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Jacques de Molay

(v. 1243, à Molay - 18 mars 1314, à Paris)
Dernier grand-maître de l'Ordre du Temple
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Biographie universelle ancienne et moderne

      Jacques de Molai, dernier grand maître des Templiers, était de la famille des sires de Longwic et de Raon. Vers l'an 1265, il fut admis, encore très jeune, dans l'ordre des Templiers et reçu par Imbert de Peraudo, visiteur de France et de Poitou, dans la chapelle du Temple, à Beaune. A peine arrivé en Palestine, il se distingua contre les infidèles. A la mort de Guillaume de Beaujeu, quoique Molay ne fût pas dans l'Orient, une élection unanime le nomma grand maître. Il se trouva en 1299 à la reprise de Jérusalem par les chrétiens. Forcé ensuite de se retirer dans l'île d'Arad et de là dans l'île de Chypre, il allait rassembler de nouvelles forces pour venger les revers des armes chrétiennes, lorsque le pape l'appela en France (1305).

      Arrivé avec 60 chevaliers et un trésor très considérable, il fut reçu avec distinction par Philippe le Bel, qui le choisit pour parrain de l'un des enfants de France. En rappelant le grand maître, la politique, qui préparait la destruction de l'ordre, avait donné pour prétexte le projet de réunir l'ordre du Temple et celui de l'Hôpital. Le plan de cette destruction, concerté par le roi et ses agents, fut caché avec tant d'adresse, que, le 13 octobre 1307, tous les Templiers furent arrêtés à la même heure dans toute la France. Le veille de l'arrestation, le grand maître avait porté le poêle à la cérémonie de l'enterrement de la princesse Catherine, héritière de l'empire de Constantinople, épouse du comte de Vaois. Depuis l'arrestation des chevaliers et du grand maître, les destinées de cet illustre chef furent liées à celles de l'ordre entier. On sait que cet ordre avait été institué par des croisés français, dans l'unique but de protéger et de défendre les pèlerins qui se rendaient aux saints lieux. La noblesse et la bravoure des chevaliers, l'utilité et la gloire de leur institution, la rendirent recommandable dès son origine. Les statuts furent dressés dans un concile ; et, pendant deux siècles, les privilèges accordés par les pages, la reconnaissance des rois, des grands et du peuple, l'autorité et le crédit qu'augmentaient chaque jour les exploits et les grandes richesses des Templiers, en firent l'ordre le plus puissant de la chrétienté. Il dut exciter la jalousie, même des rois, parce que, dans le haut rang où il s'était élevé, il était difficile que tous les chefs et tous les chevaliers se maintinssent toujours et partout dans cette sage modération qui aurait pu seule prévenir ou désarmer l'envie et la haine. Malheureusement pour l'ordre, le roi de France eut plusieurs motifs de le perdre, et le principal peut-être, ce fut la pénurie du trésor royal, laquelle le rendit moins difficile sur les moyens de s'approprier une partie des biens de l'ordre, et de jouir de tous pendant longtemps. A l'instant où furent arrêtés le grand maître et tous les chevaliers qui étaient avec lui dans le palais du Temple à Paris, le roi occupa ce palais et s'empara de leurs possessions et de leurs richesses. En arrêtant les autres chevaliers dans les diverses parties de la France, on saisit aussi leurs biens. Des inquisiteurs procédèrent aussitôt contre tous, les interrogèrent en les livrant aux tortures, ou en les menaçant de les y livrer. Partout, ou presque partout, ils arrachèrent au plus grand nombre des chevaliers l'aveu de quelques-uns des crimes honteux dont on les accusait et qui offensaient à la fois la nature, la religion et les mœurs : aux menaces enjoignait des moyens de séduction pour obtenir les aveux qui devaient justifier les rigueurs des mesures employées. Le procès contre les Templiers existe en original à la bibliothèque de Paris. Au commencement des procédures, trente-six chevaliers étaient morts à Paris dans les tortures. Philippe le Bel mit en usage tous les moyens qui pouvaient perdre l'ordre et les chevaliers dans l'opinion publique. Le pape, croyant sa propre autorité blessée par les agents du roi, avait d'abord réclamé en faveur des chevaliers. Philippe sut bientôt calmer les scrupules du pontife. La faculté de théologie applaudit aux mesures du roi, et une assemblée convoquée à Tours, s'expliquant au nom du peuple français, demanda la punition des accusés, et déclara au roi qu'il n'avait pas besoin de l'intervention du pape pour punir des hérétiques notoirement coupables.

