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Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie

et des sociétés secrètes anciennes et modernes
François-Timoléon Bègue-Clavel
© France-Spiritualités™






PREMIÈRE PARTIE
Chapitre III


Russie : Les loges sous l'impératrice Anne – Catherine II protège la société
Progrès de la maçonnerie dans cet empire – Elle y prend une tendance politique
Italie – Suisse – Suède – Danemark – Pologne

PROPAGATION DE LA MAÇONNERIE HORS DES ILES BRITANNIQUES. France : Les premières loges. – Leur organisation. – Graves abus. – Heureuse influence. – Les Juifs exclus de l'initiation. – Les Jésuites. – Ballet comique qu'ils font représenter. – Maçonnerie des femmes : les félicitaires, les chevaliers de l'ancre, les fendeurs, le rite d'adoption, l'ordre de la persévérance, les nymphes de la rose, les philochoréites, les dames du Mont-Thabor. – Premiers grands-maîtres des loges françaises. – Anarchie dans la maçonnerie. Fondation de la Grande-Loge de France. – Allemagne : Introduction de la franc-maçonnerie. – La Grande-Loge de Saxe. – Frédéric-le-Grand. – Le prince de Bayreuth. – Les Grandes-Loges aux Trois-Globes et Royale-York à l'Amitié. – Belgique. – Hollande : Documents prétendus de 1535 et de 1637. – Etablissement d'une grande-loge nationale. – Espagne. – Portugal – Russie : Les loges sous l'impératrice Anne. – Catherine II protège la société. – Progrès de la maçonnerie dans cet empire. – Elle y prend une tendance politique. – Italie. – Suisse. – Suède. – Danemark. – Pologne. – Bohême. – Turquie. – Perse : Askéry-Khan. – Zadé-Meerza. – Hindoustan : Le prince Omdit-ul-Omra Bahauder. – Afrique. – Océanie. – Amérique : Canada. – Etats-Unis : Warren. – Lafayette. – Solennités maçonniques. – Franklin. – Washington. – Dissensions à New-York. – Inauguration du canal de l'Erié. – Fête maçonnique à la mémoire d'Adams et de Jefferson. – Haïti. – Brésil : Don Pédro. – Schisme. – Vénézuéla. – Mexique : Les Escoceses et les Yorkinos. – Le ministre Poinsett. – Texas.


      En 1731, la maçonnerie avait déjà un établissement en Russie. Anne régnait alors, ou plutôt Biren, son favori, dont on connaît l'ambition et les crimes. L'empire des czars tremblait sous ce joug sanguinaire, et les maçons, qui excitaient plus particulièrement les craintes du tyran, ne se réunissaient qu'avec la plus grande circonspection et à des jours irréguliers. Il n'est plus question de la société maçonnique, dans ce pays, jusqu'à l'année 1740, époque à laquelle des Anglais érigèrent une loge à Saint-Pétersbourg, sous les auspices de la Grande-Loge de Londres. Un grand-maître provincial fut nommé ; quelques loges nouvelles se formèrent ; mais les travaux maçonniques devinrent bientôt languissants. En 1763, ilsreprirent tout à coup une grande activité. A l'occasion de la fondation d'une loge à Moscou, sous le titre de Clio, l'impératrice Catherine s'était fait rendre compte de la nature et du but de l'institution maçonnique ; elle avait compris aussitôt quel immense parti elle pouvait en tirer pour la civilisation de ses peuples, et elle s'en était déclarée la protectrice. A partir de ce moment, les loges se multiplièrent en Russie. En 1770, s'ouvrit à Mohilow la loge des Deux Aigles ; en 1671, à Saint-Pétersbourg, la loge de la Parfaite-Union. La grande-Loge d'Angleterre nomma en 1772 grand-maître provincial de l'empire le frère Jean Yelaguine, sénateur, membre du conseil privé et du cabinet russe. Sous l'administration de ce grand-maître, des loges furent constituées dans la capitale, à Moscou, à Riga, à Jassy, et dans différentes parties de la Courlande ; et la Grande-Loge provinciale fit construire à Saint-Pétersbourg un magnifique local pour la tenue de ses séances. Enfin, en 1784, s'établit dans la même ville, sous l'autorité de la Grande-Loge d'Ecosse, et à la demande de l'impératrice elle-même, une nouvelle loge qu'on appela l'Impériale. Une aussi haute protection fit de la maçonnerie un véritable objet de mode. Toute la noblesse voulut s'y faire initier. La plupart des grands seigneurs se constituèrent vénérables de loges et firent bâtir dans leurs propres palais des temples spacieux pour la tenue des assemblées. Mais comme, malheureusement, le principe de leur zèle reposait dans un autre intérêt que celui de l'humanité, du progrès et de l'esprit de sociabilité, leurs loges ne tardèrent pas à se transformer en des clubs politiques. De là résultèrent des divisions et des rivalités qui furent les principales causes de la décadence de la maçonnerie en Russie, où elle comptait cent quarante-cinq ateliers à la fin du siècle passé.

