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David Téniers, dit le Jeune

(1610, à Anvers - Février 1685)
Peintre flamand
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Biographie universelle ancienne et moderne

      David Téniers, dit le Jeune, fils et élève de David Téniers le Vieux, naquit à Anvers en 1610. Plusieurs biographes prétendent qu'il quitta l'atelier de Téniers le Vieux pour celui d'Adrien Brauwer, et qu'il reçut même des leçons de Rubens. D'autres ajoutent qu'il fut aussi élève d'Elzheimer ; mais ces faits sont niés par Dezallier-Dargenville, dont l'honneur semble intéressé à prouver que le fils n'eut jamais d'autre maître que son père. La vérité est qu'à l'époque de ses débuts dans la carrière des arts, Téniers le Jeune imitait alternativement, et avec une merveilleuse habileté, la plupart des peintres de son temps, d'où l'on pouvait en effet conclure qu'il avait alternativement pris de leurs leçons. Ce fut ce talent tout particulier qui établit d'abord sa réputation à Anvers et le fit surnommer le Protée ou le Singe de la peinture. Se trouvant un jour dans un cabaret du village d'Oyssel, il s'aperçut, au moment de sortir, qu'il n'avait pas de quoi payer sa dépense. Il fit approcher un aveugle qui jouait de la flûte, le peignit et eut le bonheur de vendre trois ducats son tableau à un voyageur anglais (1) qui s'était arrêté dans le cabaret pour changer de chevaux. Fort heureusement, Téniers sentit d'assez bonne heure la nécessité d'être autre choses qu'un faiseur de pastiches ; et, après avoir copié avec une fidélité surprenante toute la galerie de l'archiduc Léopold-Guillaume, après avoir composé une foule de tableaux où la manière du Tintoret et de Rubens était reproduite au point de tromper les yeux les plus exercés, il prit la ferme résolution de ne plus imiter que la nature. C'est de cette époque seulement que date sa véritable gloire.
      La vie de Téniers le jeune fut peu fertile en événements. La douceur de ses mœurs et la régularité de sa conduite lui valurent l'estime de tous ses compatriotes. L'archiduc Léopold le fit gentilhomme de sa chambre ; la reine Christine lui donna son portrait avec une chaîne d'or ; le prince don Juan d'Autriche voulut être son élève (2) ; enfin le roi d'Espagne, le prince d'Orange, le comte de Fuensaldagna et l'évêque de Gand le protégèrent. Il n'y eut guère que Louis XIV qui ne sentit point ou ne voulut pas apprécier le mérite de ce peintre. Un jour que le valet de chambre de ce grand roi venait de placer dans les petits appartements quelques scènes flamandes de Téniers, le monarque s'écria en les voyant : Qu'on enlève tous ces magots.
      Fatigué des nombreuses visites qui l'empêchaient de travailler, Téniers le Jeune quitta sa ville natale pour se retirer dans le village de Perth, entre Malines et Anvers ; il se proposait d'y étudier de plus près les mœurs et les habitudes des paysans qu'il aimait à représenter ; mais cette retraite champêtre devint bientôt, à son grand regret, le rendez-vous de toute la noblesse du pays ; et il est à remarquer que celui de tous les peintres flamands dont les ouvrages sont le plus populaire fut aussi celui qui vécut le plus habituellement dans les hautes classes de la société. On rapporte que, dans l'espérance de vendre ses tableaux mieux qu'il n'avait pu le faire jusqu'alors, il se fit un jour passer pour mort, et que, grâce à ce stratagème, dont sa femme et ses enfants étaient complices, il fit un gain considérable ; mais bien que cette anecdote ait fourni à MM. Jos. Pain et Bouillet un vaudeville représenté, en 1800, sous le titre de Téniers (3), il est permis de la révoquer en doute ; on raconte la même chose de Rembrandt, et c'est avec plus de vraisemblance.

