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Frédégonde

(v. 545, à Montdidier - 597, à Paris)
Reine de Neustrie
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Frédégonde (~545 - 597)      Frédégonde, reine de France, non moins célèbre par ses crimes que par ses succès, naquit à Montdidier en 543 de parents obscurs dont on ne connaît ni l'origine, ni l'état, ni même le nom. Par ses talents autant que par sa beauté, elle s'éleva successivement jusqu'au trône, qu'elle occupa avec gloire pendant quinze ans, après avoir effrayé la terre pendant vingt années par ses forfaits. Elle entra au service d'Audouerre, première femme de Chilpéric, roi de Soissons, et devint sa confidente et bientôt sa rivale. Chilpéric, qu'on a nommé le Néron de la France, et qui fut réellement le bourreau de sa famille et le tyran de ses sujets, remarqua la beauté de Frédégonde, se laissa subjuguer par ses artifices et ne dut peut-être qu'à ses faiblesses pour elle la perversité de son caractère et l'infamie de sa réputation. Celle-ci, devenue maîtresse, aspira au titre d'épouse, et pour y parvenir se servit d'un stratagème qui mérite d'être connu, parce qu'il peint les mœurs de ces temps barbares. Tandis que Chilpéric était occupé à faire la guerre aux Saxons, la reine Audouerre accoucha d'une fille, qu'on différa de baptiser jusqu'au retour du roi : alors, tout étant prêt pour la cérémonie, la marraine, gagnée par Frédégonde, ne parut pas et ne put être trouvée, quelques recherches qu'on en fît ; la reine, qui s'impatientait de ces retards, ne put s'empêcher d'en montrer du chagrin : « Qui vous empêche, lui dit l'adroite confidente, de tenir vous-même votre enfant sur les fonts de baptême ? Aucune loi ne s'y oppose. » La reine tomba dans le piège qu'on lui tendait : elle consentit à être la marraine de sa fille ; elle ignorait que, d'après les lois de l'Eglise, les parrain et marraine d'un enfant contractaient avec ses père et mère une alliance spirituelle qui interdisait toutes les autres. Frédégonde, plus instruite, alla trouver le roi et lui dit en riant qu'il n'avait plus de femme, par la raison que nous venons de dire. Chilpéric, aussi superstitieux que libertin, se consola aisément d'un accident qui lui rendait sa liberté. Il exila l'évêque qui avait baptisé sa fille et força sa malheureuse femme d'entrer dans un couvent et d'y prononcer des vœux éternels. Cependant Frédégonde manqua cette fois son but. Elle obtint bien les honneurs de reine, mais non le titre d'épouse, par une circonstance imprévue. Sigebert, roi d'Austrasie et frère de Chilpéric, avait toutes les vertus qui manquaient à son frère et venait d'épouser Brunehaut, fille d'Athanalgide, roi d'Espagne, la princesse la plus accomplie de ces temps-là. A cette occasion, ses peuples se livrèrent à la plus grande joie. Ceux du royaume de Soissons s'affligeaient, au contraire, de voir leur roi enchaîné dans les liens d'une indigne courtisane. Il entendit leurs plaintes et résolut de les faire cesser en faisant demander en mariage la princesse Galsuinde, sœur aînée de Brunehaut. Ce ne fut pas sans peine qu'il l'obtint, parce qu'à la cour d'Espagne on connaissait son caractère volage. La nouvelle reine reçut à Rouen les premiers hommages de son mari, le serment de ses sujets, et, de la part de Frédégonde, l'assurance d'un éternel attachement. Mais elle ne tarda pas à s'apercevoir qu'elle avait dans cette femme une rivale et une ennemie. Elle s'en plaignit d'abord à son mari, qui se moqua de ses plaintes, puis dans une assemblée des états, qui obligèrent le roi à éloigner Frédégonde. Mais dès le lendemain, la reine infortunée fut trouvée morte dans son lit. Brunehaut, sa sœur, accusa hautement Chilpéric et Frédégonde de ce lâche assassinat et engagea Sigebert, son mari, à en tirer vengeance. La guerre fut déclarée entre les deux frères et poussée avec une extrême vigueur. Chilpéric fut battu et assiégé dans la ville de Tournai. Il était perdu sans ressource, lorsque Frédégonde, qui était devenue enfin sa femme, fit venir deux scélérats, natifs de Thérouane, et, leur remettant à chacun un poignard empoisonné, leur dit : « Voilà le seul moyen de sauver votre roi, votre reine et vous-mêmes, dont la fortune est attachée à la mienne ». Trois jours après, Sigebert fut assassiné. Frédégonde profita du trouble où cette mort jeta l'armée des assiégeants pour les attaquer, les combattit avec succès, les poursuivit jusque dans Paris, où elle s'empara de Brunehaut et de ses filles ; elle fit renfermer celles-ci dans un couvent et conduire la reine à Rouen, où elle la fit garder à vue, n'osant pas la faire mourir, de peur d'exciter une sédition dans la ville.

      Chilpéric avait eu de sa première femme trois enfants, dont le dernier, nommé Mérovée, donnait les plus belles espérances. Frédégonde en fut jalouse, tant parce qu'ils éloignaient les siens du trône que parce qu'ils n'avaient pas pour elle les égards qu'elle exigeait. Elle les fit périr successivement.

