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Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie

et des sociétés secrètes anciennes et modernes
François-Timoléon Bègue-Clavel
© France-Spiritualités™






PREMIÈRE PARTIE
Introduction


Discours de l'orateur : dogmes, morale, règles générales de la franc-maçonnerie,
rites, organisation des Grandes-Loges et des Grands-Orients, etc.

Signes extérieurs de la franc-maçonnerie. – Esprit de prosélytisme des maçons. – Proposition d'un profane. – Le cabinet des réflexions. – Description de la loge. – Places, insignes et fonctions des officiers. – Ouverture des travaux d'apprenti. – Les visiteurs. – Les honneurs maçonniques. – Réception du profane. – Discours de l'orateur : dogmes, morale, règles générales de la franc-maçonnerie, rites, organisation des Grandes-Loges et des Grands-Orients, etc. – Clôture des travaux d'apprenti. – Banquets. – Loges d'adoption. – Mme de Xaintrailles reçue franc-maçon. – Pose de la première pierre et inauguration d'un nouveau temple. – Installation d'une loge et de ses officiers. – Adoption d'un louveteau. – Cérémonie funèbre. – Réception de compagnon. – Réception de maître. – Interprétation des symboles maçonniques. – Les hauts grades. – Carré mystique. – Appendice : statistique universelle de la franc-maçonnerie. – Calendrier. – Alphabet. – Abréviations. – Protocoles. – Explication des gravures.


      Le nouvel initié, après avoir repris les habits dont on l'avait dépouillé, est conduit par le maître des cérémonies à l'extrémité est de la colonne du nord, où il prend place, pour cette fois seulement, sur un siège particulier; et le frère orateur lui adresse un discours conçu à. peu près en ces termes :

      « Mon frère, tel est le titre que vous recevrez et que vous donnerez désormais parmi nous. Il vous dit quels sentiments vous devez y apporter, et de quels sentiments vous y serez l'objet.

      En vous faisant agréger à la société maçonnique, vous avez contracté, mon frère, d'importantes et de nombreuses obligations. Notre digne vénérable n'a pu vous en indiquer que quelques-unes dans le cours des épreuves que vous avez subies : permettez que j'achève de vous instruire sur un point aussi essentiel.

      L'association maçonnique exige de tout homme qu'elle admet dans ses rangs qu'il croie en un être suprême, créateur et directeur de l'univers, et qu'il professe le petit nombre de dogmes qui forment la base de toutes les religions. Elle l'autorise, d'ailleurs, à suivre, en toute liberté, hors de la loge, tel culte qu'il lui plaît, pourvu qu'il laisse chacun de ses frères user paisiblement de la même faculté. Elle veut aussi qu'il se conforme aux préceptes de la morale universelle ; c'est-à-dire qu'il soit bon et charitable, sincère et discret, indulgent et modeste, équitable et juste, tempérant et probe ; et ce n'est pas assez pour elle qu'il fasse ce qui est bien : elle prétend encore qu'il s'applique à acquérir une bonne réputation.

      Le maçon ne doit faire aucune distinction entre les hommes, quelles que soient la couleur de leur visage, la latitude de leur patrie, leur condition sociale, leurs croyances religieuses, leurs opinions politiques, du moment qu'ils sont vertueux. Il doit les embrasser tous dans un même sentiment de bienveillance, et les aider tous à l'occasion par tous les moyens dont il peut disposer. Néanmoins, s'il lui fallait opter entre un profane et un de ses frères, qui, l'un et l'autre, se trouveraient dans la détresse ou courraient quelque danger, c'est de préférence au maçon qu'il serait tenu de porter secours.

