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Le Prince Murat et la Franc-Maçonnerie

à propos de la question romaine
Paul Roger
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II

Pendant que le prince Murat abandonnait ses maximes de tolérance, voyons où conduisait son administration intérieure.

      Sous l'impulsion du Grand-Maître, il fut décidé qu'une société civile serait constituée dans le sein de l'Ordre pour acheter un hôtel, rue Cadet, n° 16, afin de permettre aux Francs-Maçons d'être chez eux ; ils se rassemblaient alors dans la maison de la Redoute, rue dé Grenelle-Saint-Honoré. L'hôtel de la rue Cadet fut acheté.

      Depuis, une partie de l'hôtel de la rue Cadet a été louée à des étrangers.

      Ensuite, le reste de l'hôtel spécialement réservé aux Loges est envahi par des sociétés de différente nature, auxquelles l'administration accorde la priorité sur lès Francs-Maçons eux-mêmes.

      Lorsque le Grand-Maître demandait l'achat d'un hôtel, il se fondait avec raison sur ce qu'il n'était pas convenable que les Francs-Maçons tinssent leurs réunions dans une maison où se trouvait un bal public.

      Il voulait que les Francs-Maçons fussent tranquilles chez eux, et une partie de l'hôtel de la rue Cadet a été louée à un bal dont le bruit vient les troubler dans leurs travaux.

      Ce bal est le Casino dont on a dit quelque part :

      On sait ce que sont ces sortes d'endroits tolérés par la police des grandes villes comme des exutoires nécessaires. Les Francs-Maçons, sans être d'un rigorisme excessif, se sont vus avec grand déplaisir si mal entourés. Des filles aux fenêtres, des filles sur le trottoir, des filles sur le seuil, tel est l'encadrement de leur temple. On comprend les rencontres, les provocations résultant d'un pareil voisinage ; on devine les paroles qui volent dans l'air et que l'oreille du passant recueille sans le vouloir. Au milieu de tout cela, qu'on se représenle des maris, des pères conduisant leur famille aux fêtes de leur Loge, et voyant leur femme et leurs filles confondues à l'entrée et à la sortie avec le personnel de l'établissement voisin !

      Eh bien, voilà donc l'établissement qui se trouve dans l'hôtel d'un Ordre dont l'objet est, d'après le premier article de ses statuts, l'exercice de la morale universelle et la pratique de toutes les autres vertus.

      La Franc-Maçonnerie livre une partie de son local à cet établissement, et elle écrit dans sa constitution et dans ses statuts :

      Nul ne peut devenir Maçon et jouir des droits attachés à ce titre :
            S'il n'est âgé de vingt et un ans accomplis ;
            S'il n'est de réputation et de mœurs irréprochables ;
            S'il n'a une profession libre et honorable, et s'il ne justifie de moyens suffisants d'existence. (Art. 3 de la Constitution et 2 des Statuts généraux.)

      L'honnêteté ordinaire ne suffit pas pour devenir Maçon ;
      Il est prescrit au Vén:. d'user de la plus grande sévérité relativement à la moralité et à la réputation des Prof:. qui aspirent à.l'honneur d'appartenir à la Maç:. et de s'assurer s'ils n'ont pas déjà été refusés par d'autres LL:.
      L'Ordre maç:. ne peut étendre sa bienfaisante influence dans la société, que si le respect et la considération entourent chacun de ses membres. (Article 16 de la Constitution.)


      Poursuivons cet examen.

      Le Grand-Orient de France a fondé il y a huit ans, rue du Faubourg-Saint-Antoine, n° 295, une maison de secours pour ceux de ses membres qui, tombés dans la misère, ne peuvent se faire soigner lorsque la maladie vient les frapper.

      Le Grand-Orient reçoit pour l'entretien de cette maison la moitié du tronc de bienfaisance de chaque Loge.