      Jacques Molai avait été envoyé avec d'autres chefs de l'ordre auprès du pape, pour s'expliquer devant lui, mais sa marche fut arrêtée à Chinon, où des cardinaux vinrent l'interroger. Des historiens ont cru que Philippe le Bel avait procuré la tiare à Clément V, en lui imposant diverses conditions, l'une desquelles était l'abolition de l'ordre. Dans les premières informations, un très grand nombre de chevaliers firent les aveux exigés ; et l'on croit généralement que le grand maître lui-même céda, comme ceux-ci, ou à la crainte des tourments et de la mort, ou à l'espérance qu'il obtiendrait quelques conditions favorables pour l'ordre, s'il ne résistait pas aux projets de la politique du roi. Cependant le pape, obligé de donner une apparence juridique aux moyens violents qui devaient amener la destruction de l'ordre, convoqua un concile œcuménique à Vienne, et nomma une commission qui se rendit à Paris, afin de prendre contre l'ordre en général une information nécessaire et même indispensable pour motiver la décision du concile. La bulle porte que l'ordre comparaîtra devant le concile, par le ministère de ses défenseurs. Jacques Molai fut amené en présence de ces commissaires du pape, et on lui lut, en langue vulgaire, les pièces de la procédure. Quand il entendit des lettres apostoliques qui supposaient qu'il avait fait à Chinon certains aveux, il manifesta son étonnement et son indignation contre une telle assertion. Un grand nombre de Templiers comparurent après leur chef. L'affaire prit alors un caractère imposant et extraordinaire ; les chevaliers se montrèrent dignes et de l'ordre et d'eux-mêmes, et des grandes familles auxquelles ils avaient l'honneur d'appartenir. La plupart de ceux qui, forcés par les tourments ou la crainte, avaient fait des aveux devant les inquisiteurs, les révoquèrent devant les commissaires du pape. Ils se plaignirent hautement des cruautés qu'on avait exercées envers eux, et déclarèrent en termes énergiques vouloir défendre l'ordre jusqu'à la mort, de corps et d'âme, devant et contre tous, contre tout homme vivant, excepté le pape et le roi, etc., etc. Le grand maître demandait sans cesse qu'on le conduisît en présence du pape, qui devait le juger. 546 Templiers, soit de ceux qui avaient fait des aveux, soit de ceux qui avaient toujours résisté aux moyens des oppresseurs, se déclarèrent et se constituèrent défenseurs de l'ordre. Bientôt d'autres chevaliers, détenus dans les diverses prisons de la France, demandèrent à partager cet honorable péril, et ils furent traduits à cet effet dans les prisons de la capitale. Alors le nombre des défenseurs fut d'environ 900. Il était facile de justifier l'ordre ; et, comme ils commençaient à le faire avec un succès qui déconcertait le roi et ses agents, on imagina un moyen aussi cruel que prompt : ce fut de livrer au jugement des inquisiteurs les chevaliers qui, ayant rétracté les aveux précédents, soutenaient l'innocence de l'ordre. Tous ceux qui persistèrent dans leurs rétractations furent déclarés hérétiques relaps, livrés à la justice séculière et condamnés au feu. Ceux qui n'avaient jamais fait d'aveux et qui ne voulurent pas en faire furent condamnés à la détention perpétuelle, comme chevaliers non réconciliés. Quant à ceux qui ne rétractèrent pas les aveux des impiétés et des turpitudes imputées à l'ordre, ils furent mis en liberté, reçurent l'absolution et furent nommés Templiers réconciliés.

