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Marguerite de Navarre / Marguerite d'Angoulême

(11 avril 1492, à Angoulême – 21 décembre 1549, au château d'Odos)
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Biographie universelle ancienne et moderne

      Marguerite de Valois, dont le vrai nom était Marguerite d'Angoulême, fille de Charles d'Orléans, duc d'Angoulême, et de Louise de Savoie, et sœur de François Ier, naquit à Angoulême le 11 avril 1492, et fut élevée à la cour de Louis XII. Cette princesse parlait très bien les langues alors les plus célèbres, telles que l'espagnol et l'italien : elle reçut même de Paul Paradis, dit le Canosse, des leçons d'hébreu. Savante et polie, belle, douce et compatissante autant que spirituelle, elle fut tendrement chérie de François Ier, qui l'appelait sa mignonne et la Marguerite des Marguerites ; il lui confia plusieurs négociations importantes dans lesquelles elle ne se borna pas à des conseils judicieux. Elle était l'ornement de la cour de France ; et lorsqu'elle parut à celle de Charles-Quint, on essaya de prendre pour modèle ces manières élégantes et gracieuses qui lui étaient naturelles, et qu'alors comme aujourd'hui les étrangers enviaient aux Français. Brantôme fait un grand éloge de l'éloquence, des talents, de l'habileté de cette princesse, et de son dévouement absolu pour son frère : mais il ne faut pas prendre à la lettre ce qu'il dit, lorsqu'il assure « qu'en fait de joyeusetés et de galanteries, elle montrait qu'elle savait plus que son pain quotidien. » Les Contes de la reine de Navarre sont, à la vérité, écrits d'une manière qui aujourd'hui nous paraît libre, mais qui de son temps ne s'éloignait point du bon ton de la cour et du langage des honnêtes gens : son style est même plus décent que celui de quelques sermons du temps, tels que ceux des Barlette, des Maillard et des Menot.

      Marguerite épousa en 1509 Charles IV, duc d'Alençon, premier prince du sang, qui lui était bien inférieur sous les rapports de l'esprit, des connaissances et du mérite. Ce prince survécut peu à la bataille de Pavie, qu'il contribua beaucoup à faire perdre ; il mourut en avril 1525. La vive tendresse de Marguerite pour le roi son frère, prisonnier en Espagne, et que ses chagrins y mirent aux portes du tombeau, l'avait déterminée à se rendre à Madrid pour lui prodiguer ses soins et ses consolations et pour tâcher d'obtenir sa liberté. Elle fut chargée seule des pleins pouvoirs de la régente sa mère, pour négocier avec Charles-Quint cette affaire importante dans laquelle les grâces, l'éloquence, l'habileté même échouèrent devant la politique, l'astuce et la mauvaise foi. Elle repassa en France à la fin de novembre 1525, après avoir déjoué le projet déloyal que Charles-Quint avait eu de la faire arrêter.

      Ce fut en 1527, et non pas en 1526 comme on l'a dit souvent, qu'elle épousa Henri d'Albret, roi de Navarre, duquel elle eut Jeanne d'Albret, mère de Henri IV. Marguerite porta dans la Navarre ces talents et cette bienveillance qui font tant d'honneur aux princes et tant de bien aux peuples. Ses soins y firent prospérer l'agriculture et le commerce, fleurir les arts, et régner la justice ainsi que la sûreté. Mais l'asile qu'elle y ouvrit aux novateurs donna lieu d'élever des doutes sur ses opinions religieuses : elle sauva longtemps Berquin et Etienne Dolet, qui finírent par être brûlés comme hérétiques. Elle protégea contre les poursuites du parlement, de la Sorbonne et des lieutenants criminels, Jean Calvin qui n'était pas encore chef de secte ; Pierre Caroli qui devint prieur de Sorbonne, et Roussel, son prédicateur, auquel Noël Béda, syndic de la Sorbonne, attribuait des propositions hérétiques. Marguerite accorda aussi sa protection à Charles de Ste-Marthe, à Jacques Lefèvre d'Etaples, à quelques autres savants, à Erasme même, et surtout à Clément Marot. Cette princesse n'en veillait pas moins à contenir les novateurs exaspérés, qu'elle voulait regagner par la douceur et qu'elle cherchait à rapprocher de leurs adversaires. Pendant son remier mariage elle passait une grande partie de son temps à Alençon, qui lui eut les plus grandes obligations et qui lui dut la tranquillité au milieu des persécutions qui, à cette époque, agitaient la France. Le rang de Marguerite, ses talents, son influence, son mérite, l'amitié même du roi, ne la mirent pas toujours à l'abri des soupçons d'hérésie et des attaques qui en étaient la suite. Les professeurs du collège de Navarre eurent au mois d'octobre 1533 l'audace de la jouer publiquement sur leur théâtre à Paris, et de la désigner comme une insensée que l'esprit de secte avait égarée. Le roi voulut faire arrêter les auteurs et les acteurs de cette comédie scandaleuse. Le principal, à la tête de ses écoliers, repoussa à coups de pierres les officiers du prince, dont Marguerite eut la générosité de fléchir le courroux. Cette attaque ne fut pas la seule que l'on dirigea contre elle ; mais elle fut la plus éclatante. La Sorbonne la désigna positivement comme hérétique ; et ce corps, alors si redoutable, parvint à faire partager son zèle au connétable de Montmorency, qui essaya inutilement d'aigrir le roi contre Marguerite.

