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Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie

et des sociétés secrètes anciennes et modernes
François-Timoléon Bègue-Clavel
© France-Spiritualités™






PREMIÈRE PARTIE
Chapitre III


Premiers grands-maîtres des loges françaises
Anarchie dans la maçonnerie. Fondation de la Grande-Loge de France
Allemagne : Introduction de la franc-maçonnerie – La Grande-Loge de Saxe
Frédéric-le-Grand – Le prince de Bayreuth
Les Grandes-Loges aux Trois-Globes et Royale-York à l'Amitié

PROPAGATION DE LA MAÇONNERIE HORS DES ILES BRITANNIQUES. France : Les premières loges. – Leur organisation. – Graves abus. – Heureuse influence. – Les Juifs exclus de l'initiation. – Les Jésuites. – Ballet comique qu'ils font représenter. – Maçonnerie des femmes : les félicitaires, les chevaliers de l'ancre, les fendeurs, le rite d'adoption, l'ordre de la persévérance, les nymphes de la rose, les philochoréites, les dames du Mont-Thabor. – Premiers grands-maîtres des loges françaises. – Anarchie dans la maçonnerie. Fondation de la Grande-Loge de France. – Allemagne : Introduction de la franc-maçonnerie. – La Grande-Loge de Saxe. – Frédéric-le-Grand. – Le prince de Bayreuth. – Les Grandes-Loges aux Trois-Globes et Royale-York à l'Amitié. – Belgique. – Hollande : Documents prétendus de 1535 et de 1637. – Etablissement d'une grande-loge nationale. – Espagne. – Portugal – Russie : Les loges sous l'impératrice Anne. – Catherine II protège la société. – Progrès de la maçonnerie dans cet empire. – Elle y prend une tendance politique. – Italie. – Suisse. – Suède. – Danemark. – Pologne. – Bohême. – Turquie. – Perse : Askéry-Khan. – Zadé-Meerza. – Hindoustan : Le prince Omdit-ul-Omra Bahauder. – Afrique. – Océanie. – Amérique : Canada. – Etats-Unis : Warren. – Lafayette. – Solennités maçonniques. – Franklin. – Washington. – Dissensions à New-York. – Inauguration du canal de l'Erié. – Fête maçonnique à la mémoire d'Adams et de Jefferson. – Haïti. – Brésil : Don Pédro. – Schisme. – Vénézuéla. – Mexique : Les Escoceses et les Yorkinos. – Le ministre Poinsett. – Texas.


      Six loges existaient à Paris en 1735 ; elles se réunissaient dans divers locaux situés rue de Bussy, rue des Deux-Ecus et à la Rapée. Quoique la maçonnerie n'eût point de centre d'administration fixe et régulier à cette époque, et qu'on n'eût pas encore, comme en Angleterre, procédé à l'élection d'un grand-maître, cependant cette qualité était tacitement accordée à lord Dervent-Water, que l'on doit considérer comme le premier grand-maître de la maçonnerie en France, et qui effectivement en remplissait les fonctions. En cette année, ce seigneur retourna en Angleterre, où il devait périr si malheureusement. Les loges de Paris s'assemblèrent en 1736, et élurent en sa place lord d'Harnouester. Le chevalier Ramsay, particulièrement fameux par ses innovations maçonniques, remplissait dans cette assemblée les fonctions d'orateur.

      Vers la fin de l'année suivante, lord d'Harnouester, devant quitter la France, convoqua une nouvelle assemblée générale, afin qu'il fût pourvu au choix de son successeur. Louis XV, mécontent des intrigues que les réfugiés anglais ourdissaient dans les loges, et qui, déjà, avait interdit la cour aux seigneurs qui s'étaient fait recevoir maçons, fut informé de cette convocation. Il déclara que si le nouveau grand-maître était un Français, il le ferait mettre à la Bastille. Toutefois, cette menace ne se réalisa pas. L'assemblée annoncée eut lieu sans obstacle, le 24 juin 1738 ; le duc d'Antin fut nommé grand-maître, et accepta. A son décès, arrivé en 1743, les loges se réunirent pour le remplacer. Le comte de Clermont, prince du sang, obtint la majorité des suffrages. Il avait pour concurrents le prince de Conti et le maréchal de Saxe.

      C'est de cette époque que date l'établissement légal du corps administratif de la maçonnerie française. Il se constitua régulièrement en cette année, et prit le titre de Grande-Loge anglaise de France. Dès 1735, une députation des loges de Paris, dont faisait partie lord Dervent-Water, avait demandé à la Grande-Loge d'Angleterre l'autorisation de se former en grande loge provinciale ; et ce n'est qu'en 1743 que cette autorisation avait été accordée. La tendance politique qu'on s'efforçait de donner aux loges en France avait été, sinon le motif réel, du moins le prétexte avoué de ce retard.