      L'observation des lois et la soumission aux autorités sont au nombre des devoirs les plus impérieux du maçon. Si, comme citoyen, il juge défectueux les institutions et les codes qui régissent sa patrie, il lui est loisible d'en signaler les vices par toutes les voies que la législation en vigueur met à sa disposition, ayant soin toutefois de le faire sans acception de personnes et sans autre passion que celle du bien public. Mais il lui est, dans tous les cas, interdit de tremper dans des complots ou dans des conspirations, parce que ces trames sont tout à la fois contraires à la loyauté et à l'équité : à la loyauté, en ce que le conspirateur n'attaque pas son ennemi en face ; à l'équité, en ce que le petit nombre tente d'imposer sa volonté, par force ou par surprise, à la majorité.

      Si donc il arrivait à votre connaissance qu'un de vos frères s'engageât dans une de ces entreprises, vous devriez l'en détourner par la persuasion, et, s'il y persistait , ne point lui prêter votre appui. Cependant, si ce frère venait à succomber, rien ne s'opposerait à ce que vous eussiez compassion de son malheur ; et, à moins qu'il ne fût convaincu d'un autre crime, comme, par exemple, d'avoir attenté à la vie d'un de ses semblables, il vous serait permis, et le lien maçonnique vous ferait même un devoir d'user de toute votre influence personnelle ou de celle de vos amis pour parvenir à tempérer la rigueur du châtiment qu'il aurait encouru.

      Il est expressément défendu aux maçons de discuter entre eux, soit dans l'intérieur de la loge, soit au dehors, des matières religieuses et politiques, ces discussions ayant pour effet ordinaire de jeter la discorde là où régnaient auparavant la paix, l'union et la fraternité. Cette loi maçonnique ne souffre point d'exceptions. Les maçons ne doivent savoir ce qui se passe dans le monde profane que lorsqu'il se présente pour eux l'occasion de soulager quelque infortune.

      Les maçons sont tenus d'avoir l'un pour l'autre toute l'affection et tous les égards que se doivent des hommes estimables à un même degré. Ils sont obligés de se donner le nom de frères, et de se traiter fraternellement dans la loge et au dehors. Néanmoins, comme on n'a pas dans le monde les mêmes idées que dans la franc-maçonnerie sur le principe de l'égalité, il ne faut pas que ceux des maçons dont la condition sociale est infime affectent en public avec leurs frères d'un rang plus élevé une familiarité qui pourrait leur nuire dans l'esprit des profanes ; mais aussi les derniers, de leur côté, doivent s'efforcer de tempérer par leur aménité ce qu'une nécessité de cette nature peut avoir d'amer pour leurs frères moins bien partagés de la fortune. Quant à ceux-ci, ils doivent se défendre de tout sentiment d'envie, et s'appliquer, par leur travail et par le constant exercice de toutes leurs facultés, à faire disparaître l'inégalité qui existe entre leur position et celle de leurs frères plus heureux.

      Au nombre des devoirs les plus sacrés des maçons est celui qui les oblige à secourir leurs frères dans la détresse. Ce devoir doit s'accomplir sans faste et sans ostentation, cordialement, et comme un acte tout naturel, qu'on pourrait soi-même, à l'occasion, réclamer comme un droit. Cependant un maçon n'est tenu de venir au secours de son frère que dans la limite de ses facultés, et sans que le don qu'il fait puisse porter préjudice au bien-être de sa famille, ou l'empêcher de satisfaire à ses propres besoins. De son côté, le maçon qui vient réclamer l'assistance de son frère doit le faire avec franchise, sans arrogance et sans humilité, et ne point s'offenser d'un refus qui ne saurait être dicté que par l'impossibilité de lui être utile.

