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Les précurseurs de la Franc-Maçonnerie

au XVIème et au XVIIème siècle
Claudio Jannet
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Appendice II – Statuts et lois des Frères de la Rose-Croix, d’après un manuscrit du XVIIIème siècle

Nous publions ici un document qui date des dernières années du XVIIIème siècle et qui provient des manuscrits maçonniques de M. André Peyrusse, aujourd'hui déposés à la bibliothèque de Carcassonne.

      André Peyrusse avait été d'abord secrétaire de Kléber en Egypte, puis secrétaire général de l'administration des finances en Egypte, trésorier général de la Louisiane, receveur général du Hanovre et receveur général du département d'Indre-et-Loire jusqu'en 1815, où il fut destitué. Comme tous les hauts fonctionnaires bonapartistes, il était fort avant dans la maçonnerie et avait été l'un des membres les plus importants du rite écossais ancien accepté. Il mourut en 1855.

      Ces manuscrits comprennent la série complète des cahiers des 31 premiers grades du rite écossais. Jusqu'à la récente publication du Cours de maçonnerie pratique, les cahiers du 33ème grade avaient été gardés avec tant de précautions qu'aucune copie n'était sortie du sein des conseils suprêmes (116).

      Plusieurs de ces cahiers sont contresignés et certifiés conformes aux originaux déposés au secrétariat général du grand chapitre de Heredom de Kilwining, à Edimbourg, par le F:. Abraham, secrétaire général de la grande loge générale écossaise de France, l'auteur du Miroir de la Vérité, que nous avons cité plus haut.

      Ces cahiers indiquent bien la portée de la maçonnerie : le but essentiellement révolutionnaire et antichrétien des hauts grades s'y accuse beaucoup plus ouvertement que dans les éditions et remaniements postérieurs qui en ont été faits.

      Aux cahiers du grade de rose-croix se trouve annexée la pièce que nous publions ici. Nous avons déjà dit le nombre considérable de documents supposés, de légendes fabriquées par les fondateurs des rites maçonniques au XVIIIème siècle. Cependant des traditions réelles peuvent parfois leur avoir servi de point de départ. Les quelques faits de l'histoire de la confrérie des rose-croix, qui sont exposés dans ce document, sont en conformité si parfaite avec les relations authentiques du commencement du XVIIème siècle, les données qu'il y ajoute sont tellement conformes à ce que nous savons de l'esprit de cette confrérie, que nous inclinons à admettre qu'une tradition réelle a servi de base à cette rédaction. En tout cas elle a toujours la valeur d'un document maçonnique indiquant l'esprit des loges pendant la préparation de la Révolution française et aussi sous le premier Empire, époque qui fut l'apogée de la maçonnerie.

      Le manuscrit de Carcassonne, que nous reproduisons ici, contient plusieurs fautes de français et plusieurs mots sont omis. Il est lui-même une copie de manuscrits antérieurs. Les différences de date que l'on remarque notamment entre le préambule et les articles 16 et 19, indiquent des remaniements successifs et sont plutôt une preuve de l'authenticité d'un fond primitif de rédaction datant du XVIIème siècle.



GRADE
DES PRINCES CHEVALIERS
DE ROSE CROIX
ET
CHEVALIERS DE LA CROIX D'OR
FAMEUX ORDRE SUBLIME
THÉOLOGIQUE ET PHILOSOPHIQUE
DES F:. DE LA RO:. C:. OU DES A:. ET SEP:.
_____________

STATUS ET LOIX
DE NOS F:.

      L'an 1624, les frères voulant se réunir pour convenir de certains arrangements pour que leur sainte société ne vint pas à se perdre, ils firent circuler une invitation à tous les membres qui pourraient se trouver sur la terre, et il ne s'en trouva plus que 9 et 2 apprentifs, lesquels, après de mûres réflexions, arrêtèrent que notre ordre devrait être multiplié afin que la grande science ne se perdît pas avec les membres qui viendraient successivement à diminuer jusqu'à l'anéantissement total de l'ordre et de leur grand sçavoir. Ils ont donc conclu unanimement qu'il était indispensablement nécessaire de tenir les articles suivants :

      1. – Que la confraternité qui n'était anciennement que de 23 frères serait augmentée jusqu'à 63 sans en augmenter le nombre et sans le consentement unanime d'un chapitre qu'ils tiendraient (s'il était nécessaire) pour cet objet (sic).

      2. – Qu'on ne recevra aucun fanatique, ni bigot, ni impie, mais seulement des gens vraiment chrétiens, capables de la régénération de toute la communion chrétienne ; or, comme la différence de religion causait autrefois des dissentions parmi nos frères, l'on juge à propos de ne recevoir que des protestants, ce qui établira une union parfaite parmi nous ; mais les préjugés des sçavants ayant été subjugués à la raison, cela fit qu'on reçut aussi des catholiques romains pour prouver que nous n'avons de l'aversion pour qui que ce soit. Le comte de la Marche Trévisane n'était-il pas des nôtres ? Mais il y aurait beaucoup à dire sur sa façon de penser qu'on peut tirer de son symbole.

