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Tertullien

(Quintus Septimus Florens Tertullianus)
(v. 160, à Carthage - v. 245)
Ecrivain latin chrétien - Docteur de l'Eglise
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Biographie universelle ancienne et moderne

      Tertullien (Quintus Septimus Florens Tertullianus), l'un des plus illustres docteurs de l'Eglise, était né vers l'an 160, à Carthage. La mort de son père, centenier dans une légion du proconsul d'Afrique, le laissa fort jeune aux soins de sa mère. qui le fit élever avec soin. Doué d'un esprit pénétrant, d'une vaste mémoire et d'une imagination vive, il fit de rapides progrès dans toutes les sciences, mais particulièrement dans l'éloquence et la philosophie. Il approfondit les systèmes des différentes sectes qui régnaient alors dans les écoles, et sut démêler dans les fables de la théologie païenne les vérités qu'elles enveloppaient. La connaissance qu'il montra des lois romaines a donné lieu de conjecturer qu'il avait fait de la jurisprudence une étude spéciale et qu'il suivit quelque temps la carrière du barreau, mais on n'en trouve aucune preuve (1). Touché de la constance des martyrs, il embrassa le christianisme dont il avait été jusqu'alors l'adversaire, se permettant de jeter le ridicule sur les dogmes et sur les cérémonies de l'Eglise. Il a rendu compte des motifs de sa conversion dans l'écrit qu'il publia pour justifier les chrétiens des absurdes imputations de leurs ennemis. C'est à l'époque des proscriptions ordonnées par Plautien, cet indigne favori de Sévère (vers l'an 200), que Tertullien com son éloquente Apologie, regardée comme l'un des monuments les plus précieux de l'antiquité chrétienne. Quelques critiques prétendent qu'il se trouvait alors à Rome et que c'est au sénat, ou, suivant d'autres, à Plautien lui-même, qu'il adressa cet ouvrage. Mais il paraît plus vraisemblable qu'il n'avait point encore quitté Carthage.

