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Lahiri Mahasaya

(Shyama Charan Lahiri)
(30 septembre 1828, à Ghurni, au Bengale - 26 septembre 1895, à Varanasi)
Maître indien de Réalisation Divine - Disciple du Mahavatar Babaji
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Autobiographie d'un Yogi - Chapitre XXXV
La vie christique de Lahiri Mahasaya

Portrait de Lahiri Mahasaya (1828-1895)       « Laisse faire maintenant, car il est convenable que nous accomplissions ainsi tout ce qui est juste. » (Matthieu, 3:15) C'est par ces mots adressés à Jean-le-Baptiste, alors qu'il lui demandait de le baptiser, que Jésus reconnaissait les droits divins de son gourou.

      L'étude respectueuse de la Bible d'un point de vue oriental (1), et ma perception intuitive m'ont convaincu que Jean-le-Baptiste était, dans des vies antérieures, le gourou du Christ. Il existe en effet de nombreux passages de la Bible dont on peut déduire que Jean et Jésus, dans leurs incarnations passées, étaient respectivement Elie et son disciple Elisée.

      La fin même de l'Ancien Testament est une prédiction de la réincarnation d'Elie et d'Elisée : « Voici, je vous enverrai Elie, le prophète, Avant que le jour de l'Eternel arrive, Ce jour grand et redoutable. » (Malachie, 4:5) Ainsi, Jean (Elie) envoyé « avant que le jour de l'Eternel arrive », était né peu avant pour servir d'annonciateur au Christ. Un ange apparut à Zacharie le père pour témoigner que son fils Jean ne serait autre qu'Elie.

      « Mais l'ange lui dit : Ne crains point, Zacharie ; car ta prière a été exaucée. Ta femme Elisabeth t'enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jean. | Il sera pour toi un sujet de joie et d'allégresse, et plusieurs se réjouiront de sa naissance. | Car il sera grand devant le Seigneur. Il ne boira ni vin, ni liqueur enivrante, et il sera rempli de l'Esprit Saint dès le sein de sa mère ; | il ramènera plusieurs des fils d'Israël au Seigneur, leur Dieu ; | il marchera devant Dieu avec l'esprit et la puissance d'Elie, pour ramener les cœurs des pères vers les enfants, et les rebelles à la sagesse des justes, afin de préparer au Seigneur un peuple bien disposé. » (Luc, 1:13-17)

      Jésus parla deux fois sans équivoque d'Elie comme étant Jean : « Mais je vous dis qu'Elie est déjà venu, qu'ils ne l'ont pas reconnu, et qu'ils l'ont traité comme ils ont voulu. De même le Fils de l'homme souffrira de leur part. | Les disciples comprirent alors qu'il leur parlait de Jean Baptiste. » (Matthieu, 17:12-13) Et à nouveau, le Christ leur dit : « Car tous les prophètes et la loi ont prophétisé jusqu'à Jean ; | et, si vous voulez le comprendre, c'est lui qui est l'Elie qui devait venir. » (Matthieu, 11:13-14)

      Lorsque Jean nia être Elie (Jean, 1:21), Il voulait signifier que sous l'humble vêtement de Jean il ne venait plus dans l'élévation extérieure d'Elie, le grand gourou. Dans son incarnation passée, il avait donné le « manteau » de sa gloire ainsi que sa richesse spirituelle à son disciple Elisée. « Lorsqu'ils eurent passé, Elie dit à Elisée : Demande ce que tu veux que je fasse pour toi, avant que je sois enlevé d'avec toi. Elisée répondit : Qu'il y ait sur moi, je te prie, une double portion de ton esprit ! | Elie dit : Tu demandes une chose difficile. Mais si tu me vois pendant que je serai enlevé d'avec toi, cela t'arrivera ainsi ; sinon, cela n'arrivera pas. | Comme ils continuaient à marcher en parlant, voici, un char de feu et des chevaux de feu les séparèrent l'un de l'autre, et Elie monta au ciel dans un tourbillon. | Elisée regardait et criait : Mon père ! mon père ! Char d'Israël et sa cavalerie ! Et il ne le vit plus. Saisissant alors ses vêtements, il les déchira en deux morceaux, | et il releva le manteau qu'Elie avait laissé tomber. » (II Rois, 2:9-14)

      Les rôles s'étaient inversés, parce qu'il n'était plus nécessaire qu'Elie-Jean soit ostensiblement le gourou d'Elisée-Jésus, qui avait maintenant atteint la Réalisation divine.