      3. – Que notre Empereur ou Roy demeurera dans sa dignité sa vie durant.

      4. – Il y aura une liste exacte de tous les noms des frères, de leur âge, de leur demeure quand ils ont été reçus, du pays qu'ils habitent, afin qu'en cas de besoin on les puisse secourir. Le plus ancien de tous nos frères doit toujours être élu pour la dignité d'Empereur et dans nos chapitres on lui donne le titre de Grand Seigneur.

      5. – Lorsque deux ou trois frères seront assemblés, ils ne pourront pas élire un ffère nouveau ni faire aucune réception sans le grand sceau de notre Empereur, et celui qui sera reçu autrement ne pourra ni devra être reconnu pour un de nos frères, puisqu'il est sensé être reçu sans le consentement supérieur que le grand sceau donne à celui qui en est muni : Dans certains cas, un frère peut faire des prosélytes et recevoir les aspirants, mais il ne faut qu'un de nos anciens ou un de nos mages qui n'ont que Dieu ou la Sagesse pour guide de leurs actions.

      6. – Il y a trois grades qui sont : l'apprentif, la compagnon et le maître, ne s'écrit pas (sic), l'apprentif étant à son temps sous la discipline d'un maître, le doit aider dans ses travaux, ce qui lui fait mériter de recevoir le grade de compagnon, cependant chaque apprentif est soumis au maître qui le doit instruire afin de le rendre digne et capable de participer à nos travaux, d'où il appert que l'apprentif avant et dans le temps qu'il aide son maître lui doit être obéissant jusqu'à la mort.

      7. – Les frères ne mangeront pas ensemble excepté le dimanche ; mais s'ils travaillent ensemble, ils pourront aussi manger ensemble.

      8. – Il est expressément défendu à qui que ce soit de nos frères d'élire son père ou son frère ou son parent, à moins qu'il ne le connaisse physiquement (sic), et qu'il l'ait éprouvé de toutes manières. II n'y a donc aucune préférence à faire sur le choix qui doit être philosophique et au cas que l'on aperçût quelque défaut dans son père, frère ou parent, il vaudrait mieux élire un étranger capable, afin qu'on ne puisse pas dire que nos mystères sont héréditaires.

      9. – Quand même trois ou quatre frères seraient assemblés, ils ne peuvent en aucune manière faire faire profession à un de nos apprentifs, à moins de l'avoir sondé et reconnu de longue main pour un très bon sujet et qui s'applique beaucoup, étant donc d'un discernement profond et d'une raisonnabilité à tonte épreuve et qui de plus aye une forte envie de s'attacher par des noeuds indissolubles à notre ordre.

      10. – Le grade d'apprentif doit durer deux ans pour pendant ce temps être instruit de nos mystères, qui sont la saine science dépouillée de tous les faux préjugés des sçavants prétendus du siècle.

      11. – Aussitôt qu'un de nos frères aura fait profession, il doit commencer à travailler se recommandant à Dieu et que, par conséquent, il ne secourera que les nécessiteux, bons chrétiens, vertueux et humbles de coeur, sincères, sans ambition, sans rancune pour les maux ou injures reçues, d'où l'on conclut que tous les tyrans et autres méchants sont exclus de nos secours et même ceux qui pourraient le devenir s'ils étaient à leur aise. Il faut donc bien connaître, avant de faire du bien à quelqu'un, à moins qu'on ne soit absolument inspiré pour le faire, ce que nos frères savent bien distinguer.

      12. – L'on défend d'écrire ou d'imprimer la moindre chose de nos mystères, et si pour son propre usage on soit obligé de mettre quelque chose par écrit, qu'on le fasse avec nos énigmes et hiéroglyphes accoutumées, usant ainsi de stéganographie pour souvent exprimer des termes indispensablement nécessaires dans nos secrets de nature.

      13. – Il est aussi défendu de publier la moindre chose contre notre art et nos mystères.

      14. – Quand nos frères voudront parler de choses qui regardent notre ordre et nos mystères, il faudra que cela se fasse dans un lieu clos et bien à l'abri des profanes.

      15. – Quand un frère communique ou donne quelque chose à un frère de l'ordre, que cela se fasse gratis pour qu'il ne soit pas dit que les dons de Dieu sont vénaux.

      16. – Il est absolument défendu de montrer ses travaux ou leurs résultats aux profanes ou aux maçons qui ne sont pas de notre ordre.

      17. – Les frères éviteront les grandes assemblées et la grande conversation avec les profanes, et ne chercheront pas à se marier ; si cependant ils ne peuvent se passer de femme, on leur permet d'avoir chacun la sienne, à condition qu'ils vivent avec elle philosophiquement et ne là laissent pas converser avec les jeunes frères, mais seulement avec ceux que l'âge a rendus prudents pour éviter les conséquences dont nous avons vu les tristes effets l'an 1661 ; et qu'il aye égard à l'honneur de ses enfants comme au sien propre.