      Tout ce qui peut avoir pour effet de relâcher ou de rompre le lien fraternel qui les unit l'un à l'autre doit être évité avec le plus grand soin par les maçons. Ainsi, dans quelque circonstance que ce soit, nul n'est autorisé à supplanter son frère, à lui nuire dans ses intérêts ou dans sa considération. Tous doivent constamment, au contraire, se rendre tous les bons offices qui dépendent d'eux, et défendre réciproquement leur honneur, lorsqu'il est attaqué. Ils doivent surtout être conciliants en affaires, et ne plaider l'un contre l'autre que dans le cas où la loge, qu'ils auraient saisie de la connaissance de leurs différends, n'aurait pu parvenir à les accommoder. Alors ils doivent voir dans la décision des juges un arrêt de tous points équitable, et se traiter, cependant, suivant l'expression des vieilles constitutions maçonniques, « non avec indignation, comme il se pratique ordinairement, mais sans colère, sans rancune, en ne disant et en ne faisant rien qui puisse empêcher l'amour fraternel. »

      Après ces devoirs généraux, que vous aurez à remplir, mon frère, avec une religieuse ponctualité, il y a des devoirs particuliers, qui n'ont pas une moindre importance. Il faut même les considérer comme la clef de voûte de la franc-maçonnerie ; car, si l'on venait à les retrancher, l'édifice tout entier s'écroulerait au même instant.

      Tout maçon est tenu d'appartenir à une loge, et d'assister à ses assemblées, chaque fois du moins que le soin de ses intérêts personnels ou le bien de sa famille n'y apporte pas un empêchement absolu. La mort ou de graves infirmités peuvent seules l'affranchir de cette obligation. Il n'a pas le droit de déserter un moment la tâche sainte et toute de dévouement qu'il a entreprise. Quoique cette tâche soit immense, et que sa vie tout entière ne puisse suffire à l'accomplir, cependant le moindre progrès qu'obtiennent ses efforts est un bienfait pour le monde, et, pour lui-même, un titre de gloire ; et il doit s'estimer heureux que ses devanciers n'aient pas conduit l'œuvre à la perfection et lui aient encore laissé une part de travail.

      Chacun de nous, mon frère, doit s'efforcer d'augmenter le nombre des ouvriers appelés à élever le pieux édifice de la franc-maçonnerie. Gardons-nous cependant d'introduire dans nos ateliers les hommes qui n'auraient pas toutes les qualités voulues, dont nous ne connaîtrions pas et dont nous ne pourrions pas garantir la parfaite moralité. C'est profaner les choses saintes que de les livrer à des mains impures. Mieux vaudrait cent fois que le bienfait de notre association fût renfermé dans un petit cercle d'hommes de choix, que de voir nos doctrines perverties, notre but déserté, et le mépris universel remplacer la juste considération qui nous est due.

      Non seulement il faut que le maçon assiste aux réunions de sa loge, régulièrement et aux heures indiquées, mais encore il faut qu'il étudie avec soin les règlements qui la gouvernent, et qu'il se conforme strictement aux prescriptions relatives à ses rapports avec les frères, aux fonctions dont il peut être investi, aux délibérations, aux élections et aux autres travaux en général. Toute la puissance de la franc-maçonnerie réside essentiellement dans la fidèle observation de ces formes savantes.

      L'apprenti doit obéissance au compagnon ; le compagnon, au maître ; le maître, aux officiers qu'il a librement élus. Tout apprenti qui remplit exactement ses devoirs peut être reçu compagnon après un intervalle de cinq mois ; tout compagnon peut devenir maître sept mois après sa réception au compagnonnage ; tout maître est apte à remplir les diverses fonctions de la maçonnerie, depuis la plus humble jusqu'à la plus élevée, jusqu'à celle de grand-maître elle-même.