      Lorsque le Christ fut transfiguré sur la montagne, ce fut son gourou Elie, accompagné de Moïse, qu'il vit. Et à nouveau, lors de ses derniers instants sur la croix, Jésus cria le nom divin : « Eli, Eli, lama sabachthani ? c'est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? | Quelques-uns de ceux qui étaient là, l'ayant entendu, dirent : Il appelle Elie. | Et aussitôt l'un d'eux courut prendre une éponge, qu'il remplit de vinaigre, et, l'ayant fixée à un roseau, il lui donna à boire. | Mais les autres disaient : Laisse, voyons si Elie viendra le sauver. » (Matthieu, 27:46-49)

      Le lien éternel gourou-disciple qui existait entre Jean-le-Baptiste et Jésus existait également entre Babaji et Lahiri Mahasaya. Avec une tendre sollicitude, le gourou éternel avait traversé les eaux du Léthé qui tourbillonnaient entre les deux dernières vies de son chela, et guidé les pas successifs de l'enfant et de l'homme Lahiri Mahasaya. Ce ne fut que lorsque le disciple atteignit l'âge de 33 ans que Babaji jugea que le temps était venu de rétablir ouvertement ce lien qui n'avait jamais été rompu. Alors, après leur brève recontre près de Ranikhet, le maître sans égo bannit son disciple bien-aimé du petit groupe de la montagne, le libérant pour une mission extérieure de portée mondiale. « Mon fils, je viendrai chaque fois que tu auras besoin de moi. » Quel amant mortel peut accorder cette promesse infinie ?

      Ignorée de la société en général, une grande renaissance spirituelle commença à se répandre depuis un coin éloigné de Bénarès. De même que l'on ne peut réprimer la fragrance des fleurs, de la même manière Lahiri Mahasaya, menant une vie tranquille de chef de famille, ne pouvait cacher sa gloire intérieure. Lentement, de tous les coins de l'Inde, les dévots, tels des abeilles, vinrent butiner le nectar émanant du maître libéré.

      Son chef de bureau anglais fut l'un des premiers à noter un changement transcendantal étrange dans son employé, qu'il appelait avec affection « Extatique Babu »

      « Monsieur, vous avez l'air triste. Quel est le problème ? demanda un jour Lahiri Mahasaya à son employeur avec bienveillance.

      – Ma femme en Angleterre est gravement malade. Je suis rongé d'inquiétude.

      – Je vais vous donner quelques nouvelles d'elle. Lahiri Mahasaya quitta la pièce et s'assit un petit moment dans un coin isolé. A son retour, il sourit.

      – Votre épouse va mieux ; elle est en train de vous écrire une lettre. Le yogi omniscient cita quelques passages de la missive.

      – Extatique Babu, je sais déjà que vous n'êtes pas un homme ordinaire. Pourtant, je n'arrive pas à croire que vous pouvez vous affranchir du temps et de l'espace à volonté ! »

      La lettre promise arriva finalement. Le chez stupéfait découvrit qu'elle contenait non seulement la bonne nouvelle du rétablissement de sa femme, mais aussi les mêmes extraits que, quelques semaines auparavant, Lahiri Mahasaya avait cités.

      Sa femme arriva en Inde quelques mois plus tard. Elle visita le bureau, où Lahiri Mahasaya était tranquillement assis à son bureau. La femme l'approcha avec respect.

      « Monsieur, dit-elle, c'est votre forme, entourée d'un halo de gloire, que j'ai contemplée il y a quelques mois sur mon lit de malade à Londres. A ce moment, j'ai été complètement guérie ! Peu après, j'ai pu entreprendre cette longue traversée de l'océan pour venir en Inde. »

      Jour après jour, un ou deux dévots priaient le sublime gourou de leur conférer l'initiation au Kryia. En plus de ces devoirs spirituels, et de ceux de sa vie professionnelle et familiale, le grand maître accordait un intérêt enthousiaste à l'éducation. Il organisa de nombreux groupes d'étude, et joua un rôle actif dans le développement d'un grand lycée dans le quartier Bengalitola de Bénarès. Ses exposés réguliers sur les Ecritures furent bientôt appelés son « Assemblée Gita », à laquelle assistaient de nombreux chercheurs de vérité.

