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Les Aides invisibles

Charles Webster Leadbeater
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CHAPITRE X
Les deux frères

      Ce récit a été publié par un auteur dont les dons dramatiques sont de beaucoup supérieurs aux miens et avec une abondance de détails qui ne peuvent trouver place ici, dans The Theosophical Review de novembre 1897, page 229. Je renvoie le lecteur à cette relation, car mon récit ne sera qu'une esquisse, aussi brève que le permettra la clarté. Les noms donnés sont, bien entendu, fictifs, mais les incidents sont rapportés avec une scrupuleuse exactitude.

      Dramatis personæ : deux frères, fils d'un gentleman habitant la campagne : Lancelot, âgé de quatorze ans, et Walter, âgé de onze ans ; deux bons garçons, du type ordinaire, sains et énergiques, comme le sont bien d'autres dans ce beau royaume et ne semblant pas présenter la moindre disposition psychique, sauf le fait qu'ils avaient dans les veines beaucoup de sang celte. Ce qui les caractérisait le plus, c'était peut être la profonde affection qui les unissait. Ils étaient tout simplement inséparables. Aucun ne consentait à faire un pas sans l'autre, et le plus jeune adorait son aîné comme peut seul le faire un cadet.

      Un jour, hélas ! Lancelot tomba de son poney et se tua – et dès lors pour Walter le monde sembla vide. La douleur de l'enfant était si vraie et si terrible qu'il ne pouvait ni manger ni dormir. Sa mère et sa bonne ne savaient plus que faire pour lui. Il paraissait aussi sourd à la persuasion qu'au blâme. Lui disait-on que son chagrin était coupable et que son frère était au ciel, il se bornait à répondre qu'on n'en était pas sûr et que, même si c'était vrai, il savait que Lancelot ne pouvait pas plus être heureux au ciel sans lui, que lui sur la terre sans Lancelot.

      Le fait peut sembler incroyable, mais le pauvre enfant mourait littéralement de chagrin. Or, ce qui rendait le fait plus touchant encore, c'est qu'à l'insu de Walter, son frère était constamment auprès de lui, pleinement conscient de sa douleur et lui-même presque affolé de ne pouvoir, malgré ses efforts renouvelés, toucher Walter ou lui parler.

      Cette situation lamentable durait encore, le troisième jour après l'accident, quand l'attention de Cyril fut attirée par les deux frères, sans qu'il pût dire comment.

      « Il s'est trouvé que je passais par là », dit-il ; mais c'est sûrement la volonté des Maîtres de Compassion qui lui servit de guide.

      Le pauvre Walter était couché, épuisé mais sans sommeil, seul avec son désespoir, lui semblait-il, bien que son frère affligé se tînt constamment près de lui. Lancelot délivré des entraves de la chair, pouvait voir et entendre Cyril. Il fallait donc, naturellement, commencer par lui offrir amicalement le moyen de communiquer avec son frère.

      Dès qu'il eut réconforté par l'espoir l'enfant décédé, Cyril se tourna vers l'enfant vivant, et essaya, de toutes ses forces, d'imprimer dans son cerveau l'idée que son frère était présent, non pas mort, mais comme autrefois plein de vie et d'affection. Tous ses efforts furent inutiles. La lourde apathie du chagrin dominait tellement l'esprit du pauvre Walter qu'il restait fermé à toute suggestion, et Cyril ne savait plus que faire. Pourtant, il éprouvait en présence de ce triste spectacle une si profonde émotion, une si vive sympathie, il était si fermement résolu à se rendre utile d'une manière ou d'une autre, en dépensant pour cela toute la force nécessaire, qu'il trouva moyen, sans pouvoir même aujourd'hui dire comment, de toucher l'enfant désolé et de lui adresser la parole.

      Sans s'arrêter aux questions de Walter, lui demandant qui il était et comment il était venu, il alla droit au point, lui disant que son frère était là, près de lui, et s'efforçant de lui faire comprendre, par ses assurances réitérées, que Lancelot n'était pas mort, mais vivant et désirait ardemment pouvoir l'aider et le consoler. Le petit Walter aurait bien voulu croire, mais osait à peine espérer. Enfin l'ardeur et l'insistance de Cyril vainquirent ses doutes.