      Tertullien était marié ; mais il se sépara de sa femme, dont il n'avait pas eu d'enfants, pour se consacrer à l'état ecclésiastique. On ne s'accorde ni sur le lieu ni sur l'époque où il fut ordonné prêtre. Il avait été témoin des jeux que l'empereur Sévère fit célébrer à Rome en l'an 204 ; c'est à cette occasion qu'il composa son Traité contre les spectacles. Le rigorisme qu'affichait Tertullien déplut au clergé de Rome, et il ne tarda pas à repasser en Afrique, mécontent de tout ce qu'il avait vu. Ce fut alors qu'il adapta les principes de Montan. Le désir d'une plus grande perfection l'avait entraîné dans l'erreur ; mais il y persista par orgueil, et il brava les censures de l'Eglise, dont il avait montré naguère un salutaire effroi. Il prit le pallium ou manteau des anciens philosophes, et prétendit justifier la singularité de son costume dans un ouvrage plein d'érudition, mais écrit avec une légèreté inconcevable de la part d'un homme de son caractère. Quoique séparé de l'Eglise, il ne cessa pas de la servir par ses ouvrages, en attaquant toutes les erreurs qui tendaient à s'établir en Afrique. Il finit par se séparer des montanistes ; mais ce fut pour former une secte nouvelle, dont on trouvait encore des traces à Carthage du temps de saint Augustin. Tertullien parvint à un âge très avancé. On place sa mort vers l'an 245.
      Il n'est aucun écrivain ecclésiastique dont on ait dit plus de bien et plus de mal, et on a pu le faire sans blesser absolument la justice et la vérité (2). Son zèle outré et son obstination l'ont jeté sans doute dans des erreurs graves, mais l'obscurité de son style lui en a fait attribuer plusieurs sans aucun fondement. C'est ainsi qu'on lui a reproché d'avoir dit que l'âme est corporelle, parce qu'on n'a pas fait attention qu'il s'est servi du mot corps dans le sens de substance. Tertullien s'était fait une langue particulière, comme on le voit par le Glossaire africain qu'en a composé Rigault (3), et il faut l'avoir étudié attentivement pour pouvoir se flatter de le comprendre. Tous ses ouvrages se distinguent par l'érudition ; son style, quoique obscur, est énergique et précis ; il ne manque ni d'ordre ni de méthode ; et ses raisonnements, moins solides que brillants, sont toujours présentés avec beaucoup de force et de vivacité. Malgré ses défauts, Tertullien a toujours été regardé comme l'un des plus grands écrivains du christianisme. Vincent de Lérins le comparaît à Origène ; ce que celui-ci, dit-il, a été parmi les Grecs, Tertullien l'a été parmi les Latins, c'est-à-dire l'homme le plus éloquent et le plus grand génie. Saint Cyprien le nommait son maître (4). Dans les temps plus rapprochés de nous, il compte aussi de nombreux admirateurs, parmi lesquels nous citerons Bossuet, qui en a parlé avec enthousiasme dans plusieurs de ses écrits, et Chateaubriand, qui a appelé le Bossuet de l'Afrique.
      Il nous reste à faire connaître ses ouvrages (5) : l'Apologétique ; c'est l'un des premiers et des plus célèbres écrits de Tertullien. Tous les critiques s'accordent à le regarder comme un chef-d'œuvre d'éloquence et de raison. Jamais la cause du christianisme n'a été défendue avec plus de force et de dignité. Deux livres Contre les Gentils ; le premier est une réfutation solide des calomnies contre les chrétiens ; et le second la critique des croyances du paganisme ; Traité du témoignage de l'âme. Il y prouve que les lumières naturelles suffisent pour reconnaître la vérité du dogme de l'unité de Dieu. Remontrance à Scapula, proconsul d'Afrique, pour l'engager à faire cesser la persécution contre les chrétiens ; Traité contre les spectacles ; Traité de l'idolâtrie ; De la couronne ; il l'écrivit pour justifier le refus qu'avait fait un soldat chrétien de se couronner de fleurs dans une cérémonie publique ; Traité du pallium ou manteau. Il y rend compte des motifs qui l'ont déterminé prendre ce vêtement, qui n'était point celui des ecclésiastiques. Traité de la pénitence ; 10° Traité de la prière ; 11° Exhortation aux martyrs ; 12° Traité de la patience. On y trouve un portrait admirable de Job. 13° De la parure des femmes ; 14° Deux livres à sa femme ; dans le premier, il l'engage à rester veuve s'il meurt avant elle ; et dans le second, il l'exhorte à n'épouser du moins qu'un chrétien ; 15° Du voile des vierges ; 16° Traité contre les juifs ; c'est un modèle de controverse ; 17° Traité des prescriptions ; il y prouve qu'on ne doit point discuter avec les hérétiques, mais qu'il faut leur opposer la tradition et l'autorité de l'Eglise ; 18° Traité du baptême ; il en démontre la nécessité absolue pour être sauvé, contre le sentiment des caïnites ; 19° Traité contre Hermogène ; c'était un philosophe qui soutenait, avec les stoïciens, l'éternité de la matière ; 20° Traité contre les valentiniens ; ceux-ci prétendaient trouver dans les œuvres de Platon tous les dogmes du christianisme ; 21° Traité de l'âme ; il prouve qu'elle est immatérielle ; c'est un des livres de Tertullien qu'on n'a pas entendus ; 22° Traité de la chair de Jésus-Christ ; il y combat divers hérétiques qui avançaient que Jésus-Christ n'avait eu que l'apparence d'un corps ; 23° De la résurrection de la chair ; 26° Cinq livres contre Marcion. Cet ouvrage, quoique composé par Tertullien depuis sa chute, est un des trésors de l'ancienne théologie. 