Vous êtes ici : Franc- maçonnerie | Livres, Textes & Documents | La Franc-Maçonnerie en France depuis 1725 | 1800 à 1883

La Franc-Maçonnerie en France depuis 1725

Louis Amiable
© France-Spiritualités™






DEUXIÈME PARTIE
Le Grand Orient de France au XIXème siècle



De 1800 à 1883

      La Révolution, en consacrant, dans une nouvelle organisation sociale et politique, les larges et libérales doctrines de la franc-maçonnerie, en donnant au monde nouveau l'immortelle Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen, et à la France la Constitution si loyalement démocratique de 1791, substitua son action plus énergique, plus militante et plus pratique, à la propagande spéculative qui caractérisa jusqu'en 1789 l'action de la franc-maçonnerie. Des programmes, des vœux émis dans les Cahiers, après avoir été préparés dans les Loges, l'Assemblée nationale avait passé aux actes ; et en réalité chaque maçon, s'aidant de l'idée, se préparait à prendre place dans le drame encore mystérieux, mais qu'on pressentait formidable, qui allait marquer le douloureux enfantement de cette société nouvelle ayant pour base et justification le principe indéfectible de la Souveraineté nationale et la suprématie nécessaire de la Raison et de la Science sur la tradition théocratique et militaire du passé.

      En 1789, à l'ouverture des Etats généraux, la grande famille maçonnique française est dans son plein épanouissement. Elle compte parmi ses adeptes les plus grands esprits du temps. Elle a reçu Voltaire sous le respectueux et fraternel patronage de Franklin, dans cette loge fameuse des Neuf Sœurs, alors présidée par l'illustre Lalande. Elle connaît Condorcet, Mirabeau, Danton, Robespierre, Camille Desmoulins ; elle a pour grand-maître le duc d'Orléans. Mais voici venir l'épreuve : Les frères qui appartiennent à la noblesse et au clergé vont émigrer en grand nombre, et s'armer contre la Patrie ; les autres, ceux qui restent, et les plus illustres, vont, dans un effort grandiose, fonder l'édifice social et politique nouveau sur ces principes lumineux, liberté, égalité, fraternité ; mais quand ils auront accompli leur tâche sublime, tous seront morts. Selon la parole énergique de Cambon, le grand financier de la Révolution française : « L'Assemblée constituante avait allumé sur la France un phare superbe : la législative a tout obscurci, et sous la Convention, dans la nuit terrible, nous nous sommes tous tués. » – Et, en effet, après la mort tragique du dernier grand-maître, la franc-maçonnerie entra elle-même dans ce sommeil, sommeil de deuil, dont elle aura tant de peine à se réveiller.

      En 1795, un homme de cœur, Roeltier de Montaleau, qui occupait une haute place d'estime et de considération dans la Maçonnerie française, entreprit de réveiller les loges. On lui offrit la grande maîtrise : il refusa, et ne voulut accepter que le titre de Grand Vénérable, pour accomplir son œuvre de reconstitution.

      Dix-huit loges seulement du G:. O:. de France, à sa première impulsion, reprirent leur activité; et, suivant un arrêté du 24 février 1797, le Grand Orient décida de consacrer le souvenir de ce réveil par une grande fête de bienfaisance.

      L'œuvre patiente du rétablissement de la chaîne d'union, se poursuivit jusqu'à l'époque du 18 Brumaire, sans autre particularité que la reprise des conflits entre le Grand Orient de France et le Suprême Conseil Ecossais.

      L'homme sinistre de Brumaire connaissait trop la puissance de notre association pour lui laisser sa libre action : et ayant fait reculer la Révolution par delà 1789 ; ayant rétabli le catholicisme d'Etat par le Concordat de 1801, il ne pouvait tolérer la propagande de la libre pensée, qui est la seule raison d'être de notre doctrine.

      Aussi, les hommes qui dirigeaient le Grand Orient de France durent-ils se préoccuper de le sauver des menaces dont il était l'objet ; et c'est pour accomplir cet acte de sauvetage et de contrainte morale, qu'une députation du G:. O:. se rendit en 1805 auprès du F:. Cambacérès, archi-chancelier de l'Empire et grand dignitaire du Suprême conseil.

      Le F:. Cambacérès promit de transmettre à l'Empereur les sentiments de respect et de dévouement de la franc-maçonnerie ; et il annonça bientôt au G:. O:. que l'Empereur était disposé à lui donner comme grand-maître le prince Joseph Napoléon.