      « Oh, dit-il, je vous crois, car vous êtes si bon ! Mais si seulement je pouvais le voir, je pourrais savoir, je serais tout à fait sûr ! Si seulement j'entendais sa voix, me disant qu'il est heureux, cela ne me ferait rien si ensuite il me quittait de nouveau. »

      Malgré son expérience encore limitée, Cyril en savait assez pour ne pas ignorer qu'un vœu semblable est rarement accordé. Il commençait, bien à regret, à le dire à Walter, quand subitement il sentit une présence que tous les aides connaissent et, bien qu'aucun mot ne fût prononcé, il reçut mentalement l'injonction de ne pas dire à Walter ce qu'il se proposait de lui répondre, mais de lui promettre que la faveur que son cœur désirait lui serait accordée.

      « Attendez mon retour, dit Cyril, et alors vous le verrez » ; puis il disparut.

      Ce contact du Maître avait suffi pour lui montrer ce qu'il fallait faire et la manière de s'y prendre ; Cyril était parti, en toute hâte, pour chercher l'ami plus âgé qui l'avait déjà si souvent assisté. Cet homme plus âgé ne s'était pas encore retiré pour la nuit, mais en recevant l'appel pressant de Cyril il se hâta de le suivre. Quelques minutes plus tard, ils se trouvaient au chevet de Walter. Le pauvre enfant commençait à croire qu'il n'avait fait qu'un beau rêve. Son bonheur et son soulagement, quand il vit reparaître Cyril, furent touchants, mais le spectacle fut bien plus touchant encore un instant plus tard quand, sur l'injonction du Maître, l'homme plus âgé matérialisa l'impatient Lancelot et que le vivant et le mort se retrouvèrent de nouveau la main dans la main.

      Pour les deux frères, la douleur s'était littéralement transformée en joie ineffable. Ils ne cessaient de déclarer que jamais plus ils ne seraient tristes, sachant maintenant que la mort ne pouvait les séparer. Leur joie ne se laissa pas assombrir, même quand Cyril leur eut soigneusement expliqué, sur le conseil de l'ami plus âgé, que cette étrange réunion physique ne se renouvellerait pas ; que cependant Lancelot serait du matin au soir auprès de Walter, mais invisible pour lui, et que chaque nuit Walter s'échapperait de son corps physique et serait de nouveau en pleine conscience avec son frère.

      En recevant cette assurance, le pauvre Walter, épuisé, s'endormit immédiatement et en prouva l'exactitude. Son étonnement fut extrême de voir avec quelle rapidité, inconnue jusqu'ici, il pouvait avec son frère voler d'un point à un autre des lieux qui leur étaient si familiers. Cyril eut soin de le prévenir que le lendemain au réveil il oublierait sans doute, en grande partie, cette existence plus libre, mais, par un bonheur exceptionnel, Walter n'oublia pas, comme le font beaucoup d'entre nous. Peut-être le saisissement de sa grande joie avait-il déterminé un certain réveil des facultés psychiques latentes qui caractérisent la race celtique ? En tout cas, il n'oublia aucun détail de ce qui s'était passé et, le lendemain matin, il surprit la maison en deuil par un récit merveilleux mais peu en rapport avec l'état des esprits.

      Ses parents crurent que le chagrin lui avait tourné la tête et, comme il est maintenant l'héritier, épièrent longtemps avec anxiété d'autres symptômes d'aliénation qui, heureusement, ne se présentèrent pas. Ils le croient encore atteint de monomanie, tout en reconnaissant pleinement que son « aberration » l'a sauvé. Cependant sa vieille bonne – elle est catholique – croit fermement au récit de Walter et dit que le Seigneur Jésus qui a Lui-même été enfant, a eu pitié de cet autre enfant, le voyant ainsi couché et mourant de chagrin, et qu'il a envoyé un de ses anges pour ramener son frère auprès de lui, de l'autre monde, et récompenser un amour plus fort que la mort. La superstition populaire est parfois beaucoup plus près de la réalité que le scepticisme des gens bien élevés !