25° Le Scorpiaque, c'est-à-dire le Préservatif contre les piqûres des scorpions. Par ce nom, il désigne les gnostiques et les caïnites, qui soutenaient qu'on ne doit point s'exposer au martyre pour la foi. 26° Traité contre Praxéas ; celui-ci n'admettait pas le dogme de la Trinité ; 27° Exhortation à la chasteté ; 28° De la monogamie ; il y établit qu'il n'est permis de se marier qu'une seule fois, et que les secondes noces sont autant d'adultères ; 29° De la fuite des persécutions ; suivant Tertullien, on doit les braver ; 30° Des jeûnes ; il ajoute à ceux qui sont prescrits par l'Eglise et en augmente la sévérité ; 31° De la chasteté ; il soutient qu'on ne peut absoudre ceux qui se sont rendus coupables d'impureté. Tertullien avait écrit plusieurs ouvrages en grec et quelques autres en latin qui ne nous sont pas parvenus. On a publié sous son nom plusieurs poèmes, mais il est reconnu qu'il n'en est pas l'auteur.
      B. Rhenanus a donné le premier les Œuvres de Tertullien, Bâle, Froben, 1521, in-fol., avec une préface et des notes. Cette édition a été reproduite, Paris, 1566, 2 vol. in-8°. Colomiès cite cette réimpression pour la beauté des caractères et pour les notes de Rhenanus (Bibliothèque choisie, p. 228). Les éditions de Tertullien publiées par J. Pamèle et par le P. la Cerda ne sont point estimées ; mais celle qu'on doit au savant Rigault, Paris, 1628, n'a pas encore été surpassée ; elle a été reproduite plusieurs fois. Indépendamment des réimpressions de Paris, 1641, 1664, 1675, in-fol., on recherche celle de Venise, 1746, in-fol., qui est augmentée des Notes de Sigeb. Havercamp sur l'Apologétique, et de la Dissertation de Mosheim sur le temps où Tertullien a composé cet ouvrage. La nouvelle édition publiée par J.-Sal. Semler, Halle, 1770, 6 part., in-8°, n'est pas complète, non plus que celle de Wibourg, 1780, 1781, 2 vol. in-8°, revue par Oberthur (6). On estime l'édition de Fr. Oehler, Leipsick, 1851-1853, 3 vol. in-8° ; elle a été reproduite, mais moins étendue, dans la même ville, 1854, in-8°. Tertullien se trouve également dans la Patrologia, publiée par l'abbé Migne, à Paris. Une édition de l'Apologie, accompagnée de notes nombreuses, en anglais, et d'une préface, a été mise au jour par H.-A. Woodham, Cambridge, 1843, in-8°. Les Œuvres de Tertullien font aussi partie de la Bibliotheca patrum latinorum selecta, de Léopold, Leipsick, 1839-1841, 4 vol. Saumaise a publié séparément le Traité du manteau, avec des notes, Leyde, 1656, in-8° ; et Sig. Havercamp l'Apologétique, ibid., 1718, in-8°. Ces deux éditions font partie de la collection des Variorum (7). On cite une édition du Traité des prescriptions, avec des notes, Saltzbourg, 1752, in-8° (Bibliothèque sacrée, par Nodier).
      Plusieurs ouvrages de Tertullien ont été traduits en français : l'Apologétique, par Audebert Maceré, Paris, 1562, in-8° (Voyez la Bibliothèque de Duverdier) ; par Vassoult, Paris, 1714 ou 1715, in-4° (Voyez Vassoult) ; par l'abbé de Gourcy, Paris 1780, in-12 ; par l'abbé Meunier, 1822, in-12 ; par l'abbé J.-F. Allard, , 1827, in-8°, édition précédée de l'examen des traductions antérieures et d'une introduction ; elle est également accompagnée d'un commentaire ; – le Traité des prescriptions, par la Broue, 1612, in-8° ; par Hébert, 1683, in-12 ; par Brayer, chanoine de Troyes, à la suite de la Vie de saint Prudence, 1725, in-12 ; et par l'abbé de Gourcy avec l'ouvrage précédent (8) ; – les Traités sur l'ornement des femmes, les spectacles, le baptême et la patience, par le P. Matth. Caubère, jésuite, Paris, 1733. in-8° ; – le Traité du Manteau, par Manessier, Paris, 1665, in-12 ; – le Livre de la pénitence avec l'Exhortation aux martyrs, par le même, 1667, in-12 ; – l'Exhortation aux martyrs, par Colomiès, à la suite de la Bibliothèque choisie, pp. 321-336 ; – le Traité de la patience et de l'oraison, ou de la prière, par Hobier, Paris, 1640, in-12 ; – De la chair de Jésus-Christ, par Louis Giry, ibid., 1661, in-12 ; – De la couronne du soldat, par Audebert Maceré, Paris, 1572, in-8°, et par Louis Richeome, Bordeaux, 1594, in-8° ; – un extrait du Traité contre Marcion, par l'abbé de Gourcy, dans les Anciens apologistes de la religion chrétienne. Les Œuvres de Tertullien, traduites par M. de Genoude, Paris, 1841, 3 vol. in-8°, ont été réimprimées à Besançon en 1852. Les Œuvres choisies, jointes à celles de saint Augustin, forment un volume, publié en 1845 et compris dans la collection des auteurs latins traduits sous la direction de M. Nisard. La traduction de l'Apologétique est nouvelle. Ce dernier ouvrage, joint à quelques autres traités, a paru, en français seulement, dans le volume des Œuvres de Tertullien édité par le libraire Charpentier, Paris, 1845, in-12. Les Démonstrations évangéliques, accompagnées de notes, ont été insérées dans la collection mise au jour par l'abbé Migne, 1848, grand in-8°. On trouve des analyses des ouvrages de Tertullien dans la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques de Dupin ; dans l'Histoire des auteurs ecclésiastiques de dom Ceillier, t. 2, pp. 374-529 ; dans les Bibliothèques des Pères, de Tricalet et de l'abbé Guillon, etc. Outre la Vie de Tertullien, par Thomas du Fossé, on peut consulter les auteurs cités dans le Catalogue de Bunaw et dans l'Onomasticon de Sax. Néander a publié un Antignosticus ; Esprit de Tertullien, Berlin, 1825.


