CHAPITRE XI
Naufrages et catastrophes
Il est quelquefois possible aux membres de la troupe des aides de prévenir
des catastrophes
imminentes et d'une certaine importance. Plus d'une fois, quand
le capitaine d'un navire s'était, sans s'en douter, considérablement
écarté de sa route et courait de grands dangers, il a été
possible d'empêcher son naufrage, en lui suggérant mentalement et
avec insistance que quelque chose allait mal. Cet avis se présente généralement
à la conscience cérébrale du capitaine comme une simple intuition
vaguement prémonitoire, mais s'il l'éprouve avec persistance il
est à peu près certain d'en tenir compte et de prendre les mesures
de précaution qui lui viennent à l'
esprit.
Il est arrivé, par exemple, que le capitaine d'un
petit bâtiment marchand, se trouvant beaucoup plus près de terre
qu'il ne supposait et sollicité à plusieurs reprises de jeter la
sonde, commença par résister à cette idée qui lui
semblait inutile et absurde, mais finit en hésitant par en donner l'ordre.
Stupéfait du résultat de ce sondage, il changea immédiatement
de route et s'éloigna de la côte. Au matin seulement il comprit combien
il avait été près d'un effroyable désastre.
Mais souvent aussi une catastrophe présente un caractère
karmique et, par conséquent, ne peut être empêchée.
Il ne faudrait pas supposer pour cela que, dans des cas semblables, l'assistance
ne puisse pas s'exercer. En admettant que les personnes en danger soient destinées
à mourir et ne puissent, pour cette raison, être sauvées,
elles peuvent du moins dans bien des cas être préparées à
leur sort et certainement aidées ensuite au delà de la mort. Nous
irons même jusqu'à dire que, dans toutes les grandes catastrophes,
des aides sont toujours et spécialement envoyés sur les lieux.
C'est ce qui s'est produit il y a quelques années
dans deux circonstances : le naufrage du
Drummond Castle, à
hauteur
de l'île d'Ouessant, et le terrible cyclone qui a dévasté
la ville de
Saint-Louis, en Amérique. Dans l'un et l'autre cas, les victimes
furent prévenues quelques minutes avant le sinistre, et les aides firent
de leur mieux pour calmer et relever les
esprits, afin que le malheur, en
fondant
sur elles, les jetât dans un trouble moins grand. Mais naturellement le
travail accompli parmi les victimes de ces deux catastrophes l'a été
principalement sur le plan astral, quand elles eurent quitté leurs
corps
physiques ; nous en parlerons plus loin.
Il est triste de constater combien souvent, dans les moments qui précèdent un sinistre, les aides voient leur tâche de
charité entravée par la panique folle régnant parmi les personnes en danger, quelquefois par pis encore, l'ivresse sauvage des hommes qu'ils s'efforcent de secourir. Bien des navires ont sombré, presque tous à bord étant plongés dans une ivresse furieuse et par conséquent incapables de profiter aussi bien avant la mort que très longtemps après de l'aide qui leur était offerte.
S'il arrivait jamais à l'un de nous de se trouver menacé par un danger
imminent et impossible à éviter, il devrait essayer de se rappeler que le secours est certainement proche et qu'il dépend entièrement de lui-même de rendre la tâche des aides facile ou difficile. Si nous envisageons le danger calmement et bravement, reconnaissant qu'il ne peut affecter en rien le véritable ego, nous serons mentalement à même de profiter de la direction que les aides essaient de nous donner ; nous ne saurions guère en recevoir de plus sûre, que son objet soit de nous sauver de la mort ou, en cas d'impossibilité, de nous la faire traverser sous leur garde.
Ce dernier genre d'assistance a été assez souvent donnée, dans des cas d'accidents, à des personnes isolées, comme dans des catastrophes plus générales. Un exemple suffira pour nous expliquer.