      Il est faux, quoiqu'on l'aít répété dans plusieurs dictionnaires historiques, que le Miroir de l'âme pécheresse, ouvrage ascétique de la reine de Navarre, ait été censuré par la Sorbonne. Cette production fut seulement rangée provisoirement par Leclerc, curé de St-André des Arts, parmi les ouvrages suspects, parce qu'en contravention à un arrêt du parlement, il avait paru sans nom d'auteur et sans l'approbation de la faculté de théologie. Bayle, tout judicieux qu'il est, a parlé avec un peu trop de légèreté, d'après Florimond de Rémond, de Marguerite de Valois. Son article a été réfuté par Leclerc et Joly. Bayle n'est pas le seul auteur qui ait copié Rémond sans examen : son exemple a été suivi par le continuateur de l'Histoire ecclésiastique de Fleury (t. 27, p. 392) ; par l'auteur de l'Histoire de l'Eglise gallicane (t. 28, p. 213), et par les rédacteurs du Journal de Trévoux (octobre 1748).

      C'est dans l'Histoire de François Ier, par Gaillard (t. 5, p. 412), qu'il faut chercher le portrait le plus fidèle de la reine de Navarre : il la peint comme catholique, à l'abri de reproches, douce et tolérante, ne divisant point les hommes en orthodoxes et en hérétiques, mais en oppresseurs et en opprimés, chérissant son frère, aimant passionnément les lettres, n'oubliant aucun service, ne négligeant aucun talent et ne méconnaissant aucune vertu. Elle fit, de concert avec le roi et les Du Bellay, des efforts malheureusement infructueux pour rapprocher les protestants des catholiques. Le pape Adrien VI avait pour elle tant de considération, qu'il la pria de seconder le désir qu'il avait d'apaiser entre les princes chrétiens les dissensions qui affligeaient l'Europe et l'Eglise. Amie des arts et de l'humanité, Marguerite bâtit le palais de Pau ; elle y joignit des jardins magnifiques, dota les hôpitaux d'Alençon et de Mortagne-au-Perche ; elle fonda en 1538, à Paris, l'hôpital de ces orphelins que l'on appela les Enfants rouges. Excellente mère, tendre sœur, elle vécut dans une union parfaite avec le roi de Navarre, dont elle eut deux enfants : le premier, qui était un fils, mourut à Alençon en 1530 ; la seconde était Jeanne d'Albret, qui monta sur le trône de Navarre et y déploya les plus nobles qualités. Marguerite, après avoir vaqué aux affaires d'Etat, employait son loisir soit à l'étude, soit à des ouvrages d'aiguille et de tapisserie ; et pendant ce temps elle dictait à ses secrétaires les productions en prose ou en vers qu'elle composait, ou bien s'entretenait de matières philosophiques et littéraires avec les savants et les poètes qu'elle admettait à son intimité. On sait qu'elle eut pour valets de chambre plusieurs hommes d'esprit, tels que Bonaventure Desperriers, Clément Marot et quelques autres ; ce qui faisait dire que la chambre de cette princesse était un vrai Parnasse.
      Elle mourut au château d'Odos, dans le pays de Tarbes, le 21 décembre 1549, donnant jusqu'à la fin des preuves de son attachement à la foi catholique (1). Plusieurs prélats et quelques littérateurs composèrent son éloge ; on frappa des médailles en son honneur ; la poésie, dans diverses langues, chanta ses louanges. On disait d'elle « qu'elle était une Marguerit (margarita, perle) qui surpassait en valeur les perles de l'Orient. » Ses poésies, quoique médiocres, lui firent donner le surnom souvent prodigué de dixième Muse. L'Histoire de Marguerite de Valois (par mademoiselle de la Force), Amsterdam, 1696, 2 vol. in-12 ; Paris, 1720, 1739, 4 vol. in-12 ; ibid, 1783, 6 vol. in-12, est plutôt un roman qu'un morceau historique (2).

