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Le développement de l'âme

Alfred Percy Sinnett
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CHAPITRE II :
SCIENCE OCCULTE ET RELIGION

      Celui qui entreprend sérieusement de comprendre renseignement théosophique sur le développement de l'âme, ne doit pas se faire l'illusion de le supposer hostile à toute religion ou basé sur quelque système de philosophie athéiste. Loin de mériter ce reproche, la Théosophie, au contraire, a rendu sympathiques aux idées essentiellement religieuses ceux de ses adhérents qui, répugnant à la façon dont certains dogmes ecclésiastiques déguisent la religion, avaient abordé la Théosophie avec un esprit agnostique et même purement athéiste. La science occulte nous représente clairement le but auquel doit tendre l'humanité. On nous objectera peut-être que la foi religieuse le fait aussi, quelque variées que soient les croyances dont elle s'accompagne, car elle nous promet toujours la félicité spirituelle en récompense d'une vie pieuse et irréprochable. Mais ceci n'est pas un but « clairement défini », parce que les saintes Ecritures ne nous ont jamais expliqué exactement les conditions de cette existence supérieure. La donnée théosophique, au contraire, nous décrit d'abord les conditions de l'existence spirituelle engendrées par une vie pieuse et irréprochable, puis aussi certaines conditions supérieures encore, accessibles à ceux qui uniront à une vie absolument pure la connaissance adéquate du but et des possibilités de l'existence humaine. Ceux-là dont la vie aura été guidée par cette science lumineuse pourront s'harmoniser avec les principes divins qui gouvernent l'évolution du monde, et s'élever dans la conquête de la création jusqu'à ces sphères qui, comparées à l'empire de notre humanité, peuvent vraiment être appelées le Royaume divin.

      Avant d'aller plus loin, je voudrais dire quelques mots de l'erreur dans laquelle tombent souvent ceux qui commencent l'étude de l'enseignement théosophique et de ses tendances éthiques. Ils croient que la Théosophie se borne simplement à répéter les anciens enseignements chrétiens sous une forme nouvelle et dépouillée de l'ancienne phraséologie ecclésiastique.

      Malgré l'apparence de précision méticuleuse qui distingue les formules anthropomorphiques des Eglises modernes, en étudiant la pensée contemporaine qui se dégage des ouvrages philosophiques, on y discerne cette conviction : qu'il est impossible actuellement de rien présager sur les conditions de l'Au-delà.

      Shakespeare regarde le « pays d'où nul voyageur n'est revenu » comme voilé d'une impénétrable obscurité ; et pourtant, il nous présente en même temps un voyageur qui en revient. Tennyson, dans la Voice of Faith, ne nous donne pas d'information plus précise sur notre avenir que celle contenue dans : « l'avertissement vaguement compris » concluant à un « espoir caché ». Les principaux scientistes et physiciens modernes repoussent énergiquement toute théorie basée sur la constatation de faits positifs ayant eu lieu dans des conditions de conscience extra-corporelles. Le résultat des enseignements du Christianisme, son œuvre pendant ces 18 siècles, a été de convaincre ses plus intelligents adeptes que, s'il y a beaucoup à espérer en suivant ses voies, il n'y a rien de plus à apprendre. On peut raisonnablement conjecturer qu'une intelligence, une conscience hyperphysique quelconque, gouverne l'univers ; mais il est impossible d'arriver à une connaissance exacte, telle que celle, par exemple, que nous possédons de la constitution moléculaire de la matière, ou de la rotation des planètes.

      Samuel Laing, en résumant ses conclusions dans Modern Thought (2), parle ainsi : « Autant que peuvent le faire présumer notre science et notre expérience, la vie individuelle comme personnalité consciente est en rapport indissoluble avec un organe matériel : le cerveau... Qu'adviendra-t-il de cette personnalité lorsque le cerveau se sera dissous ? Nulle voix ne nous répond de la tombe. C'est le mystère des mystères. »

      Les auteurs de The Unseen Universe (3), tout en nous présentant dans leur œuvre entière l'hypothèse d'un monde invisible et d'une voie pouvant relier le connu à l'inconnu, considèrent jusqu'à présent cette voie comme « fermée par un mur portant cet écriteau : Aucun chemin ne conduit ici. »

      Au résumé, disent-ils plus loin, « l'invisible peut être une vaste sphère d'influence, mais, par sa nature même, il échappe à toute analyse. C'est pourquoi, toute autre information nous étant refusée, il faut nous en tenir à celle que le Christianisme nous donne concernant l'influence que cet univers invisible exerce sur nous ». Quant au sort futur des méchants, « il est douteux qu'aucune école théologique ait jamais pu nous éclairer sur les mystérieuses régions qui leur sont réservées ».