      Par ses multiples activités, Lahiri Mahasaya cherchaient à répondre au défi de la vie de tous les jours : « Une fois accomplis ses devoirs professionnels et sociaux, où est le temps pour la méditation et la dévotion ? » La vie harmonieusement équilibrée du grand gourou-chef de famille devint l'inspiration silencieuse de milliers de cœurs en demande. Ne percevant qu'un modeste salaire, économe, sans ostentation, accessible à tous, le maître suivait naturellement et joyeusement le chemin de la vie terrestre.

      Bien qu'installé sur le siège de l'Etre Suprême, Lahiri Mahasaya témoignait du respect à tous les hommes, sans distinction de leurs mérites. Lorsque ses disciples le saluaient, il s'inclinaient à son tour devant eux. Avec une humilité enfantine, le maître touchait souvent les pieds des autres, tout en ne leur permettant que rarement de lui rendre pareil honneur, même si ce geste d'obéissance envers le gourou constitue une antique coutume orientale.

      Un trait significatif de la vie de Lahiri Mahasaya était qu'il accordait l'initiation au Kriya aux hommes et aux femmes de toutes les fois. Non seulement les Hindous, mais aussi les Musulmans et les Chrétiens figuraient parmi ses principaux disciples. Monistes ou dualistes, les hommes et femmes de toutes religions, ou sans religion, étaient reçus de manière impartiale et instruits par le gourou universel. L'un de ses chélas très avancés était Abdul Gufoor Khan, un Musulman. Les efforts que Lahiri Mahasaya déployaient pour dissoudre le sectarisme rigide du système de castes de son époque témoignaient d'un grand courage pour le Brahmane de haute naissance qu'il était. Comme tous les prophètes inspirés par Dieu, Lahiri Mahasaya donnait un nouvel espoir aux parias et aux opprimés de la société.

      « Gardez toujours à l'esprit que vous n'appartenez à personne, et que personne ne vous appartient. Pensez qu'un jour vous devrez brusquement tout quitter dans ce monde – alors faites la connaissance de Dieu maintenant », disait le grand gourou à ses disciples. « Préparez-vous au futur voyage astral de la mort en vous élevant quotidennement dans le ballon dirigeable de la perception de Dieu. L'illusion vous amène à vous percevoir comme un tas de chair et d'os, qui est au mieux un nid à problèmes (2). Méditez sans cesse, afin que vous puissiez rapidement vous contempler en tant qu'Essence Infinie, libre de toute forme de souffrance. Cessez d'être prisonnier de votre corps ; en utilisant la clef secrète du Kriya, apprenez à vous échapper dans l'Esprit. »

      Le grand gourou encourageait ses divers étudiants à la discipline traditionnelle de leur propre religion. Mettant l'accent sur le fait que le Kriya, en tant que technique pratique de libération, englobait tout par nature, Lahiri Mahasaya donnait à ses chelas la liberté d'exprimer leur vie en conformité avec leur environnement et leur éducation.

      « Un Musulman doit accomplir la prière du namaj (3) quatre fois par jour », indiquait le maître. « Quatre fois par jour, un Hindou doit s'asseoir en méditation. Un Chrétien doit se mettre à genoux quatre fois par jour, à prier Dieu et à lire la Bible. »

      Avec un sage discernement, le gourou guidait ses disciples sur les chemins du Bhakti Yoga (yoga de la dévotion), du Karma Yoga (yoga de l'action), du Jnana Yoga (yoga de la sagesse), ou du Raja Yoga (yoga royal ou complet), suivant les tendances naturelles de chacun. Le maître, qui ne se pressait pas pour accorder sa permission aux dévots souhaitant emprunter le chemin formel de la vie monastique, les mettait toujours en garde et leur demandait de réfléchir au préalable aux austérités engendrées par cette vie.

