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Le Pasteur d'Hermas

article d'Oswald Wirth (octobre 1912)
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Cet article a paru originellement dans le N°1 de la revue Le Symbolisme (octobre 1912). Il a été ressaisi et corrigé par France-Spiritualités.

      Hermas, un chrétien d'origine grecque, qui vivait à Rome au XIème siècle, a laissé un livre étrange intitulé Le Pasteur, dans lequel il décrit cinq visions, puis commente douze préceptes, pour terminer par dix nouvelles visions, intitulées, cette fois, Similitudes.

      La troisième de ces visions intéresse la Franc-Maçonnerie, en raison du symbolisme constructif appliqué aux conceptions chrétiennes. Une femme âgée, personnification de l'Eglise, montre, en effet, à Hermas, « une grande tour en train de se bâtir sur l'eau (celle du baptême) avec des pierres carrées et resplendissantes. Cette tour, de forme quadrangulaire, figure, elle aussi, l'Eglise. Six jeunes gens exécutent le travail de construction et reçoivent dans ce but les matériaux d'autres hommes, par milliers, qui leur apportent des pierres tirées les unes du fond de l'eau et les autres de la terre ». « Les pierres tirées du fond de l'eau, dit le texte (1), on les faisait toutes entrer, telles quelles, dans la construction : car elles s'appareillaient exactement entre elles, et toutes leurs jointures s'accordaient ; elles se soudaient si étroitement ensemble qu'on ne voyait pas leurs joints et que la tour semblait, pour ainsi dire, bâtie d'un seul bloc. Quant aux autres pierres, tirées de la terre, les unes étaient rebutées, d'autres employées à la construction, d'autres cassées en morceaux et jetées loin de la tour. D'autres pierres, en grande quantité, gisaient autour de l'édifice, sans être utilisées pour la construction : car les unes étaient effritées, d'autres fêlées, d'autres mutilées ; d'autres, enfin, blanches et rondes, ne pouvaient entrer dans la bâtisse. Je voyais lancer des pierres loin de la tour : les unes tombaient sur la route, mais sans y rester, et roulaient de là dans un endroit inaccessible ; d'autres tombaient dans le feu et y brûlaient ; d'autres enfin tombaient près de l'eau, sans parvenir à rouler jusqu'à elle, malgré leur désir de s'y plonger. »

      Hermas apprend ensuite que, si la tour est construite sur l'eau, c'est que notre vie est sauvée par l'eau du baptême. Dans les constructeurs de la tour, lui sont montrés les anges du Seigneur, qui ont à leur tête six chefs, chargés de faire prospérer les créatures, de les organiser et gouverner en maîtres.

      Quant aux pierres carrées et blanches qui s'appareillent exactement, ce sont les apôtres, les évêques, les docteurs et les diacres qui ont marché dans les saintes voies de Dieu ; les uns sont morts, les autres vivent encore. Ils n'ont jamais cessé de faire régner entre eux la concorde, la paix, la déférence mutuelle : voilà pourquoi, dans la construction de la tour, leurs joints s'harmonisent si bien. Les pierres tirées du fond de l'eau et qui s'appareillent si parfaitement avec les autres pierres déjà posées, figurent ceux qui ont souffert pour le nom du Seigneur.

      Parmi les autres pierres, tirées de la terre, celles que l'on fait entrer dans la construction sans les tailler correspondent aux hommes dont le Seigneur a éprouvé la fidélité à marcher dans la voie droite et à observer ses commandements.

      Les pierres que l'on pose aussitôt apportées sont les néophytes, que les anges forment à la pratique du bien, parce qu'il ne s'est trouvé en eux aucun mal.

      Les pierres mises au rebut sont les pécheurs disposés à faire pénitence. Comme ils ne sont pas rejetés loin de la tour, ils pourront, s'ils se repentent, servir à la construction.

      Les pierres qu'on jette loin de la tour, après les avoir brisées, sont les fils d'iniquité ; leur foi n'est qu'hypocrisie et ils n'ont aucunement renoncé au mal. Leur perversité les rend impropres à la construction.