      Ce grade de maître est donc pour tous les jeunes maçons, il doit être aussi pour vous, mon frère, le but d'une louable ambition. C'est seulement quand vous l'aurez obtenu que vous pourrez contribuer efficacement au bien que le système maçonnique a mission d'opérer dans le monde. Ce bien est immense, mon frère, et le seul énoncé suffira, je le pense, pour exciter votre enthousiasme et pour vous animer d'une généreuse ardeur. Effacer parmi les hommes les distinctions de couleur, de rang, de croyances, d'opinions, de patrie ; anéantir le fanatisme et la superstition ; extirper les haines nationales, et, avec elles, le fléau de la guerre ; faire, en un mot, de tout le genre humain une seule et même famille unie par l'affection, par le dévouement, par le travail et par le savoir : voilà, mon frère, le grand œuvre qu'a entrepris la franc-maçonnerie, auquel vous êtes appelé à associer vos efforts, et qui ne nous paraîtrait à nous-mêmes, il faut l'avouer, qu'une magnifique mais stérile utopie, si les résultats obtenus dans le passé ne nous donnaient, pour l'avenir, une foi entière dans la possibilité d'une complète réalisation.

      Remarquez, en effet, mon frère, qu'elle puissante et heureuse influence la franc-maçonnerie a exercée sur le progrès social depuis moins de deux siècles, qu'abandonnant l'objet matériel de son institution, elle s'est uniquement attachée à en poursuivre le but philosophique !

      Lorsqu'elle lança dans le monde ses premiers missionnaires de charité fraternelle, les hommes se faisaient la guerre au nom d'un Dieu de paix et de concorde ; Rome et Genève, dans leurs luttes impies, faisaient couler des flots de sang pour quelques dogmes incompris, et ce qu'épargnait le glaive était, des deux parts, dévoré par la flamme des bûchers. Catholiques et protestants, chrétiens, juifs, musulmans, sectateurs de Vichnou et de Chiva, étaient animés les uns contre les autres de haines implacables et féroces. Dites, mon frère, ce que ces frénésies religieuses sont devenues !

      Que sont devenues aussi ces haines nationales, non moins aveugles et barbares, qui poussaient les peuples à s'entre-tuer, à la voix de quelques ambitieux !

      Qu'est devenue cette sanctification de l'oisiveté, qui, sous le nom de noblesse, déversait le mépris sur le travail et parquait le travailleur dans un absurde et inique ilotisme !

      Qu'est devenu l'esclavage héréditaire des serfs ; que sera bientôt l'esclavage de la race noire !

      Toutes les barrières qui séparaient les hommes se sont écroulées, mou frère, grâce au mystérieux apostolat de la franc-maçonnerie. Si la liberté humaine présente encore quelques lacunes, elle ne peut tarder à étendre partout son bienfaisant empire ; si la guerre n'est pas entièrement anéantie, elle est du moins plus rare ; et toujours la vue d'un signe maçonnique a le pouvoir d'en calmer la fureur.

      Sans doute le christianisme avait proclamé déjà le principe de la fraternité des hommes ; mais, seule, la franc-maçonnerie a le privilége heureux de pouvoir l'appliquer. Le Christ a dit : « Mon royaume n'est pas de ce monde » ; la franc-maçonnerie, au contraire, dit : « Mon royaume est de « ce monde ». Le Christ commandait des sacrifices qui ne devaient recevoir leur récompense que dans le ciel ; les sacrifices que commande la franc-maçonnerie ont leur récompense sur la terre. Le christianisme et la franç-maçonnerie se complètent l'une par l'autre, et peuvent se prêter un mutuel secours pour le bonheur de l'humanité.

      Je vous ai montré le but, mon frère. C'est à vous maintenant à faire tous vos efforts pour parvenir à l'atteindre. Soyez désormais le propagateur discret et zélé de nos doctrines ; mais, surtout, ne manquez pas de les appliquer dans toutes vos actions. Songez que vous exercez un haut ministère social, et qu'on mesurera, dans le monde, l'estime qu'on doit à la franc-maçonnerie sur les exemples que vous donnerez.