      Le grand gourou enseignait à ses disciples à éviter les discussions théoriques sur les Ecritures. « Celui-là seul est sage qui se consacre à réaliser, et non pas seulement à lire, les antiques révélations », disait-il. « Résolvez tous vos problèmes par la méditation. (4) Echangez les spéculations religieuses inutiles contre le véritable contact avec Dieu. Libérez votre esprit des débris théologiques dogmatiques ; laissez pénétrer les eaux fraîches et curatives de la perception directe. Mettez-vous en harmonie avec la Guidance intérieure active ; la Voix Divine a réponse à tous les dilemnes de la vie. Même si la capacité de l'homme à s'attirer des ennuis paraît sans limite, l'Assistance Divine est tout aussi pleine de ressources.»

      L'omniprésence du maître fut démontrée un jour devant un groupe de disciples qui écoutaient son exposé sur la Bhagavad Gîta. Alors qu'il expliquait la signification du Kutastha Chaitanya ou de la Conscience Christique dans toute la création vibratoire, Lahiri Mahasaya se mit à haleter et s'écria : « Je me noie dans les corps de nombreuses âmes au large des côtes du Japon ! »

      Le matin suivant, les chelas lirent dans le journal le compte-rendu de la mort de nombreuses personnes dont le navire avait sombré le jour précédent près du Japon.

      Les disciples éloignés de Lahiri Mahasaya étaient souvent conscients de sa présence enveloppante. « Je suis toujours avec ceux qui pratiquent le Kriya », disait-il d'un ton consolateur aux chelas qui ne pouvaient rester à ses côtés. « Je vous guiderai vers la Demeure Cosmique grâce à l'élargissement de vos perceptions. »

      Un dévot raconta à Swami Satyananda que, alors qu'il ne pouvait pas se rendre à Bénarès, il avait néanmoins reçu l'initiation précise du Kriya dans un rêve. Lahiri Mahasaya était apparu pour instruire le chela, en réponse à ses prières.

      Si un disciple négligeait l'une quelconque de ses obligations terrestres, le maître le corrigeait avec douceur et le disciplinait.

      « Les paroles de Lahiri Mahasaya étaient douces et apaisantes, même lorsqu'il était forcé de parler ouvertement des défauts d'un chela », me dit un jour Sri Yukteswar. Il ajouta d'un air contrit : « Aucun disciple n'a jamais fui les piques de notre maître. » Je ne pus m'empêcher de rire, mais j'assurai sincèrement Sri Yukteswar que, acérée ou pas, chacune de ses paroles était douce à mes oreilles.

      Lahiri Mahasaya avait prudemment divisé le Kriya en quatre initiations progressives. Il n'accordait les trois techniques supérieures qu'après que le dévot ait fait preuve d'un progrès spirituel réel. Un jour, un certain chela, convaincu de ne pas être jugé à sa juste valeur, manifesta son mécontentement.

      « Maître, dit-il, je suis certainement prêt maintenant pour la seconde initiation. »

      A cet instant, la porte s'ouvrit et un humble disciple, Brinda Bhagat, entra. C'était un facteur de Bénarès.

      « Brinda, assied-toi près de moi. » Le grand gourou lui sourit affectueusement. « Dis-moi, es-tu prêt pour la seconde technique du Kriya ? »

      Le petit facteur replia ses mains en signe de supplication. « Gurudeva, dit-il paniqué, plus d'initiations s'il-vous-plaît ! Comment pourrais-je assimiler encore des techniques supérieures ? Je suis venu aujourd'hui pour demander votre bénédiction, parce que le premier Kriya divin m'a rempli d'une telle ivresse que je ne peux pas délivrer mon courrier ! »

      « Brinda nage déjà dans la mer de l'Esprit. » A ces mots de Lahiri Mahasaya, son autre disciple hocha la tête.

      « Maître, dit-il, je vois que je suis un ouvrier médiocre qui rejette la faute sur ses outils. »

      Le facteur, qui était un homme sans éducation, développa ultérieurement sa perception à travers le Kriya, à tel point que les érudits recherchaient parfois son interprétation sur certains points des Ecritures. Ignorant tout autant le péché que la syntaxe, le petit Brinda gagna la reconnaissance des pandits érudits.

