CHAPITRE VII
Une histoire d' "ange"
Un autre cas d'intervention sur le plan physique s'est présenté récemment. On y trouverait la matière d'un bien joli récit,
bien que cette fois une vie seulement ait été sauvée. Au
nombre de nos aides, ici en
Europe, s'en trouvent deux qui, jadis
frères
dans l'Egypte ancienne, sont aujourd'hui encore étroitement unis. Dans
l'incarnation présente, il existe entre eux une différence d'âge
considérable. L'un est d'âge mur ; l'autre n'est encore qu'un
enfant,
relativement au
corps physique, tout en étant un ego déjà
très avancé et promettant beaucoup. C'est naturellement à
l'aîné qu'incombe la tâche de former et de diriger le plus
jeune dans le travail
occulte qui leur tient tant à cur et, comme ils
sont l'un et l'autre entièrement conscients et actifs sur le plan astral,
ils consacrent presque toutes les heures où leurs
corps plus denses sont
endormis, à travailler ensemble sous la direction de leur Maître
commun et à aider, de leur mieux, les vivants et les morts.
J'emprunte le récit de l'épisode que je voudrais
rapporter, à une lettre écrite, immédiatement après,
par un des deux aides ; la description qu'elle en donne est plus saisissante et
plus pittoresque que ne pourrait l'être aucune relation rédigée
par un tiers.
« Nous allions nous occuper de toute autre chose quand
Cyril s'écria subitement : « Qu'est-ce que c'est que ça
? » Car nous venions d'entendre un cri terrible, cri de douleur ou
d'effroi. Un instant plus tard nous arrivions, pour découvrir qu'un garçon,
âgé de onze à douze ans, était tombé du haut
d'une falaise sur des rochers et s'était très grièvement
blessé. Le pauvre petit s'était cassé un bras et une jambe
; mais, ce qu'il y avait de pis, il s'était fait à la cuisse une
terrible coupure d'où le sang, coulait à flots. Cyril s'écria
: « Aidons-le vite ou il va mourir ! ».
Dans des accidents semblables, il faut réfléchir
vite. Il y avait évidemment deux partis à prendre : arrêter
le sang et nous procurer une assistance physique. Je devais soit matérialiser
Cyril, soit me matérialiser moi-même, car nous avions immédiatement
besoin de mains physiques pour serrer un bandage et d'ailleurs il semblait bon
que dans ces souffrances le pauvre garçon pût voir quelqu'un près
de lui. Je sentais bien qu'il serait beaucoup plus à l'aise avec Cyril
qu'avec moi et, en même temps, que je serais sans doute plus à même
que Cyril de trouver du secours. La
division du travail était donc indiquée.
La combinaison réussit à merveille. Je matérialisai
Cyril sur-le-champ il ne sait pas encore le faire seul et lui dis
de prendre la
cravate de l'
enfant, de la passer autour de la cuisse et de la tordre
au moyen d'un bâton. « Mais cela va lui faire un mal affreux ! »
dit Cyril. Il le fit, néanmoins et le sang cessa de couler. Le blessé
semblait à moitié évanoui et pouvait à peine parler,
mais il leva les yeux vers la petite forme lumineuse qui se penchait anxieusement
sur lui et demanda : « Etes-vous un
ange, Monsieur ? Non, je ne suis
qu'un garçon, mais je suis venu à votre secours. » Laissant
alors Cyril réconforter le blessé, je partis bien vite chercher
la mère qui demeurait à environ un mille de là.
Jamais vous ne saurez la peine que j'ai eue à faire
entrer dans la tête de cette femme la conviction qu'il était arrivé
quelque chose et qu'il fallait aller voir ce que c'était. Enfin elle laissa
tomber la casserole qu'elle nettoyait et dit à haute voix : "Je ne
sais pas ce que j'ai, mais il faut que j'aille trouver mon garçon !"
Une fois partie, je pus la diriger sans trop de peine, ne cessant pourtant
d'assurer par la
force de la volonté la cohésion de Cyril, de peur
que l'
ange du pauvre petit ne disparût subitement à ses yeux.
Il faut vous dire qu'en matérialisant un
corps on
fait passer la matière de son état naturel à un autre ; on
entrave, pour ainsi dire, momentanément la volonté cosmique. Une
demi-seconde de distraction et la matière retourne avec la rapidité
de l'éclair à son état primitif. Je ne pouvais donc accorder
à cette femme qu'une attention partielle. Je trouvai pourtant moyen de
la faire avancer et, au moment où elle tourna le coin de la falaise, je
laissai Cyril disparaître.
L'accident était arrivé de grand matin, et
le soir j'allai (astralement) visiter la famille pour voir comment on se portait.
Le bras et la jambe du pauvre garçon avaient été remis, et
la coupure pansée. Il était dans son
lit, très pâle
et très faible, mais évidemment envoie de guérison. La mère
avait auprès d'elle deux voisines et leur racontait l'
histoire, un curieux
récit vraiment pour une personne au courant des faits.