      Le récit ne s'arrête pas là, car le bon travail dont cette nuit avait vu le commencement continue toujours, et nul ne saurait assigner de limites aux conséquences de l'acte en question. La conscience astrale de Walter, après ce dernier réveil complet, conserve son activité ; chaque matin l'enfant apporte à son cerveau physique le souvenir de ses aventures nocturnes avec son frère ; chaque nuit tous deux rencontrent leur bon ami Cyril, dont ils ont appris tant de choses sur le nouveau et merveilleux monde qui s'est ouvert devant eux et sur les autres mondes à venir, supérieurs encore à celui-là. Dirigés par Cyril, l'enfant vivant et l'enfant mort sont devenus, l'un et l'autre, des membres zélés et sérieux de la troupe des aides et il est probable que, pendant de longues années, tant que le jeune et vigoureux corps astral de Lancelot ne se sera pas désintégré, bien des enfants mourants devront de la reconnaissance à ce trio qui s'efforce de faire partager à d'autres un peu de la joie qu'il a reçue lui-même.

      Et – ce n'est pas aux morts seuls que ces nouveaux convertis ont rendu service ; ils ont cherché et trouvé d'autres enfants vivants, possédant pendant leur sommeil la conscience astrale. L'un de ces enfants, tout au moins, amenés par eux à Cyril, s'est déjà montré une précieuse petite recrue pour la jeune troupe et en même temps ici-bas, un excellent petit ami sur le plan physique.

      Les personnes pour qui toutes ces idées sont nouvelles ont parfois beaucoup de peine à comprendre comment des enfants peuvent rendre des services sur le plan astral. Etant donné, objectent-elles, que le corps astral d'un enfant doit être non développé et que l'ego doit par là se trouver limité par l'état d'enfance, sur le plan astral comme sur le plan physique, comment un ego semblable pourrait-il rendre des services ou seconder l'évolution spirituelle, mentale et morale de l'humanité, tâche principale, nous a-t-on dit, des aides ?

      La première fois qu'une semblable question fut posée, peu après la publication, dans notre revue, d'un de ces récits, je l'envoyai à Cyril lui-même, désirant savoir ce qu'il en penserait. Sa réponse fut la suivante :

      « Il est très vrai, comme le dit l'auteur de la question, que je ne suis qu'un enfant, que je sais encore très peu de choses et que je rendrai beaucoup plus de services quand j'en saurai davantage. Pourtant, dès aujourd'hui, il m'est possible de travailler un peu, parce qu'il y a tant de gens qui n'ont encore rien appris de la Théosophie, tout en étant beaucoup plus instruits que moi sur tout le reste. Vous comprenez... Quand vous voulez vous rendre à un endroit déterminé, un petit garçon qui connaît le chemin vous sera plus utile que cent savants qui l'ignorent. »

      Nous pouvons ajouter que, même pour un enfant, le réveil sur le plan astral amènerait un développement si rapide du corps astral qu'il deviendrait bientôt, sur ce plan, l'égal de l'adulte réveillé, tout en étant beaucoup plus capable naturellement de rendre des services que l'homme le plus savant, encore astralement endormi. Mais à moins que l'ego qui s'exprime par ce corps-enfant ne possède les qualifications d'un caractère à la fois décidé et aimant, clairement manifestées déjà dans ses vies passées, aucun occultiste ne prendrait la très sérieuse responsabilité de le réveiller sur le plan astral. Quand le karma des enfants est tel qu'il leur est possible d'être ainsi réveillés, ils se montrent souvent les aides les plus utiles et se consacrent à leur travail avec un cœur et un dévouement admirables. Et c'est ainsi que se trouve, de nouveau, réalisée l'ancienne prophétie :

« Un petit enfant les conduira. »

      Une autre question se présente à l'esprit en lisant l'histoire de ces deux frères. Cyril ayant pu se matérialiser lui-même, à force d'amour, de pitié et de volonté, n'est-il pas étrange que Lancelot, qui essayait depuis bien plus longtemps de communiquer avec Walter, n'ait pas réussi à faire de même ?

      Il est certes facile de comprendre pourquoi le pauvre Lancelot n'a pu communiquer avec son frère ; cette impuissance est tout simplement normale. Le fait que Cyril ait pu se matérialiser lui-même est extraordinaire ; celui que Lancelot en ait été incapable ne l'est pas. Cyril, d'ailleurs, éprouvait sans doute des sentiments plus profonds ; puis il savait exactement ce qu'il voulait faire, connaissant la possibilité de se matérialiser et sachant à peu près comment on y parvient. Lancelot, au contraire, qui sait tout cela maintenant, l'ignorait alors.




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