Jean Trithème ou Tritheim,
historien et
théologien, naquit le 1er
février 1462, dans l'électorat de
Trèves, à Trittenheim ; et c'est de ce nom qu'on a formé le sien.
Son père est désigné par ceux de Joannes de
Monte, Jean Heidenberg
ou Eidenberg, et qualifié tantôt de vigneron, tantôt de chevalier.
On dit aussi qu'Elisabeth de Longovico ou de Longwi, mère de Trithème,
était d'une noble famille. Ayant perdu son
époux douze à
quinze mois après la naissance de leur fils, elle resta sept ans veuve, et prit ensuite un second mari, dont elle eut plusieurs
enfants ; ils moururent
tous fort jeunes, excepté un seul, nommé Jacques.
L'éducation de Jean Trithème avait été
fort négligée. A peine à quinze ans avait-il commencé
d'apprendre à lire : mais il se sentait du
goût pour l'étude
; et ce penchant devint si vif, qu'il résolut de s'y livrer, malgré
la défense de son beau-père. Les menaces et les mauvais traitements
ne l'effrayèrent plus ; et s'il ne pouvait étudier à son
aise en plein
jour, il allait passer une partie de la nuit chez un voisin, qui
lui enseignait tant bien que mal à lire, à écrire, à
décliner et conjuguer des mots latins. Il vit bientôt que cette
instruction ne le conduirait pas fort loin, et prit le parti de quitter la maison
maternelle, impatient de fréquenter de meilleures écoles. Ses
talents se développèrent à
Trèves, puis en quelques
autres villes, particulièrement à Heidelberg. Lorsqu'il crut avoir
acquis un assez grand fonds de connaissances, l'idée lui vint de retourner
à Trittenheim . Il se mit en route au commencement de l'année
de 1482 : le 25
janvier, il arrivait à
Spanheim. Les neiges qui tombèrent
durant toute cette journée le forcèrent de s'arrêter au
monastère de ce lieu, non sans un secret pressentiment qu'il y fixerait
sa demeure. En effet, après y avoir séjourné une semaine,
il déclara qu'il renonçait au monde, quitta l'habit séculier
le 02
février, fut admis au nombre des novices le 21 mars, et fit profession
le 21 novembre. Il était encore le dernier des profès quand ses
confrères l'élurent pour abbé, le 09
juillet 1482. Si l'on
voulait supposer, contre l'opinion de Mercier de St Léger (Mém.
à la suite du
Sup. de l'Hist. de l'imprim. de Pr Marchand), qu'alors
l'année commençait à Pâques en Allemagne, il y aurait
lieu de modifier les dates que nous venons d'énoncer, et de substituer
à 1482 et 1483, 1483 et 1484. Mais dans cette hypothèse peu plausible,
l'élection de
Jean Trithème, âgé de 22 ans et demie
au plus, semblerait encore bien précoce. Pour en être moins étonné,
il faut songer d'une part que, studieux comme il était, et doué
des plus heureuses
dispositions, il avait dû faire de grands progrès
durant les six ou sept années précédentes ; de l'autre,
qu'à la fin du
XVème siècle, les
monastères de l'ordre
de
saint Benoît ne se peuplaient que de sujets fort médiocres,
et ne possédaient plus à beaucoup près autant d'hommes
de mérite qu'ils en avaient compté jadis et qu'ils en ont retrouvé
depuis. Aussi l'
abbaye dont Trithème prenait possession était-elle
dans un état si déplorable qu'effrayé des obligations qu'il
venait de contracter, il craignit de n'avoir point assez d'expérience
et d'autorité pour les bien remplir. On avait négligé même
le soin du temporel. Les bâtiments tombaient en ruine ; les biens étaient
aliénés, ou engagés, ou mal régis. D'énormes
dettes, qu'il fallait payer, rendaient cette administration de plus en plus
difficile. Cependant le jeune abbé vint à bout de remédier
à tant de désordres : il fit des réparations et des constructions,
opéra des remboursements, rétablit l'
équilibre entre les
recettes et les dépenses.
Son zèle s'exerçait avec plus
d'ardeur encore sur le régime intérieur et moral de sa communauté.
Il exigea des murs plus régulières ; et persuédé
qu'aucune réforme ne serait efficace au sein de l'
ignorance et de l'oisiveté,
il s'efforça de ranimer les études sacrées et
profanes.