Il arriva pendant une des grandes tempêtes qui ont causé tant de désastres sur nos côtes, il y a quelques années, qu'un bateau de pêche chavira en pleine mer. L'équipage ne comptait qu'un vieux pêcheur et un mousse. Le premier parvint à se cramponner pendant quelques minutes au bateau renversé. Il n'y avait aucun secours matériel à espérer et, s'il y en avait eu, rien n'aurait pu être tenté dans une tempête aussi furieuse. Le pêcheur savait donc qu'il n'y avait pas d'espoir et que la mort ne pouvait être pour lui qu'une question de minutes. Il éprouvait à cette pensée une grande terreur, étant particulièrement impressionné par la solitude saisissante de cette immense étendue d'
eau déserte. Et puis il pensait avec angoisse à sa femme, à ses
enfants et à la situation difficile où les mettrait sa disparition subite. Une aide qui passait,
voyant sa situation, essaya de lui donner courage, mais, constatant qu'il avait l'
esprit trop agité pour se prêter à aucune suggestion, elle jugea bon de se montrer pour rendre son assistance plus effective. En racontant ensuite l'incident, elle dit que la manière dont se transforma le visage du pêcheur, en l'apercevant, fut merveilleuse.
Voyant au-dessus de lui cet être lumineux, debout sur la barque, il crut naturellement qu'un
ange lui avait été envoyé pour lui donner courage dans sa détresse et sentit que non seulement il serait porté et gardé en passant les portes de la mort, mais encore que les siens seraient certainement secourus. Aussi, quand survint la fin, quelques instants plus tard, il se trouvait dans un état d'
esprit très différent de la terreur et des perplexités qui l'accablaient auparavant et tout naturellement quand, reprenant ses sens sur le plan astral, il y retrouva « l'
ange », il se sentit en confiance et prêt à accepter ses conseils dans l'existence nouvelle qui s'ouvrait pour lui.
Un peu plus tard, cette même aide eut à s'acquitter d'une tâche analogue. Voici le récit qu'elle en a fait depuis :
« Vous vous souvenez de ce paquebot qui a péri dans le cyclone de la fin novembre dernier. Je me rendis dans la cabine où avaient été enfermées une douzaine de femmes et les trouvai se lamentant de la façon la plus déchirante, sanglotant et gémissant de terreur. Le navire devait sombrer.
Aucun secours n'était possible, et quitter ce monde dans cet état frénétique était la pire manière de faire son entrée dans l'autre. Pour les calmer, je me matérialisai donc, et naturellement les pauvres créatures me prirent pour un
ange. Tous tombèrent à genoux et me supplièrent de les sauver. Une pauvre mère mit son bébé dans mes bras, m'implorant de sauver au moins celui-là. Nous nous mîmes à causer. Bientôt elles furent calmes et tranquilles ; le tout petit s'endormit en souriant ; les femmes ne tardèrent pas à s'assoupir, elles aussi, et je remplis leur
esprit des pensées du monde céleste ; elles ne se réveillèrent donc pas au dernier moment quand le navire s'enfonça. Je restai avec elles, pour m'assurer qu'elles traverseraient en dormant l'instant suprême. Elles passèrent en effet, sans faire un mouvement, du sommeil à la mort. »
Voilà de nouveau un cas où les personnes assistées avaient évidemment eu et l'immense avantage de pouvoir recevoir la mort d'une manière calme et raisonnable, et celui, plus important encore d'être reçues sur l'autre rive par une amie qu'elles étaient déjà disposées à aimer avec confiance, une amie connaissant parfaitement le monde nouveau où elles se trouvaient maintenant et à même, non seulement de les rassurer sur leur sort, mais encore de leur donner des conseils sur la manière de régler leur existence dans cette nouvelle situation si différente de la précédente. Ceci nous
amène à considérer un des côtés les plus vastes et les plus importants du travail des aides invisibles : la direction et l'aide qu'ils peuvent donner aux morts.