      Peu de temps après la mort de Mérovée, Chilpéric lui-même tomba sous les coups d'un assassin, qui se sauva à la faveur des ténèbres. On n'a jamais connu bien exactement le véritable auteur de cet attentat. Frédégaire, qui semble 'avoir écrit que pour flétrir la réputationde Brunehaut, ne craint pas de l'en accuser ; mais Grégoire de Tours n'en dit pa un mot, et l'auteur du livre intitulé : Gesta regum Fracorum en accuse au contraire Frédégonde, et voici comment il raconte le fait : « Chilpéric, prêt à partir pour la chasse, monta dans la chambre de sa femme par un escalier dérobé. Celle-ci crut que c'était Landri, avec lequel elle vivait dans une trop grande familiarité. Un mot qui lui échappa découvrit toute l'intrigue à l'homme du monde à qui il était le plus important de la tenir cachée. Le roi sortit brusquement et d'un air rêveur. Frédégonde instruisit son amant de cette fatale aventure ; et le scélérat, pour éviter sa perte, osa faire assasssiner son maître. »

      Quoique Chilpéric fût universellement haï, sa mort violente n'en excita pas moins l'indignation des rois de Bourgogne et d'Austrasie, qui résolurent de la venger. Childebert II, roi d'Austrasie, qui accusait avec raison Frédégonde de la mort de son père, fut le premier sous les armes et attaqua brusquement cette femme, coupable de tant de crimes, qui fut abandonnée de tout le monde et ne trouva moyen de se soustraire au ressentiment de son ennemi qu'en se réfugiant dans l'église de Paris, d'où elle écrivit à Gontran, roi de Bourgogne, une lettre touchante, pour le supplier de la prendre, elle et son fils, sous sa puissante protection contre les violences de Childebert II. Le faible Gontran se laissa gagner, prit en effet Frédégonde et son fils sous sa protection, obligea le roi d'Austrasie à s'éloigner et nomma Frédégonde régente du royaume. C'était anciennement le privilège des reines mères. C'est ainsi que Brunehaut sous Childebert II, Batilde sous Clotaire III, Nantilde sous Clovis II, Alix de Champagne sous Philippe-Auguste, Blanche de Castille sous saint Louis, Louise de Savoie sous François Ier, Catherine de Médicis sous Charles IX, Anne d'Autriche sous Louis XIV, gouvernèrent l'Etat avec une autorité absolue, pendant la minorité ou en l'absence des rois leurs fils.

      Revêtue de toute la puissance royale, Frédégonde gouverna ses peuples avec sagesse et continua de combattre ses ennemis avec les armes de la perfidie. Elle ne pardonnait point au roi d'Austrasie de l'avoir réduite à chercher un asile dans une église : elle chargea deux clercs de le poignarder et leur promit pour récompense les premières dignités de l'Eglise. Les misérables furent découverts et coupés par morceaux. Gontran lui-même, le libérateur de Frédégonde, le père, le tuteur, le protecteur de son fils, ne fut point à l'abri de ses attentats. Un jour qu'il entrait dans sa chapelle pour entendre matines, il surprit et désarma un assassin qu'elle avait envoyé pour le tuer. Une autre fois, lorsqu'il allait communier, un homme l'aborde ; mais, soit remords, soit frayeur, il laisse échapper son poignard : on l'arrête, on l'interroge, et il avoue qu'il est envoyé par Frédégonde.

      Tant de crimes lassèrent les rois de Bourgogne et d'Austrasie. Ils s'unirent contre un monstre qui paraissait acharné à leur perte ; mais ils furent battus complètement par ce monstre qui semblait destiné à effrayer l'univers par ses forfaits et à l'éblouir par ses succès. Frédégonde était arrivée au plus haut point de prospérité. Une couronne obtenue par l'éclat de ses charmes, conservée par la force de son génie ; un mari rétabli par son moyen sur un trône que ses perfidies lui avaient fait perdre ; une minorité conduite avec tout l'art de la politique la plus consommée ; une régence illustrée par deux grandes victoires, un nouveau royaume conquis et assuré au roi son fils, tout publiait la gloire de cette habile princesse. On oubliait presque qu'elle avait immolé à son ambition ou à sa sûreté un grand roi, son mari, deux vertueuses reines, trois fils de roi, des prélats, des généraux et une infinité d'autres victimes non moins illustres.

      Ce fut ce moment de triomphe que le Ciel choisit pour l'enlever de ce monde et terminer sa carrière, comme s'il eût appréhendé que le brillant éclat de tant de succès ne diminuât l'horreur qu'on devait à tant de forfaits. Frédégonde mourut de mort naturelle en 597, âgée de 55 ans, et fut enterrée dans l'église de St-Germain-des-Prés. « Il y a dans le chœur de cette église, dit le Père Daniel, un tombeau sur lequel on voit la figure plate d'une reine, en mosaïque. On prétend que c'est la figure de Frédégonde, et l'inscription le dit. Il y a beaucoup d'apparence que cette figure est originale et que ce n'est point un ouvrage fait plusieurs siècles après la mort de la princesse qu'elle représente, comme le sont les tombeaux de Childebert et de Chilpéric, qu'on voit dans la même église ». M. Lenoir croit que cette mosaïque en émaux, transportée vers la fin du XVIIIème siècle avec le tombeau de Frédégonde au Musée des monuments français, et de l'an 600, mais que l'inscription Fredegundia regina, uxor Chilperici regis, est d'une date plus récente. Dreux-Duradier, dans ses Mémoires historiques des reines et régentes de France, a entrepris de réhabiliter la mémoire de Frédégonde en la présentant comme une héroïne dont le caractère sublime offre seulement quelques taches. Ces paradoxes ont été victorieusement réfutés par Gaillard, dans le Journal des savants de janvier 1763, p. 13 et suivantes.  (Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 15 - Pages 57-58)




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