Dans ses sermons à ses moines, il leur recommande surtout de lire et
d'écrire : selon lui, le meilleur travail manuel et auquel ils puissent
se livrer est de transcrire des livres. Il voudrait les voir presque tous occupés
de cet exercice honorable ou des services accessoires qu'il entraîne,
comme de préparer le parchemin, l'
encre et les plumes ; de régler
les pages, de corriger les fautes, d'enluminer les titres et les capitales,
et de relier les tomes. Au moyen de ces copies et des acquisitions qu'il faisait,
soit d'anciens manuscrits, soit des livres qui s'imprimaient depuis 1450, il
parvint à former une riche collection. Il n'avait trouvé dans
ce
couvent que 48 volumes, ou même que 14, à ce quil dit quelque
part : il y en avait 1646 en 1502, et bientôt après 2000, en tout
genre et en toutes langues, spécialement en latin, en grec et en hébreu.
On venait voir par curiosité cette bibliothèque nouvelle, qui
paraîtrait si chétive aujourd'hui.
On était d'ailleurs assez attiré à
Spanheim par le désir de connaître le savant abbé, dont
la réputation s'était rapidement étendue. Des seigneurs,
des
prélats, des hommes de lettres, accouraient d'Italie, de France et
de toutes les parties de l'Allemagne pour jouir de ses entretiens. Les princes
qui ne pouvaient le visiter eux-mêmes lui envoyaient, nous dit-il, des
nonces et des orateurs, pour traiter d'affaires littéraires. Quoiqu'on
rendît
hommage à sa piété autant qu'à son
savoir, à la pureté de ses doctrines
théologiques autant
qu'à la variété de ses connaissances, quoiqu'il prescrivît
sans cesse de puiser la science de la
religion à ses véritables
sources, c'est-à-dire dans les Livres saints plutôt que dans les
écrits des philosophes et les controverses des docteurs
scolastiques,
il se vit pourtant soupçonné d'erreurs graves, accusé de
nécromancie et de magie. La renommée avait fait de lui un sorcier
qui évoquait les démons et les morts, qui prédisait l'avenir
et usait d'enchantements pour surprendre les voleurs. On racontait, par exemple,
que l'empereur Maximilien ne se consolant pas de la mort de sa première
épouse,
Marie de
Bourgogne, Trithème, qui se trouvait à
la cour de ce prince et qui prenait pitié de sa douleur, avait offert
de lui faire apparaître la défunte ; qu'en effet, Maximilien et
l'un de ses courtisans s'étant renfermés avec l'abbé dans
une
chambre écartée,
Marie s'était montrée à
leurs yeux parée de son éclat accoutumé ; que pour être
plus sûr que c'était bien elle-même, son auguste
époux
avait cherché et trouvé une verrue qu'il savait être située
à la nuque de la princesse ; mais que, cédant bientôt à
l'effroi mortel dont le frappait ce spectacle, il avait ordonné à
Trithème de finir à l'instant un si terrible
jeu, en lui défendant
de jamais renouveler de pareilles expériences. Si ce conte avait besoin
d'être réfuté, il le serait assez par sa date ; car
Marie
de
Bourgogne est morte en 1482, époque où Trithème n'avait
que 20 ans, et n'était encore ni abbé, ni connu dans le monde.
En 1505, Philippe, comte
palatin du Rhin, le pria de venir à Heidelberg,
où il voulait conférer avec lui sur une affaire monastique. Trithème
s'y rendit, y tomba malade et y reçut la nouvelle d'une révolte
qui, en son absence, venait d'éclater contre lui dans son
couvent de
Spanheim. Pour être mieux informé des détails et des suites
de cette révolution claustrale, il se retira d'abord à
Cologne,
puis à Spire ; mais il apprit que ses moines persévéraient
à s'affranchir de son autorité, qu'ils ne voulaient plus d'un
abbé qui prétendait les obliger à s'instruire et à
se comporter raisonnablement. De son côté, il résolut de
ne jamais retourner auprès d'eux, quoiqu'il se sentît rappelé
dans leur
monastère par la bibliothèque qu'il y laissait et par
le souvenir de tout le bien qu'il y avait fait durant vingt-deux années.