      Pour accuser, interroger, juger les prétendus relaps, les condamner aux flammes et faire exécuter le jugement, il suffit du temps qui s'écoula du lundi 11 mai au lendemain matin. 54 chevaliers périrent à Paris ce jour-là. La procédure indique nominativement quelques-uns des chevaliers qui subirent cet honorable supplice. Il est du devoir de l'histoire de transmettre leurs noms à la postérité. En voici huit sur lesquels il ne peut y avoir aucun doute : Gaucerand de Buris, Guido de Nici, Martin de Nici, Gaultier de Bullens, Jacques de Sansy, Henry d'Anglesi, Laurent de Beaune, Raoul de Frémi. Tous les historiens qui ont parlé du supplice des chevaliers du Temple ont attesté la noble intrépidité qu'ils montrèrent jusqu'à la mort : entonnant les saints cantiques et bravant les tourments avec un courage chevaleresque et une résignation religieuse, ils se montrèrent dignes de la pitié de leurs contemporains et de l'admiration de la postérité. Les commissaires du pape crurent qu'il n'était plus possible de continuer la procédure, quand la franchise, dont la religion et la loi faisaient aux accusés un droit et un devoir pour éclairer le concile qui devait juger l'ordre, devenait un prétexte pour les conduire au bûcher : ils se retirèrent. D'autres exécutions eurent lieu en France et par les mêmes motifs. Dans les pays étrangers, les Templiers, poursuivis à l'instigation du pape et de Phlippe le Bel, résistèrent avec succès, parce que l'on n'avait point recours contre eux aux terribles moyens employés en France. En Portugal, ils furent conservés sous un autre nom (Voyez Denis).

      Le 13 octobre 1311, jour anniversaire de celui où, quatre ans auparavant, ils avaient été arrêtés dans toute la France, le pape ouvrit le concile œcuménique de Vienne : on y lisait les procédures faites contre l'ordre, quand tout à coup 9 chevaliers se présentent, comme délégués de 1500 à 2000, et offrent de prendre la défense de l'ordre accusé. Le pape les fit mettre aux fers, et l'ordre ne fut point défendu par ces dignes mandataires, quoique les membres du concile fussent d'avis de les entendre. Pour imposer aux pères du concile, Philippe le Bel arriva dans Vienne, accompagné de ses trois fils et d'une suite nombreuse de gens de guerre. Bientôt, dans une séance, le pape, sans consulter le concile, publia le décret d'abolition de l'ordre du Temple par voie de provision. Les actes du concile de Vienne ont été soustraits dans le temps, et la bulle même du 02 mai 1312, qui supprime ainsi par voie de provision l'ordre du Temple, n'a été imprimée pour la première fois qu'en 1606. Dans sa bulle Considerantes, publiée quatre jours seulement après la bulle d'abolition, le pape déclare que l'ensemble des informations faites contre l'ordre et les chevaliers n'offre pas des preuves suffisantes pour les croire coupables, mais qu'il en résulte une grande suspicion. C'est de cette forme employée par Clément V contre les Templiers, que Clément XIV se prévalut quand il abolit l'ordre des Jésuites ; dans le bref du 21 juillet 1773, on lit : « Le pape Clément V a supprimé et totalement éteint l'ordre militaire des Templiers, à cause de la mauvaise réputation où il était alors, quoique cet ordre eût été légitimement confirmé, quoiqu'il eût rendu à la république chrétienne des services si éclatants que le saint-siège apostolique l'avait comblé de biens, de privilèges, de pouvoirs, d'exemptions et de permissions, et quoique enfin le concile de Vienne, que ce pontife avait chargé de l'examen de l'affaire, eût été d'avís de s'abstenir de porter un jugement formel et définitif. »

