Biographie universelle ancienne et moderne Jeanne II, reine de Naples, fille de Charles III de
Duras, succéda en 1414 à Ladislas, son
frère, et mourut en 1435. Elle était déjà nubile à la mort de son père, en 1386, tandis que Ladislas, son
frère, n'avait encore que dix ans. Jeanne, pendant la régence de Marguerite de
Duras, sa mère, fut souvent fugitive de ville en ville devant le parti d'
Anjou qui triomphait ; mais, lorsque Ladislas fut majeur, il assura la victoire au parti de
Duras, et il en profita pour procurer à sa sur un
mariage avantageux : Jeanne épousa en 1404 Guillaume, fils de Léopold III,
duc d'Autriche ; mais Guillaume mourut dès l'année 1406, et Jeanne revint à la cour de son
frère. Elle y fut témoin des
débordements de Ladislas, et portée déjà par elle-même
à la galanterie, elle s'y abandonna sans retenue.
Ladislas étant mort sans
enfants le 06 août 1414, elle lui succéda. Aussitôt elle produisit au grand
jour ses favoris et elle les combla de biens et se dignités. Le premier fut Pandolfello Alopo, homme de basse naissance, que sa figure seule lui avait fait distinguer : elle le nomma grand
sénéchal du royaume. Elle avait en même temps d'autres amants, et elle crut pouvoir se donner aussi un mari ; mais Jacques, comte de la
Marche, qu'elle épousa le 10 août 1415, ne se contenta pas de réprimer ces désordres : il les punit avec perfidie et férocité. Pandolfello Alopo périt dans des tourments atroces ; d''autres favoris de la reine furent également livrés au supplice, et Jeanne, prisonnière de son mari, fut privée de la
couronne dont elle-même lui avait fait part. Un vieux chevalier français lui avait été donné pour geôlier : il ne la perdait pas de
vue un instant. Les sujets de Jeanne s'indignèrent de la voir réduite à une si honteuse captivité : ils prirent les armes en sa faveur le 13 septembre 1416, et Jacques, après avoir été le tyran, ne fut plus que le premier serviteur de sa femme, souvent même son prisonnier, jusqu'en 1419, que, s'étant échappé du palais, il retourna en France. Le premier usage que fit Jeanne de la
liberté qu'elle recouvra fut de se donner un nouveau favori : son choix se fixa sur Gianni Caraccioli, et elle lui demeura constante,
sinon fidèle, jusque près de la fin de sa vie.
Cependant la noblesse orgueilleuse de Naples se soumettait
à peine à l'autorité royale ; les
barons exerçaient
sur leurs
vassaux un pouvoir presque absolu, et, dès qu'ils se sentaient
blessés dans leur vanité ou dans les privilèges qu'íls
s'arrogeaient, ils avaient recours aux armes. Jeanne était la dernière
de sa race, et l'on ne lui voyait d'héritiers que dans la maison rivale
d'
Anjou. Les armées étaient la propriété de
condottieri
qui entretenaient les soldats à leurs frais et qui ne louaient leurs services
aux souverains que pour un temps convenu. La rivalité de Sforza, de Braccio
et de Jacques Caldora, les plus fameux
condottieri de ce siècle, tint la
cour de Jeanne II dans de continuelles alarmes. Cependant, elle réussit
à défendre son trône, au milieu des révolutions dont
elle était sans cesse menacée, en opposant l'un à l'autre
ces généraux célèbres. Sforza s'était allié
en 1420 à Louis III d'
Anjou, petit-fils de celui que Jeanne Ière
avait adopté. Jeanne II, pour se défendre contre lui, invoqua le
secours d'Alphonse V d'
Aragon, qui, depuis 1416, avait succédé au
royaume de
Sicile ; elle lui offrit de l'adopter pour fils et de lui livrer quelques
unes de ses forteresses, pourvu qu'en retour il la protégeât pendant
le reste de sa vie. En effet Alphonse fit lever à Sforza le siège
de Naples ; il assura les services de Braccio à Jeanne, et il contraignit
son rival à la retraite ; mais, n'ayant point la patience d'attendre la
récompense tardive que Jeanne lui promettait à sa mort, il fit arrêter
Caraccioli le 22 mai 1423, et il tenta de s'emparer aussi de la personne de la
reine. Celle-ci, alarmée de la captivité de son favori, déclara
immédiatement la guerre à son fils adoptif et révoqua une
adoption que l'ingratitude d'Alphonse annulait déjà : elle lui substitua
Louis III d'
Anjou, qui échangea volontiers des droits contestés
contre l'assurance d'un héritage. Louis ramena Sforza au service de la
reine qu'ils avaient voulu
dépouiller peu de temps auparavant ; avant la
fin de l'année, les Aragonais furent obligés d'évacuer le
royaume de Naples, et Jeanne recommença, depuis l'année 1424, à
régner avec une autorité plus absolue dans ses Etats. Louis d'
Anjou,
qu'elle avait nommé
duc de
Calabre, fixa sa résidence dans cette
province et affecta de se tenir éloigné du gouvernement.
Dès lors, tout se fit dans Naples par l'autorité
de Caraccioli. Jeanne avait entassé sur la tête de son amant les
honneurs, les emplois et les richesses : elle n'avait pu cependant satisfaire
son ambition ou son orgueil. Caraccioli affectait souvent avec elle les manières
et le ton d'un maître, et Jeanne, déjà vieille, avait été
obligée de prendre une confidente pour se consoler avec elle des
hauteurs
de son favori : cette confidente était la
duchesse de Suessa, qui, dès
longtemps ennemie de Caraccioli, profita d'un de ses emportements pour extorquer
à la reine l'ordre de l'arrêter. La
duchesse profita de cet ordre
pour faire tuer Caraccioli dans la nuit du 17 août 1432, sous prétexte
qu'il s'était défendu contre ceux qui devaient l'arrêter.
Jeanne parut touchée de la mort de son favori ; cependant, elle confisqua
ses biens et se livra entièrement entre les mains de ses
ennemis. Dès
lors gouvernée sans partage par la
duchesse de Suessa, incapable d'agir
ou de penser par elle-même, elle parut succomber à une vieillesse
prématurée, suite de la vie désordonnée qu'elle avait
menée. Louis, son fils adoptif, étant mort au mois de novembre 1434,
elle lui substitua par son testament
René, son
frère ; puis elle
mourut peu après, le 02
février 1435, âgée de 65 ans.
Elle laissa le royaume en proie à des guerres civiles que l'extinction
de la première
maison d'Anjou et la double adoption d'Alphonse et de
René
prolongèrent longtemps encore. Alphonse réussit enfin à se
mettre en possession de la succession de Jeanne II.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 21 - Pages 3-4)