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Les précurseurs de la Franc-Maçonnerie

au XVIème et au XVIIème siècle
Claudio Jannet
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IX – Les sociniens et le convent de Vicence en 1546

De tous les groupes protestants, qui ont concouru à nouer le faisceau d'une grande conspiration antichrétienne et antisociale, les plus agissants, ont été les Sociniens.

      Les Sociniens niaient absolument l'Incarnation et la Trinité. Tout en conservant l'organisation extérieure du christianisme telle que les Calvinistes et les Zwingliens l'avaient établie, au fond ils étaient de purs déistes et tendaient la main aux juifs et aux mahométans. Dans l'ordre civil, ils soutenaient les idées les plus hardies. Quelques-uns même défendaient avec le capucin apostat Ochino la polygamie ! Tous enseignaient que la société n'avait pas le droit d'infliger la peine de mort. C'est depuis le XVIIIème siècle une des thèses que la maçonnerie défend avec le plus de persistance.

      Feller et l'abbé Lefranc, le supérieur général des Eudistes, dans son ouvrage Le Voile levé, publié en 1791, leur attribuent la fondation de la franc-maçonnerie. De nos jours, le savant évêque de Grenoble, Mgr Fava, a repris cette opinion, et tous les faits que nous rapprochons dans cette étude lui donnent un haut degré de probabilité. L'un des plus anciens historiens Sociniens, Lubieniczki, dans l'Historia reformationis Poloniæ (Friedstadt, 1635), p. 38, raconte qu'il s'était formé à Vicence, dans l'Etat vénitien, une académie secrète dans laquelle se réunissaient Jules Ghirlanda de Trévise, François de Ruego, Lœlius et Darius Socini, Alciat (50), Peruta, Jacques Chiari, l'abbé Léonard, Bernardino Ochino, tous déistes ou athées. Ils se concertèrent sur les moyens de détruire le christianisme. C'est de ce foyer qu'ils organisèrent une propagande secrète dans toute l'Europe en pénétrant dans les églises réformées. Deux autres historiens sociniens, Wizowaski et Christoph Sand, reproduisent ce récit (51). Comme tout ce qui a trait aux réunions de Vicence est resté enveloppé de mystère, des historiens postérieurs, Gustave Zeltner et Manfred von Camben, en ont révoqué en doute l'existence. Mais César Cantu, dans Les Hérétiques italiens (t. IV, p. 89 de la traduction française) et dans une étude spéciale sur les Socini, (Italiani illustri, Milan, 1873, t. III, p. 375 et suiv.), démontre la réalité de ces réunions de Vicence, qui étaient bien plus un convent de sectaires qu'une académie, au sens que l'on attache aujourd'hui à ce mot. Il ajoute que des réunions semblables eurent lieu à la même époque à Modène et à Trévise. Ces manœuvres eurent assez d'importance pour que, dès 1539, Melanchton écrivît au Sénat de Venise, afin de l'engager à poursuivre les antitrinitaires. Le pape Paul III adressa, en 1546, des lettres à la république de Venise, où il signale la propagande impie qui se faisait à Vicence et de là se répandait dans tout l'Etat vénitien, et se plaint du gouverneur de cette ville, qui n'avait pas mis de zèle à la réprimer (52).

      Le Sénat de Venise ordonna des mesures immédiates. On arrêta Jules Guirlanda et François de Ruego, qui furent exécutés. Les Unitaires les comptent au nombre de leurs martyrs. Quant aux autres, ils s'échappèrent et nous les voyons, Ochino et les deux Socini en tête, établir dans toute l'Europe de petites Eglises, qui, malgré les poursuites des luthériens et des catholiques, ne cessèrent pas de faire une propagande tantôt occulte, tantôt publique, selon les circonstances.


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(50)  Jean-Paul Alciat de Milan, qui figure parmi les membres du convent de Vicence, est sans doute un parent du jurisconsule Alciat. M. d'Orcet, dans les articles que nous avons cités plus haut, prétend reconnaître l'écriture secrète de la secte dans l'ouvrage intitulé : Omnia Andreæ Alciati emblemata illustrantur per Claudium Minsem, Antwerpiæ, in-8°, 1577.

(51)  Voyez Bibliotheca Antitrinitariorum de Christoph Sand, publié à Amsterdam en 1684 (Freistadt), p. 18. Le dernier historien d'Ochin, Karl Benrath, Bernardino Ochino von Sienna (Leipsig, 1875, in-8°) prétend qu'Ochino ne prit part au convent de Vicence. Il se fonde sur ce qu'il était en Suisse dans l'annéet 1546 et sur ce qu'à cette époque, ses opinions n'étaient pas encore antitrinitaires comme celles de son compatriote Lelio Socini (pp. 208 et 320). Nous n'avons pas à discuter ici cette assertion, d'autant plus que M. Benrath ne conteste nullement la réalité et l'importance du convent de Vicence. Bossuet, si bien informé de tout ce qui touchait au socinianisme, mentionne également cette réunion.

(52)  Baronius, Annales ecclesiastici ad annum 1546, n° 147.




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