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Louis X le Hutin / Louis X le Querelleur

(04 octobre 1289, à Paris - Juin 1316, à Vincennes)
Roi de Navarre de 1304 à 1316 - Roi de France du 29 novembre 1314 à juin 1316
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Biographie universelle ancienne et moderne

      Louis X, surnommé le Hutin, né le 04 octobre 1289, succéda, le 29 novembre 1314, à Philippe le Bel, son père. Il était roi de Navarre depuis 1304, époque de la mort de Jeanne sa mère, héritière de ce royaume ; et il avait été couronné en cette qualité à Pampelune, le 1er octobre 1308. Il fut six mois sans se faire sacrer comme roi de France, craignant d'offrir aux grands de l'Etat une occasion d'exprimer leurs plaintes, et ne trouvant pas dans le trésor royal l'argent nécessaire aux frais de cette cérémonie. On aurait peine à concevoir comment Philippe le Bel, dont les mœurs furent réglées, laissa son successeur si pauvre après s'être attiré la haine des Français par les impôts dont il les chargea, et par l'altération des monnaies, si l'on ne savait que la solde des troupes, dont le nombre allait toujours en augmentant, suffisait pour absorber toutes les ressources du gouvernement ; d'autant plus que cette manière de composer l'armée, étant opposée au régime féodal, n'avait pu être comprise dans les dépenses que la nation se croyait obligée d'acquitter. L'établissement des troupes de ligne a été la cause d'un mémorable changement dans les rapports des sujets et du souverain ; les historiens l'ont à peine indiqué, parce qu'il s'est fait insensiblement : mais si l'on oublie la différence qu'il y a entre un roi vivant du produit de ses domaines, conduisant au combat la noblesse qui le servait à ses propres dépens, et un roi maître d'une armée permanente qu'il solde, on ne comprendra jamais pourquoi les impôts, alors si odieux à la nation, et pourtant si nécessaires au souverain, ont causé de si grands troubles dans tous les royaumes de l'Europe.
      En attendant que le roi fût sacré, Charles de Valois, son oncle, se mit à la tête des affaires, et dissipa les ligues qui s'étaient formées dans les provinces, en garantissant au clergé, à la noblesse et aux communes, le maintien de leurs privilèges. Après avoir satisfait aux justes réclamations des peuples, il crut devoir donner quelque chose à la haine ; et comme il était ennemi personnel d'Enguerrand de Marigni, il le fit arrêter le 10 mars 1315. Condamner ce ministre favori de Philippe le Bel, qui avait toujours agi par ses ordres, ou faire le procès à la mémoire de ce roi, c'était absolument la même chose. On n'hésita point, le ministre fut pendu à Montfaucon ; ses biens furent confisqués, ses enfants réduits à la misère, et la joie publique parut absoudre Charles de Valois d'une violence qu'il se reprocha lui-même si vivement à l'article de la mort. Comme on avait besoin d'argent, on vendit aux juifs la permission de s'établir dans le royaume (1). Avec les sommes qu'ils fournirent, Louis X alla se faire sacrer à Reims, accompagné de Clémence, fille du roi de Hongrie, sa nouvelle épouse (2). La première, Marguerite de Bourgogne, venait de périr à Château-Gaillard, où elle languissait prisonnière depuis deux ans, convaincue d'avoir déshonoré la couche nuptiale (3).
      Les Flamands crurent pouvoir profiter des embarras d'un règne nouveau pour reprendre les villes que Philippe le Bel leur avait enlevées. Louis X marcha contre eux : mais ayant entrepris le siège de Courtrai avec beaucoup d'imprudence, il fut obligé, par de longues pluies, à le lever en abandonnant une partie de ses bagages et de son armée ; expédition d'autant plus malheureuse, dans la disposition où étaient les esprits, qu'elle ôtait au roi l'espérance de se faire accorder des subsides. Pour réparer les finances épuisées, le conseil du roi força tous les serfs à acheter leur liberté. Les seigneurs avides d'argent suivirent cet exemple ; mais comme ces malheureux affranchis ne savaient que devenir depuis qu'ils n'appartenaient plus à personne, et que la misère, causée par le dérangement des saisons, était excessive (4), ils se formèrent en bandes, parcoururent le royaume et commirent tant d'excès, qu'il fallut les exterminer sous le règne suivant pour assurer le repos de l'Etat.

      Le dernier événement du règne de Louis X fut la punition de quelques exacteurs, que l'on appelait avec raison des loups dévorants. Accablé de nombreuses réclamations, le monarque envoya dans les provinces des enquêteurs qui se laissèrent corrompre par ceux qui furent assez riches pour les acheter. Deux officiers prévaricateurs seulement furent pendus ; et, comme il arrive ordinairement, c'étaient les plus pauvres.
      Ce prince mourut à Vincennes au commencement du mois de juin de l'année 1316, dans la deuxième année de son règne et la vingt-septième de son âge. Quelques historiens disent qu'il fut empoisonné ; le plus grand nombre rapporte que, s'étant trop échauffé à jouer à la paume, il entra dans une grotte dont la fraîcheur le saisit et lui causa une fièvre qui le conduisit au tombeau. La reine Clémence étant enceinte, Philippe le Long, frère de Louis, ne prit que le titre de régent : Clémence accoucha, le 15 novembre, d'un fils auquel on donna le nom de Jean, et qui ne vécut que cinq jours (5). Philippe prit alors le titre de roi ; mais ce ne fut pas sans contestation. Louis X avait eu de Marguerite, sa première femme, une fille, nommée Jeanne, héritière du royaume de Navarre : le duc de Bourgogne, son oncle, prétendait qu'elle devait hériter aussi du royaume de France ; et comme depuis Hugues Capet c'était la première fois que la couronne cessait d'être transmise directement du père au fils, pour remonter du neveu à l'oncle, on pouvait essayer d'opposer la coutume des pays où les femmes règnent aux coutumes des deux premières dynasties qui les excluaient du trône. Cette contestation fut solennellement jugée dans une assemblée tenue à Paris ; et l'on y approuva les anciens usages qui ont toujours eu force de loi, quoiqu'on n'en trouve le texte écrit nulle part, pas même dans la loi salique, qui ne contient pas un seul article relatif à la couronne.

