Protée

Dictionnaire M. Bescherelle
Mythologie grecque
Dieu marin, fils de Neptune et de Phénice, et, selon d'autres, de l'Océan et de Téthys. Il reçut de Neptune le don de prophétie ; mais il se faisait arracher ses oracles, se transformant à volonté, et se dérobant, sous la variété de ses figures empruntées.

Protée : Histoire
Roi de Memphis, puissant sur les mers, et renommé par la prudence de ses desseins et sa profondeur dans les sciences astronomiques. Ces quelques mots sur le Protée de l'histoire font comprendre le Protée de la mythologie :

C'est ici que Protée amène les troupeaux
Du dieu qui règne sur les eaux.
(Quinault)

Protée : Figuré
Homme d'un caractère changeant, d'un esprit mobile qui joue toutes sortes de personnages, et ne cesse de s'offrir aux yeux sous des faces nouvelles, par allusion au Protée de la fable. Pope a dit : La femme est un protée.
Pour être bon comme Dieu, il faut être protée. (Voltaire)
Le véritable protée, c'est l'homme : nul n'est plus différent de lui-même selon les temps et les lieux. (Boiste)

Se plaint-elle du froid dans le cœur du mois d'août ?
Ce protée aussitôt s'affuble d'un surtout.
(Régnard)

Protée :
Souvent on compare les courtisans à Protée, parce que, comme lui, ils savent au besoin modifier leur visage, ou en cacher l'expression sous un masque factice.

Protée :
Byron, prenant ce mot en bonne part, a appelé Voltaire le Protée du génie.

Protée :
Il se dit aussi de certaines choses dans l'existence desquelles le changement entre comme condition essentielle. La mode et la littérature sont deux Protée.

Rude ou poli, baissant ou dressant ses rameaux,
Véritable protée entre les végétaux,
Il change incessamment, pour orner la nature,
Sa taille, sa couleur, ses fruits et sa verdure.
(Delille)

Colonnes de Protée : Antiquité
L'Egypte.

Protée des philosophes : Art hermétique
Le mercure.

Protée : Erpétologie
Substantif masculin
Genre de reptiles batraciens, famille de surodèles ou des pneumobranches, renfermant des animaux au corps cylindrique, allongé, terminé par une queue en forme de nageoire, ayant quatre pattes d'égale grandeur et sans ongles distincts. Les protées ont l'organe de la vision peu développé et presque entièrement caché par la peau ; la seule espèce de ce genre qui soit bien connue est l'anguillard, reptile long d'un pied environ et gros comme le doigt, qu'on trouve dans la Carniole, en Autriche.

Protée : Botanique
Genre de plantes, type de la famille des protéacées, renfermant des arbustes, des arbres, ou quelquefois même de petits arbrisseaux sans tige, dont le fruit est une sorte de noix toute couverte de poils, et dont toutes les espèces sont originaires des parties australes de l'Afrique, particulièrement du cap de Bonne-Espérance. La plus belle espèce est le protée élégant, dont les fleurs sont réunies en masse au sommet des rameaux et forment une grosse tête sur laquelle les couleurs rose, rouge, verte et noire se marient à des barbes longues et soyeuses.  M. Bescherelle, aîné, Dictionnaire national ou Dictionnaire universel de la langue française - Volume II (G-Z) (1856), p. 1008.



Pierre Commelin

      Protée, dieu marin, était fils de l'Océan et de Téthys, ou, selon une autre tradition, de Neptune et de Phénice. Les Grecs lui donnent Pallène, ville de Macédoine, pour patrie. Deux de ses fils, Tmolus et Télégone, étaient des géants, monstres de cruauté. N'ayant pu les ramener à des sentiments d'humanité, il prit le parti de se retirer en Egypte, avec le secours de Neptune, qui lui creusa un passage sous la mer. Il eut aussi des filles, et entre autres la nymphe Eidothée, qui apparut à Ménélas, lorsque, en revenant de Troie, ce héros fut poussé par les vents contraires sur la côte de l'Egypte, et lui enseigna ce qu'il avait à faire pour apprendre de Protée, son père, les moyens de retourner dans sa patrie.

      Protée était le gardien des troupeaux de Neptune, c'est-à-dire des gros poissons, des phoques ou veaux marins. Pour le récompenser des soins qu'il en prenait, Neptune lui avait donné la connaissance du passé, du présent et de l'avenir. Mais il n'était pas aisé de l'aborder, et il se refusait à ceux qui venaient le consulter.

      Eidothée dit à Ménélas que, pour le décider à parler, il fallait le surprendre pendant son sommeil, et le lier de manière qu'il ne pût s'échapper ; car il prenait toutes sortes de formes pour épouvanter ceux qui l'approchaient : celle d'un lion, d'un dragon, d'un léopard, d'un sanglier ; quelquefois, il se métamorphosait en arbre, en eau, et même en feu ; mais, si on persévérait à le tenir bien lié, il reprenait enfin sa première forme, et répondait à toutes les questions qu'on lui faisait.

      Ménélas suivit ponctuellement les instructions de la nymphe. Avec trois de ses compagnons, il entra, dès le matin, dans les grottes où Protée avait coutume de venir, au milieu du jour, se reposer en même temps que ses troupeaux. A peine Protée eut-il fermé les yeux et pris une position commode pour dormir que Ménélas et ses trois compagnons se jetèrent sur lui et le serrèrent étroitement entre leurs bras. Il avait beau se métamorphoser : à chaque métamorphose, ils le serraient encore plus fort. Enfin, quand il eut épuisé toutes ses ruses, Protée revint à sa forme ordinaire et donna à Ménélas les éclaircissements qu'il lui demandait.

      Au quatrième livre des Géorgiques, Virgile, imitant Homère, raconte que le berger Aristée, après avoir perdu toutes ses abeilles, alla, sur le conseil de Cyrène, sa mère, consulter Protée sur les moyens de réparer ses essaims, et eut recours aux mêmes artifices pour le faire parler.  Pierre Commelin, Mythologie grecque et romaine, pp. 135-136.

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