      La maison de secours capitalise ses revenus en achat d'actions, et ne soulage ainsi que bien imparfaitement ceux qui vont frapper à sa porte.

      Nous passons sous silence les griefs financiers.

      Mais nous croyons utile d'inviter les membres de la prochaine assemblée à lire attentivement : le Grand-Orient de France, la Société civile et les paysans du Danube ; Examen des comptes-rendus de l'administration pour l'exercice de 1859.

      Que l'on juge maintenant par la citation suivante, empruntée au journal les Nationalités, jusqu'où peut aller l'abus du pouvoir dont est investi le Grand-Maître :

      En France, le régime de la presse donne au Gouvernement une sécurité parfaite. On sait qu'aucun ouvrage n'y peut être publié sans avoir été déposé par l'imprimeur, de sorte que le Gouvernement peut toujours foire saisir une publication avant la mise en vente. Eh bien ! ces garanties qui ont paru suffisantes au Gouvernement, le pouvoir maçonnique ne s'en est pas contenté. La liberté de la presse, déjà si fortement réglementée en France pour tous les citoyens, a été restreinte tout particulièrement pour les Francs-Maçons. Il leur est interdit de publier aucun écrit qui n'ait été au préalable vu et autorisé par le Grand-Maître, et pour assurer encore mieux l'exécution de cette prescription, un imprimeur leur est imposé. Un décret du Grand-Maître enjoint à tous les Francs-Maçons de se faire imprimer par l'imprimeur du Grand-Orient de France. Nous ne savons si Ferdinand de Naples, père de François II, est jamais allé jusque-là. Ce roi de droit divin, qui savait son métier, disait avec beaucoup d'esprit : « Mes sujets n'ont pas besoin de penser, je pense pour eux ; » mais il n'imposait pas à tous ses sujets un seul et même imprimeur. Les Napolitains se doutaient-ils qu'on pût faire mieux que lui dans l'art royal de museler les hommes ?

      Hier encore une suspension était prononcée contre un homme dont le zèle est connu dans la Maçonnerie tout entière, contre Riche-Gardon, le fondateur de la loge Renaissance et du Temple des Familles.

      Il avait écrit dans le journal l'Initiation ancienne et moderne, dont il est le rédacteur en chef :

      Les propositions les plus efficaces, des ateliers, tendant à manifester au gouvernement et à la nation ce que la Société des Initiés peut accomplir en vue du règne de l'ordre moral, ont été écartées jusqu'ici par le Grand-Maître en son conseil. [...]
      Les faits ont parlé si haut depuis quelques mois ; le langage du prince Murat au Sénat comme dans la publicité a pris un caractère si bien accusé, et les conséquences de ce langage ont déterminé de la part même du chef de l'Etat de tels actes de désavœu et plus encore, que sans outrager le bon sens, nous ne pourrions refuser de dire avec un grand nombre de nos frères :
      Oui, le Prince Grand-Maître avait des liens politiques qui paralysaient sa sollicitude pour l'essor intellectuel et moral de notre institution ; on n'aurait jamais pu croire qu'il se serait trouvé parmi les adversaires des tendances les plus libérales du Gouvernement impérial. Après des faits aussi significatifs, aussi solennellement accomplis et dont les conséquences comminatoires ont été si graves ; après l'appréciation faite par les journaux politiques de ce qu'ils ont appelé l'attitude du Grand-Maître de la Franc-Maçonnerie, il est trop évident que S. A. R. le prince Murat ne peut plus vouloir représenter officiellement la mission de l'Ordre maçonnique en France, surtout en présence des menées audacieuses de l'obscurantisme, qui fait tout, plus que jamais pour calomnier notre institution, et faire le trouble moral dans le monde !


      Et un décret a répondu comme explication.