Elle expliqua, en ses propres termes, que tout à coup,
sans pouvoir dire quoi, elle avait senti comme ça en elle quelque chose
lui disant qu'il était arrivé malheur à son garçon
et qu'il
fallait aller à sa recherche. Elle avait d'abord cru que
c'était des bêtises et essayé de se débarrasser de
cette idée, mais ça n'avait servi à rien, il avait fallu
partir. Elle raconta comment, sans savoir pourquoi, elle avait pris par cette
falaise-là plutôt que par un autre chemin, mais que c'était
comme ça et puis, en tournant le coin, elle avait aperçu le petit,
appuyé contre un rocher, ayant à genoux près de lui le plus
bel
enfant qu'elle eût jamais vu, tout habillé de blanc et tout brillant,
avec des joues
roses et des si jolis yeux bruns ! Il lui avait souri d'un sourire
céleste et puis, tout à coup, il avait disparu, la laissant si surprise
tout d'abord qu'elle ne savait que penser. Mais alors, subitement, elle avait
compris et s'était agenouillée pour remercier
Dieu d'avoir envoyé
un de ses
anges au secours de son pauvre
enfant.
En soulevant l'
enfant pour le porter à la maison,
raconta-t-elle ensuite, elle avait voulu lui enlever le mouchoir qui lui entrait
si fort dans la jambe, mais il s'y était opposé, disant que l'
ange
avait fait le nud en disant de ne pas y
toucher et en racontant cela
plus tard au médecin il lui avait expliqué que, si elle avait défait
le nud, son garçon serait certainement mort.
Elle rapporta ensuite le récit de l'
enfant. De suite
après sa chute le beau petit
ange était venu à lui. C'était
un
ange, pour sûr, car il savait qu'étant au haut de la falaise un
moment auparavant il n'avait vu personne à un mille à la ronde ;
seulement il ne pouvait pas comprendre pourquoi l'
ange n'avait pas d'ailes et pourquoi il disait n'être qu'un garçon. L'
ange l'avait adossé contre un rocher et lui avait bandé la jambe, puis lui avait parlé, lui disant de ne pas avoir peur, car on était parti chercher sa mère qui allait arriver. L'
ange l'avait embrassé et tout fait pour bien l'installer, lui tenant tout le temps la main dans sa propre petite main douce et chaude et lui racontant d'étranges et belles
histoires dont il ne se souvenait plus très bien, mais qui devaient être bien intéressantes, car il avait presque oublié ses blessures quand il vit arriver sa mère. A ce moment, l'
ange lui avait assuré qu'il serait vite guéri et, après lui avoir serré la main, il avait disparu.
Depuis lors un véritable réveil
religieux s'est manifesté dans le village ! Leur pasteur leur a dit qu'une intervention aussi remarquable de la divine providence était un signe voulu par Elle, destiné à faire taire les moqueurs et à prouver la vérité de l'Ecriture sainte et de la
religion chrétienne, personne d'ailleurs ne semblant comprendre la présomption colossale impliquée par cette étonnante affirmation.
Mais l'effet produit sur l'
enfant a été incontestablement bon, au moral comme au physique. On s'accorde à dire qu'il était auparavant un gamin assez étourdi, mais maintenant, sentant toujours que son «
ange » peut être près de lui, il a peur d'être vu ou entendu et ne fait ou ne dit jamais rien de violent, de grossier ou d'emporté.
Son grand et unique désir est de revoir un
jour son
ange, et il sait qu'à l'heure de la mort son charmant visage sera le premier à l'accueillir de l'autre côté. »
Belle et touchante petite
histoire, assurément. La morale tirée de l'événement par le village et son pasteur est peut-être une conclusion illogique, du moins le témoignage rendu à l'existence, même vague, d'un Au-delà par rapport à ce plan matériel fera-t-il sûrement plus de bien que de mal. Après tout, la mère a tiré de ce qu'elle a vu une conclusion parfaitement exacte, bien qu'avec un peu d'expérience elle se fût probablement exprimée différemment.
Un fait intéressant, révélé à l'auteur de cette lettre par des recherches ultérieures, jette une lumière curieuse sur les causes latentes d'incidents semblables. Les recherches ont démontré que les deux
enfants s'étaient déjà rencontrés et que, il y a plusieurs milliers d'années, l'
enfant tombé de la falaise avait été esclave de l'autre et avait un
jour, en risquant sa propre vie, sauvé celle de son jeune maître. Cet acte lui avait valu l'affranchissement. Et voilà qu'aujourd'hui, bien longtemps après, le maître non seulement rend la pareille à son ancien esclave, mais encore lui
inspire, avec un
idéal élevé, des raisons pour mener une vie morale qui, probablement, donneront à son évolution future une orientation toute nouvelle. Tant il est vrai que le Karma, malgré la lenteur apparente de sa marche, ne laisse jamais sans récompense aucune bonne action et que
:
Si les meules de Dieu sont lentes le grain est pourtant moulu très fin ;
S'il attend avec patience avec exactitude tout est moulu (3).
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(3) Longfellow. (N. D. T.)