      La franc-maçonnerie n'a jamais été très vivace en Italie ; les censures ecclésiastiques et les préjugés nationaux y ont constamment mis obstacle. Elle n'y a guère été le partage que du petit nombre des esprits d'élite, et, depuis son introduction jusqu'à l'époque de la domination française, elle y a été pratiquée avec une extrême circonspection. Une médaille frappée en l'honneur du duc de Middlesex est le seul indice qui nous révèle l'existence d'une loge à Florence, dès 1733. La société fut établie en 1739 dans la Savoie, dans le Piémont et dans la Sardaigne, et un grand-maître provincial fut nommé, en la même année, pour ces trois pays, par la Grande-Loge d'Angleterre. Il existait à Rome, en 1742, plusieurs loges de francs-maçons : on le voit par une médaille qu'elles décernèrent au frère Martin Folkes, président de la société royale de Londres. La maçonnerie se maintint dans le secret, à Rome, jusqu'en 1789. Une loge notamment, les Amis sincères, y était alors en vigueur, et sa fondation remontait à plus de vingt années. D'abord indépendante, elle s'était fait depuis régulariser par le Grand-Orient de France, dont les commissaires l'avaient installée au mois de décembre 1787. Dans les derniers temps, elle se composait, en majorité, d'Allemands et de Français, et avait pour vénérable un frère appelé Belle. Elle avait contracté successivement des affiliations avec les loges la Parfaite-Egalité, de Liège ; le Patriotisme, de Lyon ; le Secret et l'Harmonie, de Malte ; le Conseil des Elus, de Carcassonne ; la Concorde, de Milan ; la Parfaite-Union, de Naples ; et avec plusieurs autres corps maçonniques de Varsovie, de Paris, d'Albi, etc. On voit, sur un diplôme délivré par cette loge, un fleuron dessiné à la main, et représentant, au milieu d'un triangle placé lui-même dans un cercle, une louve allaitant deux enfants.

      Dans la première moitié du XVIIIème siècle, la société paraît avoir eu un certain nombre d'ateliers dans le royaume de Naples. En 1756 , ils avaient formé une Grande-Loge nationale, qui était en correspondance avec l'Allemagne, et qui subsistait encore en 1789.

      Une grande loge provinciale anglaise fut instituée à Genève en 1737 par sir Georges Hamilton, qui avait reçu à cet effet une patente de la Grande-Loge de Londres. Genève comptait dans ses murs plusieurs ateliers, qui avaient été fondés antérieurement, et il y avait aussi un certain nombre de loges aux environs de cette ville et dans le reste du canton : toutes se rangèrent sous l'autorité de la Grande-Loge provinciale. En 1739, des Anglais résidant à Lausanne y instituèrent une loge sous le titre de la Parfaite union des étrangers. Celle-ci avait reçu ses lettres de constitutions de la Grande-Loge d'Angleterre. De cette loge, émanèrent divers ateliers qui s'établirent à Berne et dans les localités environnantes. D'autres furent constitués directement en 1743, par les Grandes-Loges de l'Angleterre et de l'Allemagne. Des circonstances que nous mentionnerons plus loin amenèrent, à cette époque, la suspension des travaux maçonniques dans le pays de Vaud et dans les autres cantons de l'Helvétie. Ce sommeil de la maçonnerie suisse dura jusqu'en 1764. Alors l'ancienne loge de Lausanne sortit de sa léthargie, et donna le signal du réveil à toutes les autres. Des divisions et des schismes s'introduisirent vers 1770 parmi les maçons du pays. En France, la société n'était pas dans un état plus paisible. Fatiguées de ces luttes, qui nuisaient aux progrès de la maçonnerie et interrompaient toutes les relations, quelques loges de Genève et des villes voisines, afin de sortir de leur isolement, se constituèrent en grande loge indépendante, sous le nom de Grand-Orient de Genève. Mais ce corps maçonnique ne fut pas lui-même à l'abri des querelles intestines. Après avoir recueilli sous sa bannière, en 1790, les loges des Etats sardes, que le gouvernement de ce royaume avait privées de la direction de leur Grande-Loge, en interdisant les travaux de cette autorité, il vit s'opérer dans son sein une scission qui, si elle n'amena pas immédiatement sa ruine, l'affaiblit du moins considérablement et paralysa en grande partie son action. Quelques loges se séparèrent de lui et formèrent un deuxième corps constituant ; d'autres loges se rangèrent sous la bannière du Grand-Orient de France, qui leur délivra de nouvelles constitutions. A la suite de ces défections, le Grand-Orient de Genève et le corps rival qui s'était établi à côté de lui tombèrent en pleine dissolution. Après l'incorporation de Genève à la France, les loges de cette ville, qui étaient alors dans un état complet d'anarchie, formèrent une grande loge provinciale dépendante du Grand-Orient de France. Cette organisation subsista jusqu'en 1809, époque à laquelle la Grande-Loge provinciale fut dissoute. Plusieurs de ses ateliers, qui refusèrent de reconnaître la suprématie du corps dirigeant de la maçonnerie française, continuèrent de travailler hors de toute correspondance ; mais elles se rallièrent l'année suivante au Grand-Orient helvétique roman, dont nous parlerons ailleurs.