      L'enseignement théosophique, au contraire, s'appuie sur cette déclaration rassurante qu'une connaissance très étendue de ces sujets est accessible et a été acquise, et qu'elle est aussi précise et certaine que celle de la composition des molécules ou du mouvement des planètes : je veux parler des conditions hyperphysiques de la conscience humaine, des lois naturelles régissant le transfert de cette conscience d'un plan de la Nature à l'autre, et des conditions d'existence de certains êtres, les uns supérieurs, les autres inférieurs à l'humanité qui peuple notre terre. Mais en observant l'influence pratique de cette science spirituelle sur les actes journaliers de la vie usuelle, en comparant son éthique avec celle de la religion aux aspirations ardentes, quoique plus vagues, nous les trouvons identiques sous bien des rapports. Les étudiants en Théosophie n'en sont pas surpris parce qu'ils ont déjà compris que toute religion vraiment digne de ce nom a pris sa source dans la science spirituelle de son époque. En effet, les religions fondées par les grands instructeurs et prophètes de l'humanité, et destinées à être enseignées aux foules, sont toutes des résumés, plus ou moins voilés par le symbolisme, de la connaissance scientifique des lois spirituelles de l'Univers, telle que la possédaient alors les initiés de la sagesse ésotérique.

      La similitude des éthiques religieuse et théosophique ne diminue nullement l'importance de la direction spirituelle que nous offre aujourd'hui la doctrine théosophique. En effet, l'acquisition de cette science spirituelle devient, à un moment donné de l'évolution, une condition sine qua non de progrès, si l'on veut pousser ce progrès évolutif à sa limite extrême.

      Une vie irréprochable nous conduira à la félicité future, comme nous l'enseignent avec raison toutes les religions ; les aspirations religieuses qui l'auront guidée donneront même une caractéristique particulière à l'existence subjective qui s'ensuivra. Mais cette vie ne nous procurera que le bonheur, et encore ne sera-t-il pas éternel. Pour s'élever sur l'échelle de la Nature au-dessus des conditions transitoires auxquelles sont sujettes toutes les consciences humaines, incarnées ou désincarnées, nous devons faire certains efforts spéciaux qui ne peuvent s'accomplir qu'au moyen de la connaissance des lois spirituelles et supérieures de la Nature.

      Ces dernières phrases paraîtront vagues jusqu'au moment où elles seront éclaircies par la découverte des facultés spirituelles encore latentes dans l'humanité et dont la Nature favorisera l'épanouissement. Cette découverte fut faite par quelques représentants avancés de l'humanité, comme il en exista en tous temps depuis l'origine du monde.

      Lorsque les Eglises et les sectes – avec leurs centaines de croyances diverses – nous présentent chacune un exposé défini des destinées humaines semblant provenir de la matérialisation grossière de quelque allégorie, ou d'une conception obscure et anthropomorphique des principes gouvernant l'univers, l'enseignement théosophique ne peut que s'élever contre ces erreurs. Mais le sentiment et l'instinct religieux qui les accompagnent sont tellement identiques à ceux dont s'inspire la Théosophie, que la supposer hostile à ces religions serait méconnaître absolument la situation où elle se place.

      Il est malheureusement vrai qu'un sentiment réel et religieux s'allie souvent à une certaine bigoterie sectaire. Qu'un membre de l'Eglise anglicane, un catholique romain, un baptiste ou un musulman croit que sa religion seule contient toute la vérité et que les autres sont erronées, nous le tiendrons pour très inintelligent, pour ne pas dire plus. S'il va plus loin (ce qui est fréquent), s'il est persuadé que hors sa propre Foi il n'est pas de salut, il nous apparaît alors comme une reductio ad absurdum de folie religieuse. Et cependant, si faible que soit son entendement spirituel, cet homme peut allier sa folie à beaucoup de sentiment religieux. Il se fait une conception, spéciale pour lui, de la Divinité qu'il adore, un code du bien et du mal, certainement au-dessus des simples impulsions de l'égoïsme et de l'intérêt propre ; il pout orienter sa vie d'après ce principe que les destinées futures de l'âme ont une importance plus grande que les jouissances éphémères de la vie terrestre. Alors ce commencement de spiritualité, allié à une intelligence plus développée, pourra, avec le temps, le mettre sur la voie de la véritable connaissance.

