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La Préparation du Récipiendaire

article d'Oswald Wirth (décembre 1912)
D'après le F:. R. M. Etheridge
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Cet article a paru originellement dans le N°3 de la revue Le Symbolisme (décembre 1912). Il a été ressaisi et corrigé par France-Spiritualités.

      Dans notre premier numéro, page 13, nous avons emprunté au F:. R. M. Etheridge un résumé des règles qui s'appliquent à l'admission des FF:. Visiteurs, disposés à apporter aux Loges le concours de leurs lumières.

      Cette fois, l'ancien Vén:. d'Anglo-Saxon Lodge nous a communiqué un « papier » fort instructif, dont il compte donner lecture à son Atelier. Il nous a permis d'en extraire ce qui conviendrait le mieux pour Le Symbolisme. – Au risque de nous montrer très indiscrets aux yeux du Freemason, nous prenons donc sur nous de dévoiler quelques-uns de nos petits secrets.


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      Aucun antimaçon n'ignore que, pour être admis à franchir pour la première fois le seuil d'une Loge, il faut être dépouillé de tous métaux et avoir les yeux bandés. Mais ce n'est pas tout : les anciens rituels exigent que le bras droit du récipiendaire soit mis à nu, de même que son sein gauche et son genou gauche, alors que son pied droit est mis en pantoufle et qu'une corde, avec nœud coulant, lui est passée autour du cou.

      Le Livre de l'Apprenti fournit sur ces usages des explications qui ne coïncident pas précisément avec celles que renferment les « lectures » annexées aux rituels anglais.

      D'après ces commentaires, trois motifs rendent obligatoire l'enlèvement des métaux :

        Le récipiendaire ne doit rien apporter en Loge qui, au point de vue offensif ou défensif, soit susceptible d'y troubler l'harmonie ;

       Ayant été admis dans la Franc-Maçonnerie pauvre et sans la moindre obole, le Franc-Maçon devra ensuite toujours se rappeler son devoir d'assistance envers les FF:. indigents, dans la mesure de ses moyens, de même qu'en tenant compte des besoins et plus spécialement du mérite des solliciteurs ;

       Lors de l'érection du Temple de Salomon, le bruit d'aucun outil métallique ne se fit entendre, tous les matériaux ayant été apportés tout taillés, si bien qu'il n'y eut plus qu'à les mettre en place à l'aide de maillets et d'autres instruments de bois.

      La Bible attache d'ailleurs une idée de souillure au contact du métal, témoin ce qui se lit à la fin du chapitre XX de l'Exode, où Dieu ordonne à Moïse :

      « Tu me feras un autel de terre, sur lequel tu sacrifieras tes holocaustes et tes oblations de prospérités, ton menu et ton gros bétail ; en quelque lieu que ce soit que je mettrai la mémoire de mon nom, je viendrai là à toi, et je te bénirai.

      Que si tu me fais un autel de pierres, ne les taille point ; car si tu fais passer le fer dessus, tu le souilleras.

      Et tu ne monteras point à mon autel par des degrés, de peur que ta nudité ne soit découverte en y montant.
»

      Pour être strictement orthodoxe, le roi Salomon aurait donc dû n'employer, pour la construction du Temple, que des pierres non taillées, ce qui eût été la négation même de la Maçonnerie. Sa sagesse lui permit de tourner la difficulté à l'aide d'un pieux subterfuge : les matériaux furent apportés à Jérusalem dans leur état définitif, sans nécessiter aucune retouche pour être mis en place.

      Bien qu'une certaine liberté ait été prise en cela avec les prescriptions du Très-Haut, la Maçonnerie anglo-saxonne actuelle croit imiter la piété de Salomon en astreignant le candidat à se dépouiller de tous métaux.

      Le scrupule était autrefois poussé très loin sous ce rapport. On ne laissait au récipiendaire aucun vêtement portant des boutons de métal, ou ceux-ci étaient coupés sans ménagement. Pour mettre fin à cet excès de sévérité, il ne fallut rien moins qu'une lettre, écrite en 1872 par le Grand-Secrétaire de la Grande Loge Unie d'Angleterre, alors le F:. Hervey, qui, fort de l'approbation personnelle du Grand-Maître, stipula qu'en la circonstance, « métal » doit être pris dans le sens d'objet de valeur. Outre les armes proprement dites, les couteaux de poche ou canifs, il convient de faire déposer les bijoux et le numéraire, y compris les billets de banque, qui ne sont pourtant pas métalliques. Par contre, on respectera les clous qui retiennent les talons des chaussures, et nul ne sera contraint, pour obéir au rituel, de se faire déplomber une dent.


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      Si les yeux sont bandés, c'est également pour un ternaire d'excellentes raisons.

      Le récipiendaire pourrait, en effet, refuser de subir l'une des épreuves traditionnelles. Or, il faut que, dans cette éventualité, il puisse être conduit hors de la Loge « sans avoir découvert la forme de celle-ci ».

      Il est indispensable, en outre, que son cœur s'efforce de concevoir, avant qu'il ne soit permis à ses yeux de discerner.

      Ayant enfin été admis dans la Franc-Maçonnerie dans un état de ténèbres, il ne devra jamais oublier de maintenir le monde entier dans les ténèbres par rapport à nos secrets, ceux-ci ne devant être révélés qu'à ceux qui auront acquis aussi légalement que le récipiendaire lui-même le droit de les connaître.

