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Les précurseurs de la Franc-Maçonnerie

au XVIème et au XVIIème siècle
Claudio Jannet
© France-Spiritualités™






II – Rapport des Francs-Maçons avec les anciennes corporations des Free-Masons et des Steinmetzen

En 1717, à Londres, un groupe d'hommes de lettres, parmi lesquels on remarque Anton Stayer, le médecin Desaguliers, Georges Payne, le révérend James Anderson et, au milieu d'eux, quelques seigneurs tels que Lord Montagu, constituent la grande loge d'Angleterre, avec quatre loges qui existaient auparavant et dont ils faisaient partie. En 1723, Anderson en publie les statuts sous ce titre : Les Constitutions des francs-maçons (9).

      Dans ces constitutions, il n'est question que des trois grades fondamentaux d'apprenti, compagnon et maître, qui constituent encore aujourd'hui la base de tous les rites maçonniques et sont appelés les grades symboliques.

      Sans dissimuler que par certains côtés ils font une œuvre nouvelle, les auteurs des Constitutions conservent dans leur rituel les formes extérieures de la grande corporation du moyen-âge, qui s'appelait en Angleterre les Free-Masons et qui paraît avoir été une branche des Steinmetzen allemands, auxquels on doit la cathédrale de Strasbourg et tant d'autres merveilleux monuments du XIVème et du XVème siècle. Quand les derniers ouvriers qui, en Allemagne, gardaient la tradition authentique des Steinmetzen rencontrèrent, au XVIIIème siècle, les francs-maçons, dont l'initiation remontait à la Grande Loge d'Angleterre, ils reconnurent chez eux leurs antiques attouchements et signes de reconnaissance (10). Encore aujourd'hui, en Angleterre, les ouvriers maçons, lorsqu'ils entrent dans une loge, ont le privilège de ne payer que la moitié des droits ordinaires. Jusqu'au milieu du XVIème siècle, les free-masons anglais formaient une grande corporation composée d'ouvriers du bâtiment, qui n'admettait dans son sein que des hommes libres, se distinguait soigneusement des maçons ordinaires (rough masons), et gardait, avec le secret de son art, des signes de reconnaissance particuliers et des légendes fantastiques sur l'histoire de leur métier. Ces légendes étaient absolument semblables a celles que se transmettent les Compagnons du devoir de nos jours et qui remontent elles aussi au moyen-âge (11). Ces légendes et les règles des Free-masons anglais comme ces vieux rites des Steinmetzen allemands n'ont rien d'hostile aux dogmes chrétiens ni aux pratiques du catholicisme. Leur centre était à York. où le grand œuvre du Munster avait fixé leur mère loge.

      A partir des dernières années du XVIème siècle, les Free-masons anglais, tout en conservant les signes, les attouchements et l'organisation secrète du moyen âge, reçurent dans leur corporation des personnages divers étrangers à l'art du bâtiment : de là l'épithète de free and accepted masons (12). Une tradition, très répandue, affirme qu'ils prirent une part active dans les guerres civiles du temps de Charles Ier et de Cromwell. Aucun document du temps n'y fait allusion mais un certain nombre de manuscrits de cette époque constatent l'admission dans l'ordre de seigneurs, de pasteurs, de gens de lettres. C'est ainsi qu'Elias Ashmole, ainsi qu'il le raconte lui-même, avait été reçu vers 1646. Il avait formé une collection de documents sur l'histoire de la maçonnerie qu'en 1720 on brûla, comme pouvant compromettre l'ordre, devant qui de nouvelles destinées s'ouvraient (13). La corporation des Free-Masons existait aussi dès le moyen âge en Ecosse. Les loges de ce pays étaient très nombreuses et recevaient beaucoup de membres étrangers dès le XVIIème siècle. Après la Restauration, les princes de la maison de Stuart étaient les hauts protecteurs de la corporation. Dans leur exil, Jacques II et Charles-Edouard en conservèrent le titre. C'est ce qui explique comment, en 1689, les réfugiés écossais purent établir une loge à Saint-Germain-en-Laye (14) et surtout comment plus tard Ramsay et Charles-Edouard se laissèrent aller à l'idée d'utiliser pour leurs projets de restauration l'organisation maçonnique, qui commençait à être répandue dans toute l'Europe.

      La loge mère d'York continuait à fonctionner : de 1726 à 1730, elle manifesta une certaine activité et ne protesta nullement contre la fondation et la conduite de la Grande Loge d'Angleterre. Son maître ou président Drake lui donnait une direction politico-religieuse analogue. Dès 1721, James Anderson alla visiter les loges d'Edimbourg, où il fut parfaitement accueilli, ainsi que le constatent leurs procès-verbaux (15).

      La grande loge de Londres, la loge mère d'York, la loge mère de Kilwining, en Ecosse, furent les centres où se formèrent les rites si nombreux pratiqués depuis. Il est important de constater que, dès 1717, ils étaient déjà arrivés au même point de vue doctrinal.


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(9)  The Constitutions of the Freemasons containing the history, charges, regulations, etc., of the most ancient and right worshipful Fraternity for the use of the Lodges (London, 1723). Anderson en a publié une édition révisée et plus développée en 1738.

(10)  Voyez Janner, Die Bauhütten des deutschen Mittelalters (Leipsig, 1876, in-8°), p. 141. Comparez, à la fin de la 4ème édition de la Geschichte der Freimaurerei de G. Findel (Leipzig, 1878, in-8°), les signes de reconnaissance des Steinmetzen allemands et des anciens free-masons anglais.

(11)  Voyez The early History of Freemasonry in England by James Orchard Haliwell, in-12, London, 1840, et les trois premiers volumes de l'History of Freemasonry par Gould, in-4°, London, 1883-1885.

(12)  Voyez, outre l'ouvrage cité à la note précédente, les manuscrits d'Aubrey et de Plott qui datent du XVIIème siècle et sone analysés dans l'Allgemeines Handbuch der Freimaurerei (2ème édition, Leipsig), V° Plott, t. III, et V° Aubrey, aux Nachtrage. Voyez aussi, dans la Biographia Brittanica, la notice sur Ashmole.

(13)  Voyez l'article Ashmole, dans la Biographia Brittanica. Parmi les manuscrits, qui furent ainsi brûlés, il en était un de Nicolas Stone, surveillant de la loge de Londres des Free-masons au temps d'Inigo Jones, c'est-à-dire avant 1618. Voyez Allgemeines Handbuch der Freimaurerei.

(14)  Voyez H. de Loucelles, Notice historique sur le R. L. Bonnefoi, O. de Saint-Germain, Saint-Germain en Laye, 1874, in-4°.

(15)  Findel, Geschichte der Freimaurerei, 4ème édition (Leipzig, 1878), p. 270 et p. 240 ; Gould, History of Freemasonry (London, in-4°, 1879-1885, t. II).




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