      Mais la meilleure préparation d'esprit à la réception de la lumière suprême de l'enseignement théosophique serait un sentiment religieux d'une nature plus subtile et plus vive. Les religions pratiquées actuellement sont peu propres à le développer dans les âmes. Pourtant, on constate avec surprise qu'un grand nombre de leurs fidèles sont plus avancés, ont même développé une spiritualité intelligente bien supérieure à celle que leurs croyances pouvaient faire espérer. Leur mentalité en progression a pénétré les religions européennes, les a adoucies sans en changer la forme extérieure ; en d'autres termes ces fidèles, grâce à leur culture intellectuelle croissante, à leurs aspirations spirituelles sincères, ont su voiler d'un sentiment exquis les laideurs de cette doctrine primitive à laquelle ils restent cependant attachés. Si on leur objecte : « Votre doctrine enseigne telle et telle chose », ils répondent : « Pas du tout ; une personne intelligente n'interprète pas ainsi ce dogme ; il signifie en substance ceci ou cela. » Et là-dessus, ils interprètent un dogme grossier quelconque en l'élevant à un degré de subtilité qui rend toute controverse inutile.

      Cette méthode d'interpréter les religions exotériques ou populaires peut être approuvée ou blâmée suivant les cas. Aidera-t-elle, retardera-t-elle la transformation des religions du monde en un idéal plus élevé ? C'est une question difficile à résoudre. Quoi qu'il en soit, l'état d'esprit de ceux qui cherchent à sublimiser pour leur usage les doctrines exotériques, décèle une disposition particulière à l'assimilation de la vraie connaissance spirituelle ; et leur ardente ferveur, cause initiale de leur développement intérieur, les aidera à appliquer aux conditions morales de la vie les enseignements de la haute sagesse, c'est ce que la Théosophie cherche avant tout à nous inculquer.

      On ne condamnera jamais trop énergiquement, au nom de la Théosophie elle-même, la façon dont l'ont dénaturée ceux qui la représentent, aux yeux du monde, comme une philosophie iconoclaste nécessairement hostile à la religion. Autant vaudrait dire que l'enseignement des mathématiques est hostile à l'astronomie. Les mathématiques ont pu parfois contribuer à détruire quelque croyance populaire relative à l'astronomie, et cela pour le plus grand bien de l'astronomie. De même la Théosophie peut se trouver en mesure de discréditer certaine croyance religieuse, ou plutôt certaine croyance greffée sur la religion, et la religion alors s'en trouverait débarrassée à son avantage. En somme, la Théosophie occupe en face de la religion une position analogue à celle des mathématiques en regard de l'astronomie ; cette relation est celle de l'abstrait vis-à-vis du concret. Les réalités pures et froides des mathématiques nous conduisent à admirer le sublime panorama des deux, dont la beauté émeut nos âmes.

      Ainsi en est-il des vérités théosophiques, si scientifiques et abstraites soient-elles, lorsqu'on les a bien comprises. Elles nous conduisent, par la conscience spirituelle, vers des hauteurs où nous éprouvons les plus sublimes émotions, et nous amènent jusqu'à la contemplation de ces vérités qui font pâlir toutes les joies humaines. Les étudiants éclairés en Théosophie, considèrent même dédaigneusement tous les objets ordinaires de convoitise humaine, lorsqu'ils les comparent aux expériences vécues de leur développement intérieur.

      Pour employer une phrase banale par sa fréquence, mais qui exprime une vérité qu'on ne devrait pas oublier, j'ajouterai que la Théosophie est l'essence de toute religion digne de ce nom. Elle est, comme l'indique son nom, la science des choses divines. La vénération des fidèles pour leur foi les détourne souvent de la pensée qu'elle soit inspirée par une science cachée.