      Louis X a régné trop peu de temps, et dans des circonstances trop difficiles, pour qu'il soit possible de le juger : le surnom de Hutin qu'on lui a donné devrait faire croire qu'il était emporté et querelleur ; mais ce ne pouvait être qu'un vice domestique, car il ne se montra querelleur ni envers les étrangers, ni dans les affaires de l'Etat. Loin de là, il fut apathique et inappliqué. Un auteur du temps dit qu'il était volentif, mais pas bien ententif en ce qu'au royaume il falloit. Mézeraí pense que le surnom de Hutin ne lui fut donné que parce qu'ayant été envoyé par son père contre les hutins, ou séditieux de Navarre et de Lyon, il sut les battre et les faire rentrer dans le devoir. Il augmenta les prérogatives de la royauté en ôtant aux seigneurs le droit de battre monnaie, et prouva qu'il avait plutôt souffert qu'approuvé la condamnation d'Enguerrand de Marigni, en donnant, par son testament, une grosse somme d'argent aux enfants de ce malheureux ministre. On trouve un éloge de Louis X (avec ceux de son père et de ses frères) par un auteur contemporain dans le Breviarium historiale de Landulphe, Poitiers, 1479, in-4°, et dans la Nova Biblioth. mss. du P. Labbe, t. 1, p. 659.


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(1)  Les concessions faites alors aux juifs furent restreintes par des conditions fort sévères : d'abord on les obligea de porter la marque ordinaire, qui était une roue de la largeur d'un blanc tournois d'argent et d'une autre couleur que leur robe ; ensuite on ne leur permit de prêter ni à usure ni sur lettres, mais seulement sur gages, dont on excepte les ornements sacrés et les vêtements sanglants ou souillés, sans doute par crainte de quelque maléfice ; enfin on leur défendit, sous les peines les plus rigoureuses, de disputer de la foi en public.

(2)  Clémence, fille de Charles-Martel, roi de Hongrie, était, dit un auteur du temps, « princesse de belle courtoise manière, qui, quoique souveraine, humblernent envers tous se déportoit, sage en paroles comme en fait, digne enfin du beau nom de Clémence, car moult débonnaire étoit. »

(3)  Les trois fils de Philippe le Bel, tous remarquables comme lui par leur beauté, avaient épousé trois princesses de la maison de Bourgogne. Deux d'entre elles, convaincues d'infidélité, furent renfermées dans la forteresse de Château-Gaillard, en Normandie, et leurs séducteurs, Philippe et Gauthier d'Aunay, gentilshommes normands, furent traînés nus à la queue d'un cheval, sur un pré récemment fauché, mutilés et attachés à une potence. Les fauteurs de l'intrigue subirent l'exil, la prison ou la mort. Jeanne, la troisième princesse, fut déclarée innocente par le parlement, et Charles, son mari, la reprit, en cela, dit Mézeray, plus heureux ou plus sage que ses frères. Marguerite, femme de Louis X, resta prisonnière jusqu'à ce que ce monarque, ayant voulu épouser Clémence de Hongrie, ordonna sa mort ; ce qui fut exécuté dans la prison par le moyen d'une serviette.

(4)  Des pluies continuelles inondèrent la terre pendant quatre mois. On fit partout des processions. où les femmes sans chaussures et les hommes tout à fait nus marchaient à la suite du clergé. Rien ne put fléchir la colère céleste. Les moissons pourrirent sur pied, les vignes coulèrent. Les pauvres, exténués de faim, tombaient au milieu des rues et ne trouvaient aucun secours. L'avarice des boulangers ajouta encore au mal. Pour rendre leur pain plus pesant, ils y mêlaient de la lie de vin et autres ordures, ce qui causa une grande mortalité. Un bourgeois de Paris, nommé Rogier Bontems, découvrit ces abominations et eut le courage de les dénoncer. Plusieurs boulangers furent arrêtés et livrés au dernier supplice.

(5)  On prétendit ensuite que ce n'était point ce jeune prince qui était mort le 19 novembre 1316, mais un autre enfant qu'on lui avait substitué, et que le fils de Louis X et de Clémence d'Anjou vécut jusqu'en l'an 1362. Cette relation ne fit pas fortune. Voyez l'Historia mirabilis de Francorum rege supposito, scripta per Thomas Agazzanum et Salomonem Piccolomineum, dans le Lumina Salica de Jean-Jacques Chifflet, Anvers 1660, in-fol., p. 278, et la réfutation qu'en donna Jean-Alexandre Letenneur, dans sa Défense de la vérité, 1ère partie, p. 115, Paris, 1651, in-fol.  (Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 25 - Page 413)


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