      Je vous ai dit, mon frère, que l'association maçonnique a produit beaucoup de bien ; j'ajouterai, car il ne faut rien vous cacher, qu'elle en eût fait plus encore, si elle avait su se garantir d'innovations dont le résultat inévitable était de jeter le trouble et la discorde dans ses rangs. Malheureusement, elle n'eut pas cette sage prévoyance. Des frères à l'imagination ardente, égarés par de fausses lueurs ; d'autres, dirigés par des motifs qu'on ne saurait avouer, introduisirent dans les loges, à diverses époques, et firent adopter par une grande partie des membres de la société, des nouveautés qui ont, jusqu'à un certain point, paralysé l'action bienfaisante de la franc-maçonnerie, et qui, plus d'une fois, en ont mis l'existence même en péril. C'est ainsi qu'aux grades d'apprenti, de compagnon et de maître, les seuls qui soient véritablement de l'essence de notre institution, les novateurs ont ajouté, sous le nom de hauts grades, d'interminables séries d'initiations prétendues, dans lesquelles sont enseignées les doctrines les plus incohérentes, qui tendent le plus souvent à propager des erreurs dont la raison et la science humaines ont dès longtemps fait justice, et qui s'éloignent particulièrement de la pensée maçonnique, en substituant, pour les adeptes, à l'humble qualification d'ouvriers, les titres ambitieux de chevaliers, de princes et de souverains. De la combinaison d'un plus ou moins grand nombre de ces hauts grades avec les premiers, ou, pour mieux dire, avec les seuls degrés de la franc-maçonnerie, sont nés des systèmes appelés rites, qui partagent aujourd'hui notre société, et qui, pendant de longues années, ont été pour elle une occasion permanente de querelles et de déplorables scissions. Grâce à Dieu, cet esprit de secte et de rivalité n'existe plus ; et tous les maçons, quels que soient les rites qu'ils aient embrassés, s'aiment et se traitent comme des frères. Quelques-uns pensent même que le moment est venu de réaliser une réforme à laquelle ils travaillent de longue main, et qui ramènerait l'unité dans la maçonnerie par la suppression des hauts grades et par la fusion de tous les rites (6). Nous espérons, mon frère, que, lorsque vous aurez atteint le grade de maître et le complément d'instruction qui en découle, vous comprendrez mieux combien est urgente cette œuvre d'union et de paix, et que vous n'hésiterez pas à vous y associer de tous vos efforts.

      Les rites pratiqués sur la surface du globe sont en assez grand nombre. Le plus ancien et le plus répandu est le rite anglais. Ensuite viennent le rite français, qu'on appelle, en Hollande et en Belgique, rite ancien réformé ; le rite de la Grande-Loge aux trois globes, de Berlin ; le système de Zinnendorf ; le rite écossais ancien et accepté, etc., etc. (7).

      Chacun de ces rites s'administre séparément. Chaque pays même renferme une administration distincte pour chaque rite. Le plus communément, le gouvernement d'un rite se forme des députés des loges qui l'ont adopté ; et c'est là l'organisation primitive et la seule logique de la franc-maçonnerie. En Angleterre, par exemple, en Ecosse, en Irlande, dans chacun des Etats de l'Union américaine, dans quelques contrées de l'Allemagne, chaque atelier est représenté dans la Grande-Loge par son vénérable et ses surveillants, ou, s'il est trop éloigné de la capitale, par un délégué (proxy) qui remplace le vénérable et choisit lui-même ses surveillants. Tous les trois mois, ont lieu des assemblées générales, qu'on appelle communications de quartier, et dans lesquelles sont décidées, à la majorité des voix, toutes les questions qui peuvent intéresser la société. Les loges y envoient leurs tributs ; on y fait le rapport des travaux du trimestre ; le trésorier et les divers comités de bienfaisance y rendent leurs comptes. Il y a en outre deux assemblées, l'une à la Saint-Jean d'été, et l'autre à la Saint-Jean d'hiver, pour la célébration de la fête de l'ordre. Les élections de tous les officiers se font dans la dernière de ces assemblées, et tous les membres de la Grande-Loge y concourent individuellement. Dans l'intervalle des communications de quartier, l'administration est confiée au grand-maître ou à son député, au grand-trésorier, au grand-secrétaire, et à la grande loge des stewards, qui tient ses séances chaque mois.