      Pourtant en ce qui concerne Dieu et ses rapports avec les hommes, l'enseignement exotérique des religions ne nous fournit sur ces mystères que des données fort incomplètes, et qui par elles-mêmes ne peuvent satisfaire que des intelligences très bornées. Il doit y avoir une bien prodigieuse complexité, si je puis m'exprimer ainsi, dans l'organisation spirituelle de la nature, pour que des déclarations si arides – quoique poétiques – concernant l'omnipotence, l'omniscience, le Ciel et la vie éternelle ne suffisent pas à l'expliquer. En étudiant le champ déjà plus restreint des sciences physiques, on remarquera que certains axiomes généralisés ne sont, pour ainsi dire, qu'une substitution exotérique remplaçant des exposés qui ne seraient compris qu'après une étude plus approfondie. Par exemple, pour les populations occidentales, le soleil est un vaste globe situé au centre de notre système planétaire ; il répand une vive lumière, produit de la chaleur, génère la croissance organique, cause l'alternance des saisons, etc. D'autres conceptions populaires plus anthropomorphes regardent le soleil comme une divinité consciente d'où dépendent manifestement la vie et la conservation de notre univers. Mais derrière ces conceptions bornées se trouvent des horizons d'une extrême complexité que l'intelligence populaire n'essaye pas de pénétrer. Comment le soleil fait-il croître une plante ? En lui dispensant la lumière et la chaleur. Mais cet énoncé ne nous avance guère. Nous pouvons, il est vrai, ramener les éléments physiques en question à leur simplicité moléculaire primitive ; nous les discernons alors sinon à l'œil nu, du moins avec les yeux de l'intelligence. La chaleur met ces molécules en mouvement ; mais ceci ne suffit pas à expliquer la croissance organique. De plus, si nous voulons regarder le fond des choses : comment la chaleur solaire nous parvient-elle ? – Elle rayonne du soleil ! – Ceci encore n'explique vien ; par quel intermédiaire nous arrive son influence ? C'est ici que la science devient ésotérique.

      La science populaire – la religion populaire pourrions-nous dire – se contente de cet énoncé rudimentaire : le soleil émet de la chaleur. Mais la science ésotérique veut le justifier et le développer ; elle se met alors à étudier l'éther lumineux. L'éther, ce merveilleux intermédiaire des influences physiques qui ne peut être vu, ni ressenti, ni soumis à l'examen d'aucun instrument, vient d'être découvert par un prodige de la science qui, sortant de ses habitudes de prudente réserve, a déjà affirmé quelques principes bien définis à son sujet. Comment alors « l'émission », dans son expression ordinaire, peut-elle se relier avec la chaleur et la lumière du soleil. Ce phénomène est dû à des états, des conditions spéciales de l'éther. Que le soleil agisse d'abord sur l'éther, qu'il donne lieu ensuite aux manifestations qui nous entourent ; c'est là un fait indiscutable. Mais alors que la donnée exotérique, concernant l'émission de la lumière et de la chaleur, est aussi vraie que peut l'être tout exposé exotérique, – et cet exposé exprime ici une idée aussi rapprochée que possible de la vérité, – c'est, en réalité, une donnée qui ne peut satisfaire les esprits plus avancés et plus scientifiques.

      En supposant que la chaîne des causes et des effets qui régissent l'action solaire dans la vie organique soit bien connue des savants, nous dirions que la physique solaire occupe vis-à-vis de l'idée populaire dont nous parlions plus haut, la même position que la Théosophie vis-à-vis des croyances religieuses généralement répandues.

      Cette analogie s'applique d'autant mieux à notre sujet, que pour bien expliquer la physique solaire on est contraint de rechercher et d'étudier un intermédiaire qui ne tombe pas sous nos sens ; ainsi en est-il encore de l'étude de la science spirituelle, qui exige un champ d'observation placé en dehors de toute conception exotérique. Sans poursuivre aussi loin cette étude, ceux qui se sentent attirés vers la littérature orientale peuvent y glaner de nombreux renseignements, instructifs et très suggestifs. Elle est fort obscure dans certaines de ses parties, mais, lorsqu'on en connaît l'interprétation, on peut souvent constater que cette signification a dû être présente à la pensée de l'écrivain. Une compilation faite dans ce but, dans l'une ou l'autre partie de l'ancienne littérature orientale, nous donnera certainement un exposé du grand processus évolutif de la Nature, de l'origine du système solaire, et du développement successif des planètes correspondantes ; elle nous montrera également le passage du souffle de vie dans les règnes végétal et animal, et en dernier lieu l'évolution du règne humain à travers une série de races puissantes. Mais il ressortira clairement de ce travail que la science contenue dans les écritures orientales n'a pu être acquise que par des êtres capables de diriger leurs observations vers des plans de la Nature impénétrables à la perception de nos sens ordinaires. La connaissance de ces plans supérieurs acquise, soit par d'anciens voyants, il y a quelques milliers d'années, soit tout récemment par des voyants contemporains, a dû résulter nécessairement de la façon dont ils ont su exercer certaines facultés hyper-sensuelles.