      Outre les nombreux disciples de Lahiri Mahasaya à Bénarès, des centaines d'autres vinrent à lui de points éloignés de l'Inde. Lui-même se rendit au Bengale en plusieurs occasions pour visiter les beaux-pères de ses deux fils. Ainsi béni par sa présence, le Bengale se couvrit de petits groupes de Kriya. Particulièrement dans les districts de Krinagar et de Bishnupur, de nombreux dévots silencieux ont permis jusqu'à ce jour au courant de méditation spirituelle de continuer à s'écouler.

      Parmi les nombreux saints qui reçurent le Kriya de Lahiri Mahasaya, on peut mentionner l'illustre Swami Vhaskarananda Swaraswati de Bénarès, et le grand ascète de Deogarh, Balananda Brahmachari. Pendant quelque temps, Lahiri Mahasaya servit de tuteur privé au fils du Maharaja Iswari Narayan Sinha Bahadur de Bénarès. Reconnaissant l'accomplissement spirituel du maître, le Maharaja, ainsi que son fils, demandèrent l'initiation au Kriya, de même le Maharaja Jotindra Mohan Thakur.

      Un certain nombre de disciples de Lahiri Mahasaya qui occupaient des postes d'influence dans la société désiraient étendre le cercle du Kriya par la publicité. Le gourou refusa de leur accorder sa permission. Un chela, le docteur de la Couronne attaché au Lord de Bénarès, entreprit un effort organisé pour répandre le nom du maître sous celui de "Kashi Baba" (l'Exalté de Bénarès). (6) Mais là aussi, le gourou l'interdit.

      « Que la fragrance de la fleur du Kriya se propage naturellement, sans mise en scène, » disait-il. « Ses graines germeront dans le sol des cœurs spirituellement fertiles. »

      Bien que le grand maître n'ait pas adopté le système consistant à prêcher au travers de l'instrument moderne d'une organisation, ou par la presse écrite, il savait que le pouvoir de son message se répandrait tel un flot irrésistible, indondant par sa propre force les rives des esprits humains. Les vies changées et purifiées des dévots constituaient les garanties simples de la vitalité éternelle du Kriya.

      En 1886, vingt-cinq ans après son initiation de Ranikhet, Lahiri Mahasaya fit valoir son droit à la retraite avec pension. (7) Etant désormais disponible la journée, les disicples vinrent le trouver de plus en plus nombreux. Le grand gourou restait maintenant assis en silence la majorité du temps, dans la tranquille position du lotus. Il quittait rarement son petit salon, même pour se promener or pour se rendre dans d'autres parties de la maison. Un flot paisible de chelas se pressait, presque sans discontinuer, pour un darshan (vision divine) du gourou.

      A la divine stupeur des témoins, l'état physiologique habituel de Lahiri Mahasaya montrait des caractéristiques surhumaines : il ne rsespirait plus, ne dormait plus ; son cœur ne battait plus, ses yeux restaient fixes pednant des heures, et une profonde aura de paix l'entourait. Aucun visiteur ne partait sans que son esprit n'ait été élevé ; tous savaient qu'ils avaient reçu la bénédiction silencieuse d'un véritable homme de Dieu.

      Le maître permit alors à son disciple Panchanon Bhattacharya d'ouvrir l' « Arya Mission Institution », à Calcutta. Là, le saint disciple répandait le message du Kriya Yoga, et préparait pour le bénéfice du public certaines préparations herbales yogiques (8).

      En accord avec l'antique coutume, le maître donnait aux gens en général une huile de neem (9) pour la guérison de diverses maladies. Lorsque le gourou demandait à un disciple de distiller l'huile, celui-ci parvenait facilement à accomplir sa tâche. Que quelqu'un d'autre essayât, il rencontrait alors d'étranges difficultés, et s'apercevait que l'huile médicinale s'était presque évaporée après avoir subi le processus de distillation requis. Bien évidemment, la bénédiction du maître faisait partie des ingrédients nécessaires.

Ecriture de Lahiri Mahasaya

      Je reproduis ci-dessus l'écriture et la signature de Lahiri Mahasaya, en alphabet bengali. Ces lignes sont tirées d'une lettre à un chela ; le grand maître interprète un vers sanscrit comme suit : « Celui qui a atteint un état de calme dans lequel il ne cligne plus des paupières a atteint le Sambhabi Mudra. » Signé : « Sri Shyama Charan Deva Sharman ».