      18. – L'on défend expressément de faire des choses miraculeuses en présence des profanes, car cela peut aisément trahir son auteur comme il est arrivé à Rome, l'an 1610. Mais entre les frères cela est permis.

      19. – Comme nous perdîmes deux de nos frères l'an 1641, à Vienne, en Autriche, pour avoir eu l'imprudence de se donner à connaître à des profanes, et surtout aux soi-disant jésuites, il fut défendu sévèrement de recevoir aucun Autrichien ou sujet de ces pays héréditaires et même de leur donner l'aumône ; or, comme cela paraît contraire à la charité, nous supprimons entièrement notre défense, et défendons expressément le commerce avec les jésuites sus-dits comme excréments de l'enfer, n'étant bon que pour leurs intérêts propres.

      20. – Un frère ne travaillera jamais s'il n'est aidé par un de nos frères, s'il a besoin d'aide ; il doit s'en passer plutôt que d'employer un profane tel qu'il puisse être.

      21. – Quand un de nos frères sera invité à manger chez quelqu'un de nos frères comme l'équité l'ordonne quelquefois, il faut que celui qui invite, tache d'instruire son hôte s'il est plus instruit qu'eux, et au cas qu'il n'y aye pas des profanes de la partie.

      22. – L'article 7 ne pouvant pas toujours avoir lieu dans la première classe, il ne sera point imputé à celui qui aura pris un lundi pour le dimanche ou tels jours de la semaine qu'il jugera à propos, pourvu que tout se fasse avec discernement pour être seul, mais puisque nous vivons avec les profanes, il est bon que plusieurs frères ensemble y mangent puisque leur prudence ne sera que plus assurée.

      23. – Les frères éviteront toute familiarité avec les filles et les femmes, vivant chrétiennement tant de paroles qu'en faits et se rendront irréprochables.

      24. – Un frère interrogé sur ce qui concerne notre ordre doit affecter une ignorance entière de ses mystères et même son existence.

      25. – Il est défendu expressément de recevoir un homme marié puisqu'il ne pourrait s'aimer pour vivre avec sa femme philosophiquememt sans que cela ne portât préjudice à leur société qui serait bientôt troublée ; à moins que l'âge mûr des deux ne puisse autoriser cette réception sans préjudice à l'amitié qui doit régner entre époux ; dans ce cas il faut que le candidat s'éloigne petit à petit des embrassements de son épouse, afin que par le motif d'âge et d'impuissance supposée, il se trouve isolé de tout obstacle à nos mystères.

      26 – Tous nos frères doivent être vertueux et même ennemis de l'ombre du vice ; c'est pourquoi ils doivent avoir les qualités suivante : 1° Ils doivent être secrets ; 2° un esprit constant ; diligents dans leur travail et ennemi de toute paresse ; sçavants ; intelligents ; avoir beaucoup de lecture ; être d'une humeur posée et tranquille ; être isolé de toute charge qui lui ôte sa pleine liberté ; qu'il soit seul à moins qu'il n'ait un unique compagnon fidèle ; 10° qu'il ne soit pas pauvre ; 11° qu'il soit honnête dans sa conduite et dans ses ajustements et qu'il aye horreur du vice et tout péché ; 12° craignant Dieu ; 13° miséricordieux ; 14° qu'il prie Dieu avec ferveur, qu'il daigne bénir ses travaux et entreprises. Enfin celui qui n'est ainsi et ne veut pas le devenir, cherche vainement les moyens pour être véritablement des nôtres.

      A la suite de ces statuts on lit :


APPENDICE NÉCESSAIRE

      Nous sommes obligés d'avertir que le fameux ordre des princes chevaliers de Rose Croix est divisé en différentes classes ; la science en est la cause, leurs grands mystères en général est la pierre des sages qui est de deux espèces, l'une théologique, l'autre philosophique. La théologique est pour la vie éternelle et transforme l'homme de l'état de corruption naturelle du péché en une sainteté parfaite pour la vie éternelle ; mais la pierre philosophique ne peut que donner la santé du corps maladif, soit humain ou animal quelconque ou végétal ou même métallique ; c'est pourquoi celle-ci en procure un éternel bien préférable à tout autre. C'est cette dernière pierre élémentaire qui est l'objet des frères chevaliers de la Croix d'Or qui conduit au plus grand secret de la nature, comme la pierre théologique conduit aux mystères les plus sublimes de la divinité incarnée. L'ancien salut de nos frères, en général, était autrefois ave, frater, l'on répondait rosæ crucis si l'on était de la Rose Croix, et auræ crucis si l'on était de la Croix d'Or ou bien rosæ et auræ crucis si l'on était des deux ensemble ; mais la plus grande partie méprise le temporel, cependant l'on voit qu'il faut être l'un et l'autre.


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(116)  2 vol. in-12, Paris, 1885-1886, Baltenweck, éditeur.





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