XII Amos Comenius - La guerre à la papauté et à la maison d’Autriche préparée au milieu du XVIIème siècle
L'importance capitale de la propagande des Sociniens ne doit pas nous faire perdre de vue les autres sectes protestantes. Nous avons dit que les Anabaptistes, dès les premiersj ours de la Réforme, avaient tout de suite été aux plus extrêmes conséquences de la négation de toute autorité religieuse et civile. Après des manifestations très violentes qui attirèrent sur eux une répression énergique, les Anabaptistes devinrent les plus paisibles des sectaires et ne cherchèrent qu'à vivre isolés. Mais de leur sein sortirent plusieurs personnages animés d'un prosélytisme ardent. Tel fut Amos Komensky, en latin Comenius né en 1593, il fut d'abord professeur et prédicateur à Fulkneck, principal établissement des frères Moraves en Bohême. En 1641, il fait un séjour en Angleterre, où il put converser avec Elias Ashmole, avec Fludd, Blount et autres impies, qui se réunissaient dès lors dans les loges maçonniques, dans les sodalités socratiques ou dans les conventicules des rose-croix. Il mourut en 1671, à Amsterdam, le grand lieu de refuge des sectaires, des juifs et des athées.
« Ses
Opera didacticia, dit Findel, contiennent plusieurs passages dont l'analogie avec les
Constitutions maçonniques, publiées en 1723 par Anderson, est frappante... Après avoir travaillé vainement à l'union de toutes les
religions, il s'éteva à un
point de vue humain général.
Sa
Panergesia, comme il le dit lui-même, est un livre de conseils, dédié à l'humanité pour l'amélioration de tontes les choses humaines. » De plus, on trouve des passages comme ceux-ci dans ses écrits : « Nous devons retourner de la multiplicité à l'unité, des nombreuses erreurs à la simplicité, des conditions sociales,
fruits de la violence, à la
liberté native. Le nouveau, le royal chemin de la lumière et de la paix, qu'il faut prendre, n'amènera pas la destruction des philosophies actuelles, des
religions et des constitutions des Etats, car il n'a pas pour fin de détruire, mais de perfectionner. » Dans sa
Pansophie, il parle d'un temple de la sagesse à construire d'après les plans, les desseins et les lois du grand architecte, de
Dieu lui-même, et il ajoute : « Mais parce que cette uvre ne doit pas servir aux chrétiens seulement, mais à tous ceux qui sont nés hommes, elle pourrait être nommée encore plus
justement la
Pansophie ou sagesse humaine
(61). »
Un autre écrivain franc-maçon, Henne am Rhym, dans son ouvrage
Allgemeine Kulturgeschichte, t. IV, p. 214, indique en ces termes la grande
influence qu'a eu cet
Amos Comenius, si inconnu de l'
histoire générale :
La
conception de l'humanisme, dans son sens le plus haut et, pouvons-nous dire, tout à fait moderne, fut propagée en 1641 en Angleterre par le
frère Morave Amos Komensky, qui s'y était réfugié et qui y avait fait paraître, en 1639, son
Prodromus Pansophiæ. Après divers séjours en Angleterre, en Suède, en Hongrie, ou on l'accueillait comme un célèbre éducateur de la
jeunesse, il passa la seconde partie de sa vie à Lissa, comme
évêque de la communauté des
frères, et, après que cette ville eut été brûlée par les
Polonais, en 1656, il se retira en Hollande, où il mourut à Amsterdam en 1671. [...] Il professait et propageait la
tolérance générale de toutes les
religions et l'
amour de l'humanité se manifestant par la bienfaisance. Animé d'abord de l'espérance de réunir en une seule toutes les croyances chrétiennes, quand il se fut convaincu de l'impossibilité de réaliser ce projet, il rejeta toute différence confessionnelle et se plaça sur la
hauteur de l'humanité pure et dépouillée de tout préjugé. Persuadé que le Pape et la maison d'Autriche étaient les boulevards du fanatisme et opposaient le plus grand obstacle à cet
idéal, son ardent
amour de l'humanité ne l'empêchait pas de désirer la destruction de ces deux puissances, même avec l'aide des Turcs.
Son jugement, plein de fermeté, ne l'empêchait pas non plus d'attacher une grande importance à d'anciennes visions et à des prophéties qui prédisaient cette destruction et même de les publier par la voie de l'impression.
Lux in tenebris, tel est le titre d'un de ces recueils
(62).
On retrouve là encore l'une des formules mystérieuses chères aux loges et qui figureront dans de nombreux rituels
(63).
« Nulle part, ajoute l'écrivain que nous citons, les principes si purs et si humains de
Comenius ne trouvèrent un sol aussi bien préparé qu'en Angleterre, »
Henne am Rhym a raison d'indiquer
Amos Comenius comme l'un des principaux fondateurs de la maçonnerie. Il a non seulement formulé ses doctrines, mais encore arrêté le plan d'action que la secte a poursuivi avec tant de suite depuis un siècle et que Mazzini ne cessait de proclamer avec son ardente passion :
Destruction de la Papauté : anéantissement de la maison d'Autriche !
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(61) Geschichte der Freimaurerei, 4ème édition, Leipzig, 1878.
(62) Lux in tenebris h. e. Propheticæ donum quo Deus Ecclesiam Evangelicam sub tempus horrandæ ejus pro Evangelio persecutionis extremæque dissipationis ornare ac paterne solari dignatus est submissis de statu Ecclesiæ in terris presentis... anno inchoandæ libertatis 1657, in-4°.
(63) Voyez le rituel cité dans
Les Sociétés secrètes et la Société par le P. Deschamps et Claudio
Jannet, t. I, p. 93.