      La France compte trois gouvernements maçonniques, dont l'organisation diffère de celle-là en beaucoup de points : ce sont le Grand-Orient de France ; le Suprême Conseil du 33ème degré du rite écossais ancien et accepté ; la Puissance Suprême du rite de Misraïm.

      Le Grand-Orient se forme des vénérables des loges proprement dites, et des présidents des divers ateliers qui pratiquent les hauts grades des rites français, écossais ancien et accepté, d'Hérédom, philosophique, et rectifié. A défaut de leurs présidents, ces divers corps sont représentés par des députés spéciaux, élus par eux annuellement à la majorité des voix. Le Grand-Orient s'attribue la puissance suprême dogmatique, législative, judiciaire et administrative de tous les ateliers de tous les rites et de tous les grades existant dans toute l'étendue de la France. La direction en est remise aux mains de quatre-vingt-un officiers choisis et nommés au scrutin parmi les députés élus des divers ateliers qui reconnaissent son autorité. Les électeurs sont les officiers eux-mêmes ; mais leurs choix doivent être sanctionnés par le Grand-Orient, c'est-à-dire par l'universalité des députés réunis en assemblée générale. Le Grand-Orient se subdivise en cinq chambres principales : la Chambre de correspondance et des finances, constituant l'administration proprement dite ; la Chambre symbolique, qui s'occupe de tout ce qui est relatif aux ateliers des trois premiers grades ; le Suprême Conseil des rites, qui statue sur tout ce qui a rapport aux ateliers des degrés supérieurs ; la Chambre de conseil et d'appel, qui donne son avis sur toutes les affaires intéressant l'existence des ateliers, et qui prononce en dernier ressort dans les contestations qui surgissent entre les ateliers ou entre les frères ; enfin le Comité central et d'élections, qui s'occupe des mêmes matières, à huis-clos. Indépendamment de ces cinq chambres, le Grand-Orient renferme dans son sein le Grand Collège des rites, qui confère les hauts degrés ; un Comité des finances, de statistique et de bienfaisance, et un Comité d'inspection du secrétariat et des archives.

      Le Suprême Conseil du rite écossais ancien et accepté se compose de membres du 33ème et dernier grade de ce rite, au nombre de vingt-sept. Il est à la fois législateur et administrateur, il décrète les impôts, et il prononce dans tout ce qui touche au dogme et au contentieux. Au-dessous de ce corps, est placée la Grande-Loge centrale, qui se forme de tous les maçons de l'obédience pourvus des 30ème, 31ème, 32ème et 33ème degrés ; des députés des ateliers des départements et de l'extérieur, et des présidents des ateliers existant à Paris. La Grande-Loge centrale est divisée en sections. La première section, dite symbolique, connaît des affaires relatives aux trois premiers grades ; la deuxième section, dite chapitrale, connaît des affaires qui concernent les degrés du 4ème au 18ème inclusivement ; enfin la troisième section, dite des hauts grades, statue sur les affaires du 19ème au 32ème degrés inclus, et confère l'initiation de ces différents degrés à Paris. Ces sections comprennent tous les membres de la Grande-Loge, suivant leurs grades et la nature des mandats dont ils sont investis. Les deux premières sections donnent leur avis sur les matières qui leur sont attribuées ; cet avis est transmis à la troisième section, qui le renvoie au Suprême Conseil, en y joignant son avis particulier ; le Suprême Conseil reste et demeure juge souverain. Il est au besoin suppléé par sa Commission administrative, qui est revêtue de tous ses pouvoirs, et où il peut arriver que les décisions qui importent le plus aux intérêts des ateliers du rite soient pris à la majorité de deux voix contre une.