      Nous reconnaissons volontiers que cette connaissance de la Nature, où la Théosophie a puisé une morale si élevée, n'aurait jamais pu être obtenue par la seule étude des phénomènes tels qu'ils s'offrent à l'observation scientifique. Le don de clairvoyance, et même celui de la plus haute clairvoyance spirituelle ont dû contribuer à la tâche longue et ardue d'élever le mental humain jusqu'à la compréhension des grands desseins de la Nature à laquelle il appartient ; la grande tâche qui nous incombe est donc de cultiver en nous les mêmes facultés, si nous désirons nous familiariser avec ces aspects de la Nature dont le contact a développé la science spirituelle chez les voyants.

      Nous n'entendons pas dire par là qu'aucun progrès dans la science spirituelle n'est possible, sans avoir préalablement développé les pouvoirs qui nous rendent conscients sur les plans supérieurs de la Nature. Ceci équivaudrait à dire qu'il faut répudier toute notion d'astronomie avant d'avoir pu construire notre propre observatoire, ou d'avoir assimilé toutes les autres sciences subsidiaires. Dans l'étude des diverses connaissances de l'esprit humain, chacun de nous s'en rapporte très souvent, et dans la plus large mesure, aux recherches faites par d'autres ; et la majeure partie de l'humanité devra, pendant longtemps encore, s'en tenir aux découvertes de quelques-uns, sur la science des choses spirituelles. Mais moyennant quelques sages précautions, ils pourront le faire avec confiance, dans ce cas comme dans l'autre. Sans doute, au début, la situation ne laisse pas d'être embarrassante, surtout en ce qui concerne l'investigation psychique ; on sait, d'autre part, que tout observateur est surveillé et contrôlé par beaucoup d'autres ; si, en outre, quelque nouvelle conclusion d'un observateur indépendant est ratifiée par la science contemporaine, tout le monde s'empressera d'accepter cette sanction. La science spirituelle ne dispose pas actuellement d'une Société Royale (4) pour sanctionner ses nouvelles découvertes, ou plutôt il en existe une, comme le savent quelques-uns d'entre nous, composée de Maîtres en science spirituelle ; et si l'accès nous en était donné, elle ferait autorité en ces matières, autant et plus que l'élite de la science contemporaine. C'est à cette source d'information, nous l'avons déjà dit, qu'est puisée la révélation théosophique actuelle. Mais, pour certaines raisons qu'une patiente investigation seule saura faire apprécier, ce foyer d'initiation spirituelle ne peut être, dès à présent, ouvert à tous les chercheurs ; aussi ne saurait-on s'inspirer de son autorité pour guider ceux qui débutent dans l'étude de l'occultisme.

      Une conviction bien nette de l'existence de ces Maîtres et de l'influence rayonnante qu'ils envoient sur notre humanité sera d'un grand secours aux travailleurs sérieux. Mais on peut pousser assez loin l'étude de la Théosophie avant qu'il soit nécessaire d'approfondir ce sujet.

      Quittons maintenant cette question, et cherchons les moyens dont nous pouvons disposer pour pénétrer dans le domaine spirituel, sans être, pour cela, doués de ces facultés spéciales donnant la perception des régions hyper-sensuelles, et sans l'aide d'instructeurs en qui nous puissions avoir toute confiance. En première ligne, notre raison peut envisager les données exposées par la science occulte en les rapportant à la vie usuelle. Puis nous les comparerons à la conception idéale de justice qui doit inspirer l'Etre qui régit l'univers. Nous étudierons ensuite avec soin les merveilleuses analogies de la Nature, visibles quelquefois, mais le plus souvent voilées, et que nous découvrons par inductions ; nous verrons comment elles entretiennent l'harmonie entre les différentes régions de la Nature. Enfin, et pour rentrer dans notre sujet, nous comparerons les données occultes aux conceptions fondamentales de cette religion traditionnelle qui nous tient au cœur, et nous verrons si elles se contredisent entre elles, ou, au contraire, si la science occulte peut en confirmer, en éclairer les traditions primitives.