      L'Arya Mission Institution entreprit la plublication de nombreux commentaires du maître sur les Ecritures. Comme Jésus et d'autre grands prophètes, Lahiri Mahasaya n'écrivit lui-même aucun livre, mais ses interprétations pénétrantes furent enregistrées et mises en forme par divers disciples. Certains de ces copistes firent preuve de plus de discernement que d'autres pour véhiculer correctement la perception profonde du gourou ; pourtant, dans l'ensemble, leurs efforts furent couronnés de succès. Grâce à leur zèle, le monde possède les commentaires sans égaux de Lahiri Mahasaya sur vingt-six Ecritures anciennes.

      Sri Ananda Mohan Lahiri, l'un des petits-fils du maître, a écrit un livret intéressant sur le Kriya. « Le texte de la Bhagavad Gîta fait partie de la grande épopée du Mahabharata, qui possède plusieurs points de nœuds (vyas-kutas) », écrivait Sri Ananda. « En n'interrogeant pas ces points de nœuds, nous ne trouvons que des histoires mythiques étranges sur lesquelles il est facile de se méprendre. En n'expliquant pas ces points de nœuds, nous perdons une science que l'Orient a préservée avec une patience surhumaine après une quête de milliers d'années d'expérimentation. (10) Ce sont les commentaires de Lahiri Mahasaya qui portèrent à la lumière, libérée des allégories, la science même de la religion qui avait été si astucieusement cachée dans l'énigme des lettres et de l'imagerie des Ecritures. N'étant plus un simple méli-mélo inintelligible de mots, le maître a prouvé que les formules d'adoration védique qui seraient autrement vides de sens, sont en fait remplies de signification scientifique. »

      Nous savons que l'homme se trouve habituellement impuissant face à l'emprise des mauvaises passions, mais celles-ci perdent tout pouvoir et l'homme ne trouve plus aucun motif de s'y adonner lorsque éclot en lui une conscience de félicité supérieure et durable à travers le Kriya. Ici, l'abandon, la négation des passions inférieures va de pair avec l'affirmation de la félicité. Sans ce processus, les centaines de maximes morales qui n'offrent que des interdits nous sont inutiles.

      Notre boulimie d'activités mondaines tue en nous le sens de l'émerveillement spirituel. Nous ne pouvons pas comprendre la Grande Vie derrière tous les noms et toutes formes, simplement parce que la science nous affirme que nous pouvons utiliser les pouvoirs de la nature ; cette familiarité à engendré du mépris pour ses ultimes secrets. Notre relation à la nature est une relation d'affaires. Nous la courtisons, pour ainsi dire, dans le but de découvrir comment nous pouvons l'utiliser pour atteindre nos objectifs ; et nous utilisons ses énergies, dont la Source demeure toujours inconnue. Dans le domaine de la science, notre relation à la nature est la même que celle qui existe entre un homme et son domestique, ou dans un sens philosophique, elle est comme un prisonnier à la barre des témoins. Nous l'interrogeons, nous la défions, et nous pesons minutieusement ses preuves dans des balances humaines qui ne sauraient mesurer ses valeurs cachées. De l'autre côté, lorsque le soi se trouve en communion avec une puissance supérieure, la nature obéit automatiquement, sans stress ni tension, à la volonté de l'homme. Cette autorité sur la nature qui ne requiert aucun effort est qualifiée de « miraculeuse » par le matérialiste incrédule.

      La vie de Lahiri Mahasaya, par son exemple, a changé la notion erronée selon laquelle le yoga est une pratique mystérieuse. Tout homme, à travers le Kriya, peut trouver le chemin lui permettant de comprendre sa propre relation à la nature et d'éprouver du respect spirituel pour tous les phénomènes, qu'ils soient de nature mystique ou qu'ils se produisent quotidiennement, en dépit du côté terre-à-terre de la science physique. (11) Nous devons garder à l'esprit que ce qui était mystique il y a mille ans ne l'est plus, et que ce qui est mystérieux à l'heure actuelle pourrait être expliqué par une loi dans une centaine d'années. C'est l'Infini, l'Océan de Puissance, qui est derrière toutes les manifestations.