DÉCRET

      Nous Prince LUCIEN MURAT, Grand-Maître de l'Ordre maçonnique en France, vu l'article publié dans le numéro de mars-avril 1861 du journal l'Initiation, sous la rubrique Grand-Orient de France, et signé Riche-Gardon ;

      Considérant que cet article renferme des allégations contraires à la vérité ; qu'il énonce des faits auxquels sont attribués plus ou moins gratuitement un caractère et un esprit antimaçonniques ; qu'il est irrespectueux au plus haut degré envers le Grand-Maître en son Conseil ainsi qu'envers le Grand Maître de l'Ordre, dont il se permet de discuter les actes profanes ;

      Considérant qu'il ne saurait être, en aucun cas, permis de chercher à introduire dans la Maçonnerie la discussion de la conduite politique ou religieuse de ses membres, et, a fortiori, du Grand-Maître de l'Ordre, sans que la sécurité de l'Ordre soit directement menacée ;

      Vu les art. 2 (§ 2} et 52 de la Constitution, et 296 des Statuts généraux ;

      Notre Conseil entendu, avons décrété et décrétons :

            Art. Ier. – Le journal revue l'Initiation ancienne et moderne est provisoirement suspendu.

            Art. 2. – Le F:. Riche-Gardon, signataire de l'article sus-mentionné et directeur-gérant de cette Revue, Vén:. de la L:. le Temple des Familles, est provisoirement suspendu.

            Art. 3. – Notre Représentant particulier, grand officier d'honneur de l'Ordre, etc., est chargé de la notification et de l'exécution du présent décret.

      Donné à l'Or:. de Paris le 02 mai 1861 (È. V.). Le Grand-Maître de l'Ordre maçonnique en France,

L. MURAT.

      Par le Grand-Maître : Le Représentant particulier du Grand-Maître, grand officier de l'Ordre, etc.,

REXÈS, 53°



      Et un second décret a prononcé la fermeture du Temple des Familles, qui cherchait à mettre en pratique les paroles que le Grand-Maître lui-même écrivait en 1856 à M. Berjot, de Caen.


DÉCRET

      Nous Prince LUCIEN MURAT, Grand-Maître de l'Ordre maçonnique en France,

      Vu notre décret de ce jour, prononçant la suspension du F:. Riche-Gardon, Vén:. de la Loge le Temple des Familles ;

      Attendu que ce F:. a adressé au Grand-Maître une pl:., dans laquelle, – parlant au nom des Frères adhérents-sympathiques à l'œuvre du journal-revue l'Initiation, aussi suspendu par notre susdit décret, – se retrouvent les sentiments et les idées qui ont inspiré l'article du journal-revue suspendu par le même décret ;

      Attendu que la plupart des FF:. sûs-désignés font partie de la Loge le Temple des Familles dont le F:. Riche-Gardon était le Vén:. ;

      Attendu d'ailleurs que la direction donnée aux travaux de cette Loge a été l'objet de diverses plaintes dont s'est ému le Grand-Maître en son Conseil dans ses séances des 18 février et 18 mars derniers ;

      Voulant que l'Institution maçonn:. donnée aux Atel:. ne puisse, en aucun cas, couvrir une immixtion plus ou moins directe aux choses du domaine de la politique ou de la religion ;

      Vu les art. 2 et 52 de la Constitution et 14 des Statuts généraux ; notre Conseil entendu,

      Avons décrété et décrétons :

            Art. 1er. – La Loge Saint-Jean, constituée à l'Or:. de Paris sous le titre distinctif le Temple des Familles, est provisoirement suspendue.

            Art. 2. – Notre Représentant particulier, Grand Officier d'honneur de l'Ordre, etc., est chargé de la notification et de l'exécution du présent décret.

      Donné à l'O:. de Paris, le 02 mai 1861 (È. V.) Le Grand-Maître de l'Ordre maçonnique en France,

L. MURAT.

      Par le Grand-Maître : Le Représentant particulier du Grand-Maître, grand officier de l'Ordre, etc.,

REXÈS, 53°




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