On lui conféra l'
abbaye de St-Jacques à Würtzbourg
; il en prit possession le 15
octobre 1506, y passa les dix dernières
années de sa vie, n'acceptant aucune des places plus éminentes
qu'on s'empressait de lui offrir ailleurs, et y mourut le 27 décembre
1516 : nous écartons la date 1519 que donne G.-J. Vossius, trompé
par Bellarmin. L'
abbé Trithème fut enterré dans ce
couvent
de St-Jacques, où il avait paisiblement poursuivi le cours de ses travaux
littéraires.
Neuf de ses ouvrages ont été réunis
sous le titre
Opera historica, par Marquard
Freber, Francfort, 1601, in-folio.
1° Chronologia
mystica de septem secundeis sive intelligentiis orbes post Deum morentibus.
Une ancienne doctrine
platonique ou cabalistique, renouvelée et modifiée
au
XVème siècle, plaçait dans chaque
sphère céleste
une intelligence chargée de la gouverner. Le livre où Trithème
veut rattacher des notions historiques à ce système a paru en
allemand, à Nüremberg, en 1522, in-4°. Dans les éditions
d'Augsbourg, 1545, in-8°, de
Cologne, 1567, in-8°, de
, 1600,
in-4°, il est en langue latine, ainsi que tous les articles qui vont suivre.
2° Chronique
(fabuleuse) des Francs, depuis Marcomir jusqu'à Pépin,
mise à
jour à Mayence, en 1515, et à
Paris, en 1539, in-fol.
; insérée, en 1574, au tome 3 de la collection des
historiens
d'Allemagne de Schardius ;
3° Origine de
la nation des Francs, d'après Hunebauld ; autre tissu
de
fables, selon les critiques modernes, publié, avec le précédent,
à Mayence, à
Paris, et dans le
Recueil
de Schardius, et reproduit par Ludewig (
Script,
herbipol., Francfort, 1713). Ce roman remonte à l'an 140 avant
J.-C. et descend jusqu'au milieu du VIIIème siècle de notre ère.
4° Chronique
des ducs de Bavière et des comtes palatins, jusqu'en 1475,
imprimée à Francfort, in-4°, en 1544 et 1549, et traduite
en allemand par Phil. Ern. Voegelin, Francfort, 1616, in-4° ;
5° De luminaribus
Germaniæ : il en a paru des éditions in-4° à
Utrecht, en 1495 ; à Mayence, en 1497. Parmi les Allemands déclarés
illustres dans ce catalogue, il en est dont aucun autre livre ne fait mention.
Les notices jointes à tous ces noms sont fort succintes, mais quelquefois
remarquables par leur singularité.
6° De scriptoribus
ecclesiasticis, série chronologique de 963 articles sur
un égal nombre de Pères de l'
Eglise et de
théologiens,
depuis le pape
Clément Ier jusqu'à l'auteur lui-même, qui
achevait ce travail en 1494 et le dédiait à l'
évêque
de Worms, Jean de Dalberg. Le nom de chaque personnage
amène un exposé
sommaire des principaux traits de sa vie, et l'indication de ses ouvrages. Malgré
beaucoup d'omissions et d'erreurs, ce livre a été fort utile à
ceux qui ont depuis mieux traité la même matière : on le
consulte encore aujourd'hui. Les premières éditions sont de
Bâle,
1494, in-fol. ; de Mayence, en la même année, in-4° ; de paris,
in-4°, en 1497 ; les suivantes contiennent des additions et des appendices
; elles ont été publiées in-4°, à
Paris, en
1512 ; à
Cologne, 1531 et 1546 ; à
Bâle, 1594, etc. La dernière
et la meilleure est celle qui fait partie de la bibliothèque ecclésiastique
de J. Alb. Fabricius, Hambourg, 1718, in-fol. Le nom de chaque personnage
amène
un exposé sommaire des principaux traits de sa vie, et l'indication de
ses ouvrages. Malgré beaucoup d'omissions et d'erreurs, ce livre a été
fort utile à ceux qui depuis mieux traité la même matière
: on le consulte encore aujourd'hui. Les premières éditions sont
de
Bâle, 1494, in-fol. ; de Mayence, en la même année, in-4°
; de
Paris, in-4°, à
Paris, en 1512 ; à
Cologne, 1531 et 1546
; à
Bâle, 1594, etc. La dernière et la meilleure est celle
qui fait partie de la bibliothèque ecclésiastique de J. Alb. Fabricius,
Hambourg, 1718, in-fol. Aubert le Mire a fait des suppléments