      Aucun peintre ne surpassa, n'égala même Téniers le Jeune, pour la facilité et la légèreté du pinceau ; aucun n'eut un sentiment plus intime et plus prompt de la vérité. Ce n'est pas seulement la forme grotesque et le costume des villageois de son pays qu'il sut rendre dans la perfection ; il a peint avec une justesse d'expression et une naïveté admirables le jeu de leur physionomie, leurs moeurs, leurs passions, leurs caractères individuels, et jusqu'à la moindre des nuances qu'établissait entre ces hommes rustiques la diversité des fortunes et des conditions. Reynolds regrette à tort, il nous semble, que Téniers n'ait pas employé à des sujets nobles l'élégance et la précision de son pinceau. Téniers, suivant toute apparence, n'eût été qu'un peintre médiocre dans un genre où cette élégance et cette précision n'auraient jamais pu suppléer au goût inné des belles formes et du grand style. La touche de Téniers est vive, légère, spirituelle. Ses tons de couleur sont vrais et riches. Il lui arriva quelquefois de tomber dans le gris, en cherchant plus qu'il ne le devait cette harmonie de lumière argentine qu'on avait souvent admirée dans ses ouvrages. Une seule observation que lui fit à ce sujet Rubens l'eut bientôt corrigé de ce léger défaut. Ses paysages, en général, ne sont pas d'un excellent choix, du moins par rapport à la richesse des sites et des perspectives ; mais ils ont, au plus haut degré, comme ses figures, le mérite de la vérité locale. On ne saurait y répandre le jour et faire en quelque sorte sentir la fluidité de l'air. Ses groupes, d'ailleurs, sont liés avec art, son dessin a de la finesse et ne laisse rien à désirer sous le rapport de l'exactitude. La rapidité de son exécution était prodigieuse. Il y a tel de ses tableaux les plus estimés qui ne lui a pas coûté plus d'une journée de travail. Aussi disait-il en riant que pour rassembler tous ses ouvrages, il faudrait une galerie longue de deux lieues. Les connaisseurs faisaient un cas particulier de ce qu'il appelait ses Après-souper. C'étaient de petites compositions qu'il aimait à peindre le soir, comme par délassement, et qui étaient claires dans toutes les parties. On y admirait surtout l'intelligence avec laquelle il savait détacher tous les objets, exprimer toutes les distances, sans aucune des ressources que les peintres ordinaires cherchent dans le jeu des oppositions.

      Le musée du Louvre possède quinze tableaux de ce maître, parmi lesquels on remarque particulièrement les Œuvres de miséricorde, l'Enfant prodigue, une Tentation de saint Antoine, la Chasse au héron, le Joueur de cornemuse et la Noce de village. Ses autres ouvrages sont répandus avec profusion en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, et cependant ils se soutiennent toujours dans le commerce à un prix très élevé. Téniers a aussi laissé des dessins au crayon noir, qui sont également recherchés des amateurs. Ceux qu'on voit aujourd'hui dans la galerie d'Apollon, au Museum, représentent une fête villageoise et une réunion de fumeurs. Les estampes d'après ce maître sont innombrables. La plupart sont dues à la pointe piquante et spirituelle de Lebas, qui s'était parfaitement pénétré de l'esprit du modèle. Téniers lui-même a gravé à l'eau-forte quelques-uns de ses tableaux. Une partie de son œuvre a été publiée sous le titre de Theatrum pictorium, Anvers, 1658, 1660, 1684, 245 planches ; et en français, 1755, in-fol., intitulé Le grand cabinet de tableaux de l'archiduc Léopold-Guillaume, peint par des maîtres italiens et dessiné par David Téniers. Il avait été nommé directeur de l'académie d'Anvers en 1644 (4).


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(1)  Ce voyageur était lord Falton ; il conserva longtemps ce tableau, que les connaisseurs s'obstinaient à regarder comme le chef-d'œuvre de Ténierq, mais un vol le lui fit perdre. Il a été retrouvé en Perse, en 1804, par le colonel Dikson, avec plusieurs autres compositions du même.

(2)  On rapporte même qu'après avoir logé quelques mois chez Téniers, ce prince peignit de sa main un des fils de son hôte.

(3)  Une pièce portant le même titre a été jouée au théâtre de Münich. (Voyez le Magasin encyclopédique, 1807, t. 6, p. 394.)

(4)  On avait ignoré jusqu'à ce jour la date précise du décès de Davis Téniers le Jeune ; grâce à M. Charles de Brou, de Bruxelles, toutes les contradictions des biographes disparaissent. Voici ce qu'a rencontré l'heureux chercheur dans les registres d'inhumation de l'église de Caudenberg, à Bruxelles : « Le 11 février 1685, sieur David Téniers (inhumé) dans l'église de Caudenberg, (demeurant) rue Haute, à côté de la Porte-Rouge. »

      Ajoutons que M. Charles de Brou a publié sa précieuse découverte dans le Bulletin de l'art et d'archéologie, en accompagnant son texte d'une lithographie représentant la maison de la rue Haute, et qu'il existe un tirage à part de cet article ; Téniers s'était remarié dans cette maison en 1656, et sa vente y eut lieu le 04 juin 1685 et jours suivants.  (Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 41 - Pages 141-143)


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