      En même temps, il intervenait pour mettre fin aux querelles du Grand Orient et de l'Ecossisme ; il les amenait à conclure un Concordat, constituant une sorte de partage d'attributions, en ce qui touchait la collation des hauts grades ; et enfin, pour donner à cette œuvre de transaction subie bien plus que consentie, une apparence de consécration, il se fit déférer la Grande-Maîtrise de tous les rites.

      Ce n'était et ce ne pouvait être qu'une trêve. Le 17 septembre 1805, l'union était rompue et chaque obédience reprenait sa liberté d'action.

      Cette division funeste des forces maçonniques n'a point encore fait place à l'union qui a toujours été l'objectif du Grand Orient ; et elle a privé la Maçonnerie française d'une puissance de cohésion qui eut rendu à la sainte cause de la liberté les plus grands services. Cependant, au fond de tous les conflits, on ne rencontre comme résidu que de mesquines rivalités personnelles, des vanités incompressibles et les plus misérables ambitions.

      Quoiqu'il en soit, sous le premier Empire, le Grand Orient conserva la suprême influence ; il sauvegarda avec soin, en s'appuyant sur le suffrage démocratique des Loges, la tradition d'égalité qui est le véritable lien philosophique et social des hommes libres ; et laissa au Suprême Conseil le gouvernement des hauts grades, dans lequel, comme sous la Constitution impériale, toute autorité venait d'en haut, et n'avait rien à demander au suffrage direct des ateliers.

      Si l'on apprécie la prospérité d'une institution par la surface numérique qu'elle expose, on doit considérer la Franc-Maçonnerie française sous l'Empire, comme ayant atteint son plus haut degré de puissance et d'éclat : en 1810, elle compte 878 Loges, dont 65 Loges militaires ; en 1814, 905 Loges, dont 73 militaires.

      Assurément, c'est là un beau chiffre. Mais ce grand corps n'avait plus l'âme des hommes du XIIIème  siècle. – Il était devenu l'un des organes de la servitude qui était le régime de la France ; la Maçonnerie avait le droit d'aduler le despote qui, à cette condition, lui permettait de vivre ; mais toute discussion de philosophie sociale ou religieuse était interdite, et la censure impitoyable était attentive à mettre, dans nos temples, sa main compressive sur toute bouche indiscrète, et à réprimer, à l'extérieur, toute manifestation, toute publicité.

      Rien de plus misérable que ces adulations, ces flagorneries au pouvoir, qui sont le fonds invariable de toutes les harangues maçonniques ; rien de plus triste que ces lieux communs sur la morale ; rien de plus lamentable que cette ignorance profonde de la tradition maçonnique, dont les gloires sont encore si nouvelles et si hautes.

      Dans les banquets de ce temps, on a le souci des paroles vides, on mange bien, on boit mieux encore, on chante Bacchus et Cupidon.

      Mais il y avait dans cette masse de francs-maçons asservis, quelques âmes, quelques consciences d'élite qui non seulement se tenaient debout et nères devant ces honteuses faiblesses, mais qui protestaient contre cet avilissement.

      Le F:. des Etangs écrivait ceci sur la maçonnerie impériale :

      « Celui qui venait d'être leur dominateur (Napoléon Ier) connaissait l'esprit de cette institution, et se doutait bien qu'elle n'approuvait pas ce qu'il faisait. Il résolut, non de la détruire, mais de la corrompre et de la défigurer. Il la fit embrasser par son monde, par ses officiers, ses magistrats, par sa cour et par son armée. Son archi-chancelier même, dont il avait fait un prince, fut nommé le Grand Maître. – Aussi, quand Bonaparte tomba du trône, tous les francs-maçons s'envolèrent comme des oiseaux épouvantés ; tous ses salariés, grands et petits, désertèrent ; les serments maçonniques furent foulés aux pieds comme tant d'autres serments ; et il ne resta plus, pour ainsi dire, que des gens du peuple qui, comprenant la maçonnerie moins encore que les déserteurs, se mirent à la diriger à leur profit et selon leur pauvre intelligence. »




Site et boutique déposés auprès de Copyrightfrance.com - Toute reproduction interdite
© 2000-2024  LB
Tous droits réservés - Reproduction intégrale ou partielle interdite

Taille des
caractères

Interlignes

Cambria


Mot de passe oublié
Créer un compte FRANC-MAÇONNERIE