      Nous allons donner de ses ouvrages une indication plus exacte et plus détaillée que celle que l'on a publiée jusqu'à ce jour. Le meilleur de tous est celui qu'elle ne destinait pas à l'impression, qu'elle avait composé pour s'amuser, à une époque où les Contes de Boccace obtenaient à la cour une grande faveur, et où, s'il faut en croire Brantôme, la reine mère et Madame de Savoie s'essayaient aussi dans ce genre de composition : il fut publié pour la première fois en 1558, par Boistuau dit Launay, sous le titre des Amants fortunés : C'est l'Heptaméron, ou les Nouvelles de la reine de Navarre, ouvrage plein d'imagination et d'esprit, écrit avec facilité et conçu à l'imitation du Décaméron de Boccace. On sait que La Fontaine n'a pas dédaigné de puiser dans les soixante-douze contes en prose de la reine de Navarre les ornements de quelques-uns des siens et surtout le sujet de la Servante justifiée. L'édition de 1558 est très imparfaite : Claude Gruget qui avait été un des valets de chambre de Marguerite, rassembla tous les manuscrits qu'il put découvrir, et dédia à Jeanne d'Albret la nouvelle édition qui a servi de modèle aux subséquentes, et dont l'impression fut achevée le 07 avril 1559, en l volume in-4°. Ces Contes reparurent en 1567, in-16. Les éditions de Hollande, de 1698, de 1700 et de 1708, toutes en 2 volumes in-8°, ont l'avantage d'être ornées des belles figures de Romain de Hooge ; mais le style de l'ouvrage, mis en beau langage, a été maladroitement retouché. On en donna en 1733, à Chartres, sous le titre de La Haye, une jolie édition en 2 volumes petit in-12. Toutes ces éditions ont été effacées par celle qui parut à Berne, de 1780 à 1781, in-8° en 3 volumes avec les belles estampes de Chodowiecki ; la réimpression de 1790 est inférieure pour les gravures déjà fatiguées par le premier tirage. Les autres éditions de l'Heptaméron à mentionner sont : celle de Paris, 1828, 5 vol. in-32 ; celle de Paris, 1841, 1844, in-12, revue, corrigée et annotée par le bibliophile Jacob (Paul Lacroix) ; et celle de Paris, 1853, in-8°, donnée par M. Leroux de Lincy. Le Miroir de l'âme pécheresse, suivi d'un Dialogue entre l'auteur et l'âme sainte de Charlotte de France, sa nièce, poésies très médiocres ; Alençon, 1533, in-8°, et Paris, même année et même format. C'est une sorte de commentaire en vers de dix syllabes du Cor mundum crea in me, Deus ! Marguerites de la Marguerite des Princesses, poésies recueillies par Sylvius de la Haye, l'un de ses valets de chambre, Lyon, 1547, in-8° ; nouvelle édition augmentée, Paris, 1554, in-8°. L'éditeur a réuni dans ce recueil le Miroír de l'âme pécheresse ; six ouvrages de théâtre, savoir : quatre mystères et deux farces ; une complainte pour un prisonnier que l'on croit être François Ier ; et plusieurs autres pièces de vers dans lesquels on remarque de la facilité, quelquefois de la grâce, souvent des idées obscures et un mélange bizarre de pensées mondaines et de pensées ascétiques. Plusieurs autres ouvrages de Marguerite de Valois sont restés manuscrits, entre autres le Débat d'amour, en vers mêlés de prose, où elle annonce qu'elle l'a composé à l'âge de cinquante ans. On conserve parmi les manuscrits de la bibliothèque de Paris, 3 volumes in-folio de ses Lettres. Le plus grand nombre ont été publiées par M. F. Genin : Lettres de Marguerite d'Angoulême, Paris, 1841, in-8°, dans la collection de la société de l'Histoire de France ; et : Nouvelles Lettres de la reine de Navarre, adressées au roi François Ier, Paris, 1842, in-8°. Ses devises principales étaient : un souci tourné vers le soleil, avec ces mots : Non inferiora secutus ; un lis entre deux marguerites, avec cette inscription : Mirandum naturæ opus.


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(1)  Il est certain qu'elle ne fut jamais hérétique de cœur. Mais on ne peut l'excuser dans toutes les démarches qu'elle fit en faveur des beaux esprits du temps, souvent infectés de luthéranisme ; témoin les deux apostats de l'ordre de St-Augustin. Bertaud et Courant, qu'elle choisit pour ses prédicateurs ; témoin encore Quintin, un des chefs de la secte des libertins duquel elle osa faire une espèce d'apologie. Un préjugé encore peu favorable pour cette princesse, c'est le compliment que lui adressa Calvin : Quod Deus (illâ) usus fuerit ad regnun sum promovendum. Sans doute que sa complaisance et son affection pour les gens de lettres l'engagèrent plus avant qu'elle n'aurait dû.

(2)  M. E. Castaigne a publié à Angoulême, 1837, in-8°, Notice biographique sur Marguerite d'Angoulême ; M. Victor Durand, Marguerite de Valois et la cour de François Ier, Paris, 1848, 2 vol. in-8°. Le meilleur travail sur Marguerite de Valois est celui de M. Leroux de Lincy, Essai sur la vie et les ouvrages de Marguerite d'Angoulême, etc., Paris, 1863, in-8°.  (Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 26 - Pages 552-554)




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