      La franc-maçonnerie fut importée en Suède antérieurement à 1738. Suspendus pendant quelque temps, ses travaux furent repris vers 1746. En cette année, des francs-maçons de Stokholm firent frapper une médaille à l'occasion de la naissance du prince royal. Les loges suédoises étaient florissantes en 1753. Elles fondent alors, pour célébrer la naissance de la princesse Sophie-Albertine, une maison de secours pour les enfants orphelins, sur laquelle nous avons inséré des détails dans notre statistique de la maçonnerie. Ce n'est qu'en 1754 que la Grande-Loge de Suède fut instituée ; elle reçut à cet effet, de la grande loge d'Ecosse, une patente qui lui conférait le titre de Grande-Loge provinciale. Dans la suite, elle se déclara indépendante, et se constitua en grande loge nationale. Elle fut reconnue en cette qualité par tous les corps maçonniques de l'Europe, notamment par la Grande-Loge d'Angleterre, qui, en 1799, sur la demande du duc de Sudermanie, grand-maître de Suède, contracta une alliance intime avec elle.

      Introduite en Pologne avant 1739, la franc-maçonnerie y cessa ses travaux en cette année, pour obéir à un édit du roi Auguste II. Les loges ne s'y rouvrirent que sous Stanislas-Auguste, qui favorisa particulièrement les maçons. En 1781, le Grand-Orient de France, sur les sollicitations des loges Catherine à l'Etoile du Nord et la Déesse d'Eleusis, de Varsovie, établit une commission en Pologne, à l'effet d'y constituer des ateliers de son rite, et, s'il était possible, un Grand-Orient. La commission érigea plusieurs loges, entre autres, la Parfaite Union, le Bon Pasteur, le Lithuanien zélé et le Temple de la Sagesse, à Wilna ; le Parfait Mystère, à Dubno ; la Constance couronnée, l'Ecole de la Sagesse et l'Aigle blanc, à Posen ; l'Heureuse Délivrance, à Grodno ; le Temple d'Isis et le Bouclier du Nord, à Varsovie. Les nouvelles loges, réunies à celles qui existaient déjà, fondèrent en 1784 un Grand-Orient national, qui avait son siège à Varsovie. A partir de ce moment, l'association se propagea rapidement dans toutes les parties de la Pologne. En 1790, on y comptait soixante-dix ateliers florissants.

      L'époque de l'établissement de la franc-maçonnerie en Danemark est entourée d'obscurité. Suivant Lawrie, la Grande-Loge de ce royaume aurait été instituée à Copenhague en 1742, tandis que, d'après Smith, ce serait seulement en 1743 que la première loge danoise aurait été fondée dans cette ville. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'un grand-maître provincial fut nommé pour le Danemark, en 1747, par la Grande-Loge d'Angleterre, sous la grande-maîtrise de lord Byron. Il faut croire que si, dans ces commencements, il se forma des ateliers maçonniques en Danemark, ils n'y eurent pas une longue existence ; car il n'en restait pas de traces en 1754. En cette année, la Grande-Loge d'Ecosse érigea une loge à Copenhague, sous le titre du Petit Nombre, et institua en même temps un grand-maître provincial qu'elle investit du pouvoir de constituer de nouveaux ateliers et de les réunir à sa grande loge, à la condition de reconnaître la suprématie de la Grande-Loge d'Ecosse. En effet, un centre maçonnique fut établi, qui, dans la suite, secoua le joug de la métropole et se déclara indépendant. Une ordonnance royale, rendue alors, dispose que tout atelier qui ne serait pas reconnu par la Grande-Loge nationale serait considéré et traité comme une société secrète en opposition aux lois. Depuis, la franc-maçonnerie a joui dans ce pays d'une tolérance non interrompue ; une ordonnance royale du 02 novembre 1792 la reconnaît même officiellement. Aujourd'hui, elle forme une institution de l'Etat, et le roi régnant en est le grand-maître.




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