      La loi du Kriya Yoga est éternelle. Elle est aussi vraie que les mathématiques ; à l'instar des règles simples de l'addition et de la soustraction, la loi du Kriya ne pourra jamais être détruite. Réduisez en cendres tous les livres de mathématiques, ceux qui ont l'esprit logique redécouvriront toujours ces vérités ; détruisez tous les livres sacrés sur le yoga, et ses lois fondamentales ressurgiront à chaque fois qu'apparaîtra un véritable yogi portant en lui la pure dévotion et donc la pure connaissance. »

      Tout comme Babaji est l'un des plus grands avatars, un Mahavatar, et Sri Yukteswar un Jnanavatar ou Incarnation de la Sagesse, de même Lahiri Mahasaya peut être qualifié à juste titre de Yogavatar, ou Incarnation du Yoga. Au regard de la quantité et de la qualité du bien accompli, il a élevé le niveau spirituel de la société. Par son pouvoir d'élever ses disciples à une stature christique et par la vaste dissémination de la vérité au sein des masses, Lahiri Mahasaya compte au nombre des sauveurs de l'humanité.

      Son caractère unique en tant que prophète réside dans le fait qu'il a mis l'accent pratique sur une méthode définie, le Kriya, et ainsi ouvert pour la première fois les portes de la libération par le yoga à tous les hommes. Sans même considérer les miracles de sa propre vie, le Yogavatar a certainement accompli le plus grand de tous les miracles en transformant le l'antique et complexe yoga en quelque chose de simple et d'efficace, à la portée de tous.

      Concernant les miracles, Lahiri Mahasaya disait souvent : « L'opération de lois subtiles qui sont inconnues du grand public ne doivent pas faire l'objet de discussions publiques ou être publiées sans faire preuve du discernement adéquat. » Si dans ces pages j'ai semblé faire fi de son avertissement, c'est parce qu'il m'a apporté une assurance intérieure à ce sujet. Dans le même ordre d'idée, en rappelant la vie de Babaji, de Lahiri Mahasaya et de Sri Yukteswar, j'ai cru sage d'omettre certaines histoires miraculeuses, qui n'auraient guère pu être couchées sur le papier sans être accompagnées de tout un volume de philosophie absconse pour les expliquer.

      Un nouvel espoir pour des hommes nouveaux ! « L'union divine, proclamait le Yogavatar, est possible grâce à l'effort personnel, et ne dépend pas de croyances théologiques ou de la volonté arbitraire d'un Dictateur Cosmique. »

      En utilisant la clef du Kriya, les personnes qui ne parviennent pas à croire à la divinité de tout être humain contempleront enfin la pleine divinité de leur propre soi.


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(1)  De nombreux passages bibliques révèlent que la loi de la réincarnation était comprise et acceptée. Les cycles de réincarnations constituent une explication plus raisonnable des différents stades d'évolution de l'humanité que la théorie occidentale commune qui suppose que quelque chose (la conscience de l'égo), sort de rien, existe à degrés divers de désir pendant trente ou quatre-vingt-dix ans, avant de retourner au vide originel. La nature inconcevable d'un tel vide est un problème qui ravirait le cœur d'un scolastique médiéval.

(2)  Combien de types de mort sont dans nos corps ! Rien d'autre ne s'y trouve que la mort ! » Martin Luther dans Table Talk.

(3)  La principale prière des Musulmans, habituellement répétée quatre ou cinq fois par jour.

(4)  « Cherche la vérité dans la méditation, pas dans les livres moisis. Regarde dans le ciel pour trouver la lune, pas dans l'étang. » Proverbe persan.

(5)  Le Kriya Yoga pouvant faire l'objet de plusieurs subdivisions, Lahiri Mahasaya dégagea sagement quatre étapes qui, pour lui, contenaient la substance essentielle et avaient la plus grande valeur pratique.

(6)  Parmi les autres titres donnés à Lahiri Mahasaya par ses disciples, on trouvait Yogibar (plus grand des yogis), Yogiraj (roi des yogis) et Munibar (plus grand des saints), auquels j'ai ajouté Yogavatar (incarnation du yoga).