      Le rite de Misraïm se compose de 90 grades, divisés en quatre séries. La première série, dite symbolique, comprend les 33 premiers degrés. Elle est gouvernée et administrée par la première chambre de la Puissance Suprême, formée des grands-ministres constituants du 87ème degré. La deuxième série, appelée philosophique, embrasse les 33 degrés suivants ; l'administration en est dévolue aux grands-ministres constituants du 88ème degré, deuxième chambre de la Puissance Suprême. La troisième série, dite mystique, renferme les degrés du 67ème au 77ème inclusivement; elle est régie par les grands-ministres constituants du 89ème degré, troisième chambre de la Puissance Suprême. La quatrième série enfin, qui a le titre de cabalistique, se compose des degrés supérieurs jusqu'au 90ème ; elle est spécialement gouvernée par la quatrième chambre, appelée Suprême Grand-Conseil-général des souverains grands-maîtres absolus du 90ème et dernier degré du rite de Misraïm et de ses quatre séries. Aucune décision des trois autres chambres ne peut recevoir son exécution que le Suprême Grand-Conseil-général ne l'ait approuvée, et cette approbation est soumise elle-même à la sanction souveraine du supérieur grand-conservateur, ou grandmattre, qui est libre de la réformer et de l'annuler.

      D'après ce tableau succinct de l'organisation des corps maçonniques de la France, vous aurez pu remarquer, mon frère, comment, à la faveur des hauts grades, le despotisme de quelques-uns, et même le despotisme d'un seul, a pu s'introduire dans le gouvernement d'une société qui a pour base l'égalité fraternelle. Cette monstrueuse anomalie renferme en elle seule la condamnation de tout le système des hauts grades, et sera une des plus puissantes considérations qui en amèneront le renversement. Les bons esprits, mon frère, et, par bonheur, ils sont nombreux dans la maçonnerie, appellent de tous leurs vœux ce dénouement ; car ce n'est qu'alors que notre association formera réellement une seule et même famille, et pourra concourir, plus efficacement encore qu'elle ne l'a fait jusqu'ici, à l'accomplissement du grand et noble objet de son institution.

      Notre digne vénérable vous a communiqué déjà plusieurs des secrets de la franc-maçonnerie; les autres vous seront dévoilés à mesure que vous avancerez en grade. Tout vous sera dit quand vous aurez reçu la maîtrise. Jusque-là, il vous faut travailler à vous rendre digne de ces hautes révélations.

      Voici maintenant, comme objet de simple curiosité, et c'est par là que je terminerai cette longue instruction, l'interprétation morale de l'allégorie maçonnique, telle que l'a tracée d'une façon pittoresque et concise un de nos frères du siècle passé : « Ce n'est pas par un vain caprice que nous nous donnons le titre de maçons. Nous bâtissons le plus vaste édifice qui fût jamais, puisqu'il ne connaît d'autres bornes que celles de la terre. Les hommes éclairés et vertueux en sont les pierres vivantes, que nous lions ensemble avec le ciment de l'amitié. Nous construisons, suivant les règles de notre architecture morale, des forteresses imprenables autour de l'édifice, afin de le défendre des attaques du vice et de l'erreur. Nos travaux ont pour modèle les constructions de l'Architecte Suprême. Nous contemplons ses perfections et dans le grand édifice du monde, et dans la structure admirable de tous les corps sublunaires. Nous lui bàtisssons, par les mains de la vertu, un sanctuaire au fond de nos cœurs; et c'est ainsi que le maçon est transformé en la pierre angulaire de tous les êtres créés. »


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(6)  Cette réforme a déjà été réalisée partiellement en Allemagne par les loges dites éclectiques, par les ateliers dépendant de la Mère-Loge Royal-York à l'amitié, de Berlin, et par ceux qui reconnaissent l'autorité de la Grande-Loge de Hambourg

(7)  Voir, à la fin de l'Introduction, la Statitique universelle de la franc-maçonnerie, où sont énumérés tous les rites en vigueur, avec les noms de leurs différents grades.




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