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(1)  Quelques savants conjecturent qu'on a confondu Tertullien avec Tertyllus, jurisconsulte distingué.

(2)  Voyez le Dictionnaire théologique de Bergier, au mot Tertullien.

(3)  Voyez le Glossaire africain, dans les différentes éditions de Tertullien, par Rigault.

(4)  Lorsque ce saint docteur demandait les œuvres de Tertullien, il avait coutume de dire : Donnez-moi le maître.

(5)  Nous avons suivi l'ordre adopté par Rigault : mais Tillemont a donné la table chronologique des ouvrages de Tertullien, dans les Mémoires pour servir à l'histoire de l'Eglise, t. 3, p. 670. Godescard a distingué les ouvrages que Tertullien a publiés avant, de ceux qu'il a donnés après sa chute.

(6)  Dom Charpentier, bénédictin de la congrégation de St-Maur, travaillait, en 1720, à une édition de Tertullien ; mais elle n'a point paru.

(7)  On a joint à cette édition de l'Apologétique la dissertation de Mosheim, citée plus haut.

(8)  On a réimprimé l'Apologétique et les prescriptions ; traduction de l'abbé de Gourcy, revus et corrigée (par Breghot du Lut), Lyon, 1823, in-8°, volume qui contient, en regard de la traduction, le texte de Tertullien et, à la suite, une traduction nouvelle, par M. A. Péricaud, de l'Octavius de Minutius Félix.  (Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 41 - Pages 182-184)




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