(7)  Il avait servi au total 35 ans dans l'un des services du gouvernement.  (Autobiography of A Yogi, de Paramahansa Yogananda - Traduction de France-Spiritualités ©)

(8)  On trouve une vaste connaissance des plantes médicinales dans les antiques traités en sanscrit. Les herbes himalayennes ont été employées dans la cure de rajeunissement qui a suscité l'attention du monde en 1938 lorsque la méthode a été utilisée sur le Pundit Madan Mohan Malaviya, Vice-Chancelier de l'Université Hindoue de Bénarès, alors âgé de 77 ans. Le célèbre érudit a recouvré en 45 jours, dans une mesure remarquable, sa santé, sa force, sa mémoire, ainsi qu'une vue normale ; des indications d'un troisième jeu de dents sont apparues, tandis que toutes les rides ont disparu. Le traitement à base de plantes, connu sous le nom de Kaya Kalpa, est l'une des 80 méthodes de rajeunissement indiquées dans l'Ayurveda (science médicale) hindou. Le Pundit Palaviya a reçu ce traitement des mains de Sri Kalpacharya Swami Beshundasji, qui affirme être né en 1766. Celui-ci possède des documents prouvant qu'il a dépassé les 100 ans ; les reporters d'Associated Press ont fait remarquer qu'il en paraissait une quarantaine.

      Les anciens traités hindous divisaient la science médicale en 8 branches : salya (la chirurgie) ; salakya (les maladies au dessus du cou) ; Bhutavidya (les maladies mentales) ; kaumara (les soins de la petite enfance) ; agada (la toxicologie) ; rasayana (la longévité) ; vagikarana (les toniques). Les médecins védiques employaient des instruments chirurgicaux délicats, utilisaient la chirurgie plastique, comprenaient les méthodes médicales visant à contrer les effets des gaz toxiques, effectuaient des césariennes et des opérations du cerveau, et étaient versés dans la dynamisation des médicaments. Hippocrate, le célèbre médecin du Vème siècle avant J.-C., a emprunté une bonne partie de sa matière médicale aux sources hindoues.

(9)  Le margousier de l'Inde Orientale. Ses vertus médicinales sont maintenant reconnues en Occident, où l'écorce amère de neem est utilisée comme tonique, et où il a été prouvé que l'huile extraite de ses graines et de ses fruits était extrêmement efficace dans le traitement de la lèpre et d'autres maladies.

(10)  Un certain nombre de sceaux récemment exhumés dans des sites archéologiques de la vallée de l'Indus, datant du troisième millénaire avant J.-C., montrent des figures assises dans des postures de méditation utilisées actuellement dans le système du Yoga, et viennent confimer la déduction selon laquelle certains rudiments du Yoga étaient déjà connus à l'époque. Il n'est pas irréaliste d'en conclure que l'introspection systématique menée à l'aide de méthodes étudiées est pratiquée en Inde depuis cinq mille ans... L'Inde a développé certaines attitudes d'esprit religieuses de grande valeur, ainsi que des notions éthiques uniques, du moins dans l'étendue de leur champ d'application à la vie de tous les jours. L'une d'elles a été une tolérance en matière de questions de croyance intellectuelle – de doctrine – étonnante aux yeux de l'Occident, où, pendant de nombreux siècles, la chasse aux hérésies fut monnaie courante, et où les guerres menées au nom de querelles sectaires étaient fréquentes parmi les nations. » – Extraits d'un article du Professeur W. Norman Brown publié dans le numéro de mai 1939 du Bulletin de l'American Council of Learned Societies (Conseil Américain des Sociétés Savantes), Washington D. C.

(11)  On pense ici à l'observation de Carlyle dans Sartor Resartus : « L'homme qui est incapable de s'émerveiller, qui ne s'émerveille pas (et n'adore pas) de manière habituelle, fût-il président d'innombrables Sociétés Royales, et même s'il portait... l'épitome de tous les laboratoires et observatoires, avec leurs résultats, dans sa tête, n'est qu'une paire de lunettes sans yeux derrière. »  (Autobiography of A Yogi, de Paramahansa Yogananda - Traduction de France-Spiritualités ©)




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