Biographie universelle ancienne et moderne Childéric II, second fils de
Clovis II et de Batilde, eut en partage le royaume d'
Austrasie, et commença à régner en 660, étant à peine âgé de sept ans. A la mort de Clotaire III, son
frère, il réunit à la
couronne qu'il possédait les royaumes de
Bourgogne et de
Neustrie. C'est la cinquième fois, depuis l'entrée du grand Clovis dans les Gaules, que la monarchie française se trouve gouvernée par un roi. Une grand injustice avait été commise à la mort de
Clovis II, puisque Thierry, le troisième et le dernier de ses fils,
n'avait pas été appelé au partage du royaume. Comme ce prince
était encore au berceau, on négligea de le confiner dans un
monastère, suivant l'usage de ce temps ; mais il était aisé de prévoir qu'au milieu des
factions qui divisaient les grands, il se trouverait quelque
jour un ambitieux qui prendrait en main la cause de Thierry, s'il trouvait son
avantage à se déclarer le défenseur de l'innocence opprimée.
En effet,
Ebroïn,
maire du palais sous Clotaire III, sentit que la mort de ce prince le mettait à la merci des grands qu'il avait offensés par ses
hauteurs, du peuple, victime de son avarice, et le livrait au ressentiment de la cour d'
Austrasie, où tous ceux qui redoutaient son ambition et sa cruauté avaient été chercher un refuge. Seul, sans parti, odieux à toutes les classes de l'Etat, il prend une résolution digne de son caractère : il fait monter Thierry sur le trône de Clotaire III, lui donne ainsi les royaumes de
Bourgogne et de
Neustrie, sans consulter les principaux personnages de l'Etat, et pousse l'impudence jusqu'à leur défendre de venir saluer le chef sous lequel il va régner de nouveau. C'est réparer une injustice d'une manière trop violente pour faire des partisans au nouveau roi. Le mécontentement fut extrême ;
Ebroïn s'y attendait sans doute, mais il espérait profiter de la multiplicté des partis pour les asservir : il n'en eut pas le temps. Léger,
évêque d'
Autun, sut les réunir ; ils députèrent vers Childéric, qui vint d'
Austrasie avec une armée, fut accueilli des peuples comme un libérateur, se saisit d'
Ebroïn, qu'il aurait livré à sa mort, si Léger n'avait obtenu la vie du coupable, qu'on se contenta d'envoyer au
monastère de
Luxeuil pour y faire pénitence. Cette
indulgence de Léger est blâmée par les
historiens ; il est vrai qu'il eut lieu de s'en repentir ; mais ce
prélat, aussi éclairé que vertueux, donnait, dans un siècle de
faction et de cruauté, un exemple dont il pouvait prévoir qu'il réclamerait un
jour l'application pour lui-même. Thierry, roi d'un moment, fut rasé et confiné dans l'
abbaye de St-Denis, jusqu'à ce que de nouveaux événements le reportassent sur le trône. Lorsque son
frère Childéric l'interrogea sur ce qu'il pouvait faire pour
adoucir son malheur : « Je ne demande rien de vous, répondit-il, mais j'attends de
Dieu la vengeance de l'injustice qu'on me fait. » Les grands, qui venaient de donner deux
royaumes à Childéric II, saisirent cette occasion pour exiger la
réforme des abus qui s'étaient introduits dans le gouvernement ; leur requête contenait quatre articles, qui tous tendaient à revenir aux anciennes lois et coutumes, et surtout à ce que le roi ne mît pas entre les mains d'un seul toute l'autorité, afin que les seigneurs n'eussent pas le chagrin de se voir sous les pieds d'un de leurs égaux, et que chacun eût part aux honneurs où sa naissance lui donnait le droit d'aspirer.
Ebroïn leur avait appris à redouter le pouvoir d'un ministre.
La principale autorité fut confiée à Léger, auteur de la révolution qui s'était opérée si heureusement ; mais un roi livré à ses passions, incapable de se conduire lui-même, fut bientôt fatigué des conseils d'un ministre vertueux. Révolté de ses remontrances, il conçut contre lui une haine d'autant plus violente qu'il le craignait pour les services qu'il lui avait rendus depuis qu'il n'en conservait plus de reconnaissance. La mort de l'
évêque d'
Autun fut résolue ; il l'évita en paraissant ne pas la craindre ; mais il fut dégradé et confiné dans le même
monastère de
Luxeuil, où languissait
Ebroïn ; et ces deux hommes, que d'autres événements devaient rappeler à leur ancienne rivalité, se traitèrent avec amitié tant qu'ils vécurent dans la même disgrâce.
Childéric II, débarrassé de la contrainte que lui imposaient les vertus de Léger, se fit détester par ses violences ; il poussa l'oubli des égards
dus aux descendants des
compagnons du grand Clovis, jusqu'à faire attacher à un poteau, et
battre comme un esclave, un seigneur nommé Bodillon, « pour avoir osé, dit Velly, lui représenter le danger d'un impôt excessif qu'il méditer d'établir. » Celui-ci, pour mieux assurer sa vengeance, s'unit à ceux qui, comme lui, avaient essuyé des injures personnelles, et profita d'une partie de chasse dans la
forêt de
Livry, pour tuer le roi de sa propre main, tandis que d'autres massacraient la reine
Blitilde, qui était enceinte, et l'aîné de ses fils, nommé Dagobert. Le plus jeune échappa à la rage des conjurés, et fut élevé dans un
monastère, pour reparaître à son tour comme Thierry, que la mort violente de son
frère fit passer de l'
abbaye de St-Denis au trône. Léger et
Ebroïn sortirent également du
monastère de
Luxeuil, trouvèrent des partis prêts à les seconder, et le royaume dans une telle confusion, que, selon un auteur de ce temps, on s'attendait à la fin du monde, attente qui, du reste, ne suspendit aucune ambition. Childéric II avait à peine 24 ans, lorsqu'il fut assassiné en 673. Il fut enterré dans l'
église de St-Vincent de
Paris. (Voyez
Lacarry.)
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 8 - Pages 146-147)