Biographie universelle ancienne et moderne Pépin le Gros ou
Pépin d'Héristal, petit-fils de
Pépin le Vieux, père de
Charles-Martel, aïeul de
Pépin le Bref qui devint roi de France et fonda la seconde dynastie, contribua beaucoup par son ambition, sa prudence, ses grandes qualités et l'art de captiver l'
amour des peuples, à avancer une usurpation que sa famille mit un siècle à accomplir. Il reçut le nom de Pépin, si cher aux Austrasiens, quoiqu'il ne descendît de
Pépin le Vieux que par sa mère ; ces substitutions fictives étaient autorisées par l'usage.
Après l'assassinat de Dagobert, la famille de France se trouva éteinte en
Austrasie ; et suivant les coutumes observées depuis Clovis, ce royaume devait rentrer sous la domination de Thierri ; mais les Austrasiens avaient de tout temps montré la plus ferme résolution d'avoir au milieu d'eux le prince destiné à les gouverner, ou, à son défaut, de former un royaume distinct, régi par un
maire du palais, qui ne rendait guère au roi éloigné qu'un
hommage de forme ; cette
disposition servit les projets de
Pépin le Gros.
Thierri était asservi par son
maire du palais,
Ebroïn ; cet homme inspirait d'autant plus d'horreur à la cour d'
Austrasie, que toutes les victimes de son avarice et de sa cruauté allaient y chercher un asile et attendre l'occasion de se venger. Dans la crainte de tomber sous la puissance d'
Ebroïn, les Austrasiens se prêtèrent à secouer le joug de l'autorité royale, et nommèrent pour les gouverner les
ducs Pépin et Martin ou
Martel.
Ebroïn fit la guerre à ces peuples pour les ramener dans le devoir ; il remporta sur eux une victoire dans laquelle le
duc Martin périt ; mais Pépin ne se laissa point abattre par cet échec ; il se soutint jusqu'au moment où
Ebroïn fut assassiné ; cessant alors de garder la défensive, il porta ses armes dans le
royaume de Neustrie, sous le prétexte de faire obtenir justice à tous les proscrits réfugiés en
Austrasie. Thierri fut vaincu, et n'osant plus contester la bonté de la cause que défendait Pépin, il le nomma
maire du palais, se mit, ainsi que la France, sous la domination du vainqueur, et légitima l'usurpation du royaume d'
Austrasie ; car Pépin resta
duc souverain de ces contrées et ne fut
maire que des Etats qui ne réclamaient point contre l'autorité de Thierri. En paraissant augmenter le pouvoir de ceux qu'ils ne pouvaient vaincre, les rois de la première
race imitaient la politique des empereurs de Constantinople à l'égard des barbares ; et peut-être cette condescendance aurait-elle sauvé les héritiers du grand Clovis, s'il s'était enfin élevé
un prince digne de lui succéder.
Pépin ne prit point le titre de roi ; l'abandon général dans lequel était tombé son oncle Grimoald, lorsqu'il avait cru le moment favorable pour placer son fils sur le trône, indiquait que les
Français conservaient encore une vive reconnaissance pour la famille du
héros qui les avait établis dans les Gaules ; ce sentiment avait besoin d'être ménagé. Quoique le roi ne se montrât point, tout se conduisait en apparence par son autorité, et les victoires que Pépin remportait sur les princes tributaires qui avaient profité des troubles intérieurs pour secouer le joug ; l'ordre qu'il rétablissait dans le royaume, ses conquêtes qui en agrandissaient le territoire, le soin qu'il prenait de rappeler les vieilles coutumes si chères à la nation, les richesses qu'il prodiguait aux
églises, son zèle pour la propagation du christianisme, le bonheur dont les Français jouissaient par ses soins, lui attiraient sans doute de nombreux partisans, mais ne pouvaient éloigner les curs d'un roi sous le nom duquel tant de bien s'accomplissait. Il fallait d'ailleurs du temps pour accoutumer les grands à voir un souverain dans celui qui était leur égal ; et si les Austrasiens, dont il était l'
idole, lui avaient d'abord donné un
collègue en lui confiant le soin de les gouverner, on croira sans peine que les seigneurs de
Bourgogne et de
Neustrie, auxquels il était à peu près étranger, se seraient promptement ligués contre lui si, dévoilant tout à coup son ambition, il leur eût fourni l'occasion d'éclater.
Pépin le Gros ne se trompa jamais sur ce que les circonstances lui permettaient. Il fut averti de la
disposition secrète des principaux personnages de l'Etat par la mort de son fils Grimoald, qu'il avait fait
duc de
Bourgogne et qui fut assassiné au moment où, lui-même étant dangeureusement malade, le parti qui lui était opposé crut arrêter l'usurpation et rappeler le gouvernement à son ancienne forme. Il punit cet attentat avec beaucoup de sévérité et profita de la terreur des exécutions pour nommer son petit-fils, encore
enfant,
maire du palais de
Dagobert II, qui lui-même était en bas-âge ; entreprise d'autant plus hardie qu'elle attaquait le droit incontestable qu'avaient les seigneurs d'élire à cette place.
Pépin le Gros, approchant toujours de la
royauté, et n'osant s'en emparer, mourut le 16 décembre 714, après avoir gouverné 28 ans la France sous les rois Thierri,
Clovis III,
Childebert III et
Dagobert II. Il laissa pour héritier de ses projets son fils
Charles-Martel
(Voyez
Alpaïde).
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 32 - Pages 440-441)
Dictionnaire M. Bescherelle
Pépin d'
Héristal ou
Pépin le Gros, né à
Héristal, sur la Meuse, était petit-fils par sa mère de
Pépin de Landen. Il gouverna l'
Austrasie à titre de
duc, après l'assassinat de
Dagobert II en 680, envahit la
Neustrie en 687 ; transporta la
royauté en
Austrasie ; gouverna en souverain sous les trois rois fainéans,
Clovis III,
Childebert III et
Dagobert II ; et mourut en 714, ne laissant de ses trois fils que
Charles-Martel.
M. Bescherelle, aîné, Dictionnaire national ou Dictionnaire universel de la langue française - Volume II (G-Z) (1856), p. 836.