Martinez Pasqualis, chef de la secte dite des Martinistes,
est un de ces personnages qui ont donné le nom à une école
et qui sont eux-mêmes restés inconnus. L'analogie du nom du
disciple
principal avec celui du maître a contribué à faire presque
oublier le véritable chef des Martinistes, avec lequel les feuilles du
jour, en annoncant en 1803 la mort de
Saint-Martin, ont confondu ce dernier.
Les
disciples même les plus intimes de Martinez n'ont point connu sa patrie.
C'est d'après son langage qu'on a présumé qu'il pouvait
être
Portugais et même juif. Il s'annonça en 1754 par l'institution
d'un
rite cabalistique d'élus dits
cohens, en hébreu,
prêtres),
qu'il introduisit dans quelques loges maçonniques en France, à
, à
Toulouse et à
Bordeaux. Ce fut dans cette dernière
ville qu'il enrôla parmi ses
disciples et reçut maçon de
son ordre
Saint-Martin, jeune officier au régiment de
Foix. Martinez
apporta, en 1768, à
Paris ce même
rite, dont le peintre Vanloo
fit connaître l'auteur dans la capitale. Un assez grand nombre de prosélytes
y formèrent la secte qui reçut des loges du nouveau
rite organisé
en 1775 la dénomination de Martinistes. Le livre
des
Erreurs et de la vérité ayant été
publié la même année par
Saint-Martin a pu concourir à
faire confondre celui-ci avec le fondateur de la secte de ce nom. Après
avoir achevé de professer sa doctrine à
Paris, Martinez quitta
soudain ce séjour comme pour aller recueillir une succession, et s'embarqua,
vers 1778, pour Saint-Domingue : il y termina au Port-au-Prince, en 1779, sa
carrière
théurgique, dans laquelle Bacon de la Chevalerie, l'un
de ses
disciples, fut aussi l'un de ses
agents.
Saint-Martin, dans le
Portrait
qui fait partie de ses uvres posthumes, ne s'est pas expliqué sur
le fond de la doctrine de ce maître. Mais par ce qui en perce dans ses
premiers écrits et dans celui d'un autre élève, l'abbé
Fournier, auteur de
Ce que nous avons été,
ce que nous sommes et ce que nous serons (Londres, 1791), on
peut présumer que la doctrine professée par Martinez est cette
cabale des juifs, qui n'est autre que leur métaphysique ou la
science de l'être, comprenant les notions de
Dieu, des
esprits, de l'homme
dans ses divers états. Martinez prétendait posséder la
théorie pratique ou la
clef active de cette science, ayant pour objet
non seulement d'ouvrir des communications intérieures, mais de procurer
des manifestations sensibles. « Dans l'école où j'ai passé
il y a vingt-cinq ans, écrivait
Saint-Martin, en 1793, à son ami
Kirchberger, les communications de tout genre étaient fréquentes
; j'en ai eu ma part comme beaucoup d'autres. Les manifestations du signe du
Réparateur y étaient visibles ; j'y avais été
préparé par des
initiations. Mais, ajoute-t-il. le danger de ces
initiations est de livrer l'homme à des
esprits violents ; et je ne puis
répondre que les formes qui se communiquaient à moi ne fussent
pas des formes d'emprunt. »
Ainsi
Saint-Martin lui-même laissait entrevoir que
dans ces opérations l'on court le risque d'être trompé et
que la
force des impressions peut troubler le moral de ceux qui s'y livrent.
Cependant Martinez n'avait point connu, dit-il,
Jacob Boehme, bien supérieur,
selon lui, au philosophe
portugais, auquel il devait seulement son entrée
dans les régions d'un ordre supérieur, tandis que le philosophe
allemand lui en avait aplani la route. Un traité de la
Réintégration
contenant ce que
Martinez Pasqualis avait écrit de sa doctrine et qu
il lisait ou dictait à ses
disciples est resté inédit,
de même que la correspondance dont on a parlé à l'article
Kirchberger.
(Biographie universelle ancienne
et moderne - Tome 27 - Page 442)