      Le bras droit est mis à nu, pour montrer que le candidat est disposé à travailler et qu'il en est capable.

      Le sein gauche est découvert, afin que rien ne s'interpose entre la région du cœur et la pointe acérée qu'y appuie le F:. Expert, dès que le récipiendaire a pénétré dans la Loge. C'est aussi une garantie certaine du sexe de l'impétrant.

      Le genou gauche est mis à nu en concordance avec la coutume immémoriale de l'Ordre, d'après laquelle l'Apprenti doit prêter son obligation en ployant le genou gauche posé nu sur le sol.

      Quant au pied droit déchaussé, il nous reporte à des usages d'une très haute antiquité.

      Nous lisons, en effet, au Livre de Ruth, IV, 7 et 8 :

      « Or, c'était une ancienne coutume en Israël, qu'au cas de droit de retrait lignager et de subrogation, pour confirmer la chose l'homme déchaussait son soulier, et le donnait à son prochain ; et c'était là un témoignage en Israël, qu'on cédait son droit.

      Quand donc celui qui avait le droit de retrait lignager eut dit à Booz : « Acquiers-le pour toi », il déchaussa son soulier.
»

      Le Deutéronome, XXV, 5 à 10, explique d'ailleurs à ce sujet :

      « Quand il y aura des frères demeurant ensemble, et que l'un d'entre eux viendra à mourir sans enfants, alors la femme du mort ne se mariera point dehors à un étranger ; mais son beau-frère viendra vers elle, et la prendra pour femme, et l'épousera comme étant son beau-frère.

      Et le premier-né qu'elle enfantera succédera en la place du frère mort, et portera son nom, afin que son nom ne soit point effacé d'Israël.

      Que s'il ne plaît point à cet homme-là de prendre sa belle-sœur, alors sa belle-sœur montera à la porte vers les anciens, et dira : « Mon beau frère refuse de relever le nom de son frère en Israël, et ne veut point m'épouser par droit de beau-frère. »

      Alors, les anciens de sa ville l'appelleront et lui parleront ; et s'il demeure ferme, et qu'il dise : « Je ne veux point la prendre. »

      Alors sa belle-sœur s'approchera de lui devant les anciens, et lui ôtera son soulier du pied, et lui crachera au visage ; et, prenant la parole, elle dira : « C'est ainsi qu'on fera à l'homme qui n'édifiera point la maison de son frère. »

      Et son nom sera appelé, en Israël, la maison de celui à qui on a déchaussé le soulier.
»

      Dès l'Exode, III, 5, nous entendons, au surplus, la voix sortant du buisson ardent crier à Moïse :

      « N'approche point d'ici : déchausse tes souliers de tes pieds ; car le lieu où tu te tiens est une terre sainte. »

      Reste la corde passée au cou du récipiendaire en signe de soumission et d'humilité. Il est bien question dans la Bible (1er Livre des Rois, XX, 31 et 32), des serviteurs de Benhadad, qui, pour implorer la pitié du roi d'Israël, « se ceignirent de sacs autour des reins et de cordes autour de leurs têtes » ; mais ces cordes en forme de turban ne semblent pas se rapporter à la menace de pendaison qu'implique le rite maçonnique.


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      La mythologie grecque donne comme point de départ à l'expédition des Argonautes la perte d'une chaussure, restée dans le lit de la rivière que Jason avait fait traverser sur ses épaules à une pauvre vieille femme, qui si fit reconnaître ensuite comme Junon, la Reine du Ciel. Le jeune héros, qui, à l'exemple d'Hercule, venait d'avoir pour éducateur le centaure Chiron, poursuivit sa route sans s'inquiéter de son pied nu. Mais lorsqu'il pénétra ainsi dans Iolchos, le roi Pélias, averti par un oracle, reconnut en lui l'homme qui devait attenter à sa vie. Croyant se débarrasser à jamais de Jason, il l'envoya au loin chercher la Toison d'or, expédition considérée comme tellement périlleuse, que le retour du téméraire qui l'entreprendrait ne semblait pas à craindre.

      Cette entreprise difficile et hasardeuse correspond au Grand-Œuvre, dont Jason est l'artisan. Pour entrer dans la ville où sa carrière initiatique devait se déterminer, il lui fallut se présenter chaussé d'un seul pied.

      Si nous consultons à ce sujet Eliphas Lévi, il nous apprendra, dans son Rituel de la Haute-Magie, page 58, que « les anciens, dans leurs symboles et dans leurs opérations magiques, multipliaient les signes du binaire, pour n'en pas oublier la loi, qui est celle de l'équilibre. Dans leurs évocations, ils construisaient toujours deux autels différents et immolaient deux victimes, une blanche et une noire ; l'opérateur ou l'opératrice, tenant d'une main l'épée et de l'autre la baguette, devait avoir un pied chaussé et l'autre nu. » Plus loin, il est recommandé à l'opérateur de n'avoir sur soi aucun métal. Mais Eliphas s'est-il inspiré de la Maçonnerie, ou nos rites se rattachent-ils à la Magie cérémonielle du moyen-âge et de l'antiquité classique ?




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