      Or, non seulement celte science est en complète harmonie avec l'idée religieuse, mais encore elle s'allie à la religion même, en redonnant à plusieurs de ses dogmes leur sublime interprétation. Ces dogmes, graduellement compromis par une génération matérialiste, interprétés au pied de la lettre, depuis de longs siècles, dans les églises et les congrégations, étaient devenus une pierre d'achoppement pour les uns, une nourriture indigeste pour ceux qui les absorbaient avec la foi aveugle, les acceptaient littéralement et se refusaient de les soumettre au jugement de leur raison.

      Prenons un seul dogme comme exemple : (car les envisager tous à la lumière de l'occultisme demanderait un volume), celui de la Victime Expiatoire qui fait depuis longtemps partie intégrante de la doctrine chrétienne. Cette conception d'un Dieu vengeur assouvissant sa colère sur un innocent, pour pardonner ensuite, sa vengeance apaisée, aux véritables coupables, est, outre son absurdité, une insulte à la Divinité et une offense à la justice. La théologie moderne épurée voudrait bien modifier ce dogme en l'idéalisant quelque peu, mais elle le fait encore accepter sous cette forme, aux âmes trop humbles pour s'en révolter. La science occulte nous offre la signification réelle de ce dogme mystique. Le drame de la Passion se représente pour chaque âme humaine atteignant à la perfection spirituelle. C'est l'allégorie de l'évolution de l'âme ; c'est le seul processus par lequel la Rédemption est possible ; pour le comprendre clairement, il faut connaître la théorie occulte du Soi supérieur et du soi inférieur. Nous allons en donner un aperçu qui sera développé dans la suite. Le Soi supérieur est la partie spirituelle, immortelle et impérissable de l'homme. Le but réel de la vie physique avec ses expériences multiples, vise à l'évolution de ce Soi, au complet épanouissement de sa conscience. Le Soi supérieur est la vraie Divinité qui s'incarne, unissant, pendant chaque vie physique, sa conscience à celle du soi inférieur, l'homme tel que nous le voyons, faible et enclin au mal, reflet du Soi supérieur sur le plan matériel. C'est uniquement par le crucifiement, par le douloureux sacrifice de ses désirs et de son égoïsme personnel sur le plan de la manifestation incarnée, que le Soi supérieur peut élever la personnalité jusqu'au plan de la véritable évolution spirituelle, et la racheter ainsi du péché et de la douleur. En d'autres termes, le soi inférieur, la conscience ordinaire à l'état de veille, doit se soumettre au Soi supérieur, c'est-à-dire à l'enseignement Divin compris dans les plus sublimes aspirations du Christ en nous. Ainsi s'accomplit, sans la moindre injustice, le mystère de la Rédemption.

      On expliquerait de même l'histoire d'Adam et d'Eve, de l'Eden, de la côte d'Adam, de la tentation et de la chute. La science occulte nous enseigne que ce n'est qu'un mystérieux symbole destiné à voiler quelques-uns des principaux stades évolutifs de l'humanité. Il révèle comment notre humanité d'aujourd'hui, séparée en deux sexes, descendit d'une humanité primitive d'un type plutôt astral que physique, qui précéda notre race actuelle dans le grand processus de descente de l'esprit dans la matière.

      Mais je m'éloigne de mon but, qui n'est pas précisément d'établir la corrélation existant entre la science occulte et les dogmes religieux exotériques, dès qu'on les dégage des fables qui les assimilent à des contes de nourrice ou des Sagas de l'Islande (5), pour les interpréter dans leur vrai sens spirituel. La parfaite harmonie de la science occulte avec les plus nobles aspirations et les plus vives émotions religieuses est un fait acquis pour celui qui en a poussé l'étude assez loin. Elle fait plus que nous dévoiler certains curieux mystères de la Nature, plus qu'explorer les merveilleux domaines de la science.

      Elle est vraiment la science des sciences, sans laquelle nulle autre n'est complète ; elle est aussi la religion suprême, car elle seule met l'âme humaine en possession du grand héritage, auquel les autres religions n'ont pu que la préparer.


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(2)  Modern Science and Modern Thought. Londres, Chapman and Hall, 1880-1898.

(3)  The Unseen Universe or Physical Speculations on a Future State, par B. Steward et P. G. Tait, 1894.

(4)  La Société Royale de Londres correspond à peu de chose près à notre Académie des Sciences. (N. d. T.)

(5)  Les Sagas sont des légendes religieuses ou récits poétiques composés par des bardes Islandais ou Scandinaves. (N. du T.)




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