      D'autres pierres, en grand nombre, jonchent le sol sans pouvoir être employées. Celles qui sont effritées représentent les hommes qui, après avoir connu la Vérité, n'y ont pas persévéré et ne fréquentent pas les Saints. Les pierres fêlées sont les gens qui, au fond de leur cœur, ont de la rancune les uns pour les autres et ne font pas régner la paix entre eux. Leurs ressentiments se traduisent par les fentes que présentent ces pierres. Les pierres mutilées, tronquées et incomplètes, se rapportent à ceux qui ont embrassé la Foi et dont la vie est en majeure partie réglée sur la Justice, mais avec quelques attaches encore à l'iniquité.

      Les pierres blanches et rondes, qui ne peuvent entrer dans la bâtisse, sont ceux qui ont la Foi, mais qui possèdent en même temps les richesses de ce monde. Quand survient une persécution, leurs affaires et leurs richesses les amènent à renier leur Maître. De même qu'une pierre ronde ne peut devenir carrée sans être taillée et sans perdre une partie d'elle-même, de même aussi les riches de ce monde ne peuvent devenir utiles au Seigneur qu'après retranchement fait à leurs richesses. « Quand tu étais riche, tu n'étais bon à rien ; maintenant, tu es utilisable et apte à la vie. »

      Les pierres lancées loin de la Tour, qui tombent sur la route et roulent de là dans des endroits inaccessibles, sont ceux qui, après avoir embrassé la Foi, ont ensuite, par leurs doutes, abandonné le chemin de la Vérité. Se croyant capables de trouver une meilleure voie, ils s'égarent et se fatiguent à marcher dans des pays sans routes.

      Les pierres qui tombent dans le feu et y brûlent sont ceux qui se sont définitivement séparés du Dieu vivant.

      Les pierres, enfin, tombées près de l'eau, mais qui ne parviennent pas à rouler jusqu'à elle, sont ceux qui ont entendu la Parole et qui désirent recevoir le Baptême, mais qui, en songeant à la pureté exigée par la Vérité, se ravisent et se mettent de nouveau à la remorque de leurs passions mauvaises.

      Dans la IXème Similitude, Hermas reprend l'image de la construction de la Tour, qui s'élève cette fois sur une roche, où une porte naturelle lui sert de base. Les pierres sont tirées, les unes du fond de l'eau, les autres de douze montagnes et d'autres encore d'une grande plaine. Les constructeurs les font entrer dans la bâtisse, sans avoir toujours suffisamment contrôlé leur grain. Aussi, lorsque le Maître de la Tour vient faire son inspection, en frappant successivement, à l'aide d'un bâton, toutes les pierres de l'édifice, il reconnaît que quantité de matériaux sont impropres à la construction. Sur son ordre, ces pierres, défectueuses pour diverses causes, sont extraites de la bâtisse et remplacées.


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      On peut se demander comment Hermas, qui avait fait fortune dans le commerce et l'agriculture, après avoir été affranchi par la maitresse chrétienne à laquelle il avait été vendu tout enfant, a pu être amené à user d'un symbolisme aussi maçonnique. Creusées pour les besoins de l'art de bâtir, les catacombes, où se réfugièrent les chrétiens, auraient-elles mis ceux-ci en rapport avec les ancienues confraternités constructives ? Le cimetière Saint-Calixte, qui s'étend sous la voie Appienne, nous a conservé une singulière peinture représentant le fossoyeur Diogène. Le vêtement de ce personnage est orné de trois croix gammées (swastika), emblème de beaucoup antérieur au Christianisme (2). On n'est pas surpris de lui voir tenir une lampe et un marteau pointu, propre à creuser la pierre ; mais pourquoi se tient-il debout, les pieds en équerre, entre les branches d'un compas ouvert ? Certains de nos rites sont peut-être d'une antiquité beaucoup plus vénérable qu'on ne pense.

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(1)  Traduction d'Auguste Lelong, dans la Collection des Pères Apostoliques. Paris, Alphonse Picard, 1912 ; 1 vol. in-12.

(2)  Les Aryens y voyaient l'idéogramme du mouvement vital universel, engendré par le Feu créateur. – Voir : Oswald Wirth, Le Symbolisme hermétique, page 34.




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