      Il paraît qu'après l'abolition de l'ordre, la persécution contre les chevaliers cessa : cependant Molai était encore en prison à Paris. Il avait toujours réclamé son jugement, que le pape s'était réservé personnellement ; mais le pontife, craignant la présence du grand maître, nomma trois commissaires pour le juger à Paris, ainsi que trois autres chefs de l'ordre. Ces commissaires, ayant appelé les accusés sur un échafaud dressé dans le parvis de Notre-Dame, leur lurent une sentence qui les condamnait à la réclusion perpétuelle. Aussitôt Jacques de Molai, rendant hommage à l'innocence de l'ordre, déclara qu'il savait qu'en parlant ainsi, il se dévouait à la mort, mais qu'il aimait mieux renoncer à la vie que de faire des aveux mensongers qui terniraient la gloire de l'ordre. L'un des trois chevaliers parla de même : le conseil du roi, assemblé à l'instant, les condamna tous deux à la mort, sans réformer la sentence des commissaires du pape, sans faire prononcer aucun tribunal ecclésiastique. Le bûcher fut dressé à la pointe de la petite île de la Seine, à l'endroit même où est la statue de Henri IV. Les deux chevaliers montèrent sur le bûcher, que l'on alluma lentement, et ils furent brûlés à petit feu (18 mars 1314) : jusqu'au dernier soupir, ils protestèrent de leur innocence et de celle de l'ordre. On a dit que leurs cendres furent recueillies pendant la nuit. On a ajouté que le grand maître, avant de mourir, avait cité le pape et le roi au tribunal de Dieu. Si ces sortes de traditions ne sont pas toujours véritables, elles permettent du moins de croire que l'opinion publique, qui les accueillit, jugeait que les condamnés étaient innocents. Toute l'affaire s'explique par ce mot profond de Bossuet : Ils avouèrent dans les tortures, mais ils nièrent dans les supplices.

      Les documents nombreux apportés de Rome il y a quelques années, la publication de la procédure faite contre l'ordre, les débats auxquels a donné lieu la tragédie des Templiers, publiés par Raynouard en 1813, ont permis de jeter un grand jour sur ce grand et terrible événement ; et l'opinion publique paraît désormais fixée sur l'injustice de l'accusation et sur l'innocence de cet ordre célèbre. (Voyez l'Histoire de la condamnation des Templiers, par Dupuy, Bruxelles, 1751, in-4° ; Histoire apologétique des Templiers, par le P. Lejeune, Paris, 1789, 2 vol. in-4° ; Moldenhawer, Process gegen den Orden der Tempelherren, Hambourg, 1792, in-8° ; Mémoires historiques sur les Templiers, par Grouvelle, Paris, 1805, in-8° ; Monuments historiques relatifs à la condamnation des chevaliers du Temple et à l'abolition de leur ordre, par Raynouard, Paris, 1813, in-8°). M. de Hammer a tenté depuis d'établir par de nombreux monuments la réalité des crimes imputés aux Templiers, mais il a été victorieusement réfuté dans le Journal des savants, mars et avril 1819, et dans la Bibliothèque universelle, même année.  (Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 28 - Page 514-516)



Dictionnaire universel d'histoire et de géographie de Bouillet

      Jacques de Molay, dernier grand maître des Templiers, entra dans l'ordre vers 1265, et en devint grand maître à la mort de Guillaume de Beaujeu. Il se préparait à réparer les revers éprouvés par les Chrétiens dans l'Orient, lorsqu'il fut, en 1305, rappelé en France sous un prétexte par le pape Clément V, qui, de concert avec Philippe le Bel, avait décidé la suppression de l'ordre. Il reçut d'abord un très bon accueil ; mais, en 1306, le roi le fit arrêter à l'improviste en accusant tous les Templiers des crimes les plus odieux. Livré à la torture, Jacques de Molay fit quelques aveux, qu'il rétracta plus tard ; il n'en fut pas moins condamné à mort ; il fut brûlé vif le 18 mars 1314, à la point de l'île de la Cité, sur l'emplacement du terre-plein actuel du pont Neuf. On rapporte qu'il cita à jour fixe devant le tribunal de Dieu le pape et le roi, qui, en effet, ne tardèrent pas à y comparaître. Il est probable que les Templiers s'étaient livrés, en effet, à de coupables désordres ; mais leur principal crime était de posséder d'immenses richesses qui excitèrent la cupidité de Philippe le Bel. Cette catastrophe a fourni à Raynouard le sujet de sa belle tragédie des Templiers.  Marie-Nicolas Bouillet, Dictionnaire universel d'histoire et de géographie, 20ème édition (1866), p. 1270.


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