser.

      Voilà – en partie – ce qu'il faut entendre par un Christ. Mais comment la plume matérielle pourrait elle donner une image de ce qui est immortel ? Comment des mots pourraient-ils décrire ce qui défie la parole ? Aucune langue ne peut exprimer – l'intelligence sans lumière d'en haut ne peut comprendre ce mystère : le Fils uni au Père portant dans Son sein les fils des hommes (236).

      Pour s'élever un jour jusqu'à une vie semblable, il faut, dès aujourd'hui, dans cette vie inférieure, commencer à marcher sous l'ombre de la Croix, sans mettre en doute la possibilité de cet avenir exalté, car ce serait douter du Dieu intérieur. « Avoir foi en soi-même » – est un des enseignements qui résultent pour nous d'une conception supérieure de la nature humaine, car cette foi est, en réalité, la croyance au Dieu intérieur. Il y a une manière de placer la vie journalière sous l'ombre de la vie du Christ, c'est de faire de tout acte un sacrifice – de l'accomplir, non pour l'avantage personnel qui en résultera, mais pour ce qu'il rapportera aux autres et – dans cette vie terre à terre, vie d'humbles devoirs, d'actes mesquins, d'intérêts vulgaires – de changer le motif et, par là, de tout transformer. Rien, dans la vie extérieure n'en sera pour cela modifié. Quel que soit le genre de vie, le sacrifice est possible, quel que soit le milieu, Dieu peut être servi. L'éveil de la spiritualité n'est pas marqué par l'action mais par la manière dont l'action est faite. Ce n'est pas des circonstances, mais bien de notre attitude vis-à-vis d'elles que dépend notre développement. – « A vrai dire, ce symbole de la croix peut nous servir de pierre de touche, ici-bas, pour distinguer le bien du mal, dans bien des moments difficiles. Les seules actions dignes de la vie du disciple – est-il dit dans un recueil de maximes occultessont celles qu'illumine la lumière de la croix. – Il faut entendre par là que l'aspirant doit avoir pour mobile la ferveur d'un amour prêt à tous les sacrifices. Nous retrouvons un peu plus loin la même pensée : Quand un homme entre dans le sentier, il dépose son cœur sur la Croix ; quand la croix et le cœur ne font plus qu'un, le but est atteint. – Ceci nous permettra peut-être de déterminer notre degré d'avancement, en examinant si c'est l'égoïsme ou l'oubli de nous-mêmes qui domine dans notre vie (237). »

      Toute vie qui commence à se former ainsi prépare la caverne où le Christ-Enfant devra naître ; elle ne sera plus qu'une rédemption ininterrompue, divinisant de plus en plus les éléments humains. Toute vie semblable s'épanouira dans la vie d'un « Fils bien-aimé, » et rayonnera, un jour, de la gloire du Christ. Tout homme peut tendre vers ce but en faisant le sacrifice de tous ses actes et de toutes ses facultés, jusqu'au moment où l'or sera séparé de toute impureté et où le métal pur subsistera seul.

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(232)  La Lumière sur le Sentier, § 8.

(233)  Héb., VII, 25.

(234)  Héb., V, 8, 9.

(235)  1 Tim., III, 16.

(236)  Annie Besant, Theosophical Review, décembre 1898, pp. 344-345.

(237)  C. W. Leadbeater, Le Credo chrétien, p. 82.




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