      A peine installé dans sa charge de grand-maître, le comte de Clermont abandonna les loges à elles-mêmes, et négligea de convoquer la Grande-Loge. Cependant, pressé de pourvoir à l'administration de la société, il désigna pour député grand-maître, avec pouvoir de le substituer, le frère Baure, banquier à Paris. Mais ce suppléant ne déploya pas plus de zèle ; et la maçonnerie retomba bientôt dans l'état d'abandon où l'avait laissée le grand-maître lui-même. Il s'introduisit alors une extrême anarchie dans les loges. Chaque vénérable tendit à se rendre indépendant, et s'attribua le droit de constituer de nouveaux ateliers, soit à Paris, soit dans les provinces, où le même désordre avait lieu. La Grande-Loge, composée d'abord en majorité de personnes de distinction, en fut peu à peu désertée ; la sècheresse des détails de l'administration fut la cause principale de leur retraite. Les vénérables de loges qui les remplacèrent appartenaient en presque totalité à la petite bourgeoisie et même à des rangs inférieurs. Ce personnel de la Grande-Loge lui ôta toute influence sur les ateliers de sa correspondance. Néanmoins les séances avaient lieu assez régulièrement, et la Grande-Loge s'appliquait à rétablir l'ordre dans l'administration et la discipline dans les loges. Elle crut arriver plus aisément à ce résultat en établissant, en 1754, des mères-loges dans les provinces, pour surveiller de près les procédés des ateliers inférieurs dans les diverses circonscriptions qu'elle leur avait assignées. Mais cette mesure, bonne en elle-même dans d'autres circonstances, eut alors des effets tout opposés à ceux qu'elle en attendait. Les mères-loges cessèrent bientôt, pour la plupart, de correspondre avec le centre maçonnique ; elles devinrent des corps rivaux ; et beaucoup s'étant fait délivrer de nouvelles constitutions par les grandes-loges étrangères, secouèrent le joug de la métropole et constituèrent à leur tour des ateliers, tant en France qu'à l'étranger.

      Cet état de lutte et d'anarchie était parvenu à son comble en 1756. A cette époque, la Grande-Loge se déclara indépendante de l'Angleterre et prit le titre de Grande-Loge de France, s'imaginant que, par ce moyen, elle acquerrait une plus grande force pour dominer le désordre qui menaçait d'entraîner la maçonnerie à sa ruine. C'est aussi dans ce but qu'elle révisa sa constitution et arrêta de nouveaux règlements. Elle déclara ne reconnaître que les trois grades d'apprenti, de compagnon et de maître, et se composer uniquement des vénérables inamovibles présidant les loges régulières établies à Paris et ayant à leur tête le grand-maître et ses représentants. Aux seuls vénérables de Paris appartenait le gouvernement de l'ordre ; les vénérables des loges de provinces en étaient formellement exclus. Les affaires étaient examinées et décidées par dix-huit frères, neuf officiers et neuf vénérables, lesquels formaient l'Assemblée de conseil. Les décisions de cette assemblée n'étaient que provisoires ; la Loge de communication de quartier, composée de trente officiers nommés tous les trois ans par la voie du scrutin, était investie du pouvoir de les approuver ou de les réformer. Ces deux autorités réunies formaient l'assemblée générale, ou la Grande-Loge. Une Chambre des dépêches était instituée pour expédier la correspondance, pour recueillir des informations sur la moralité des impétrants ; elle se composait de quinze frères, dont neuf officiers et six vénérables de loges. La Grande-Loge connaissait de l'appel de tous les jugements rendus par les ateliers inférieurs; elle percevait un tribut annuel sur les loges de son ressort, et ses officiers pourvoyaient, par une cotisation personnelle, à l'excédant des frais qu'entraînait l'administration de l'ordre. Telles sont, en substance. les dispositions générales de la constitution de la Grande-Loge de France, les règles qui la gouvernèrent, sauf de légères modifications, jusqu'en 1799, époque à laquelle elle se réunit à un corps rival, le Grand-Orient de France, dont nous parlerons ailleurs.

      Les Allemands ainsi que les Français ont reçu, selon Robison , les premiers éléments de la maçonnerie des partisans de la maison des Stuarts, qui s'étaient réfugiés en Autriche et y avaient pris du service. La première loge allemande fut érigée à Cologne, en 1716 ; mais elle fut presque aussitôt dissoute que formée. Avant 1725, les Etats catholiques et protestants de la ligue germanique virent aussi se former dans leur sein un certain nombre de loges, qui, toutefois, n'eurent pas une plus longue existence.

      Preston place l'introduction de la franc-maçonnerie en Allemagne à une époque plus voisine de nous. Suivant lui, la plus ancienne loge de cette contrée aurait été fondée à Hambourg, en 1733, par quelques envoyés anglais. Il ajoute que, pourtant, il existait déjà en 1730 un grand-maître provincial de la Basse-Saxe, bien que ce pays ne contint pas encore de loges. Quoi qu'il en fût, ce premier atelier ne subsista que peu d'années. Il se fondit en 1710 dans la loge Absalon, établie dans la même ville par la Grande-Loge d'Angleterre. Quelques membres de la loge Absalon, qui était devenue fort nombreuse, s'en retirèrent en 1745, et créèrent à côté d'elle un nouvel atelier sous le titre de Saint-Georges. Le comte de Schmettau avait aussi formé à Hambourg, en 1741, la loge Judica.

      Dresde vit se fonder dans ses murs, en 1738, une loge sous le titre des Trois Aigles blancs, par les soins du maréchal Rutowski et du baron d'Ecombes, conseiller de la légation de France près la cour de Berlin. Elle donna naissance, dans la même année, à la loge des Trois Glaives, et, plus tard, à une troisième loge appelée les Trois Cygnes. Ces ateliers réunis formèrent, en 1741, une grande loge pour la Saxe, dont le comte Rutowski fut élu grand-maître. Bientôt après, la loge Minerve aux trois Palmiers, établie à Leipzig, en 1741, se rangea sous l'autorité de la Grande-Loge de Saxe. Le premier procès-verbal de cette loge, qui a été conservé, est rédigé en langue française.

    Dès 1737, la Grande-Loge d'Angleterre avait nommé le prince Henri-Guillaume, maréchal héréditaire de Thuringe, à la dignité de grand-maître provincial pour la Haute-Saxe. Les premières loges qui s'établirent sous ses auspices avaient leur siège à Altembourg et à Nuremberg.

      L'année suivante, la maçonnerie allemande fit une acquisition de la plus haute importance. Encore prince royal, Frédéric-le-Grand fut reçu, à Brunswick, dans la nuit du 14 au 15 août 1738, par une députation de la loge de Hambourg, composée des barons d'Oberg, de Bielfeld et de Lowen, du comte régnant de Lippe-Bucklebourg et de quelques autres frères. La réception eut lieu à l'auberge de Korn, sous la présidence du baron d'Oberg. Frédéric, qui avait exigé qu'on le soumît à toutes les épreuves usitées en pareille occurrence, manifesta la plus haute estime pour les principes et pour les formes de la franc-maçonnerie, qui lui furent expliqués par le baron de Bielfeld ; et, dans la suite, comme on le verra, il ne cessa d'accorder une protection toute spéciale à cette institution. Le roi régnant, au contraire, s'était toujours opposé à l'établissement de la société dans ses Etats, et avait déclaré qu'il traiterait avec la dernière rigueur les auteurs de toute tentative qui serait faite dans ce but ; aussi garda-t-on le secret le plus absolu sur l'initiation du jeune prince, et ne fut-elle connue qu'après son accession à la couronne. Au mois de juin 1740, Frédéric présida lui-même une loge à Charlottenbourg ; il y reçut son frère Henri-Guillaume de Prusse, le marquis Charles de Brandebourg et le duc Frédéric-Guillaume de Holstein-Beck. A une autre loge, tenue dans son appartement, au mois de novembre suivant, il initia le prince souverain de Bayreuth, son beau-frère. Peu de temps après sa réception, ce prince provoqua l'établissement d'une loge à Bayreuth, sa capitale. Le 04 décembre 1711, la séance d'installation eut lieu sous sa présidence et dans son palais même ; et de là, il se rendit, à la tête des frères, processionnellement et bannières déployées, au local de la loge, où un banquet avait été préparé. Sur le désir qu'en exprima Frédéric, le baron de Bielfeld et le conseiller privé Jordan fondèrent à Berlin une loge à laquelle ils donnèrent pour titre : les Trois Globes. Par lettres patentes de 1740, Frédéric éleva cet atelier au rang de grande-loge. Depuis lors et jusqu'en 1754, les tableaux de ce corps maçonnique portent le roi comme grand-maître. La Grande-Loge aux Trois Globes avait, en 1746, quatorze loges sous sa juridiction, tant à Berlin qu'à Meiningen, Francfort-sur-l'Oder, Breslau, Neufchâtel, Halle, et dans d'autres villes de l'Allemagne. Elle tenait ses travaux alternativement en allemand et en français.

      Des savants et des artistes français réfugiés en Prusse établirent, en 1752, une autre loge à Berlin, sous le titre de l'Amitié. Cette loge se rangea, en 1755, dans la correspondance des Trois Globes ; mais elle s'en sépara en 1762, se déclara indépendante, et, de sa propre autorité, délivra des constitutions à de nouveaux ateliers. En 1765, elle initia le duc d'York aux mystères maçonniques, et, à partir de ce moment, elle prit la dénomination de Mère-Loge royale York à l'Amitié.

      Ce fut là l'organisation primitive que reçut la maçonnerie en Allemagne. Nous la verrons plus tard se modifier essentiellement, par suite des divisions auxquelles donna lieu l'introduction d'une foule de systèmes nouveaux dans la dogmatique de l'institution.




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